CA Paris, 5e ch. B, 24 septembre 1998, n° 1997-03308
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Barbosa
Défendeur :
Centre Europe Caravane (SA), Burstner Caravanes (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
Mme Cabar, M. Bouche
Avoués :
SCP Annie Bascal, SCP d'Auriac-Guizard
Avocats :
Mes Dumont, Knabel.
Considérant que Raoul Barbosa a fait appel d'un jugement contradictoire du 26 novembre 1996 du Tribunal de grande instance de Melun qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes de paiement de réparations d'un camping car et d'indemnisation d'un trouble de jouissance, a déclaré sans objet le recours en garantie de la société Centre Europe Caravane à l'encontre de la société Burstner Caravane et l'a condamné aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Qu'il expose :
- qu'il a acheté à la société Centre Europe Caravane CEC le 18 mars 1991 un véhicule de marque Peugeot équipé d'une carrosserie de caravane de marque Burstner au prix de 246 508 F,
- qu'il a constaté dès la première utilisation diverses anomalies et a du s'adresser à de nombreuses reprises à la société concessionnaire CEC avant de confier le camping car le 19 novembre 1992 à la société Burstner Caravanes en vue de réparations qu'il espérait définitives,
- qu'il a récupéré le véhicule le 17 avril 1993, a constaté la persistance d'anomalies et a demandé la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 14 mai 1994,
- que l'expert a conclu le 16 mars 1995 à la nécessité de diverses réparations intérieures et extérieures de malfaçons imputables au constructeur et à l'insuffisance de l'alimentation en énergie électrique à l'arrêt;
Qu'il soutient que la société Burstner Caravane lui doit la garantie des vices cachés découverts à l'occasion de l'utilisation du véhicule et que le constructeur en a reconnu l'existence en reprenant le camping car pour y remédier ; qu'il demande à la cour de retenir également la responsabilité de la société CEC dès lors que les troubles sont apparus dans le délai contractuel de garantie d'une année ;
Qu'il sollicite la condamnation in solidum des deux sociétés à lui verser 1 905,90 F, coût des travaux restant à effectuer, 2 858,52 F de frais de déplacement de l'expert, les intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter de l'assignation, 8 689,52 F correspondant à la fourniture et à la pose d'un boîtier électronique d'adaptation d'un groupe électrogène et d'un transformateur, 100 000 F de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et 20 000 F pour ses frais irrépétibles ; qu'il réclame en outre à la société CEC un solde de créance de 1 341 F résultant de transactions avant expertise ;
Considérant que la société Centre Europe Caravane, assignée à personne habilitée à recevoir l'exploit, n'a pas constitué avoué, qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire à son encontre ;
Que la société Burstner Caravane, autre intimé, a constitué avoué et soutient :
- que Raoul Barbosa qui avait commencé par commander la pose d'aménagements complémentaires, n'a cessé de multiplier les réclamations et de susciter des différends en dépit des interventions réalisées dans un souci commercial tant par la société CEC que par le constructeur du châssis Peugeot,
- que l'expert n'a préconisé qu'un réglage du train avant et une remise en état de la cellule ne coûtant pas plus de 1 906 F hors pièces de rechange, et a constaté que les batteries électriques ne suffisaient pas à assurer une alimentation constante des appareils électriques si le camping car ne se branchait pas sur une borne d'alimentation de son lieu de stationnement ;
Qu'elle conteste l'existence de vices cachés et soulève au surplus la prescription instituée par l'article 1648 du Code civil ; qu'elle refuse de prendre en charge l'adjonction d'un groupe électrogène qui n'a jamais été promise, ni des frais de retour dans ses ateliers qui ne procèdent pas d'un manquement à ses obligations, et prétend que Raoul Barbosa n'apporte la preuve ni d'une faute ni d'un préjudice justifiant sa demande de dommages-intérêts ; qu'elle conteste enfin toute solidarité avec la société CEC qui exerce son activité de revendeur en toute indépendance ;
Qu'elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de lui allouer 20 000 F pour ses frais irrépétibles ;
Considérant que Raoul Barbosa réplique que l'intervention du vendeur afin de remédier aux vices constatés interrompt le cours de la prescription et que la désignation en référé d'un expert a substitué une prescription de droit commun à l'exigence du "bref délai" de l'article 1648 du Code civil; qu'il ajoute qu'en réalité les défauts subsistants proviennent non pas des vices initiaux mais d'une mauvaise exécution des réparations ;
Considérant qu'il résulte des documents produits et des constatations de l'expert Jean Thommeret commis par ordonnance de référé du 14 mai 1993 que :
- le camping car litigieux acheté à la société CEC le 28 mars 1991 comporte une caisse aménagée de marque Burstner montée sur un châssis de marque Peugeot, et que Raoul Barbosa s'est adressé à un garagiste de son choix pour équiper le véhicule d'une direction assistée,
- l'expert a constaté le 7 juillet 1993, sur un véhicule qui avait parcouru 12 887 kilomètres, une anomalie de la géométrie du train avant, une mauvaise position du volant de la direction et une fuite d'huile sur l'alimentation de la direction assistée, ainsi que, sur doléances de Raoul Barbosa, des débordements de mastic d'étanchéité à la jonction du toit et des panneaux latéraux et à l'emplacement de la fixation des supports de protection arrière, la présence d'anciens trous de fixation du bouclier avant qui a été déplacé, une inclinaison du véhicule vers la droite imputable à la présence de cales d'épaisseur entre le ressort et l'essieu arrière droit, une fuite du circuit d'huile de la direction assistée, une modification du raccordement du fil d'alimentation électrique, un remplacement par découpe du revêtement de sol, l'absence d'embout sur une baguette, une déformation de l'encadrement de la vitre avant droite l'empêchant de coulisser entièrement des rayures sur un montant de la penderie, le décollement de joints de raccordement et d'étanchéité dans la salle de bains, la défectuosité de l'étanchéité des vitres de cette même salle de bains, une déformation du store de la cuisine et l'inamovibilité du bac de rangement placé dans un tiroir d'un meuble de cette cuisine,
- l'expert a énuméré à ce stade de l'expertise les vingt deux doléances de Raoul Barbosa dont une insuffisance de puissance de la batterie électrique qui "ne tiendrait pas la charge", et sans tenir le moindre compte de ce que le camping car avait été livré plus de deux ans auparavant et avait parcouru un kilométrage appréciable, a enjoint à la société CEC de remédier à ces doléances ce qui a provoqué la mise en cause de la société Burstner Caravane,
- que le 25 novembre 1993 l'expert a constaté que la société Burstner Caravane acceptait de remédier aux anomalies subsistantes à condition de reprendre le véhicule dans ses ateliers, et que la société CEC s'engageait à intervenir sur la direction assistée et à parfaire la géométrie du train avant,
- que le 31 mars 1994 l'expert, au cours d'un troisième examen, a constaté que le véhicule avait tendance à se déporter légèrement vers la droite ce qu'unsimple réglage du train avant suffirait à corriger, que le bac de rangement demeurait inamovible, qu'un boîtier électronique suspect n'avait pas été remplacé, qu'un enjoliveur d'un pied de siège manquait, que l'épaisseur excessive d'une cale empêchait le coulissage convenable d'une des deux vitres de la salle de bains et que la décoration de la "porte carrosserie" présentait une "différence de hauteur";
- que l'expert a chiffré à 1 905,90 F toutes taxes comprises le coût des interventions encore nécessaires et a préconisé "afin d'éliminer le doute sur son fonctionnement" le chargement du boîtier électronique et afin d'assurer une alimentation convenable d'une certaine durée de l'équipement électrique lorsque le véhicule est à l'arrêt, l'adjonction d'un groupe électrogène ;
Considérant que les premiers Juges ont relevé avec pertinence que les imperfections dénoncées par Raoul Barbosa étaient apparentes ; que l'appelant est mal fondé à exercer une action en réparation de vices cachés qui serait au surplus prescrite dès lors que plus de deux années ont séparé la livraison du véhicule en 1991 de la demande de désignation d'un expert judiciaire et ont été utilisées moins pour remédier aux imperfections que Raoul Barbosa dénonçait encore le 7 juillet 1993 que pour faire modifier la direction d'origine et remplacer les boiseries intérieures ;
Considérant que les premiers Juges ont de même écarté l'application de la garantie contractuelle par des motifs pertinents que la cour adopte ; qu'il convient d'ajouter qu'un camping car est un véhicule, que Raoul Barbosa l'a eu en sa possession pendant deux ans et a parcouru plus de 12 000 kilomètres à son volant et que cette utilisation prolongée comme les modifications que Raoul Barbosa a fait apporter à son camping car, peuvent expliquer l'essentiel des constatations finales de l'expert ;
Que les sociétés CEC et Burstner Caravane ont certes accepté, ainsi qu'elles l'ont soutenu, de céder aux exigences excessives de Raoul Barbosa par souci de préserver leur réputation commerciale et sous la pression d'un expert qui a quelque peu oublié les modifications apportées au modèle d'origine et l'expiration de la durée de la garantie contractuelle ; qu'il n'en résulte pas pour autant qu'elles doivent supporter le coût des ultimes interventions préconisées par l'expert et du remplacement d'un boîtier électronique dont il n'est pas établi qu'il soit réellement défectueux, ni financer une adjonction d'un groupe électrogène qui n'était pas contractuellement due, les deux batteries livrées suffisant à l'alimentation de tout l'équipement du camping car en utilisation normale ;
Considérant que les premiers Juges ont de même écarté par des motifs pertinents que la cour adopte, les demandes de dommages-intérêts, de remboursement d'un avoir et de prise en charge de frais d'assistance à expertise formulées par Raoul Barbosa ; qu'il n'est justifié d'aucune faute des sociétés intimées et notamment d'aucune privation préjudiciable d'utilisation du camping car imputable à un manquement aux engagements contractuels des sociétés CEC et Burstner Caravane;
Considérant qu'il serait inéquitable que la société Burstner Caravane qui demande la confirmation du jugement, conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs : Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ; Condamne Raoul Barbosa à verser 10 000 F à la société Burstner Caravane ; Le condamne en tous les dépens d'appel ; Admet la SCP d'Auriac-Guizard, avoué , au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.