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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 6 septembre 2001, n° 00-05841

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Girard

Défendeur :

Motorland (SA), Motorep (SA), Suzuki France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Bohuon

Avoués :

SCP Castres Colleu & Perot, SCP Bazille & Genicon, Me Bourges

Avocats :

Mes Cujerone, Parent, Vallée-Jego

TGI Nantes, du 14 mars 2000

14 mars 2000

Expose du litige

Jean-Luc Girard a acheté le 15 avril 1997 auprès de la société Motorland une moto Suzuki modèle 1400 intruder de couleur verte, immatriculée 5606 ZM 44 avec garantie pièces et main-d'œuvre pendant deux années.

Monsieur Girard, se plaignant d'oxydation sur son véhicule, a demandé le 23 juin 1998 au concessionnaire local, la société Motorep de procéder aux réparations qui s'imposaient dans le cadre de la garantie ; la remise en état était achevée en octobre 1998.

Monsieur Girard a refusé de reprendre son véhicule et a assigné, le 9 décembre 1998 les sociétés Motorep et Motorland en résolution de la vente et condamnation à dommages-intérêts.

Le 15 janvier 1999 les sociétés Motorep et Motorland ont assigné en garantie la société Suzuki France.

Par jugement du 14 mars 2000 le Tribunal de grande instance de Nantes a débouté Monsieur Girard de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné au paiement de la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles.

Monsieur Girard qui a interjeté appel, sollicite la réformation du jugement, l'annulation de la vente et à titre subsidiaire soulève le défaut de conformité, la restitution par la société Motorland de la somme de 59 680 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1997, la condamnation in solidum des intimés au paiement de:

- 15 000 F en réparation de son préjudice de jouissance,

- 2 185,07 F en contrepartie de la prime d'assurance

- 11 004,72 F au titre des frais d'intérêts d'emprunt.

Il sollicite 15 000 F au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de son appel il se prévaut d'une erreur sur les qualités substantielles de la moto, n'ayant jamais eu l'intention d'acheter une moto dont le vieillissement serait aussi accéléré, éventuellement d'un défaut de conformité résultant de l'oxydation survenue après quelques mois d'utilisation, désordre d'ordre esthétique qui ne peut être imputé à un défaut d'entretien de la moto, lequel n'est pas établi. Il ajoute qu'il n'a pas repris possession de sa moto après réparation compte tenu de la légitime perte de confiance.

La SA Motorland et la SA Motorep concluent à la confirmation du jugement, au débouté des demandes de Monsieur Girard, à la condamnation à titre subsidiaire de la société Suzuki à les garantir de toutes condamnations en principal, dommages-intérêts et frais. Elles sollicitent 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elles opposent le bref délai de l'article 1648 du Code civil qui n'a pas été respecté par Monsieur Girard pour se prévaloir d'un vice caché, lequel ne semble plus repris en cause d'appel.

Elles font valoir que la preuve n'est pas rapportée des conditions dans lesquelles l'oxydation des chromes a pu se produire, de telle sorte qu'il ne peut y avoir tromperie sur les qualités substantielles, ni défaut de conformité, s'agissant d'un problème esthétique qui n'a nullement empêché l'usage normal du véhicule, étant observé que l'entretien de tels véhicules nécessite des soins particuliers dus à l'importance des pièces chromées.

Il n'existe pas d'élément objectif pour affirmer l'existence d'un défaut de conformité.

La société Suzuki France conclut à la confirmation du jugement, la condamnation Monsieur Girard au paiement d'une somme de 15 000 F pour procédure abusive et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au débouté de l'appel en garantie, ayant accepté l'échange gratuit de toutes les pièces nécessaires à titre commercial.

Elle réplique que Monsieur Girard ne rapporte pas la preuve que la qualité substantielle qui attribue aux propriétés de sa moto n'existait pas, que rien ne permet pas d'affirmer que Monsieur Girard a suffisamment entretenu les chromes de son véhicule, étant observé que l'oxydation prétendue n'a pas empêché l'utilisation importante de la moto, qui a été intégralement réparée dans le souci commercial. Elle soutient encore que Monsieur Girard ne rapporte pas la preuve d'un défaut de conformité en l'absence de toute expertise et ajoute que la réparation du véhicule sous garantie n'équivaut pas à la reconnaissance implicite que les désordres ne sauraient provenir d'un défaut d'entretien.

Discussion

Attendu que les premiers juges ont fait une juste analyse des éléments de fait et de droit de la cause en écartant la garantie des vices cachés dans la mesure où Monsieur Girard n'a signalé à son vendeur le problème de l'oxydation des chromes que plus de 14 mois après l'achat, et n'a agi en justice que 20 mois après l'achat, alors que les premiers signes d'oxydation seraient apparus trois semaines après la livraison ;

Attendu que Monsieur Girard qui invoque une erreur sur les qualités substantielles, en l'espèce la résistance des chromes à la corrosion doit rapporter la preuve de l'absence de la qualité substantielle ;

Attendu qu'il est manifeste que l'oxydation non contestée des chromes sur un véhicule motocyclette, après un usage de 9 000 km pendant 14 mois autorise l'utilisateur du véhicule à soutenir qu'il a été trompé sur les propriétés de son véhicule, la résistance notamment à la corrosion, le caractère esthétique de ce type d'engin étant une qualité essentielle ; que les intimées ne rapportent pas la preuve que la corrosion relèverait du défaut d'entretien de la motocyclette par son propriétaire, alors que l'acceptation par la société Suzuki même à titre purement commercial, de procéder à l'échange d'un certain nombre de pièces, atteintes par la rouille, pour un montant TTC de 26 487,26 F, constitue une reconnaissance implicite que les désordres ne provenaient pas du défaut d'entretien de l'engin, étant observé que dans le contrat de garantie il était expressément stipulé que la garantie de 2 ans ne pouvait recevoir application notamment en cas d'utilisation anormale ou défaut d'entretien ; que s'il en avait été ainsi la société Suzuki, même à titre commercial n'aurait pas accepté d'effectuer les réparations pour une somme équivalant à la moitié de la valeur de la motocyclette;

Qu'en conséquence l'action de Monsieur Girard sur le fondement de l'article 1110 du Code civil peut être accueillie;

Que Monsieur Girard est recevable en son action en nullité du contrat de vente; il convient d'ordonner la restitution du prix de vente soit la somme de 59 680 F, avec intérêts légaux à compter du jour de la vente en contrepartie de la restitution du véhicule;

Attendu que Monsieur Girard ne saurait réclamer utilement le remboursement des emprunts et primes d'assurances ce qui constituerait une double indemnisation du véhicule qu'il a utilisé pendant 14 mois pour effectuer près de 9 000 km;

Quant au trouble de jouissance, Monsieur Girard, qui a refusé de reprendre possession de son véhicule depuis 1998, ne peut prétendre obtenir indemnisation de ce chef ;

Attendu que la société Suzuki France importateur du véhicule vendu avec une garantie contractuelle, doit être tenue à garantir les sociétés Motorland et Motorep;

Que toutefois il serait inéquitable de laisser à sa charge des frais irrépétibles qui seront indemnisés par la somme de 10 000 F ;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement du 14 mars 2000, Annule le contrat de vente du 15 avril 1997, En conséquence, Condamne la société Motorland à restituer à Monsieur Girard la somme de 59 680 F (9 098,16 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1997, Déboute Monsieur Girard de ses autres demandes, Déboute les parties de toute autre demande, Condamne la société Motorland et la société Motorep à payer à Monsieur Girard la somme de 10 000 F (1 524,49 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dit que la société Suzuki est tenue de garantir les sociétés Motorland et Motorep de toutes condamnations prononcées à leur encontre, Condamne in solidum les sociétés Motorland et Motorep et la société Suzuki aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.