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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. B, 28 juillet 1997, n° 96-15828

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Thoretim (SNC)

Défendeur :

Empain Graham et Cie (SNC), IAI (SARL), SICL (Sté), Arnaud (ès qual.), Weiergang, Vatant, EGH (SNC), Gastaldi Marzouk (ès qual.), Ott, UIC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roudil

Conseillers :

Mme Jacques, M. Djiknavorian

Avoués :

SCP Boissonnet Rousseau, SCP De Saint Ferreol Touboul, SCP Liberas Buvat Michotey, SCP Cohen, SCP Jourdan Wattecamps, Me Ermeneux

Avocats :

Mes Dechelette Tolot, Sirat, Montagard, Barbancon Hillion, SCP Cervesi Lecorvaisier Dumaine, Cabinet Jeantet & Associés

TGI Draguignan, du 14 mai 1996

14 mai 1996

I. Faits et procédure

Suivant acte authentique signé le 1er août 1990 en l'étude de la SCP Deloche, Mottet, Gastaldi-Marzoux notaire à Beaulieu sur Mer les sociétés "Empain Graham & Cie", "International Amalgameted Investors" (ci-après IAI) et "Société d'Immeuble Commerciaux Locatifs" (ci-après SICL) ont vendu à la SNC Thoretim deux parcelles de terrain sises au Rayol Canadel (Var) d'une contenance de 15 ares 93 ca et 17 ares 25 ca auxquelles l'aménageur a attribue "une constructibilité exprimée en superficie de plancher développée hors œuvre nette de 229 m2 pour la première et de 249 m2 pour la seconde"; cette vente consentie pour un prix de 965 000 F (TTC) pour le 1er lot et de 1 022 000 F TTC pour le second était passée notamment sous "les charges et conditions résultant du plan d'aménagement de zone, du règlement d'aménagement de zone et tous les documents administratifs de la zone d'aménagement concerté de la Tessonnière".

Soutenant que les terrains vendus étaient en réalité inconstructibles à raison de l'irrégularité du plan d'occupation des sols du 26 mai 1987, attaqué le 2 septembre 1987 et partiellement annulé par le Tribunal administratif de Nice le 14 mars 1991, la SNC Thoretim a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Draguignan

- la SNC Empain Graham (EG) par acte du 21 décembre 1994,

- M. Edouard Jean Empain associé gérant de la SNC EGH par acte du 21 décembre 1994,

- M. Eric Graham, associé gérant de la SNC EG par acte du 21 décembre 1994,

- la SNC EGH associé en nom de la SNC EG par acte du 21 décembre 1994,

- la société "IAI" par acte du 30 décembre 1994,

- la SICL par acte du...(non retrouvé dans le dossier de première instance),

- la SCP Deloche, Mottet et Gastaldi-Marzouk (notaires associés) par acte du 28 décembre 1994 demandant principalement

* l'annulation de la vente pour vice du consentement,

* la restitution du prix,

* la condamnation in solidum des sept défendeurs à lui payer la somme de 1 987 000 F plus les frais d'actes évalués à 55 000 F outre intérêts au taux légal depuis la date de l'acte authentique,

* leur condamnation in solidum à lui payer les sommes de 83 020 F, 1 413 525,92 F et 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

La SNC Thoretim affirmait avoir été trompée par les vendeurs qui n'ignoraient pas, selon elle, les procédures en cours devant les juridictions administratives mais les lui avaient cachées, et subsidiairement avoir été victime d'une erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue à savoir la constructibilité du terrain ;

Plus subsidiairement, elle demandait la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme ;

La société SICL ayant été placée en liquidation judiciaire, Me Arnaud est intervenu dans l'instance en qualité de liquidateur de cette société ;

Les sociétés EG, TAI, SICL ainsi que MM. Empain et Graham ont fait assigner M. Ott en garantie celui-ci ayant cédé le 9 juin 1989 aux trois sociétés susnommées divers biens immobiliers sis dans le périmètre de la Zac la Tessonnière, biens dont sont issues les parcelles cédées à la SNC Thoretim ;

Par jugement du 14 mai 1996 le tribunal a débouté la SNC Thoretim de ses demandes et dit l'appel en garantie sans objet.

Figure dans le jugement au nombre des parties défenderesses la société anonyme Union Industrielle de Crédit - présentée comme défaillante ;

Par acte du 19 juillet 1997 la SNC Thoretim a régulièrement relevé appel de cette décision en intimant

* la société EG,

* la société IAI,

* la société SICL (représentée par Me Arnaud),

* la SNC EGH,

* la société Union Industrielle du Crédit,

* Me Arnaud (ès qualités),

* M. Ott,

* Me Marzouk-Gastaldi,

étant en revanche précisé que la SCP notariale n'a pas été intimée en tant que personne morale, et que MM. EJ Empain et Eric Graham n'ont pas, non plus, été intimés ;

La SNC Thoretim appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme ou, subsidiairement, sa nullité pour erreur,

- d'ordonner la restitution du prix et de ses accessoires,

- de condamner solidairement les sociétés EG, IAI, SICL, MM. E. Graham, P Graham, la société EGH, in solidum avec la SCP Deloche-Mottet-Marzouk-Gastaldi à lui payer à ce titre 1 987 000 F plus 55 000 F, et les intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter de la date de l'acte authentique,

- de les condamner sous les mêmes conditions à lui payer les sommes de 83 020 F (frais de dépôt de la demande de permis de construire) 1 777 642,14 F (frais bancaires) et 200 000 F à titre de dommages-intérêts,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de dire que ces condamnations seront assorties d'une astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de "dire que la résolution ou la nullité de la vente interviendra au jour du paiement de la totalité des sommes dues"...,

- subsidiairement de lui allouer l'intégralité de ces sommes à titre de dommages-intérêts,

- de condamner les "défendeurs" à lui payer, in solidum, une somme de 30 000 F pour frais irrépétibles.

La SNC Thoretim fait valoir à l'appui de son recours:

- que le POS en date du 26 mai 1987 a fait l'objet d'un recours le 2 septembre 1987, le zonage NAb étant critiqué pour contrevenir aux articles L. 146-1 et L. 146-6 du Code de l'urbanisme issus de la loi "littoral" entrée en vigueur le 5 janvier 1986 pour ce qui concerne la commune,

- que la commune a cependant approuvé le plan d'aménagement de la ZAC le 21 juillet 1988, cet aménagement étant confié à M. Ott puis aux sociétés EG, IAI et SICL après qu'elles eurent acquis les terrains de ce dernier le 6 juin 1989,

- que ce POS a été annulé pour violation de la loi littorale par le tribunal administratif le 24 juin 1991 la commune déférant ce jugement devant le Conseil d'Etat,

- que pendant la période d'instruction de ce recours, le maire, après avoir initialement refusé d'accorder des permis de construire, en a accordé six qui ont été annulés par le tribunal administratif, dont le permis qu'elle avait obtenu le 17 novembre 1992,

- que le Conseil d'Etat, le 14 janvier 1994, a rejeté le recours formé contre le jugement ayant annulé la zone NAb du POS,

- que le tribunal administratif a également jugé le 6 juillet 1995 que la ZAC de La Tessonnière contrevenait aux dispositions qui proscrivent toute construction dans un site remarquable,

- que les vendeurs-aménageurs se sont engagés dans l'acte authentique à leur céder une parcelle à laquelle était attribuée une constructibilité particulière, tirée de la constructibilité générale de l'ensemble immobilier (26 000 m2) et qu'il leur appartenait donc de délivrer une parcelle disposant effectivement de cette constructibilité ;

- qu'ils n'ont pas rempli cette obligation puisque, malgré leurs interventions aux côtés de la commune dans les instances qui se sont déroulées devant les juridictions administratives, l'inconstructibilité des terrains a été déclarée,

- que la société EG vendeur-aménageur professionnel n'ignorait rien de cette situation puisqu'elle avait, depuis l'origine, connaissance de ces recours dont le premier remonte à l'année 1987 et qu'elle a omis sciemment d'informer les acquéreurs de ce risque ce qui la rend irrecevable à invoquer la clause de non garantie insérée dans l'acte,

- qu'en tout état de cause la constructibilité du terrain étant en l'espèce une qualité substantielle de celui-ci, s'agissant de la vente d'un terrain à bâtir, le consentement de l'acquéreur a été donné par erreur, la cause de l'inconstructibilité étant antérieure à la vente, ce qui affecte la validité de celle-ci et devrait, subsidiairement, conduire à son annulation ;

- que le notaire a manqué à ses obligations en dressant l'acte authentique de vente d'un terrain à bâtir sans s'assurer qu'il l'était réellement et, à tout le moins, parce qu'il a nécessairement connu l'existence des recours qui ont abouti à l'annulation du POS, manqué à son obligation d'information et de conseil en laissant les acquéreurs dans l'ignorance de ce risque.

La société Union Industrielle de Crédit (UIC) a conclu à sa mise hors de cause et à la condamnation de la SNC Thoretim à lui payer une somme de 10 000 F pour frais irrépétibles en soutenant qu'elle était étrangère au litige et qu'aucune demande n'était formée contre elle ;

La société EG, la société IAI et la SNC EGH concluent

- à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la SNC Thoretim à leur payer, ensemble, la somme de 30 000 F pour frais irrépétibles,

- subsidiairement et pour le cas où la cour prononcerait l'annulation de la vente du 1er août 1990

* de prononcer la résolution de la vente du 6 juin 1989,

* de condamner M. Ott à les garantir de toutes les condamnations dont elles pourraient faire l'objet,

* de condamner M. Ott à leur rembourser, sous déduction des sommes qui pourraient être mises à la charge de l'Etat ou de la commune, la somme de 73 076 410,32 F représentant les frais et débours générés par l'aménagement de la ZAC,

- de le condamner enfin à leur payer, ensemble, 50 000 F pour frais irrépétibles.

Elles soutiennent

- qu'à l'origine du programme se trouve une initiative communale, qui a bénéficié d'un avis favorable de la commission des sites et d'un arrêté préfectoral du 10 juin 1988,

- qu'elles ont acquis la totalité du terrain, assiette de la ZAC, de M. Ott le 9 juin 1989 et lui ont succédé en tant qu'aménageur de 72 lots, et n'ont été informées du recours contre le POS que le 17 mai 1991, alors même que le jugement d'annulation était déjà intervenu ce pourquoi elles ont formé, en vain, une tierce opposition, le tribunal administratif ayant considéré qu'elles avaient été représentées par la commune dont elles étaient les co-contractantes ce qui leur conférait des intérêts concordants,

- que l'inconstructibilité dont se trouve désormais affecté le lot procède de l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 janvier 1994, postérieur à la vente,

- que le terrain livré le 1er août 1990 était conforme à la chose convenue, ce terrain étant à cette date constructible ainsi que cela résulte du certificat d'urbanisme annexé, s'agissant d'un lot inclus dans le périmètre d'une ZAC approuvée,

- que la SNC Thoretim confond défaut de conformité et vice caché lequel serait apparu le 14 janvier 1994 sans qu'elle ne s'en prévale dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil,

- qu'en réalité le terrain n'est affecté d'aucun vice intrinsèque le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné, une chose étant l'assiette cédée et une autre l'autorisation de construire subséquente sollicitée, dont le rejet éventuel n'a pas été érigé en condition résolutoire de la vente ;

- que l'autorisation de construire est un procédé de police administrative non constitutif d'un titre de propriété conférant des droits et n'entrant pas dans la catégorie des choses susceptibles d'être vendues, en sorte que le vendeur ne peut être tenu à garantie du chef de cette prérogative unilatérale de l'administration,

- qu'il ne peut non plus être soutenu qu'il y aurait eu vice du consentement puisque la validité du consentement s'apprécie à la date de formation du contrat et qu'à cette date la constructibilité des terrains vendus n'était pas contestable au regard du plan d'aménagement de la ZAC, et qu'il n'est devenu inconstructible que le 14 janvier 1994 en raison de l'appréciation portée par les juges administratifs sur la qualité du site, laquelle pouvait donc nécessairement être discutée avant qu'ils ne se prononcent en l'absence de liste des espaces et milieux à protéger dressée par l'Administration ;

- que M. Ott leur devrait, en cas de résolution ou d'annulation de la vente, garantie comme vendeur et aménageur d'origine pour n'avoir pas révélé lors de la vente du 9 juin 1989 le recours introduit antérieurement contre le POS, et qu'il connaissait pour avoir participé à la réunion de la commission des sites le 18 mars 1988 au cours de laquelle le maire a fait état de ce recours ;

- que si la cour devait considérer que l'arrêt du Conseil d'Etat avait un effet déclaratif, la vente du 9 juin 1989 devrait nécessairement être résolue le même motif applicable à l'une devant également l'être à l'autre ;

Me Arnaud, liquidateur de la SNC SICL, a également déclaré intervenir comme liquidateur de MM. Weiergang et Vatant associés gérants de la précédente également placés en liquidation judiciaire, ès qualités, intervention dont la recevabilité n'a fait l'objet d'aucune discussion et à laquelle rien ne s'oppose;

Il conclut à l'irrecevabilité de la demande et à la condamnation de la SNC Thoretim à leur payer 30 000 F pour frais irrépétibles exposant que l'instance a été interrompue à l'égard de la SNC SICL et qu'il convient de faire application des dispositions des articles 47,48 et 49 de la loi du 25 janvier 1985.

Me Marzouk-Gastaldi a conclu à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la SNC Thoretim à lui payer 50 000 F pour frais irrépétibles ;

Me Marzouk-Gastaldi, qui est le notaire rédacteur de l'acte de vente litigieux, fait valoir :

- que si le notaire est tenu d'éclairer son client en lui fournissant tous les renseignements nécessaires à l'efficacité de l'acte il n'est cependant pas tenu de garantir ces derniers contre un événement postérieur à sa rédaction ;

- qu'en l'espèce les documents auxquels elle avait accès, et notamment le certificat d'urbanisme requis, faisaient ressortir le caractère constructible du terrain vendu, et qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas connu le recours formé devant le tribunal administratif puisqu'il n'existe aucune mesure de publicité pour ce genre de recours,

- à titre subsidiaire qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute prétendue du notaire et le préjudice allégué car l'annulation de la zone NAb du POS par le tribunal administratif ne faisait pas nécessairement obstacle à la délivrance de permis de construire, et que l'interdiction de principe de toute forme de construction dans la zone considérée résulte seulement des termes de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 14 janvier 1994 ;

M. Ott conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des demandes formulées contre lui ainsi qu'à la condamnation de la SNC Thoretim ou, à défaut, et solidairement, des sociétés Empain Graham, EGH et IAI à lui payer une somme de 40 000 F (hors taxes) pour frais irrépétibles;

Il soutient :

- qu'il a cédé le 9 juin 1989 ses droits immobiliers sis pour partie dans le cadre de la ZAC de La Tessonnière sur le fondement d'attestations de la mairie du Rayol Canadel et du Greffe du tribunal administratif territorialement compétent selon laquelle la ZAC n'avait fait l'objet d'aucun recours, et ainsi dans une totale ignorance de l'introduction d'un recours contre le POS (étant notamment absent à la réunion de la commission des sites invoquée par les sociétés appelantes à l'appui de leur appel en garantie),

- qu'aucune garantie ne saurait être due par lui en raison de l'annulation du plan d'occupation des sols de la commune du Rayol Canadel,

- qu'une telle éventualité constituait en effet un risque que la SNC Thoretim ne pouvait ignorer et dont elle doit supporter les conséquences ;

- que dans l'hypothèse où cette vente serait annulée ou résolue, les demandes que forment contre lui les sociétés EG, EGH et IAI n'en resteraient pas moins mal fondées car la création d'une ZAC ne confère au profit de l'aménageur aucun droit acquis et celui-ci, qui a la qualité de professionnel de l'immobilier, s'expose en acquérant, nécessairement et en toute connaissance de cause, aux risques inhérents à ce type d'opération soit de l'annulation de la ZAC, soit encore de sa modification, ce qui était en l'espèce d'autant plus évident que les terrains sont situés en bord de mer ;

- qu'il convient à cet égard de rappeler que les sociétés qui l'appellent en garantie ont introduit une action contre l'Etat et la commune pour être indemnisées du préjudice qu'elles prétendent avoir subi, et que le tribunal administratif a déclaré le 6 juillet 1995 la commune responsable pour 2/3 mais a laissé 1/3 de responsabilité à leur charge ce qui démontre que les sociétés concernées étaient conscientes du risque qu'elles prenaient ;

- qu'en réalité, aucun décret n'ayant été pris pour dresser la liste des sites qui devaient être protégés par les dispositions de la "loi littoral", ce sont les juridictions administratives qui ont été amenées à apprécier, a posteriori, la constructibilité ou l'inconstructibilité des terrains si bien qu'il ne peut pas être soutenu que les terrains auraient été inconstructibles avant que n'intervienne l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 janvier 1994 qui a porté cette appréciation ;

- qu'il n'a, quant à lui, jamais garanti aux sociétés du groupe Empain-Graham l'existence de droits à construire, ni cédé de biens auxquels étaient attachés un droit à construire particulier ;

M. Ott a enfin déposé, le jour même de la clôture, d'ultimes conclusions qui seront écartées des débats comme tardives aucune des parties n'ayant eu la possibilité matérielle d'en prendre connaissance et d'y répondre avant que la clôture n'intervienne, ni même de solliciter utilement un nouveau report de celle-ci compte tenu du fait qu'elle l'avait déjà été pour les mêmes motifs et que le délai restant à courir jusqu'à la date d'audience, que rien ne commandait de déplacer, était désormais trop court pour le permettre ;

Enfin, quatre notes en délibéré ont été adressées à la cour lesquelles seront écartées des débats car n'ayant pas été sollicitées lors de leur clôture.

II. Motifs de la décision

Le litige s'inscrit dans le contexte chronologique et juridique qui peut être reconstitué comme suit notamment grâce aux conclusions déposées par le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice le 6 juillet 1995 Le plan d'occupation des sols de la commune du Rayol Canadel Sur Mer a été rendu public le 25 janvier 1979, puis approuvé le 7 mars 1985. Cette délibération municipale approuvant le document d'urbanisme communal a été annulée par le Tribunal administratif de Nice le 20 mars 1986 pour un vice de procédure, à savoir l'absence de deuxième publicité concernant l'avis d'enquête publique.

La procédure d'approbation a alors été reprise et, le 26 mai 1987, une nouvelle délibération a approuvé le POS.

Par une requête enregistrée le 2 septembre 1987, l'association Les Amis du Rayol-Canadel a demandé l'annulation de ce 1303 en arguant notamment de l'illégalité, au regard de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme issu de la loi littoral du 3 janvier 1986, de la zone NAb du Haut Rayol.

Le 19 novembre 1987, le Conseil Municipal de la commune a pris l'initiative de créer, à l'intérieur du périmètre de cette zone Nab, la zone d'aménagement concerté de la Teissoniere.

Le préfet du Var, par courrier du 10 juin 1988 a donné son accord sur le fondement de l'article L 146-4-II du Code de l'urbanisme au projet d'urbanisation envisagé qui avait fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale des sites le 18 mars 1988, accord donné sur un terrain de 21 ha. pour un projet de 26 000 m2 de surface hors œuvre nette (SHON) dont 4 000 m2 d'habitat groupé sous forme de hameau et 102 villas implantées sur des lots de 1 500 m2, soit un COS de 0,12.

La ZAC a alors été créée par délibération municipale des 16 juin et 21 juillet 1988, et le plan d'aménagement de la zone (PAZ) approuvé par délibérations du 16 juin et du 21 juillet 1988.

Une convention d'aménagement était signée le 25 juillet 1988 entre la commune représentée par son maire et M. Claude Ott.

Le 17 juin 1989, par un avenant, le bénéfice de cette convention était transféré à la SNC Empain-Graham. Le 14 mars 1991, le tribunal administratif de Nice annulait partiellement le POS approuvé le 26 mai 1987 et notamment la zone NAb du Haut Rayol pour violation de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme relatif à la protection des espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral.

La SNC Empain-Graham, par deux requêtes enregistrées le 4 septembre 1991 a formé une tierce opposition à l'encontre de ce jugement et demandé l'annulation d'un refus de permis de construire qui avait été opposé le 4 juillet 1991 par le maire de Rayol-Canadel-Sur-Mer à sa demande portant sur l'édification d'immeubles à usage d'habitation sous forme de hameau dans le périmètre de la ZAC de la Teissonnière.

Le 10 juin 1992, le Tribunal administratif de Nice a rejeté pour irrecevabilité la tierce opposition et annulé le refus de permis de construire en relevant qu'il n'était pas établi et qu'il n'était pas même allégué "que les terrains concernés par le permis de construire critiqué seraient situés soit à proximité ou au-delà de la ligne de crête, soit au-delà des parcelles actuellement bâties délimitées par l'emplacement réserve n° 17 seules parties, selon cette décision, de la zone NAb visées par la motivation du jugement d'annulation du 1303 et qu'il n'était pas démontré, alors surtout que la commune soutenait l'opinion contraire dans le dernier état du dossier, que le projet de construction envisagé méconnaîtrait, par lui-même, les dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme."

Le 1er avril 1993 quatre types de jugements du Tribunal administratif de Nice intervenaient

* par un premier jugement du 1er avril 1993, intervenu sur la requête n° 92-2553, rejet de la demande de l'association "Les Amis du Rayol-Canadel-sur-Mer" tendant à l'abrogation des délibérations du 19 novembre et du 3 décembre 1987, par lesquelles le conseil municipal de la commune avait donné un avis favorable à la création de la ZAC, en estimant que le conseil municipal était bien compétent pour donner un tel avis,

* par un deuxième jugement du 1er avril 1993 (sur requête n° 91-2985) annulation du refus implicite opposé par le conseil municipal à la demande d'abrogation des délibérations du 16 juin et du 21 juillet 1988 créant la ZAC et approuvant le PAZ de la ZAC de la Teissonnière, au motif qu'a ces dates cette partie du territoire communal n'était pas couverte par un 1303 opposable aux tiers,

* par un troisième jugement du 1er avril 1993 (req. N° 92-2553) rejet des requêtes de l'association "Les Amis du Rayol-Canadel-sur-Mer" tendant à l'annulation de la délibération du il mai 1992 du conseil municipal arrêtant le projet de révision du 1303 aux motifs notamment que, dans les circonstances de l'espèce, cette délibération avait un simple caractère préparatoire,

* une série de jugements annulant sur déférés préfectoraux, des permis de construire accordés sur des terrains sis dans la ZAC la Teissonnière.

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 14 janvier 1994, Commune de Rayol-Canadel-sur-Mer, tout en réformant sur certains points le jugement du tribunal administratif en date du 14 mars 1991 a confirmé à titre définitif l'annulation totale de la zone NAb litigieuse, prévue par le 1303 approuvé le 26 mai 1987, aux motifs que cette zone "si inscrit dans un site remarquable, jusque-là peu urbanisé et dont la nécessité de la protection justifie l'interdiction de principe de toute forme de construction sur les terrains qui le composent."

La Cour administrative d'appel de Lyon, par une série d'arrêts du 7 décembre 1991, confirme, sur ce fondement, l'annulation des permis de construire déférés par le préfet du Var.

Enfin, par un jugement du 16 février 1995 (n° 93-3903) le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de l'association "Les Amis du Rayol-Canadel-sur-Mer", les délibérations du il septembre 1993 et du 15 avril 1994 par lesquelles, le conseil municipal de Rayol-Canadel-sur-Mer a, d'une part, approuvé la révision du POS de la commune, d'autre part, décidé, en dépit de la décision de suspension du préfet du 15 octobre 1993, de maintenir le POS révisé à l'exclusion du hameau de la ZAC de la Teissonnière et de toutes constructions à caractère collectif, le tribunal ayant notamment estimé que, pour ce secteur de la ZAC de la Teissonnière, ne pouvait être approuvé, compte tenu de l'annulation partielle du POS de 1987, un POS révisé, mais que devait être approuvé un nouveau POS ;

La vente litigieuse est intervenue le 1er août 1990 et elle porte sur deux des lots de la ZAC de la Teissonnière.

En cédant par cette convention à la SNC Thoretim deux lots de terrain de 1 583 m2 et 1 725 m2 situé dans cette ZAC aménagée auxquels ils avaient attribué en tant qu'aménageur une constructibilité exprimée en superficie de plancher développée hors œuvre nette de 229 m2 et 249 m2 les vendeurs se sont obligés à lui délivrer ces lots effectivement assortis de la constructibilité ainsi définie.

Cette vente n'est pas en effet la simple vente de terrains à bâtir transférant à l'acquéreur tous les risques relatifs à cette constructibilité mais celle de deux lots compris dans une ZAC assortie d'un plan d'aménagement de zone dans laquelle le vendeur aménageur a distribué, lot par lot, la constructibilité globale en sorte que l'acquéreur connaisse par avance le volume de constructibilité de son lot à la date de l'acquisition, lequel doit dès lors être considéré comme un accessoire de la chose vendue conventionnellement inclus dans l'obligation de délivrance.

En effet Si l'autorisation de construire relève bien d'un procédé de police administrative non constitutif d'un titre de propriété qui n'entre pas dans la catégorie des choses susceptibles d'être vendues, il doit être rappelé que cette prérogative de l'Administration n'est pas discrétionnaire mais s'exerce au contraire dans le cadre des textes et règlements d'urbanisme et peut même être liée quant au principe et l'étendue de la constructibilité par des dispositions particulières applicables à un terrain considéré ce qui est précisément le cas lorsque celui-ci est compris, comme en l'espèce, dans une ZAC aménagée en sorte que certains droits peuvent ainsi se trouver attachés à la propriété du terrain et devenir transmissibles avec lui

Dès lors, en offrant les terrains litigieux à la vente, en tant que vendeur-aménageur, présentés comme inscrits dans le périmètre d'une ZAC assortie d'un PAZ, le tout approuvé, le vendeur faisait entrer dans le champ de ses obligations celui de délivrer les terrains assortis de la constructibilité convenue à laquelle l'Administration, liée par des règles d'urbanisme conférant des droits aux propriétaires des terrains compris dans un périmètre de cette nature, ne pouvait opposer aucune restriction de volume, obligation qui ne se confond pas avec une garantie de l'obtention effective du permis de construire, lequel aurait pu être régulièrement refusé pour d'autres motifs, ni avec une condition résolutoire de la non délivrance d'un tel permis (qui aurait été omise) ;

Les sociétés venderesses avaient donc l'obligation de délivrer ces terrains assortis de la potentialité de constructibilité convenue et exempts de tout obstacle actuel, à la date de la vente, pouvant empêcher l'acquéreur de la concrétiser, pourvu qu'il satisfasse aux autres exigences en vigueur, en sorte que celui-ci n'ait à supporter aucun aléa autre que celui d'une modification postérieure de la situation juridique des terrains en cas de modification, éventuelle, des règles d'urbanisme précédentes ;

Or il est constant

* que les permis de construire présentés pour des terrains compris dans ce périmètre ont été refusés pour deux motifs dont le second était que le projet présenté était de nature à porter atteinte à l'espace naturel concerné par la colline dominant le littoral et qu'il était, par conséquent, incompatible avec les dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme,

* qu'ayant néanmoins obtenu ultérieurement de la même autorité un permis de construire en date du 17 novembre 1992 ce permis a été annulé par jugement du Tribunal administratif de Nice pour le motif précédent, ce qui démonte que les refus antérieurs loin d'être "illégaux "comme le soutiennent les sociétés appelantes étaient au contraire fondés en droit.

En effet il résulte du mémoire déposé par le Préfet du Var auteur du recours dont l'argumentation a été retenue

- que "le terrain se situe dans le bassin versant du Canadel en situation d'adret du massif côtier des Maures. Il domine la mer et il est recouvert d'une végétation caractéristique du milieu de massifs siliceux des Maures où prolifèrent les chênes verts. La caractéristique de son intérêt ~t biologique",

- qu'il s'inscrit "dans un cirque remarquable situé dans la partie amont du bassin versant du Canadel dominant la mer. Il forme un plan incliné, très marqué et très perçu, structuré par une ligne de crête majeure d'orientation Nord-Est-Sud-Ouest qui se développe entre les altitudes 200 et 20 mètres environ. Cette ligne de crête avec ses alternances d'affleurements rocheux et de zones boisées, constitue incontestablement un signal remarquable du paysage qu'il convient de préserver de toute construction,"

- qu'ainsi donc "le terrain appartient à un site, espace naturel caractéristique du littoral, marqué par une ligne de crête remarquable qu'il convient de préserver en totalité au titre des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du Code de l'urbanisme",

L'article 146-6 du Code de l'urbanisme procédant de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 de protection du littoral qui est entrée en vigueur le 5 janvier 1986 pour les communes riveraines des mers (ce qui est le cas de la Commune du Rayol Canadel Sur Mer) sans exception aucune, le législateur n'ayant pas entendu excepter de son application les communes qui disposaient, à la date de publication de la loi, d'un POS approuvé, constituent des dispositions directement opposables aux autorisations individuelles de construire.

En vertu du dernier alinéa de l'article L. 146-1 et du premier alinéa L. 146-6 ces dispositions, qui préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, sont en effet opposables directement aux demandes d'occupation ou d'utilisation du sol dans ces zones et peuvent donc, à elles seules, fonder légalement un refus d'autorisation ou la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif nonobstant les dispositions contraires d'un POS opposables aux tiers, ou encore d'un arrêté de ZAC ou de PAZ.

C'est précisément ce que le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du 14 janvier 1994, rappelé en rejetant le recours formé contre le jugement du tribunal administratif ayant annulé la zone NAb du POS pour violation de la loi "littoral", ainsi nécessairement considérée comme immédiatement applicable au territoire de la commune du Rayol Canadel à compter du 5 janvier 1986, et qui peut être constaté, à la lumière de cette décision, sans avoir à se livrer à son interprétation ou à une analyse de sa portée, présentée comme "rétroactive" dans le seul dessein de la limiter et de réintroduire un contentieux artificiel pour contester aux juridiction de l'Ordre judiciaire la possibilité d'en tirer toutes les conséquences ;

Par arrêts du 7 décembre 1994 la Cour administrative de Lyon a également jugé dans un litige concernant d'autres terrains compris dans le même programme ;

que le territoire couvert par le plan d'aménagement de zone s'inscrit en totalité dans un site remarquable, jusqu'alors peu urbanisé et dont la nécessité de la protection justifie l'interdiction de principe de toute forme de construction sur les terrains qui le composent, ainsi d'ailleurs que l'a constaté le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans une décision en date du 14 janvier 1994, confirmant le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé les dispositions du plan d'occupation des sols relatives à cette zone ; que cette illégalité affecte les dispositions ayant eu pour objet de rendre possible l'octroi du permis de construire, lequel doit être annulé par voie de conséquence, dès lors qu'il ne trouve d'autre fondement ni dans les dispositions du plan d'occupation des sols annulé, ni dans celles du plan d'occupation des sols rendu public devenues inapplicables par l'effet de l'article L. 123-5 du Code de l'urbanisme à la date de la décision, ni, enfin, dans ledit Code eu égard aux termes précités de son article L. 146-6 ; qu'il s'en suit de là que le permis de construire litigieux est entaché d'illégalité et que la commune du Rayol-Canadel et la société Geremi ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice en a prononcé l'annulation".

C'est donc en vain qu'il est soutenu que la mise en application effective de la loi du 3 janvier 1986 aurait été subordonnée, cas par cas, à l'inscription des lieux intéressés dans une liste à dresser par décret et que le Conseil d'Etat aurait, ainsi, par son arrêt du 14 janvier 1994, pour les terrains considérés et seulement pour l'avenir, suppléé une absence de décret, l'article L. 146-6 prévoyant seulement la publication d'un décret pour fixer la nature des espaces et milieux à protéger en fonction des critères législatifs énoncés, texte réglementaire qui est intervenu le 20 septembre 1989 (décret n° 89-894 codifié R. 146-1 et R. 146-2 du Code de l'urbanisme) et qui précise exactement les espaces et milieux qui "sont préservés" parmi lesquels figurent "les zones boisées proches du rivage lorsqu'elles constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel... du littoral nécessaire au maintien des équilibres biologiques ou présentant un intérêt analogue".

La proposition d'interprétation contraire des conditions d'application de la loi qui voudrait qu'elle ait été subordonnée à l'établissement préalable par décret d'une liste identifiant les zones méritant la protection de la loi, liste que le pouvoir réglementaire aurait, par carence, omis d'établir, se heurte au fait qu'on voit difficilement comment un décret pourrait énumérer et décrire avec suffisamment de précisions ces sites pour parvenir à une application directe sur le terrain sans passer par l'élaboration de documents d'urbanismes (POS, schémas directeurs, etc...) ou par la modification, en conséquence, de ceux déjà existants, le tout en fonction de la configuration particulière des lieux et de la topographie ;

Elle méconnaît le but véritable de cette loi qui est précisément d'intégrer ces exigences nouvelles dans les plans d'occupation des sols, seule technique praticable pour concilier, commune par commune, la protection des sites avec des besoins d'urbanisation, le tout sous contrôle du juge administratif ;

Ceci laisse à penser que cette thèse, sous couvert d'un prétendu besoin de sécurité juridique nécessaire pour la mise en valeur des sols, ne tendait en fait qu'à différer au maximum la mise en œuvre du texte afin de parvenir à "valoriser" ces sites avant qu'une mise en œuvre effective de leur protection légale n'y fasse définitivement obstacle ;

Il convient aussi à cet égard de relever le caractère paradoxal de l'argumentation des sociétés venderesses qui prétendent que les terrains ne sont devenus inconstructibles que par l'effet de cet arrêt du Conseil d'Etat parce qu'il a constaté qu'ils s'inscrivaient dans un site remarquable et a déclaré qu'ils étaient, à ce titre protégés, mais qui ne renient pas pour autant les publicités par lesquelles elles commercialisaient leur programme immobilier en le présentant précisément comme inscrit dans un site privilégié et remarquable ;

En fait il apparaît de manière claire que nul ne pouvait ignorer, sauf à nier une évidence physique, que le site entrait bien par sa qualité dans les espaces immédiatement protégés par la loi du 3 janvier 1986 et que les sociétés venderesses ont spéculé sur l'incertitude qui existait quant à l'effet immédiat de ce texte, et qu'elles ont tablé d'une part sur l'affirmation qu'il ne pourrait pas recevoir effet tant qu'un décret considéré comme indispensable n'interviendrait pas, ni ne pourrait affecter des droits prétendument acquis à la faveur du zonage intervenu entre temps, et d'autre part sur une interprétation des effets des dispositions de l'article L. 129-6 du Code de l'urbanisme qu'elles considéraient comme suffisantes pour consolider leurs droits dès lors que la création de la ZAC n'avait fait l'objet d'aucun recours, et ce indépendamment de l'annulation éventuelle de la zone NAb du POS intervenue effectivement le 14 mars 1991 ;

Il apparaît également qu'elles ont pu être encouragées dans cette analyse par l'inaction du Préfet en matière de contrôle de la légalité au regard des délibérations des 16 juin et 21 juillet 1988 créant la ZAC et approuvant le PAZ, ainsi que par le fait qu'il ne s'est pas prévalu des dispositions de l'article L. 123-7-1 du Code de l'urbanisme qui lui auraient permis d'enjoindre à la commune de mettre son POS en compatibilité avec la loi littoral ;

Les sociétés venderesses, en praticiennes averties du droit de l'urbanisme, ont ainsi considéré à tort que la loi littoral ne constituait qu'une sorte de loi-cadre dont les dispositions ne pouvaient permettre la remise en cause des documents d'urbanisme dont elles persistent à se prévaloir puisqu'elles soutiennent toujours que l'annulation du POS n'était pas de nature à interdire la réalisation de la ZAC, déjà créée, le PAZ se substituant au POS avant d'être incorporé à lui selon l'économie de l'article L. 123-6 du Code de l'urbanisme, et qu'elles pouvaient en conséquence mener à bien leur programme malgré l'intervention de ce texte dont l'incidence n'a pas été prise en compte lors de l'élaboration du POS relatif à cette zone, ou a été volontairement ignorée pour tenter d'en éluder l'incidence, éventualité que la cour, à la lecture des pièces produites, ne peut parvenir à exclure ;

Il convient donc de constater que les terrains délivrés dont ceux vendus à la SNC Thoretim n'étaient pas en réalité constructibles ;

Il résulte ainsi des éléments qui précèdent

- que les sociétés appelantes n'ont délivré à la société Thoretim que deux terrains qui n'étaient pas conformes à la chose qu'elle avait achetée, telle que désignée et définie dans la convention, pour être dépourvu de toute possibilité de construire,

- que cette différence entre la chose promise au contrat et la chose délivrée constitue un défaut de conformité lequel relève de l'obligation de délivrance de droit commun,

- que les sociétés appelantes ne peuvent valablement soutenir qu'elles auraient satisfait à cette obligation au motif qu'à la date du 6 septembre 1990 le zonage du POS, soutien de la ZAC concernée, n'était pas encore annulé et que des permis de construire pouvaient encore être délivrés à des propriétaires de lots en considération de ce plan, ou auraient pu l'être.

Qu'en effet les acquéreurs des lots n'auraient pu bénéficier d'un tel permis que de manière illégale, à savoir par méconnaissance des dispositions de la loi du 3 janvier 1986 applicable, et ils n'auraient pu construire qu'en supposant cet acte individuel devenu définitif, c'est-à-dire en supputant une absence de recours en annulation fondée sur l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, et sans que l'existence du POS avec le zonage qui était le sien avant annulation ne puisse leur constituer un titre pour prétendre au rejet d'une requête en annulation formée sur le fondement de ce texte ; que ce point se trouve notamment vérifier en ce qui concerne la SNC Thoretim pour le lot n° 13 puisque ayant obtenu un permis de construire le 17 novembre 1992 celui-ci a été attaqué devant le Tribunal administratif de Nice et annulé pour ce motif.

Il s'ensuit que la vente du 1er août 1990 doit sur la demande principale formée par la SNC Thoretim, être résolue aux torts des sociétés "Empain Graham et Cie", "International Amalgameted Investors" et "société d'Immeubles Commerciaux Locatifs".

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé, et la résolution de la vente ordonnée avec condamnation solidaire des sociétés EG, IAI, ainsi que de la société EGH tenue en tant qu'associée en nom au sein de la SNC EG.

- à restituer à la SNC Thoretim le prix de vente soit 1 987 000 F et de ses accessoires soit 55 000 F, outre intérêts de droit à compter du 1er août 1990 par application des dispositions des articles 1375 et 1378 du Code civil la restitution étant prononcée à leurs torts ce qui équivaut à la mauvaise foi prévue par ce dernier texte, et capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- à lui payer en outre une somme supplémentaire de 180 000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues celui-ci comprenant notamment le préjudice de jouissance, l'incidence du coût du permis de construire annulé et le coût des agios ou frais financiers qu'elle aura et devra supporter jusqu'à remboursement anticipé du prêt contracté pour l'acquisition déduction faite du montant des intérêts qu'elle percevra sur la somme de 1 987 000 F lesquels feraient double emploi avec le remboursement de ces frais si cette compensation n'était pas opérée par le présent calcul ;

S'agissant de la SNC SICL, co-venderesse comparante avec ses associés gérants par l'intermédiaire de leur liquidateur judiciaire, l'ouverture de la procédure collective interdit qu'il soit prononcé condamnation à paiement à son encontre ;

La portée du présent arrêt sera donc seulement de fixer la créance de la SNC Thoretim à son encontre, aux mêmes sommes que celles visées ci-dessous, et en solidarité avec les sociétés EG et IAI et EGH, la SNC Thoretim justifiant de sa déclaration de créance, du bénéfice d'un relevé de forclusion, et d'une reprise régulière de l'instance à l'égard de cette partie dont le liquidateur judiciaire est intervenu aux débats.

Les demandes de la SNC Thoretim visant à subordonner la mise en œuvre de la résolution de la vente, et notamment de la restitution du terrain, au paiement préalable par les sociétés concernées des sommes mises à leur charge, en conséquence de cette résolution, seront rejetées comme mal fondées car contraires à l'effet rétroactif de la résolution qui est une conséquence légale et nécessaire du prononcé de la résolution elle-même ;

Il n'y a pas lieu non plus d'assortir ces obligations d'une mesure d'astreinte qui excéderait le cours normal que doivent observer les restitutions réciproques à opérer.

Le présent arrêt ne prononcera aucune condamnation à l'encontre de MM. EJ Empain et Eric Graham, ces personnes n'ayant pas été intimées devant la cour qui ne peut donc que déclarer irrecevables les demandes formées à cette fin par la SNC Thoretim

Les demandes des sociétés EG, IAI et EGH tendant à la condamnation de M. Ott à les relever et garantir des condamnations précédentes ainsi qu'à leur payer, en sus, la somme de 73 076 410 F représentant les frais et débours générés par l'aménagement de la ZAC seront rejetées ;

C'est en effet à juste titre que M. Ott fait valoir qu'il a cédé le bien en qualité de professionnel de l'immobilier à d'autres professionnels plus avertis que lui (la société Empain Graham, chef de file, étant un important opérateur parisien professionnel de l'aménagement) en sorte que ceux-ci ne peuvent utilement prétendre avoir ignoré, ou pu ignorer, la situation juridique des terrains cédés et l'incidence de la loi du 3 janvier 1986 que les intéressés ont ensemble (inexactement) considéré comme un aléa négligeable, et que les sociétés acquéreuses ont accepté de prendre en charge à la différence des sous-acquéreurs, non professionnels, qui ont au contraire contracté pour obtenir le bénéfice d'une constructibilité acquise.

Les sociétés ayant acquis de M. Ott ne peuvent non plus soutenir, et ne prouvent pas, qu'elles auraient été trompées par celui-ci parce qu'il aurait connu et caché le recours formé le 2 septembre 1987 par l'association des "Amis du Rayol Canadel" contre le POS rien ne démontrant une telle dissimulation que n'implique pas la mention figurant à l'acte que les délibérations créant la ZAC le 21 juillet 1988 et approuvant le plan d'aménagement de zone n'avaient fait l'objet d'aucun recours, affirmation qui n'est pas en elle-même inexacte ;

Elles sont également d'autant plus mal venues à invoquer un quelconque manquement de M. Ott aux obligations qu'il a contractées le 9 juin 1989, et à lui demander paiement de 73 076 410 F, qu'elles ont introduit contre l'Etat et la Commune une action en responsabilité et réparation de leur préjudice, évalué à la somme précédente, demande à l'appui de laquelle elles ont déposé un mémoire qui rejette la totale responsabilité de ce préjudice sur l'Etat et la Commune :

* le premier pour avoir autorisé l'opération le 10 juin 1988 alors que la loi littoral était déjà en vigueur,

* la seconde, "qui a créé la ZAC et approuvé le PAZ, pour lui en avoir confié l'aménagement qui s'est ensuite avéré inutile" ;

Les demandes visant la SCP Deloche, Mottet, Gastaldi-Marzouk seront déclarées irrecevables, cette société civile professionnelle, partie en première instance, n'ayant pas été intimée ni assignée devant la cour d'appel ;

La demande en déclaration de responsabilité professionnelle formée contre Me Gastaldi-Marzouk à titre personnel sera rejetée comme mal fondée en effet

- la résolution de la vente ayant été prononcée pour inexécution de l'obligation de délivrance, obligation qui ne pèse que sur le co-contractant vendeur sans affecter la validité intrinsèque du contrat, et sans que le notaire puisse être tenu pour responsable de cette inexécution ou solidaire des conséquences pécuniaires de cette dernière,

- il n'est pas établi que Me Gastaldi-Marzouk aurait passé l'acte en connaissance effective du recours introduit contre le POS et sans attirer l'attention de l'acquéreur sur l'existence de ce recours, ce qui aurait constitué une faute compte tenu des conséquences possibles et prévisibles de ce recours, seul étant opposé à Me Gastaldi le fait qu'elle aurait pu être informée du recours par les articles de la presse locale qui en ont fait écho et l'affirmation qu'une telle méconnaissance est "inconcevable", circonstances toutefois insuffisantes pour établir positivement cette connaissance, alors que la charge d'une preuve complète pèse sur la SNC Thoretim,

- que l'ensemble des documents alors à sa disposition ne faisait au contraire ressortir aucun obstacle juridique à la possibilité pour les sociétés venderesses de remplir la totalité de leurs obligations, délivrance comprise, que cet officier ministériel aurait dû déceler ;

La mise hors de cause de la société UIC sera ordonnée celle-ci, bien qu'intimée, ne faisant l'objet d'aucune demande de la part d'aucune des parties ;

Les sociétés EG, IAI, SICL et EGH seront condamnées in solidum à payer à la SNC Thoretim une somme de 10 000 F pour frais irrépétibles ;

Par considération d'équité et eu égard à la situation économique des parties il n'y a pas lieu d'allouer une quelconque somme pour frais irrépétibles à M. Ott non plus qu'à la société UIC, que la SNC Thoretim n'avait pas assignée devant le tribunal de grande instance et qui a été mentionnée comme partie défenderesse par le tribunal, erreur pouvant expliquer que la SNC Thoretim ait pu penser devoir l'intimer mais n'a pu occasionner de frais irrépétibles réels à cet organisme, rien n'étant en fait à discuter en ce qui le concerne ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit en la forme l'appel ; Déclare irrecevables les conclusions déposées le 28 avril 1987 par M. Ott, ainsi que les notes en délibéré. Ordonne la mise hors de cause de la société UIC. Reçoit Me Arnaud en son intervention volontaire en tant que liquidateur judiciaire de M. Weiergag et Vatant associés gérants de la SICL Déclare irrecevables les demandes formées contre Mrs E. Graham et EJ Empain ainsi que la SCP Deloche-Mottet Gastaldi-Marzouk non intimes. Infirme la décision entreprise. Prononce la résolution de la vente immobilière passée le 1er août 1990 entre les sociétés Empain Graham et Cie, International Amalgameted Investors et société d'Immeubles Commerciaux Locatifs, vendeurs, et la SNC Thoretim portant sur deux lots de terrain sis au : Rayol Canadel, et ce aux torts des parties venderesses. Condamne les sociétés Empain Graham, International Amalganeted Investors, ainsi que la SNC EGH solidairement à rembourser à la SNC Thoretim, contre restitution dii4 teraairL4, les sommes de 1 987 000 F (un million neuf cent quatre vingt sept mille francs) et 55 000 F (cinquante cinq mille francs) outre intérêts au taux légal sur ces deux sommes depuis le 1er août 1990 avec capitalisation de ces derniers en application de l'article 1154 du Code civil, ainsi qu'à payer à la SNC Thoretim une somme de 180 000 F (cent quatre vingt mille francs) à titre de dommages-intérêts, Fixe à 1 987 000 F (un million neuf cent quatre vingt sept mille francs) et 55 000 F (cinquante cinq mille francs) avec intérêts au taux légal depuis le 1er août 1990 et capitalisation de ces derniers en application de l'article 1154 du Code civil et à 180 000 ifs (cent quatre vingt mille francs) la créance de la SNC Thoretim sur la société SICL, obligation solidaire avec celle des sociétés Empain Graham, International Amalgameted Investors et la SNC EGH, Déboute les sociétés Empain Graham, International Amalgameted Investors et la SNC EGH. de leurs demandes à l'encontre de M. Ott. Déboute la SNC Thoretim de sa demande à l'encontre de Me Gastaldi Marzouk. Condamne in solidum les sociétés Empain Graham, International Amalgameted Investors, SICL et EGH à payer à la SNC Thoretim une somme de 10 000 F (dix mille francs) pour frais irrépétibles. Rejette les autres demandes des parties. Condamne in solidum les sociétés Empain Graham, International Amalgameted Investors, SICL et EGH aux entiers dépens de première instance et d'appel, dit que ceux-ci seront en ce qui concerne la société SICL employés comme frais de liquidation judiciaire, et que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.