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Décisions

CA Versailles, 4e ch., 31 mars 1989, n° 8271-87

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vignaud, MAAF (Sté)

Défendeur :

Doundov, Zibetto, Morin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fossereau

Conseillers :

Mme Gassin, M. Chaix

Avoués :

SCP Fievet & Rochette, SCP Lissarrague & Dupuis, Me Bommart

Avocats :

Me Clavier, SCP d'Herbomez.

TGI Nanterre, du 17 sept. 1987

17 septembre 1987

Courant 1978 Monsieur Doundov a fait construire un pavillon dont Monsieur Vignaud entrepreneur assuré par la MAAF a réalisé la toiture avec des tuiles des Tuileries de St-Rémy achetées à la société Morin et dont Monsieur Zibetto a exécuté la maçonnerie plâtrerie isolation.

Des désordres étant survenus en 1983 à la couverture dont les tuiles se délitaient, Monsieur Doundov a après dépôt du rapport de l'expert désigné en référé, assigné Monsieur Vignaud, la MAAF et Monsieur Zibetto en réparation ; puis Monsieur Vignaud et la MAAF ont assigné la société Morin en garantie.

Par jugement du 17 septembre 1987 le Tribunal de grande instance de Nanterre a :

Sur l'action de Vladimir Doundov :

- condamné in solidum Monsieur Michel Vignaud et la MAAF à payer à Vladimir Doundov les sommes de :

* 116 821 F TTC au titre des travaux de réfection de toiture,

* 5 000 F au titre du trouble de jouissances

* 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

- condamné Monsieur Zibetto à payer à Doundov la somme de 8 539,20 F au titre des travaux modificatifs ;

Sur l'action de Vignaud à l'encontre de la société Morin :

- a condamné la société Morin à payer à Monsieur Vignaud la somme de 35 580 F ;

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision;

- a débouté les parties de toutes autres demandes ;

- a condamné les défendeurs aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Monsieur Vignaud et la MAAF ont relevé appel puis se sont désistés à l'égard de Monsieur Doundov qui a accepté ce désistement et de Monsieur Zibetto qui n'avait pas constitué avoué.

Les appelants soutiennent :

" que le recours en garantie formé par eux ne saurait être limité au seul remboursement du prix de vente des tuiles " ;

" qu'en effet, si la présomption de connaissance pour le vendeur des vices cachés peut être écartée par les faits d'une clause de non-garantie, ou lorsque l'acquéreur devrait normalement déceler les vices dont était atteinte la chose vendue " ;

" que Monsieur Vignaud couvreur ne pouvait avoir plus connaissance du vice caché affectant la chose achetée, que la société Morin grossiste en matériaux de construction particulièrement avisée ";

" que la société Morin ne peut justifier d'une clause de non-garantie " ;

" qu'elle ne peut pas non plus démontrer que l'acquéreur devait normalement déceler les vices dont était atteinte la chose vendue, les ayant elle-même non décelés, bien que grossiste en matériaux de construction, (voir arrêt de jurisprudence cassation, 1ère Chambre civile au 11 mars 1980, gazette Palais 1980, II Panorama, page 374, cassation, Chambre commerciale, 19 mai 1980, gazette Palais 1980. II Panorama, page 582 -à contrario-) " ;

" que Monsieur Vignaud couvreur exerce son art par manipulation et pose des tuiles, œuvre totalement différente, de celles des fabricants et vendeurs " ;

"qu'il y a lieu de:

- réformer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- condamner la société Morin à garantir Monsieur Vignaud et la MAAF des condamnations prononcées contre eux par le jugement entrepris et notamment pour les sommes de

* 116 821 F au titre des travaux de réfection de toiture,

* 5 000 F au titre du trouble de jouissance,

* 5 000 F au titre de l'article 700,

* dire que ces condamnations seront affectées des sommes versées au titre de l'exécution provisoire".

La société Morin fait valoir :

" que dans son rapport, l'expert conclut :

'les tuiles ont péri par l'effet expansif du gel, la terre cuite de ces tuiles insuffisamment résistantes à cette sollicitation, trop poreuse, n'a pas supporté les trois premiers hivers qui ont suivi la mise en œuvre " ;

"que l'action de Monsieur Vignaud et de la MAAF à l'encontre de la société Morin est une action en garantie des vices cachés " ;

"que la qualité de vendeur (ou de revendeur) ne suffit pas, à elle seule, à rendre garant des vices cachés " ;

"qu'un revendeur n'est tenu à la garantie des vices cachés qu'à la condition qu'il en ait eu une connaissance réelle lors de la vente ou qu'il soit présumé les connaître " ;

"que pour qualifier un vendeur d'être de mauvaise foi et le présumer connaître les vices de la chose vendue, la jurisprudence exige que sa profession le dispose à en avoir connaissance (ce qui serait le cas s'il fabriquait des produits identiques) et qu'ensuite il ait pu constater les vices lors de la vente (ce qui serait le cas s'il était un professionnel des choses vendues disposant des capacités techniques suffisantes pour en apprécier les qualités) " ;

"qu'elle est un grossiste en matériau de construction qui ne peut être qualifiée de " professionnel " auquel puissent être appliquées les conséquences attachées à cette qualité " ;

"qu'elle ne peut être assimilée à un vendeur de mauvaise foi présumé connaître les vices alors qu'elle s'était fait certifier par le fabricant que les tuiles qui lui étaient vendues avaient fait l'objet d'un contrôle de qualité effectué par un organisme réputé, contrôle qui garantissait leur conformité aux normes en vigueur à l'époque subsidiairement que le manque de ventilation est dû au nombre insuffisant de châtières imputable au couvreur et au bourrage de laine de verre dans la zone des placards imputable au maçon " ;

" qu'en leur qualité de co-auteurs des dommages, Messieurs Vignaud et Zibetto seront chacun déclarés responsables de 25 % des désordres subis par Monsieur Doundov " ;

"qu'il convient de:

- confirmer la décision querellée,

subsidiairement, et si la cour estimait ne pas faire bénéficier la société Morin de l'article 1646 du Code civil,

vu l'article 1382 du Code civil,

- dire et juger Monsieur Vignaud et Monsieur Zibetto responsables chacun de 25 % des dommages en raison des fautes de mises en œuvre qu'ils ont commises ;

- de condamner Monsieur Vignaud et la MAAF, à payer, en deniers ou quittances 25 % des sommes allouées à Monsieur Doundov par la juridiction de première instance ;

- de condamner Monsieur Zibetto à payer 25 % des sommes mises à la charge de Monsieur Vignaud et de la MAAF au profit de Monsieur Doundov par la juridiction de première instance ".

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 1989.

Sur ce - LA COUR :

I Considérant que la société Morin a déposé le veille de la clôture des conclusions demandant à la cour de juger que Monsieur Vignaud et la MAAF venaient de régler les dépens du jugement et donc avaient acquiescé à celui-ci.

Considérant que Monsieur Vignaud et la MAAF ont conclu après clôture à l'irrecevabilité subsidiaire ment au rejet de ces écritures.

Considérant que ces conclusions déposées la veille de la clôture et après expiration des délais accordés par le Conseiller de la Mise en Etat dans ses injonctions sont irrecevables du fait qu'elles n'ont pas permis à la partie adverse de répondre.

Considérant au demeurant que la société Morin ne justifie pas du paiement des dépens qu'elle allègue que celui-ci en l'espèce ne peut valoir acquiescement non équivoque du jugement assorti d'exécution provisoire, du fait que Monsieur Vignaud et la MAAF avaient relevé appel de celui-ci d'ores et déjà auparavant.

II Considérant que l'action de Monsieur Vignaud acheteur des tuiles contre son fournisseur la société Morin est celle des vices cachés de la vente.

Considérant certes que le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue si l'acheteur est profane.

Mais considérant que cette présomption ne vaut plus dès lors que l'acheteur est lui-même professionnel.

Or considérant qu'en l'espèce Monsieur Vignaud exerce la profession de couvreur c'est-à-dire de poseur de tuiles ; qu'il est spécialiste en la matière et apte à vérifier la qualité des tuiles qu'il achète et découvrir le vice qu'elles recèlent.

Considérant qu'il échet de noter que la société Morin venderesse avait en sa possession un agrément de Socotec concernant ces tuiles.

Considérant que la vente a donc été conclue entre deux professionnels et spécialistes des matériaux de couverture.

Qu'il n'est pas prouvé que la société Morin ait connu la gélivité des tuiles lors de la vente ;

Qu'elle ne peut dès lors être condamnée qu'au remboursement du prix et des frais annexes de la vente en application de l'article 1646.

Qu'il y a donc lieu de confirmer de ce chef le jugement et débouter Monsieur Vignaud du surplus de ses demandes.

Considérant que les demandes de la société Morin tendant à voir déclarer les responsabilités de Monsieur Vignaud et Monsieur Zibetto n'ayant été formées qu'à titre subsidiaire deviennent donc sans objet.

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes présentées en appel au titre de l'article 700.

Par ces motifs : Donne acte des désistements partiels. Dit irrecevables les conclusions de la société Morin du 6 février 1989. Dit en tant que de besoin mal fondés les moyens qu'elles contiennent. Confirme le jugement. Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne Monsieur Vignaud et la MAAF aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avoués de le cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.