CCE, 11 décembre 2002, n° 2003-284
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Sniace SA
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (1), et notamment son article 14, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (2), et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 2 mars 1998, la Commission a reçu une plainte selon laquelle Sniace SA (ci-après dénommée "Sniace") aurait reçu une aide illégale sous la forme d'un prêt subordonné de 12 020 242 euro [2 milliards de pesetas espagnoles (ESP)] accordé à des conditions qui ne correspondent pas à celles du marché. La Commission a demandé à l'Espagne de lui fournir des informations à ce sujet et, les informations reçues étant insuffisantes, elle a enregistré l'affaire comme aide non notifiée le 11 décembre 1998.
(2) Par lettre du 11 avril 2000, la Commission a notifié à l'Espagne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de cette aide. L'Espagne a soumis ses observations par lettre du 5 juin 2000.
(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission ayant invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause, elle a reçu des observations de Sniace. Le 10 août 2000, elle a transmis ces observations aux autorités espagnoles en leur donnant la possibilité de les commenter, ce qu'elles ont choisi de ne pas faire.
(4) Par lettre du 2 octobre 2001, la Commission a adressé à l'Espagne une injonction de fournir des informations, à laquelle les autorités espagnoles ont répondu par lettre du 17 décembre 2001. Par lettre du 19 décembre 2001, Sniace a envoyé de nouvelles observations et a proposé qu'une réunion ait lieu pour clarifier la situation. La réunion a eu lieu en avril 2002. Par lettre du 31 mai 2002, les autorités espagnoles ont fourni des informations complémentaires à la Commission.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE
(5) Sniace est une entreprise ayant son siège à Torrelavega, en Cantabrique. Fortement intégrée verticalement, elle opère dans les secteurs de la gestion forestière et de la production de papier, de fibres synthétiques et de produits chimiques dérivés. En 2000, elle employait environ 600 personnes. De 1992 à 1996, Sniace a été mise en suspension de paiement, situation dont elle est sortie après avoir signé, le 26 septembre 1996, un accord avec ses principaux créanciers privés. En 1996, le Gouvernement de Cantabrique a chargé la société de conseil privée Coypsa d'élaborer un plan de viabilité pour Sniace. Le plan a été approuvé par les parties intéressées le 29 septembre 1996. En 1997, dans le contexte de ce plan, l'entreprise a renégocié ses dettes avec les autres créanciers, dont la sécurité sociale. En octobre 1998, la Commission a adopté une décision négative concernant les termes de cet accord de rééchelonnement en raison du niveau des taux d'intérêt négociés. Toutefois, en septembre 2000, à la suite d'un arrêt de la Cour de justice dans une affaire similaire concernant l'entreprise espagnole Tubacex (4), la Commission a décidé de révoquer sa décision initiale et elle a arrêté une décision positive concluant à l'absence d'aide (5).
(6) Dans ce même contexte, en janvier 1998, Caja Cantabria a décidé de concéder à Sniace un prêt de 12 020 242 euro (2 milliards d'ESP), d'une durée de huit ans courant de la date de signature du contrat (4 février 1998) au 2 janvier 2006. Il s'agit d'un prêt participatif subordonné qui, de par son caractère subordonné, ne sera remboursable qu'à l'échéance et qui, en cas de faillite de l'entreprise, prend rang après les créances ordinaires mais avant les droits des actionnaires. Comme il s'agit d'un prêt participatif, les intérêts dus dépendent des bénéfices réalisés par l'entreprise. Le taux d'intérêt comprend deux éléments: un élément fixe de 2 % et un élément variable, qui dépend des bénéfices de l'entreprise. L'élément variable, qui ne sera payé que si l'entreprise est bénéficiaire, a été fixé à respectivement 5 % en cas de bénéfices inférieurs à 3 millions d'euro (500 millions d'ESP), 8 % en cas de bénéfices compris entre 3 et 6 millions d'euro (entre 500 millions et 1 milliard d'ESP) et 10 % en cas de bénéfices supérieurs à 6 millions d'euro (1 milliard d'ESP). Cet élément variable ne peut cependant excéder le montant obtenu par l'application du MIBOR majoré de deux points au solde du principal. Pour 1998, l'intérêt a été fixé à 6,75 %. Si les parties le décident, le prêt peut être converti en actions ou en obligations participatives.
(7) Caja Cantabria est un établissement de crédit ayant le statut juridique d'une fondation privée. Il s'agit d'un établissement sans but lucratif, dont les résultats servent à financer des activités sociales et culturelles. La majorité (63 %) des droits de vote au sein de ses divers organes directeurs est aux mains de représentants politiques de la région. L'article 7 de la loi 1/1990 de la Communauté autonome de Cantabrique du 12 mars 1990 régissant les organes directeurs des caisses d'épargne (Cajas de Ahorros) prévoit, pour l'assemblée générale, la représentation suivante, qui se retrouve dans les autres organes directeurs: assemblées municipales (Corporaciones Municipales): 38 %, députations provinciales: 25 %, déposants de la caisse: 22 %, établissements d'intérêt social et culturel: 10 %, salariés de la caisse: 5 %. En application de l'article 10, paragraphe 2, de ladite loi, les représentants des députations provinciales sont désignés directement par la Communauté autonome. En outre, les pouvoirs publics participent à la nomination des représentants des établissements d'intérêt social et culturel. En l'absence de représentants des membres ou des organismes fondateurs, la représentation des organes publics est renforcée (6). Enfin, la caractère fragmenté de la représentation des clients renforce l'influence des membres nommés par les pouvoirs publics.
(8) Comme il a été indiqué à l'ouverture de la procédure, cette situation amène la Commission à considérer que les décisions de Caja Cantabria concernant le financement de certaines entreprises peuvent être dictées par des raisons d'intérêt public plutôt que par le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché. La Commission a décidé qu'il convenait d'examiner si, en l'espèce, le prêt accordé à Sniace l'avait été aux conditions normales du marché.
III. OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS
(9) Sniace est la seule partie qui soit intervenue. On peut résumer ses observations comme suit:
a) la phase préliminaire d'examen a duré trop longtemps et, pendant toute cette période, aussi bien les entreprises que les autorités espagnoles ont coopéré avec les services de la Commission. L'entreprise pouvait donc légitimement s'attendre à ce que le prêt ne soit pas considéré comme une aide;
b) Caja Cantabria est un établissement privé; les représentants publics qui sont membres de ses organes de décision agissent en toute indépendance. Les fonds qu'elle gère sont d'origine privée et ses prêts ne peuvent, par conséquent, constituer des aides d'État;
c) en tout état de cause, le prêt a été accordé conformément à la législation nationale et aux conditions normales du marché. Sniace a traversé des moments difficiles dans un passé récent mais, à l'heure actuelle, elle obtient de bons résultats, puisqu'elle a réalisé des bénéfices en 2000 et devrait, selon les prévisions, en réaliser aussi en 2001. D'autre part, l'entreprise possède des actifs évalués à environ 150 millions d'euro (25 milliards d'ESP). Il n'existe par conséquent aucun risque que le prêt ne soit pas remboursé;
d) d'autres banques privées ont indiqué qu'elles avaient accordé un prêt à Sniace à des conditions similaires. Les différences avec le prêt de Caja Cantabria sont minimes et si elles devaient constituer une aide d'État, celle-ci serait inférieure au seuil applicable aux aides de minimis. La Commission devrait donc autoriser le prêt à ses conditions actuelles;
e) si la Commission décidait néanmoins que le prêt constitue une aide, la Sniace demande à la Commission de l'autoriser en application des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) ou c).
IV. OBSERVATIONS DES AUTORITÉS ESPAGNOLES
(10) Par lettre du 5 juin 2000, les autorités espagnoles ont déclaré comprendre la surprise manifestée par l'entreprise devant la décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen après un examen préliminaire aussi long.
(11) Elles ont également rappelé que Caja Cantabria est un établissement de crédit privé et que les représentants publics qui sont membres de ses organes directeurs sont légalement tenus de s'acquitter de leurs fonctions en toute indépendance et de répondre personnellement de leurs actes, au même titre que tout autre membre d'un organe directeur d'un établissement financier privé. En conséquence, les autorités espagnoles estiment que le prêt en cause constitue un contrat entre un établissement de crédit privé et une entreprise privée et qu'il ne comporte pas d'élément d'aide.
(12) Par lettres du 17 décembre 2001 et du 31 mai 2002, en réponse à l'injonction de fournir des informations qui leur avait été adressée par la Commission le 2 octobre 2001, les autorités espagnoles ont réaffirmé que le prêt subordonné ne constituait pas une aide d'État. Les autorités espagnoles ont joint à leur lettre du 31 mai 2002 le plan de viabilité mis en œuvre par Sniace en 1996. Le Gouvernement espagnol déclare cependant qu'il ne faut pas tenir compte de ce plan de viabilité pour l'évaluation du prêt subordonné étant donné que celui-ci n'est pas mentionné dans le plan et que Caja Cantabria ne l'a accordé qu'en février 1998.
V. ÉVALUATION DE L'AIDE
1. Base juridique
(13) L'article 87, paragraphe 1, du traité CE dispose que sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises. L'article 87, paragraphe 3, prévoit la possibilité, sous certaines conditions, de considérer une aide comme compatible avec le Marché commun.
(14) La Commission a rendu publics les critères applicables à l'examen de la compatibilité avec le Marché commun des aides d'État à finalité régionale au regard des dispositions de l'article 87 dans ses lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (7). Pour les aides accordées à des entreprises du secteur des fibres synthétiques, la Commission a également publié des critères d'évaluation spécifiques, qui sont énoncés dans l'encadrement des aides à l'industrie des fibres synthétiques (8). Pour les aides à la restructuration d'entreprises en difficulté, les critères applicables sont définis dans les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (9).
(15) La Commission a également rendu publics les critères qu'elle applique pour l'évaluation de la présence d'éléments d'aide d'État dans les prêts accordés par l'État aux entreprises dans sa communication aux États membres concernant l'application des articles 87 et 88 aux entreprises publiques (10).
(16) Comme il est indiqué dans ladite communication, et selon une pratique bien établie, pour établir si un prêt inclut des éléments d'aide, et le cas échéant, quantifier l'aide, la Commission recourt au principe de l'investisseur privé agissant dans les conditions normales d'une économie de marché. Tout prêt accordé par un prêteur à un client aux conditions normales du marché comporte un risque. En général, le risque inhérent à tout prêt se reflète dans deux paramètres distincts: le taux d'intérêt appliqué et la garantie exigée en couverture du prêt.
(17) L'élément d'aide éventuellement contenu dans un prêt accordé par un prêteur public correspondrait à la différence entre le taux d'intérêt que l'entreprise paierait si elle devait couvrir le risque lié au prêt comme l'exigerait un prêteur privé et le taux effectivement payé. La Commission a également indiqué aux États membres (11) que les taux de référence qu'elle publie sont fixés de manière à refléter le niveau moyen des taux d'intérêt en vigueur, dans les différents États membres, pour les prêts à moyen et à long terme (cinq à dix ans) assortis de sûretés normales. Les taux de référence actuels équivalent ainsi aux taux interbancaires swap à cinq ans majorés d'une prime qui, dans le cas de l'Espagne, est de 75 points de base.
(18) Dans la même communication, la Commission indique aussi que le taux de référence ainsi déterminé est un taux d'intérêt plancher, qui peut être augmenté dans les situations de risque particulier, par exemple dans le cas d'une entreprise en difficulté ou en l'absence des sûretés normalement exigées par les banques. Dans de tels cas, la prime peut atteindre 400 points de bases et même davantage si aucune banque privée n'accepte d'accorder le prêt aux conditions normales du marché.
2. Aide accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État
(19) Caja Cantabria est un établissement de crédit ayant le statut juridique d'une fondation privée qui, outre les activités normales d'un établissement de crédit, poursuit des objectifs de caractère social et économique au niveau régional. Les représentants des autorités publiques de la région détiennent un pourcentage majoritaire (63 %) des droits de vote dans ses organes directeurs. En vertu des règles qui la régissent et selon la définition qui figure à l'article 2, paragraphe 2, point c), de la directive 80-723-CEE de la Commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (12), modifiée en dernier lieu par la directive 2000-52-CE (13), Caja Cantabria peut être considérée comme une entreprise publique. Au sens de cette directive, on entend par entreprise publique toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante et celle-ci est présumée lorsque les pouvoirs publics, directement ou indirectement, peuvent désigner plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de l'entreprise.
(20) La Commission n'est pas d'accord avec les observations formulées par l'Espagne et Sniace selon lesquelles le prêt était un accord entre un établissement privé et une entreprise privée, ce qui impliquait automatiquement l'absence d'aide. De même, le fait qu'une loi nationale (14) prévoit la possibilité d'accorder des prêts participatifs subordonnés n'implique pas automatiquement l'absence d'aide. Le prêt devait être évalué selon les critères utilisés pour analyser ce type de mesure.
(21) Le fait que les pouvoirs publics puissent exercer une influence dominante sur Caja Cantabria n'implique pas automatiquement que l'État a réellement exercé son pouvoir de contrôle dans un cas donné. En effet, même si l'État est en mesure d'exercer une influence dominante sur les activités d'une entreprise, on ne peut automatiquement en déduire qu'il a effectivement exercé ce pouvoir dans un cas donné (15). La Commission doit par conséquent examiner si les pouvoirs publics sont intervenus, d'une manière ou d'une autre, dans l'adoption des mesures en cause.
(22) Dans la présente affaire, la Commission a examiné les éléments d'appréciation fournis par les circonstances de l'affaire et le contexte dans lequel le prêt subordonné a été accordé et elle est arrivée à la conclusion que la mesure peut être considérée comme imputable à l'État pour les raisons exposées ci-dessous.
(23) En premier lieu, les autorités publiques ont joué un rôle très actif dans le relancement de Sniace et son retour à une activité normale après la période de suspension de paiement.La situation économique de Sniace a fait à plusieurs reprises l'objet de débats à l'assemblée régionale de Cantabrique. Lors de la séance du 4 juin 1996, l'assemblée régionale a voté a l'unanimité une motion, dont le point 4 invitait le Gouvernement régional à:
"utiliser toute la capacité de pression politique et administrative du conseil de gouvernement pour que Banesto et Banco de Santander défendent son point de vue concernant l'avenir de Sniace, ainsi que son engagement à cet égard"
(16).
(24) Dans le même temps, le Gouvernement de Cantabrique a chargé la société de conseil Coypsa d'établir le plan de viabilité qui a servi de base au retour de Sniace à l'activité normale(17), plan qui a été approuvé par la suite par l'entreprise et les syndicats.
(25) Après l'adoption du plan de viabilité en septembre 1996, les autorités locales ont également joué un rôle actif dans sa mise en œuvre. Un groupe de travail a été constitué, avec la participation de représentants du Gouvernement de Cantabrique, de la municipalité de Torrelavega, de la direction de Sniace, des syndicats, de la société de conseil Coypsa et, pour plusieurs réunions, de la banque privée Banesto. Le groupe de travail s'est réuni régulièrement pour discuter de l'exécution du plan de viabilité, notamment des aspects liés à son financement.
(26) L'assemblée régionale de Cantabrique s'est également intéressée à l'exécution du plan de viabilité. Des représentants de la banque privée Banesto, un des principaux créanciers de Sniace, ont été entendus par l'assemblée régionale de Cantabrique le 5 juillet 1996 et le 22 janvier 1997.
(27) Deuxièmement, les autorités locales sont également intervenues dans l'exécution du plan en prenant une part active aux aspects liés à son financement.Le 22 janvier 1997, M. Robles, représentant de Banesto, est intervenu lors d'une séance de l'assemblée régionale de Cantabrique. Il a affirmé, à cette occasion, que la banque était disposée à accorder à Sniace un prêt d'un montant maximal de 10,2 millions d'euro (1,7 milliard d'ESP) et une ligne de crédit d'environ 18 millions d'euro (3 milliards d'ESP), à condition que Sniace en ait besoin et qu'une sécurité adéquate soit constituée (18). En réponse à des questions précises concernant la position de Banesto, M. Robles a indiqué que la nécessité d'une garantie constituait le problème principal dans les négociations en cours avec Sniace (19).
(28) La Commission prend en considération les éléments d'information suivants parus dans la presse (20): à l'été 1997, Caja Cantabria a confirmé qu'elle était prête à accorder la moitié du prêt de 12 millions d'euro, pour autant que Banesto accorde l'autre moitié. Contrairement à Banesto, Caja Cantabria ne participait, à ce moment-là, que dans une mesure limitée au financement de Sniace.
(29) Les négociations concernant le prêt ont été menées à bien dans le cadre du groupe de travail sur Sniace. Le journal El Diario Montañés (21) a rapporté une déclaration faite par le président du conseil d'administration de Sniace, M. Blas Mezquita, à la fin d'une réunion du groupe de travail qui s'est tenue le 24 novembre 1997 dans les locaux du ministère de l'Industrie du Gouvernement de Cantabrique (Consejería de Industria del Gobierno de Cantabria). Selon les informations fournies par ce quotidien, M. Blas Mezquita avait affirmé que la principale décision prise au sein du groupe de travail avait été que le Gouvernement de Cantabrique interviendrait directement comme intermédiaire pour garantir le prêt de 12 millions d'euro à Sniace.
(30) À la fin janvier de 1998, à la suite du refus de Banesto d'accorder le prêt subordonné à Sniace, Caja Cantabria a accepté d'accorder la totalité du prêt de 12 millions d'euro. Selon les informations fournies par la presse, lors du conseil au cours duquel l'octroi du prêt a été décidé, un représentant des clients de la banque et le représentant de l'association des entreprises de Cantabrique ont voté contre l'octroi du prêt (22). Selon l'association d'entreprises CEOE-Cepyme, le prêt subordonné ne présentait pas toutes les garanties nécessaires pour Caja Cantabria (23).
(31) Troisièmement, d'autres circonstances de l'espèce conduisent à penser que le prêt subordonné peut être considéré comme imputable à l'État. Le choix de l'instrument financier, un prêt subordonné, est inhabituel pour un établissement de crédit agissant selon des critères purement commerciaux. Les prêts subordonnés ne sont remboursables qu'à l'échéance et, en cas de faillite de l'entreprise, ils prennent rang après les créances ordinaires mais avant les droits des actionnaires. Une banque n'ayant pas assumé de risques à l'égard du débiteur potentiel, ce qui était le cas de Caja Cantabria, aurait normalement exigé de meilleures sûretés et garanties avant de décider d'accorder un nouveau crédit.
(32) En outre, le prêt subordonné était très important pour garantir la viabilité financière de Sniace. À la fin de 1997, celle-ci présentait un actif négatif de 10,4 millions d'euro; à la fin de 1998, elle disposait d'un actif de 6,4 millions d'euro grâce au prêt subordonné en cause, à une augmentation de capital et à la renégociation de ses anciennes dettes avec ses créanciers. De plus, le prêt constituait une part très importante de l'endettement de Sniace, représentant en 1998 respectivement 73 % de ses dettes à long terme et 26 % de ses dettes totales envers des établissements de crédit. Enfin, il représentait environ un cinquième de son chiffre d'affaires en 1998.
(33) À l'époque où le prêt a été accordé, Sniace était un acteur très important de l'économie locale. Avec un effectif de 600 personnes, c'était un important pourvoyeur d'emplois dans la communauté de Cantabrique, dont le taux de chômage atteignait 20,9 % de la population active en 1997 (24). L'importance de Sniace pour l'économie de Cantabrique est confirmée par le fait que le retour à la viabilité de l'entreprise a été présenté comme un succès considérable de la politique industrielle du gouvernement (25) lors du débat sur l'orientation politique du Gouvernement de Cantabrique qui a eu lieu le 15 juin 1998.
(34) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission est arrivée à la conclusion qu'il est très peu probable qu'en l'espèce les pouvoirs publics ne soient pas intervenus dans la décision d'accorder le prêt subordonné de Caja Cantabria à Sniace. Les circonstances qui entourent l'octroi du prêt indiquent que les pouvoirs publics sont intervenus dans le processus d'octroi. En conséquence, le prêt subordonné peut être considéré comme imputable à l'État.
(35) La section suivante a pour objet d'analyser si les conditions du prêt correspondent ou non à celles qu'un créancier privé, agissant dans des conditions de marché normales, aurait offert dans des circonstances identiques.
3. Aide ayant pour bénéficiaire une entreprise donnée
(36) Le prêt accordé par Caja Cantabria est un prêt d'une durée de huit ans, qui n'est pas assorti de garanties et est soumis à un taux d'intérêt annuel variable qui peut aller de 2 %, si l'entreprise ne réalise pas de bénéfices, au MIBOR + 4 si elle est fortement bénéficiaire. Pour établir l'existence d'éléments d'aide et les quantifier, il est nécessaire de comparer les conditions du prêt aux conditions qui auraient été acceptables pour un établissement de crédit dans des conditions de marché normales. Pour ce faire, il convient de tenir compte de la situation particulière de Sniace.
(37) Sniace a connu pendant plusieurs années des difficultés économiques qui l'ont amenée à une situation de suspension de paiement de 1992 à 1996, à laquelle il a été mis fin par un plan de viabilité et un accord conclu par Sniace avec ses créanciers privés, en vertu duquel ceux-ci acceptaient de rééchelonner et de réduire leurs créances, permettant ainsi à l'entreprise de réduire son endettement. Par la suite, l'entreprise a négocié séparément avec ses créanciers publics et a obtenu un rééchelonnement de sa dette envers la sécurité sociale. Le plan a établi pour la société une stratégie d'entreprise comportant de nouveaux investissements, en particulier dans une centrale énergétique qui devait être cofinancée par l'entreprise privée Abengoa, en vue de permettre à Sniace de réduire ses coûts de production. D'autres investissements ont également été réalisés pour moderniser l'outil et permettre une utilisation optimale de toutes les installations.
(38) Sniace est une entreprise importante de l'industrie papetière, secteur où les coûts de production variables sont très importants. Le plan de viabilité, qui est centré sur cet aspect, détermine les atouts et les handicaps de l'entreprise et définit des mesures propres à réduire les coûts. Il prévoit le retour à la viabilité de l'entreprise et l'obtention de bénéfices. De fait, l'entreprise aurait obtenu d'importants résultats positifs en 2000, qu'elle espère confirmer en 2001. Tous les créanciers de l'entreprise avaient accepté de contribuer à sa mise en œuvre, soit en signant l'accord avec les créanciers, soit en renégociant, en 1997, les conditions de remboursement des dettes. En 1997 également, le capital social de l'entreprise a été augmenté, moyennant l'émission de nouvelles actions, afin de réduire l'endettement. D'un point de vue industriel, l'entreprise avait amorcé son retour à une activité productive normale dès 1997, et elle était prête à réaliser une série de gros investissements jugés nécessaires, dont la construction de sa propre centrale énergétique.
(39) Compte tenu de ces circonstances, la Commission estime qu'un établissement de crédit opérant dans des conditions de marché normales aurait pu octroyer le prêt que Caja Cantabria a accordé à Sniace. Reste à savoir s'il l'aurait fait aux mêmes conditions que Caja Cantabria.
(40) La Commission ne peut pas non plus accepter le point de vue de Sniace selon lequel, au cas où le prêt comporterait une aide, celle-ci devrait être calculée d'après les conditions indiquées dans des lettres envoyées par des banques privées concernant des prêts, identiques à celui en cause, qu'elles auraient pu envisager d'accorder à Sniace. Les lettres ne sont pas une offre de crédit faite en janvier 1998, mais une déclaration, faite en 1999, concernant ce que les banques auraient pu faire dans le passé. Elles ne prouvent par conséquent pas que les banques étaient disposées, à ce moment précis et dans les circonstances particulières dans lesquelles le prêt subordonné a été accordé, à offrir des conditions similaires à celles de Caja Cantabria. La Commission note également que les autorités espagnoles n'ont pas fourni d'informations sur les négociations avec Banesto, bien que cette banque ait de toute évidence négociée avec Sniace les conditions d'un prêt subordonné, qu'elle a finalement décidé de ne pas accorder. Telles sont les raisons pour lesquelles le calcul de l'élément d'aide inclus dans le prêt subordonné doit être effectué selon les critères établis et rendus publics par la Commission dans plusieurs communications susmentionnées.
(41) Sniace n'a fourni aucune sûreté pour couvrir le prêt. Le fait que Sniace disposait d'actifs estimés à environ 150 millions d'euro ne peut être considéré comme une garantie suffisante, étant donné que Caja Cantabria ne jouissait d'aucun droit particulier sur ces actifs. Au contraire, en cas de faillite, ses droits n'auraient pu être honorés qu'après ceux des autres créanciers. La possibilité de convertir le prêt en actions et obligations - ce qui permet de l'amortir avant l'échéance - ne peut pas non plus être considérée comme pouvant se substituer à la garantie normalement exigée. Pour accorder un prêt présentant ces caractéristiques, tout prêteur privé agissant dans des conditions de marché normales aurait exigé des actifs de première qualité pour garantir le prêt ou aurait augmenté le taux d'intérêt appliqué pour couvrir le risque supplémentaire.
(42) Compte tenu des caractéristiques du prêt et de l'histoire de Sniace, ainsi que du fait qu'en 1998 l'entreprise commençait peu à peu à sortir des graves difficultés qui avaient menacé sa survie, la Commission considère que le taux d'intérêt normal pour couvrir le risque inhérent au prêt aurait été de 12,2 %. Cela correspond au taux interbancaire utilisé par la Commission pour calculer son taux du marché de référence majoré des 75 points de base normalement applicables pour les prêts en Espagne et de 600 points supplémentaires pour l'absence de sûretés. Ce calcul est conforme aux indications contenues dans la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence, selon laquelle le taux de référence peut être majoré de 400 points de base ou davantage dans des situations de risque particulier. Le taux normal du marché suppose un intérêt annuel de 1 466 701 euro pour une année ordinaire (de 1999 à 2005) (26). Le montant total des intérêts payés au bout des huit années de durée du prêt serait de 9 454 365 euro aux prix de 1998.
(43) Pour calculer le taux d'intérêt payé par Sniace pendant la durée du prêt, il faut tenir compte du fait que l'intérêt réellement payé dépend de deux facteurs - la rentabilité de Sniace et l'indice MIBOR durant la période 1998-2006 - que les parties ne pouvaient pas connaître quand le prêt a été accordé. Dans la pire des hypothèses, à savoir celle où Sniace ne réaliserait de bénéfice dans aucune des années de la période considérée, les intérêts payés s'élèveraient à 240 000 euro par année ordinaire (de 1999 à 2005) (27). Au terme des huit années de durée du prêt, le total des intérêts payés s'élèverait à 2066108 euro aux prix de 1998.
(44) Il n'est pas possible d'établir de scénario optimal sur la base des informations dont disposaient les parties lorsque le prêt a été accordé. Toutefois, la Commission considère que l'on peut réaliser une approximation utile en calculant l'intérêt que paierait Sniace si elle réalisait les objectifs, en termes de bénéfices, fixés dans le plan de viabilité (28). La Commission a calculé que, dans cette hypothèse, le total des intérêts payés s'élèverait à 4 340 602 euro aux prix de 1998.
(45) En conséquence, la Commission est arrivée à la conclusion que, dans la pire des hypothèses, l'avantage accordé à Sniace s'élèverait à 7 388 258 euro et dans la meilleure à 5 113 763 euro. En tout état de cause, l'avantage conféré à Sniace dépasse le seuil de 100 000 euro applicable aux aides de minimis.
4. Aide affectant le commerce entre les États membres
(46) Compte tenu de l'existence d'un commerce intense entre les États membres dans les secteurs de la production de papier, des fibres synthétiques et des produits chimiques dérivés, la mesure en cause est susceptible de fausser la concurrence dans la Communauté en conférant à Sniace un avantage sur ses concurrents qui ne bénéficient pas d'aide. La mesure constitue par conséquent une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
VI. COMPATIBILITÉ DE L'AIDE
(47) La Commission n'est pas d'accord avec les observations présentées par les autorités espagnoles et par Sniace selon lesquelles l'entreprise pouvait légitimement escompter une décision positive en raison de la longueur de la phase d'examen préliminaire. En fait, la Cour de justice a considéré à plusieurs reprises que les entreprises ne pouvaient invoquer la confiance légitime lorsque l'aide est accordée sans que les règles soient pleinement respectées. Dans la présente affaire, l'aide n'a pas été notifiée et un examen préliminaire ne saurait préjuger la décision finale sur l'affaire.
(48) La Commission doit déterminer si cette aide peut être considérée comme compatible avec le Marché commun en vertu de l'une des dérogations prévues par le traité. Dans sa réponse à la décision d'ouvrir la procédure, Sniace a indiqué que, du fait de son caractère de quasi-capital, le prêt avait été utilisé pour répondre aux besoins courants de l'entreprise et qu'il n'avait pas été alloué à un objectif précis.
(49) La Commission estime que l'aide en cause ne peut être considérée comme une aide à l'investissement, mais doit être considérée comme une aide au fonctionnement. Bien que l'entreprise soit située dans une zone qui peut bénéficier d'aides régionales au titre de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), ce type d'aide ad hoc n'est pas conçu comme une aide régionale à proprement parler. L'aide ne remplit pas les conditions requises pour être considérée comme une aide à l'investissement initial, ni les critères applicables aux aides à la création d'emplois, comme l'exigent les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale. L'aide ne remplit pas non plus les conditions fixées par lesdites lignes directrices pour l'autorisation des aides au fonctionnement dans les régions relevant du point a) (29). L'aide ne peut par conséquent être considérée comme compatible en application de ce cadre juridique.
(50) Étant donné que Sniace produit des fibres synthétiques, l'aide qui lui a été accordée pourrait être couverte par l'encadrement des aides à l'industrie des fibres synthétiques. Toutefois, celui-ci ne prévoit de conditions spéciales que pour les aides à l'investissement dans des biens d'équipement dont il spécifie la nature, tout autre type d'aide devant être évalué au regard des règles horizontales. Étant donné que l'aide en cause ne constitue pas un soutien direct aux processus industriels d'extrusion, de texturation ou de polymérisation ni à aucun processus annexe intégré à la capacité d'extrusion et/ou de texturation au niveau des équipements utilisés au sens de l'encadrement des aides à l'industrie des fibres synthétiques, les conditions d'applicabilité dudit encadrement ne peuvent être considérées comme remplies (voir les considérants 55 et 56).
(51) Il reste la possibilité d'évaluer l'aide au regard des lignes directrices sur les aides à la restructuration en vertu desquelles les aides au fonctionnement peuvent, sous certaines conditions, être jugées compatibles. En premier lieu, il convient de démontrer que Sniace était une entreprise en difficulté, incapable de se redresser par ses propres moyens. En second lieu, l'aide doit être évaluée sur la base d'un plan de restructuration destiné à rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise.
(52) En ce qui concerne les difficultés auxquelles Sniace a été confrontée, des coûts de production élevés, une part de marché en déclin et des marchés en récession ont conduit l'entreprise à demander la suspension de paiement en 1992. Celle-ci a été déclarée en mars 1993 et levée en octobre 1996, après que les créanciers privés ont accepté de convertir 40 % des dettes de l'entreprise en actions. Les créanciers du secteur public ont décidé de ne pas adhérer à cet accord. Il est donc clair que, en 1996, lorsque a été élaboré le plan de viabilité, Sniace était une entreprise en difficulté. Le tableau 1 résume la situation financière de l'entreprise de 1991 à 1996.
TABLEAU 1
<emplacement tableau>
(53) En juin 1996, le Gouvernement de Cantabrique a chargé la société de conseil privée Coypsa d'établir un plan de viabilité pour Sniace. Le plan analyse la situation de Sniace après la suspension de paiement et expose les mesures qui doivent être prises dans les années ultérieures dans les domaines industriel et financier pour garantir la viabilité à long terme de l'entreprise.
(54) Sniace a approuvé le plan de viabilité en septembre 1996 et a commencé à l'appliquer en 1997 et 1998, comme il est indiqué au point 3.2 du rapport annuel de 1998. Le même point du rapport annuel mentionne expressément le prêt subordonné (décrit au point 11.1 du rapport) comme un élément de la mise en œuvre du plan de viabilité. Telle est la raison pour laquelle l'argument des autorités espagnoles selon lequel le plan de viabilité ne doit pas entrer en ligne de compte pour l'évaluation du prêt subordonné ne peut être retenu.
(55) Le plan de viabilité consistait principalement en une série de mesures destinées à réduire les coûts de production et, en particulier, les coûts énergétiques. Le projet de construction d'une centrale de cogénération en association avec l'entreprise espagnole Abengoa SA revêtait une importance particulière à cet égard. La centrale de cogénération réduirait sensiblement l'incidence des achats d'électricité sur les coûts de production, ce qui rendrait les produits de l'entreprise plus compétitifs, surtout ceux dont le processus de production est énergivore, comme le papier et les fibres synthétiques.
(56) D'autres mesures prévues par le plan visent à réduire les coûts liés à la production d'effluents (nouvelles installations de traitement des déchets et de gestion des eaux), ainsi que les frais de fonctionnement (réduction des dépenses générales, rationalisation des départements administratif et des ventes, fermeture de sites non indispensables à Barcelone et à Madrid).
(57) Le plan ne prévoyait pas de réductions de capacité permanentes sur les lignes de production existantes ni d'investissements destinés à augmenter la capacité installée, abstraction faite de l'augmentation de la capacité de production d'énergie résultant de la construction de la nouvelle installation de cogénération.
(58) Les moyens financiers estimés nécessaires pour exécuter le plan comprennent une ligne de crédit de 3 millions d'euro pour relancer la production sur les lignes qui ont été arrêtées à la suite de la suspension de paiement, une ligne de crédit de 18 millions d'euro pour financer le fonds de roulement et un montant de 9,2 millions d'euro pour financer les investissements prévus par le plan. En outre, le plan a déterminé les conditions nécessaires pour maintenir l'endettement préexistant à un niveau approprié, principalement par sa transformation en dettes à long terme.
(59) Il convient donc d'établir si, sur la base de son plan de viabilité, Sniace remplit les critères requis pour pouvoir bénéficier d'une aide à la restructuration. À cet effet, il est nécessaire de démontrer que le plan de viabilité remplit les conditions suivantes, qui sont énoncées au point 3.2.2 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration:
a) le plan doit permettre de rétablir la viabilité à long terme de Sniace sur la base d'hypothèses réalistes;
b) l'aide doit éviter de fausser indûment la concurrence;
c) l'aide doit être proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration;
d) l'entreprise doit mettre en œuvre intégralement le plan et respecter les conditions qu'il prévoit.
(60) En ce qui concerne le rétablissement de la viabilité à long terme de Sniace, il doit avoir lieu dans un délai raisonnable et sur la base d'hypothèses réalistes en ce qui concerne les futures conditions d'exploitation de l'entreprise. L'amélioration de la viabilité doit résulter principalement de mesures internes, de manière à assurer le succès de l'entreprise une fois achevé le processus de restructuration.
(61) Dans la présente affaire, le plan de viabilité couvre la période 1997-2001. Sur la base des informations contenues dans le plan, on peut conclure que celui-ci constitue une base garantissant la viabilité à long terme de Sniace. Le plan de viabilité est principalement axé sur la réduction des coûts de production, en particulier les coûts énergétiques et environnementaux, qui faisaient que les produits de Sniace n'étaient pas compétitifs sur le marché. Une autre mesure importante prévue par le plan consiste à optimiser l'utilisation des capacités pour répondre aux conditions de la demande et éviter des achats coûteux d'énergie pendant la période intermédiaire. Selon le plan, l'entreprise devait retrouver une rentabilité limitée en 1997 et une rentabilité satisfaisante à partir de 1999 (tableau 2).
TABLEAU 2
<emplacement tableau>
(62) Le réalisme des hypothèses sur lesquelles se fonde le plan de viabilité est démontré par l'évolution historique des résultats de Sniace, qui sont présentés au tableau 3. Bien que le redressement du chiffre d'affaires de Sniace et le retour à la rentabilité aient été plus lents que prévu, le niveau du résultat d'exploitation et celui du chiffre d'affaires en 2000 et 2001 correspondent dans une large mesure aux chiffres prévus par le plan.
TABLEAU 3
<emplacement tableau>
(63) Sur cette base, la Commission considère que le critère de la viabilité est respecté.
(64) En ce qui concerne l'incidence de l'aide sur les concurrents de Sniace, les lignes directrices sur les aides à la restructuration exigent que des mesures soient prises pour éviter que la concurrence soit indûment faussée. Cela implique que s'il existe une surcapacité structurelle dans le secteur concerné, le plan de restructuration doit contribuer, en proportion de l'aide reçue et de ses conséquences sur le marché concerné, à la restructuration du secteur par une réduction ou la fermeture irréversibles de capacités de production.
(65) Selon les lignes directrices, le fait qu'une entreprise est située dans une région assistée ne justifie pas en soi une approche tout à fait permissive à l'égard des aides à la restructuration. Toutefois, l'obligation d'éviter toute distorsion indue de la concurrence peut être appliquée avec plus de souplesse dans les régions assistées, en particulier dans les régions considérées comme défavorisées au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), catégorie à laquelle appartient Torrelavega, en Cantabrique, depuis 1995.
(66) Bien qu'il ne fasse aucun doute qu'une concurrence s'exerce, à l'intérieur de l'Union européenne, dans les secteurs où Sniace est présente, il est important de noter que le plan de viabilité ne prévoyait aucune augmentation de la capacité installée dans ces secteurs. En particulier, la construction de la centrale énergétique ne signifierait pas la disparition du goulot d'étranglement existant dans la production et n'aurait donc pas pour effet d'intensifier l'utilisation de la capacité en place. Elle permettrait, en revanche, de réduire l'incidence des coûts énergétiques sur les coûts totaux, puisqu'il serait possible de remplacer de l'énergie achetée au réseau par de l'énergie produite en interne. Une meilleure utilisation de la capacité existante une fois achevé le processus de restructuration et la mise en œuvre des mesures de rationalisation étaient nécessaires pour permettre à Sniace de redevenir bénéficiaire en 2000. Si elle est nécessaire pour rétablir la viabilité de l'entreprise dans une zone assistée, l'aide en cause ne permet cependant pas à Sniace d'augmenter sa capacité aux dépens de ses concurrents pendant la mise en œuvre du plan. L'augmentation de la capacité de production d'énergie est réellement indispensable pour réduire les coûts de fonctionnement de l'entreprise et assurer la rentabilité à moyen terme.
(67) Quant à savoir si l'aide est proportionnée aux coûts de restructuration, il apparaît que le retour à la viabilité de Sniace ne dépend pas seulement de l'aide reçue. Il en serait ainsi même si l'on retenait pour Sniace la pire des hypothèses, c'est-à-dire l'absence totale de bénéfices de 1999 à 2005 (scénario qui ne s'est pas réalisé) et si l'on calculait par conséquent l'élément d'aide à 7 388 258 euro. Dans ce cas, l'intensité de l'aide n'atteindrait que 24,5 % des coûts totaux estimés à 30,2 millions d'euro dans le plan de viabilité. Ce pourcentage se réduirait encore dans l'hypothèse où Sniace paierait des intérêts plus élevés à Caja Cantabria (comme ce fut le cas en 2000 et 2001).
(68) La Commission est arrivée à la conclusion que l'aide dont a bénéficié Sniace se limite au minimum nécessaire et ne crée pas de liquidités excédentaires que l'entreprise pourrait consacrer à des activités susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché et qui ne seraient pas liées au processus de restructuration. L'aide en cause est également liée aux mesures qui sont nécessaires pour appliquer le plan de viabilité et elle ne réduit pas les charges financières de l'entreprise de manière excessive.
(69) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission estime que l'aide à la restructuration faisant l'objet de la présente appréciation est compatible avec le Marché commun.
VII. CONCLUSIONS
(70) La Commission considère que le prêt accordé par Caja Cantabria à Sniace comporte un élément d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1. L'Espagne a par conséquent illégalement mis à exécution l'aide en question, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Toutefois, comme il ressort de l'appréciation ci-dessus, l'aide remplit les conditions d'applicabilité de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), et elle est par conséquent compatible avec le traité,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Sniace, pour un montant maximal de 7 388 258 euro, est compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.
Article 2
Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.
(1) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(2) JO C 162 du 1.6.2000, p. 15.
(3) Voir note 2 de bas de page.
(4) Voir l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-342-96 du 29 avril 1999, Rec. 1999, p. I-2459.
(5) JO L 11 du 16.1.2001, p. 46.
(6) Tel est le cas de Caja Cantabria. Ainsi, la composition de l'assemblée générale au 31 décembre 2001 était la suivante: assemblées municipales: 40 %, députations provinciales: 27 %, déposants de la caisse: 23 %, établissements d'intérêt social et culturel: 5 %, salariés de la caisse: 5 %. Dix des quinze membres du conseil d'administration en place à cette même date (dont le président, deux vice-présidents et le secrétaire) avaient été nommés par les pouvoirs publics.
(7) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.
(8) JO C 94 du 30.3.1996, p. 11.
(9) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12. Ces lignes directrices ont été révisées en 1999 (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2). La version de 1999 des lignes directrices n'est pas applicable étant donné que les aides présumées ont été accordées avant la publication de cette nouvelle version (voir la section 7 de la version de 1999).
(10) JO C 307 du 13.11.1993, p. 3.
(11) Communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (JO C 273 du 9.9.1997, p. 3).
(12) JO L 195 du 29.7.1980, p. 35.
(13) JO L 193 du 29.7.2000, p. 75.
(14) Loi 27-1984 du 26 juillet sur la reconversion et la réindustrialisation.
(15) Arrêt de la Cour de justice du 13 mai 2002 dans l'affaire C-482-99, Rec. 2002, p. I-4397.
(16) Diario de Sesiones de la Asamblea Regional de Cantabria N 34 du 4 juin 1996, p. 1230.
(17) Cela a été confirmé notamment par la déclaration de M. Alvarez Redondo, représentant du Gouvernement de Cantabrique, devant le Parlement de Cantabrique le 17 juillet 1996: "Nous ne pouvons oublier que la réalisation du plan de viabilité a été une initiative du Conseil du Gouvernement", Diario de Sesiones de la Asamblea Regional de Cantabria N 98 du 17 juillet 1996, p. 1885.
(18) Diario de Sesiones de la Asamblea Regional de Cantabria N 150 du 22 janvier 1997, p. 2812.
(19) Diario de Sesiones de la Asamblea Regional de Cantabria N 150 du 22 janvier 1997, p. 2817.
(20) El Diario Montañés, éditions du 17 août 1997, p. 1 et 16; du 20 août 1997, p. 17; du 23 août 1997, p. 18; du 3 septembre 1997, p. 16 et du 28 octobre 1997, p. 16.
(21) Édition du 25 novembre 1997, p. 16.
(22) Alerta, édition du 30 janvier 1998, p. 29.
(23) Alerta, édition du 29 janvier 1998, p. 33.
(24) Source: base de données Newcronos d'Eurostat, statistiques régionales.
(25) Diario de Sesiones de la Asamblea Regional de Cantabria n° 119.1 du 15 juin 1998, p. 3849.
(26) En 1998, les charges d'intérêts auraient été légèrement inférieures à 1 325 849 euro, étant donné que le prêt a été octroyé le 4 février et que, par conséquent, les intérêts n'ont pas couru sur une année civile entière.
(27) Pour 1998, les parties ont fixé les charges d'intérêts à 733 564 euro.
(28) Et en faisant deux autres suppositions: premièrement, en supposant que pendant les années 2002-2005, le bénéfice reste constant, au niveau prévu dans le plan pour les années 1999-2001; deuxièmement, en supposant que l'intérêt payé soit toujours inférieur au plafond MIBOR + 2.
(29) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9. Voir notamment la section 2, la note 10 de bas de page et le point 4.17.