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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 24 janvier 1989, n° 87-322

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pizza Nana (SARL)

Défendeur :

Pertruis Froid (SARL), Winterthur (SA), Le Froid (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rambaud

Conseillers :

Mme Garrigue, M. Degrandi

Avoués :

SCP De Saint Ferreol & Touboul, Me Ermeneux, SCP Tollinchi, SCP Sidier

Avocats :

Mes Hini, Tertian, Pestel Deborg, Allemand.

T. com. Marseille, du 29 oct. 1986

29 octobre 1986

Expose du litige

Attendu que suivant contrat du 5 juillet 1984, la SARL Pertruis Froid a vendu à la société Pizza Nana une installation de congélation de produits pour un prix de 195 690 F, dont 140 000 F payables par quatre traites à échéances successives espacées d'un mois, la première au 30 août 1984 ;

Attendu que les lettres de change des 30 septembre et 30 octobre 1984 ont été retournées impayées et ont en définitive été réglées les 15 et 30 décembre 1984 ; que la dernière, échue le 30 novembre 1984, n'a pas été honorée ;

Attendu que l'installation est tombée en panne le 25 novembre 1984 et a été dépannée le jour même par le vendeur ; que son fonctionnement a été interrompu à nouveau pendant la période du 22 au 27 décembre 1984, date de l'intervention de Pertruis Froid qui n'avait pu être touchée auparavant ; qu'elle s'est une nouvelle fois arrêtée le 15 juin 1985, Pertruis Froid refusant alors d'intervenir en raison du non paiement du solde du prix ; qu'elle a été remise en route le 19 juin 1985 par la société Profroid ;

Attendu que la SARL Pertruis Froid a cité la société Pizza Nana devant le Tribunal de commerce de Marseille qui, par jugement du 3 octobre 1985, a condamné la défenderesse à payer 35 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1984 ;

Attendu que parallèlement à cette instance, la société Pizza Nana a obtenu en référé une mesure d'expertise déclarée commune à la société Le Froid, fournisseur de la société Pertruis Froid ; qu'au vu du rapport de l'expert, elle a saisi la juridiction précitée pour obtenir réparation du préjudice consécutif au vice caché de l'installation ; que par jugement contradictoire du 29 octobre 1986, le tribunal de commerce l'a déboutée de ses prétentions, dit l'appel en garantie des sociétés Winterthur et Le Froid sans objet, et rejeté les reconventions de cette dernière ;

Attendu que la SARL Pizza Nana a interjeté appel qu'elle demande un donner acte de son désistement d'appel de la décision du 3 octobre 1985 et du paiement en exécution de celle-ci de la somme de 49 456,70 F, et sollicite la réformation du jugement entrepris, la condamnation de la société Pertruis Froid à lui régler sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil une somme de 89 759,93 F avec intérêts au taux légal au jour de la demande, ainsi que 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en faisant valoir :

- qu'ayant réglé le 30 juin 1987 la totalité des sommes dues, elle peut prétendre à la garantie des vices cachés révélés par l'expert, étant observé d'une part que la première panne s'est produite avant l'échéance de la dernière traite et a engendré une perte supérieure au montant de celle-ci comme l'attestent les certificats des services vétérinaires, d'autre part qu'elle était de ce fait en droit de se prévaloir de l'exception non adimpleti contractus que lui oppose le vendeur ;

- que le défaut de l'horloge a entraîné les trois pannes et constitue un vice caché au sens des articles 1641 et 1643 du Code civil ;

- qu'outre le montant des pertes arrêtées par l'expert, elle a dû exposer 2 701,67 F pour faire réparer l'installation lors de la dernière panne ;

Attendu que la SARL Pertruis Froid souhaite principalement la confirmation et 5 000 F pour frais irrépétibles, subsidiairement la condamnation des sociétés Le Froid et Winterthur à la relever et garantir de toutes condamnations, en soulignant :

- que le non paiement des traites acceptées, le premier incident remontant au 30 septembre 1985, fait obstacle à ce que l'appelante puisse revendiquer l'exécution d'une obligation de garantie ;

- que le règlement ultérieur n'a pas fait renaître cette obligation ;

- que la société Pizza Nana a négligé la surveillance des installations pendant les périodes de non occupation des locaux et n'aurait subi aucun préjudice dans le cas contraire ;

Attendu que la SA Le Froid conclut à la confirmation et à la condamnation de Pertruis Froid à lui verser 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en se prévalant

- de l'ignorance dans laquelle elle a été tenue en ce qui concerne les pannes postérieures à celle du 25 novembre 1984 dont elle a assuré le dépannage dans le cadre de la garantie contractuelle due à Pertruis Froid ;

- des fautes relevées par l'expert à la charge de Pizza Nana ;

Attendu que la SA Winterthur s'associe aux conclusions de la SARL Pertruis Froid pour demander principalement le rejet des prétentions de Pizza Nana, subsidiairement la condamnation de la société Le Froid à la relever et garantir, en faisant valoir :

- l'exception d'inexécution opposable à l'appelante

- les fautes commises par celle-ci ;

- l'absence de constat de destruction des denrées ;

Motifs de la décision

Attendu que la SARL Pertruis Froid est intervenue les 25 novembre et 27 décembre 1984 pour remédier aux pannes ; qu'elle n'a donc manifestement pas considéré le retard de paiement qu'elle avait dénoncé par lettre du 25 octobre 1984 comme suffisamment grave pour justifier une inexécution de ses propres obligations ;

Attendu qu'une lettre du 11 février 1985 versée aux débats par la SARL Pizza Nana démontre qu'après le 27 décembre 1984, cette dernière a demandé à la société Pertruis Froid de prendre en charge les pertes constatées en décembre 1984 et de souscrire à cet effet une déclaration de sinistre ; que par retour de courrier, celle-ci lui a fourni les coordonnées de l'assureur auprès duquel cette démarche avait été accomplie tout en indiquant qu'un expert allait être mandaté et en sollicitant le règlement sans délai des sommes restant dues ;

Attendu que la société Pizza Nana a donc eu la possibilité dès la mi-février 1985 de vérifier que son co-contractant n'avait pas l'intention de se soustraire à ses obligations ; qu'elle n'a pas pour autant exécuté les siennes alors qu'elle avait tardé à le faire avant la panne initiale qui n'avait au demeurant pas eu de conséquences dommageables contrairement à ce qu'elle suggère.

Attendu dans de telles conditions que la décision de la société Pertruis Froid, notifiée par lettre recommandée du 6 juin 1985, d'interrompre ses interventions, est justifiée par l'exception non adimpleti contractus ; que sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés ne peut donc être recherchée que pour le sinistre du mois de décembre 1984 ;

Attendu que celui-ci s'est produit pendant la période de fermeture des locaux, plus exactement entre la nuit du 22 décembre et le 26 décembre 1984 à cinq heures (Réf. PV de constat du 27 décembre 1984 de l'huissier requis par la SARL Pizza Nana) ;

Attendu que l'expert a relevé que l'appelante a négligé la surveillance des installations frigorifiques pendant les périodes de non occupation des locaux, précisant qu'une visite ou un report d'alarme à distance aurait permis la mise en œuvre de mesures capables d'assurer la sauvegarde du contenu de celles-ci ;

Attendu que le vendeur professionnel n'assume la responsabilité que du dommage en relation de cause à effet avec l'anomalie constatée ; qu'en l'état de la faute imputable à la société Pizza Nana, ce lien de causalité n'est pas établi ;

Attendu qu'aucun des moyens soulevés ne justifie dans ces conditions une réformation de la décision critiquée ;

Attendu qu'aucun motif d'équité ne commande l'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la société Pizza Nana, qui succombe, doit supporter les dépens, y compris ceux des appels en garantie justifiés par l'instance principale ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel Donne acte à la SARL Pizza Nana de ce qu'elle déclare s'être désistée de son appel contre un jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 3 octobre 1985 et avoir payé en exécution de celui-ci une somme de 49 496,70 F (quarante-neuf mille quatre cent quatre-vingt seize francs soixante-dix centimes) à la SARL Pertruis Froid ; Confirme le jugement rendu le 29 octobre 1986 par le Tribunal de commerce de Marseille dans l'instance opposant les sociétés Pizza Nana, Pertruis Froid, Le Froid et Winterthur Y ajoutant, Rejette toutes autres prétentions ; Condamne la SARL Pizza Nana aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de Maître Ermeneux et des SCP Sider et Tollinchi, avoués, sur leur affirmation d'en avoir fait l'avance.