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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 29 mai 1998, n° 95-05162

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cegid Informatique (SA)

Défendeur :

Samino (SARL), Locunivers (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

Mmes Robert, Martin

Avocats :

Mes Brumm, Godest

T. com. Lyon, du 24 mai 1995

24 mai 1995

Faits procédure et prétentions des parties

La société Cegid Informatique a vendu du matériel et des progiciels informatiques à la société Samino avec financement par la société Locunivers.

Par actes en date des 26 juin et 8 juillet 1992, la société Samino a assigné la société Cegid Informatique et la société Locunivers de Lyon en nullité de la convention de fourniture de l'installation informatique et en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 24 mai 1995, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- dit nul le contrat de vente conclu entre la société Samino et la société Cegid Informatique, avec financement par la société Locunivers,

- ordonné à la société Samino la restitution du matériel et des progiciels à la société Cegid Informatique ;

- condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Locunivers la somme de 271 706,75 F plus intérêts de retard au taux légal à compter du 17 janvier 1994 ;

- ordonné à la société Cegid Informatique de restituer à la société Samino le chèque de 12 000 F remis à titre d'acompte dans les huit jours de la signification du jugement,

- débouté la société Samino de sa demande de dommages et intérêts et d'expertise ;

- condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Samino et à la société Locunivers respectivement la somme de 15 000 F et 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société Cegid a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la cour :

- de rejeter la demande en résolution du contrat ;

- de rejeter la demande de restitution du chèque de garantie de 12 000 F ;

- de rejeter la demande de dommages et intérêts ;

- de condamner la société Samino à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- subsidiairement, de désigner un expert.

Elle fait valoir à l'appui de ses prétentions :

- qu'elle a livré du matériel et cinq progiciels et que des griefs sont formulés seulement à l'encontre du logiciel GBII NEGOCE ;

- que la société Samino se contente d'affirmer qu'en sa qualité de grossiste, elle passe des commandes fournisseurs dépassant 999 pièces pour un article ; qu'elle précise effectuer une gestion par taille et par couleur ; que pour que le système soit inadapté encore faudrait-il qu'elle gère des articles de même taille et de même couleur en quantité supérieure à 999 ; que cette preuve n'a jamais été rapportée ;

- qu'il s'agit d'un progiciel ; que le fournisseur fait état des fonctionnalités de son produit et qu'il appartient au client d'estimer ou non que le produit fini correspond ou non à ses besoins ; qu'il s'agit ici d'un besoin spécifique de la société Samino qui aurait dû en faire état ; qu'une présentation complète des produits a eu lieu ;

- que la demande n'est pas fondée eu égard à ses conditions générales de vente qui sont valables

- que le chèque de 12 000 F a été restitué ;

- qu'aucune preuve d'un préjudice en relation de causalité avec une faute n'est rapportée.

La société Samino demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris ;

Y ajoutant

- de lui donner acte de ce qu'elle a fait le nécessaire pour restituer le matériel informatique livré ;

- de condamner la société Cegid Informatique à lui verser la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par le dysfonctionnement de l'installation ;

- de condamner la société Cegid Informatique à lui verser une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 36 180 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- subsidiairement si la cour estimait nécessaire de désigner un expert, d'ordonner que les frais d'expertise seront à la charge de l'appelante.

Elle soutient :

- que prenant acte des inexécutions et du défaut manifeste de conformité de l'installation elle en a informé la société Cegid Informatique dès le 28 janvier 1992 ;

- qu'elle doit entrer des commandes fournisseurs en quantité au moins supérieure à trois chiffres en sa qualité d'importateur grossiste ;

- qu'elle ne gère pas systématiquement ses commandes par taille et par couleur et que d'ailleurs elle a rencontré des difficultés pour gérer des commandes par taille et par couleur dans des quantités supérieures à trois chiffres ;

- qu'il appartenait à la société Cegid Informatique tenue d'une obligation d'information de mise en garde de faire une étude de ses besoins ;

- qu'elle n'a pas apporté tous les renseignements nécessaires ;

- qu'elle devait fournir un système informatique adapté aux besoins de l'utilisateur alors qu'elle avait été informée de sa qualité de grossiste ;

- qu'elle-même n'a pas accepté les conditions générales de vente qui ne figuraient pas de façon apparente et lisible ;

- que les clauses de responsabilité invoquées doivent être réputées non écrites et notamment celle figurant à l'article 1;

- que la société Cegid Informatique ne rapporte pas la preuve de ce que le matériel qu'elle réclame a été effectivement livré ;

- qu'elle a dû traiter manuellement des opérations sans pouvoir recourir à l'installation ; qu'elle a été dans l'obligation de prolonger le crédit bail de son ancien matériel ; que l'absence de fonctionnalité de l'installation de la société Cegid Informatique l'a totalement désorganisée ; que cette désorganisation sociale s'est accompagnée d'une désorganisation économique.

La société Locunivers n'a pas constitué avoué.

Motifs et décision

Attendu que dès le 12 janvier 1992, la société Samino a écrit à la société Cegid Informatique pour l'informer que l'intervention sur le site de sa formatrice n'avait pas été concluante et qu'il existait une impossibilité de gérer convenablement le volume des affaires traitées par l'entreprise notamment la gestion du stock et la gestion des commandes fournisseurs ; que la méthode de la société Cegid Informatique s'adressait particulièrement à des entreprises de détail alors que sa principale activité était l'importation et la vente en gros ; que les difficultés rencontrées auraient dû lui être exposées avant la signature du bon de commande

Que par fax en date du 28 janvier 1992, la société Samino a confirmé les difficultés rencontrées ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le progiciel ne peut saisir un nombre d'articles supérieur à trois chiffres ;

Or attendu que la société Samino justifie de commandes d'articles par taille et par couleur, supérieures à trois chiffres ;

Que les pièces versées aux débats démontrent l'inadéquation du progiciel aux besoins de la société Samino

Attendu que la société Cegid Informatique, pour s'opposer à la demande, invoque les articles I et 3.2 de ses conditions générales et que la société Samino conteste avoir acceptées

Mais attendu que le bon de commande comporte in fine juste au-dessus de l'emplacement requis pour la signature, une mention ainsi libellée "Je déclare avoir pris connaissance et rester en possession d'un exemplaire des conditions générales de vente au verso du présent bon de commande et les accepte dans leur intégralité." ;

Qu'il s'ensuit que c'est donc vainement que la société Samino soutient qu'elle n'a pas accepté ces clauses ;

Attendu que l'article I intitulé "reconnaissance par le client de l'adéquation de la solution proposée a ses besoins" est ainsi libellé "L'adéquation de la solution proposée aux besoins du client est reconnue sans réserve par ce dernier sur la base de la présentation détaillée décrivant les fonctionnalités des matériels qui lui a été faites préalablement aux présentes conditions, étant précisé que toutes les conséquences d'un défaut d'information sur l'évaluation desdits besoins ne sauraient être mises à la charge de Cegid." ;

Que l'article 3 "Responsabilité" dispose "Le client reconnaît qu'il a pris connaissance des fonctionnalités des logiciels (ou progiciel). Cegid Informatique ne garantit ni que les fonctions du logiciel atteindront les objectifs du client ni que son utilisation sera ininterrompue... "

Attendu cependant que ces clauses ne sauraient dispenser la société Cegid Informatique de son obligation de s'enquérir des besoins de l'utilisateur et de lui fournir une installation conforme à ses besoins d'autant plus que son attention avait été attirée par la demande de location faisant état de l'activité de grossiste de la société Samino ;

Que c'est donc à juste titre que les Premiers juges ont :

- prononcé la nullité de la vente intervenue,

- ordonné la restitution du matériel,

- condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Samino la somme de 271 706,75 F, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 1994 ;

- condamné la société Cegid Informatique à restituer à la société Samino le chèque de 12 000 F remis à titre d'acompte ;

Attendu que la société Samino, dans le cadre de l'exécution provisoire, n'ayant pas restitué un écran VT 420 et une imprimante 4/51, doit à la société Cegid Informatique, demande à titre subsidiaire la condamnation de la société Samino à lui payer la valeur de ce matériel soit la somme de 8 526,42 F ;

Qu'il convient de faire droit à cette demande ;

Attendu que d'autre part la société Samino invoquant un préjudice, sollicite la condamnation de la société Cegid Informatique au paiement de la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Or attendu que si la société Samino ne rapporte pas la preuve que le préjudice économique relatif aux commandes dont elle fait état, est imputable à la société Cegid, elle démontre qu'elle a dû pallier l'insuffisance de l'installation par un travail manuel ce qui a entraîné des frais qui auraient dû être évités ; qu'elle a été amenée à prolonger le crédit bail de son ancien matériel ; qu'en outre un décalage dans la facturation a entraîné un supplément de découvert ;

Que ces chefs de préjudice doivent être réparés par le paiement de la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la procédure suivie par la société Cegid Informatique n'ayant pas eu un caractère abusif ou malicieux et ne constituant que l'exercice légitime d'un droit, la société Samino n'est pas fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la société Cegid Informatique doit être condamnée à payer à la société Samino la somme de 18 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la société Cegid Informatique doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée en ce qu'elle a - dit nul le contrat intervenu entre la société Cegid Informatique et la société Samino - ordonné la restitution du matériel et des progiciels à la société Cegid Informatique ; - condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Locunivers la somme de 271 706,75 F, plus intérêts de retard au taux légal à compter du 17 janvier 1994 - ordonné la restitution de la société Samino du chèque de 12 000 F remis à titre d'acompte ; Y ajoutant Condamné la société Samino à payer à la société Cegid Informatique la somme de 8 526,42 F Condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Samino la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts ; Condamné la société Cegid Informatique à payer à la société Samino la somme de 18 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamné la société Cegid Informatique aux dépens de première instance et d'appel avec pour ceux d'appel recouvrement direct au profit de Maître Barriquand, Avoué.