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Décisions

CA Paris, 19e ch. A, 17 mai 1993, n° 89-22953

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mutuelle du Mans Assurances Iard (Sté)

Défendeur :

Dukan (Epoux), AGF (Sté), Préservatrice Foncière (Sté), GAMF (Sté), EGBMM (Sté), Mutuelle Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Sté), Millet, Berault, Munaux, Tuileries d'Ingrandes (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salomon (faisant fonctions)

Conseillers :

Mme Percheron, M. Delanne

Avoués :

SCP Faure Arnaudy, SCP Narrat Peytavi, Mes Olivier, Careto, SCP Fanet

Avocats :

Mes Blanc, Rancon Cavenel, Guet, Royet, d'Herbomez, SCP Naba

TGI Paris, 6e ch., 1re sect., du 26 sept…

26 septembre 1989

LA COUR statue sur l'appel interjeté le 27 octobre 1989 par la " Mutuelle du Mans ", anciennement dénommée la " Mutuelle Générale Française Accidents " (MGFA) puis les " Mutuelles du Mans Iard " du jugement rendu le 26 septembre 1989 par le Tribunal de grande instance de Paris, 6e Chambre, 1re section, dans le litige opposant l'appelante, qui a été l'assureur de la société "Chicot Tuileries de Saint-Rémy" (Chicot), aux époux Dukan, propriétaire d'un pavillon situé 39 quai Voltaire au Pecq (Yvelines), recouvert de tuiles provenant de ladite tuilerie, au groupement d'entreprises EGBMM qui a construit ce pavillon, à M. Fernand Millet, représentant de ce groupement, à la compagnie "Groupement Français d'Assurances Mutuelles de France" (GAMF),assureur d'EGBMM, à la compagnie "Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics" (SMABTP), à la compagnie "Les Assurances Générales de France" (AGF) et à la compagnie "La Préservatrice Foncière" (PFA), qui ont été également à un moment donné les assureurs de la société "Chicot-Tuileries de Saint-Rémy", à cette dernière société et à ses mandataires-liquidateurs, Maîtres Berault et Munaux, à l'occasion des désordres allégués par les époux Dukan consistant en un défaut d'étanchéité de la toiture de leur pavillon, tenant essentiellement au délitage des tuiles.

Les premiers Juges ont :

- mis hors de cause EGBMM, M. Millet, le GAMF, la SMABTP et les AGF;

- dit que Chicot est entièrement responsable des désordres survenus dans la toiture des époux Dukan;

- condamné in solidum PFA et MGFA, dans la limite de leurs contrats, à payer aux époux Dukan les sommes suivantes :

* 104 904,98 F au titre de la réfection de la toiture;

* 2 500 F au titre du nettoyage des gouttières;

- dit que les sommes ainsi fixées seront réévaluées sur la base de l'indice du coût de la construction du 27 avril 1988, date du dépôt du rapport de l'expert Cormier, au jour du jugement;

- condamné in solidum les mêmes compagnies à payer aux époux Dukan la somme de 8 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC;

- condamné les mêmes aux entiers dépens en ce inclus les frais de référé et d'expertise;

- dit que, dans leurs relations entre elles, les parties condamnées supporteront le poids de la moitié des condamnations ainsi prononcées;

- ordonné l'exécution provisoire.

L'appelante demande à la cour de constater que la police MGFA a pris effet le 1er janvier 1981 pour être résiliée le 31 décembre 1982; de dire qu'aux termes de cette police, seuls sont garantis les sinistres apparus entre ces deux dates, le sinistre étant défini comme la réclamation formulée auprès de l'assuré pour des faits survenus dans la même période; de dire qu'aucune réclamation n'a été formée auprès de Chicot avant 1985, soit trois ans après la résiliation du contrat; de dire qu'en conséquence, la police MGFA ne peut être amenée à intervenir; de dire au surplus qu'il n'est pas apporté la preuve que le fait dommageable soit apparu dans la période de validité de la police et que, bien au contraire, il résulte des affirmations même du tribunal que le désordre est apparu en 1980,soit antérieurement à la prise d'effet du contrat; de retenir la responsabilité du couvreur dans l'apparition des désordres; de le condamner à la garantie de toute condamnation qui interviendrait à son encontre de condamner la SMABTP à la garantir également de toute condamnation qui interviendrait à son encontre ;

Subsidiairement, sur le quantum, de réduire la somme accordée en ce qu'elle tient compte de la mise en conformité, laquelle se doit de rester à la charge soit du couvreur soit du maître de l'ouvrage, selon l'interprétation qu'en fera la cour ;

D'ordonner la restitution de la somme de 58 027,49 F ou des sommes par elle payées en trop avec intérêts de droit à compter du 9 novembre 1989;

De dire qu'en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée que dans les limites de son contrat, à savoir sous déduction d'une franchise minimum de 10 000 F restant à la charge de l'assuré et à l'exclusion de toute solidarité;

De condamner enfin les époux Dukan au versement d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

PFA, qui a formé appel incident, demande à la cour de :

- constater qu'il n'est pas établi que le sinistre soit survenu en 1979-1980;

- constater qu'il n'a été porté à la connaissance de Chicot que le 21 juin 1985;

- constater que Chicot a bénéficié d'un contra "RC Fabriquant" non obligatoire du 1er janvier 1978 résilié le 23 avril 1982;

- dire en conséquence que le dommage est survenu hors du cadre temporel de la garantie PFA;

- constater que la police PFA comportait une clause d'exclusion des réclamations relatives à des vices caché ;

- constater que la police liant PFA à Chicot relevait du régime de l'assurance non obligatoire;

- dire en conséquence toutes les clauses figurant à cette police opposables aux tiers et de mettre PFA hors de cause en application de la clause d'exclusion;

- constater que le jugement a mis à la charge de PFA la mise en conformité des travaux par la création d'un contre-litonnage et de chatières suffisantes;

- constater que la nécessité de transformer la ventilation n'est pas compatible avec l'absence de responsabilité de l'entreprise responsable de ces travaux, qui doit être tenue sur le fondement de l'article 1792 du Code civil;

- en conséquence, minorer les condamnations mises à la charge de PFA du fait du coût des travaux de réfection;

- dire en toute hypothèse l'action tardive comme n'ayant pas été exercée à bref délai;

- rejeter toute demande au titre du préjudice de jouissance et au titre de l'article 700 du NCPC;

- en toute hypothèse, dire que la Mutuelle du Mans sera tenue de garantir PFA à concurrence de la moitié des sommes mises à sa charge au titre des assurances cumulatives, sur le fondement de l'article L. 121-4 du Code des assurances;

- en tout état de cause, dire que EGBMM et son assureur, le GAMF, devront garantir PFA pour toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre;

- en toute hypothèse, dire que PFA ne saurait être tenue au-delà des limites de son contrat qui prévoit notamment une franchise opposable aux tiers, l'exclusion des conséquences des condamnations solidaires et un plafond de garantie.

La SMABTP, qui a également formé appel incident demande à la cour de :

- dire que les désordres sont apparus avant le 1er janvier 1983;

- dire qu'elle apporte la preuve de l'épuisement de la garantie "reprise du passé" souscrite par Chicot et contractuellement fixée à 2 500 000 F;

- la mettre hors de cause;

- confirmer le jugement entrepris;

- y ajoutant, condamner la Mutuelle du Mans à lui payer la somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice du fait de l'attitude abusive de la Mutuelle du Mans à son égard dans le cadre de cette procédure;

- condamner en outre la Mutuelle du Mans à lui verser la somme de 10 000F au titre de l'article 700 du NCPC.

La compagnie "AGF" demande à la cour de :

- constater que la "Mutuelle du Mans" n'a pas conclu à son encontre au soutien de son appel;

- constater en outre que le sinistre affectant le pavillon des époux Dukan avait été porté à la connaissance de la société Chicot en 1985, cette dernière ayant proposé de fournir des tuiles de remplacement par un courrier du 21 juin 1985;

- dire que la société Chicot avait une parfaite connaissance du sinistre avant la souscription de son contrat d'assurances auprès de la compagnie "AGF" le 1er avril 1986;

- en conséquence, par application de l'article 1964 du Code civil,des conditions générales et particulières de la police, dire que la compagnie "AGF" ne peut être condamnée à aucune garantie;

- à titre subsidiaire, dire que le plafond de garantie de 2 500 000 F du contrat d'assurance est épuisé par l'ensemble des règlements déjà effectués et des provisions mises en réserve par la compagnie AGF pour l'ensemble des sinistres affectant la reprise du passé de la police de la société Chicot;

- débouter en conséquence tous demandeurs en garantie à l'encontre de la compagnie AGF;

- très subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu'au résultat de l'expertise judiciaire confiée par la 7ème Chambre A de la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 21 octobre 1992, à M. Alexandre;

- très subsidiairement, dire qu'elle ne saurait être tenue que dans les termes et limites de sa police qui stipule qu'une franchise de 10% du montant des dommages sera laissée à la charge de tout bénéficiaire de la police;

- condamner la Mutuelle du Mans au paiement de la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Le groupement d'entreprises EGBMM et le GAMF demandent à la cour de :

- dire que les désordres sont entièrement imputables à la mauvaise qualité des tuiles de la société Chicot; qu'ils ne sont pas liés à un manque de ventilation; que le vice intrinsèque du matériau constitue une cause d'exonération de la garantie due par le constructeur;

- confirmer le jugement entrepris;

- si une condamnation était prononcée à leur encontre, condamner les compagnies Mutuelle du Mans et PFA à les garantir;

- condamner enfin la Mutuelle du Mans au paiement de la somme de 10 000F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Les époux Dukan, qui ont formé appel incident, demandent à la cour :

- d'homologuer le rapport d'expertise Cormier du 27 avril 1988;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Chicot entièrement responsable des désordres et condamné in solidum PFA et MGFA à réparer leur entier préjudice;

- pour le cas où la cour estimerait que EGBMM est également responsable de ces mêmes désordres, de le condamner in solidum ainsi que son assureur GAMF à les indemniser de leu entier préjudice;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le principe de la condamnation à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance mais de le réformer en ce qui concerne son quantum qu'il conviendra de porter de 8 000 F à 20 000 F ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la SMABTP et les AGF;

- statuant à nouveau, de condamner in solidum AGF et SMABTP, avec la Mutuelle du Mans et PFA à les indemniser de leur entier préjudice;

- en conséquence, de condamner in solidum les compagnies d'assurances "La Mutuelle du Mans" (anciennement MGFA) PFA, SMABTP et AGF à leur payer les sommes suivantes :

* 118 000 F TTC au titre de la réfection de la toiture (correspondant à la somme de 104 904,98 F TTC valeur avril 1988, réactualisée au 18 mai 1990 selon devis accepte Sanitherm établi lors de la réfection des travaux de toiture en juillet 1990 et payée par M. et Mme Dukan) et ce, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande;

* 2 500 F TTC au titre du nettoyage des gouttières valeur avril 1988 à réactualiser au jour de l'arrêt à intervenir et ce, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande;

* 20 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation des différents préjudices invoqués par M. et Mme Dukan dont les troubles de jouissance très importants durant de nombreuses années outre celui occasionné par les procédures successives depuis sept ans;

* 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC;

- subsidiairement, de surseoir à statuer selon la demande des AGF jusqu' au dépôt du rapport d'expertise deM. Alexandre;

- et en tout état de cause, d'ordonner une mesure d'expertise relative à la garantie de reprise du passé des polices des différentes compagnies d'assurances concernées en particulier AGF et SMABTP à l'effet de déterminer le montant des règlements effectués à ce titre et si le plafond de la garantie due est ou non atteint et aux frais de ces dernières à qui incombe en l'espèce la charge de la preuve.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions échangées en appel.

Cela étant exposé, LA COUR :

1°) Sur la procédure :

Considérant que la société Chicot-Tuileries de Saint-Rémy et ses deux mandataires liquidateurs, Maitres Munaux et Berault, bien qu'assignés à personne habilitée, n'ont pas constitué avoué; que M. Fernand Millet, qui a été assigné et réassigné conformément aux dispositions des articles 472 et suivants du NCPC, a fait l'objet des recherches ou diligences prévues par l'article 659 du NCPC; que le présent arrêt est donc réputé contradictoire à l'égard de tous, conformément aux dispositions de l'article 474 du NCPC, l'un des défendeurs au moins ayant été cité à personne.

2°) Sur les règles juridiques applicables :

Considérant d'une part qu'il n'est pas contesté que le chantier a été ouvert antérieurement au 1er janvier 1979, à la suite de la signature du contrat de construction intervenue le 30 juin 1978;

Qu'il en résulte l'application aux constructeurs du régime de responsabilité édicté par les articles 1792 et suivants et 2270 du Code civil dans leur rédaction du 3 janvier 1967 qui mettent à la charge de ces derniers une présomption d responsabilité des vices cachés au moment de la réception de l'édifice qui les oblige à garantir durant dix années à compter de celle-ci le maître de l'ouvrage;

Que les locateurs d'ouvrage ne peuvent s exonérer en démontrant l'absence de faute et que seule la cause étrangère, revêtant les caractères de la force majeure peut faire échec à la présomption de responsabilité;

Que dans leurs rapports récursoires, les locateurs d'ouvrage sont admis à s'exonérer totalement ou partiellement de leur responsabilité en imputant aux co-locateurs une faute quasi-délictuelle commise par eux;

Considérant, d'autre part, que le maître de l'ouvrage dispose en tant que sous-acquéreur contre le fabricant de matériaux, tout comme l'entrepreneur, d'une action de nature contractuelle, fondée sur la non-conformité du matériau livré à l'usage auquel il était destiné;

Que cette action contractuelle a pour fondement la non-conformité et non la garantie des vices cachés; que l'action du maître de l'ouvrage contre le fabricant se prescrit dans le délai contractuel de droit commun à compter de la délivrance du matériau par le fabricant à l'entrepreneur ;

Que le maître de l'ouvrage, enfin, doit prouver seulement la non-conformité du matériau à l'usage auquel il était destiné et non la faute, le dommage et le lien de causalité entre les deux;

3°) Sur les désordres et les responsabilités :

Considérant que les désordres consistent en un délitage généralisé des tuiles; qu'il est établi par l'expert et non contesté sérieusement par les parties, que ces désordres ont pour cause unique un vice intrinsèque du matériau fabriqué et fourni par Chicot; que la nature gélive du matériau, vice initial de fabrication, le rend impropre à sa destination normale; que l'expert relève encore que la pente du toit est réglementaire; que l'absence de chatières permettant une ventilation en sous-face de la toiture ne constitue ni une cause déterminante ni une cause aggravante du dommage puisque les tuiles se délitent de la même manière sur la partie de la toiture ne comportent pas de calorifugeage et où les chevrons sont apparents;

Que de tels désordres portent atteinte à la destination normale de l'ouvrage et relèvent bien de la garantie décennale du constructeur;

Considérant que le groupement d'entreprise EGBMM, maître d'œuvre, chargé de la construction du pavillon litigieux, soumis en tant que tel à la présomption de responsabilité de l'article 1792 du Code civil, n'allègue aucune cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure qui serait susceptible de l'exonérer de cette présomption; que le caractère gélif des tuiles litigieuses n'était nullement imprévisible;

Considérant que, de son côté, Chicot a vendu à EGBMM des produits défectueux, atteints dès l'origine d'un vice de fabrication, insusceptible de répondre à la fonction d'étanchéité qui leur est assignée;

Que cette société n'a donc pas respecté les obligations découlant de la vente, laquelle lui imposait de livrer des matériaux conformes à l'usage auquel ils étaient destinés;

Qu'il s'ensuit que les époux Dukan disposent bien d'une action de nature contractuelle qui est attachée à la chose vendue et transmise avec elle et qui n'est pas enfermée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil puisqu'elle a pour fondement l'article 1147 du Code civil; qu'en conséquence, la société Chicot doit être déclarée responsable in solidum avec le groupement d'entreprises EGBMM des désordre ci-dessus décrits, la non-conformité du matériau à l'usage auquel il était destiné étant établie;

Considérant qu'il convient donc, réformant en cela la décision des premiers Juges, de déclarer le groupement d'entreprises EGBMM et la société Chicot responsables in solidum du préjudice subi par les époux Dukan;

Considérant, cependant, que la responsabilité finale doit incomber à la société Chicot seule, le groupement d'entreprises EGBMM n'ayant pour sa part commis aucune faute ayant un lien causal dans le délitage des tuiles, étant ici précisé que Chicot faisant l'objet d'une procédure collective aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause M. Millet, personne physique, qui n'est soumis à aucune présomption de responsabilité et n'a commis aucune faute personnelle détachable de ses fonctions de représentant du groupement d'entreprises EGBMM;

Considérant, s'agissant du montant du préjudice, qu'il a été justement évalué par l'expert à la somme de 104 904,98 F TTC, à laquelle s'ajoute celle de 2 500 F TTC pour le nettoyage des gouttières, valeur au 27 avril 1988; qu'en effet, cette évaluation repose sur l'étude d'un devis précis et détaillé conforme au prix du marché selon les constatations de l'expert; qu'il n'échet pas d'opérer sur cette somme un abattement quelconque du chef de la pose d'un contre-litonnage et de chatières de ventilation, le dommage étant indépendant de la pose effectuée par EGBMM et la réparation du préjudice des époux Dukan comprenant tout à la fois le remplacement de la totalité des tuiles et la mise en place de nouvelles tuiles selon les règles de l'art;

Considérant que la réparation du préjudice des époux Dukan leur ayant été accordée par le jugement déféré du 26 septembre 1989,il convient de dire à la suite des premiers Juges que les sommes de 104 904,98 F TTC et 2 500 F TTC seront actualisées en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction du 27 avril 1988 au jour du jugement puis qu'elles porteront intérêts au taux légal du jour du prononcé du jugement au jour de son exécution;

4°) Sur les garanties :

Considérant qu'il y a lieu, en ce qui concerne les garanties, d'examiner successivement les polices des différents assureurs en cause;

a) Compagnie GAMF (assureur d'EGBMM) :

Considérant que le GAMF ne dénie pas devoir sa garantie à son assuré EGBMM, en cas de condamnation de ce dernier;

b) Compagnie PFA (assureur de Chicot) :

Considérant que la prise d'effet du contrat souscrit par la société Chicot auprès de PFA se situe entre le 1er janvier 1978 et le 23 avril 1982; qu'il résulte des conditions générales de la police que la garantie n'est due que pour autant que le fait dommageable générateur de la responsabilité de l'assuré soit survenu postérieurement à la prise d'effet du contrat;

Que tel est bien le cas en l'espèce puisqu'il est établi que M.Dukan a informé par lettre du 12 février 1981 le Groupement d'entreprise EGBMM de ce qu'une partie importante de ses tuiles se délitaient; que les constatations de l'expert confirment le délitage des tuiles provenant de la société Chicot dès cette époque, le phénomène n'ayant fait que s'amplifier par la suite;

Considérant qu'il importe peu que l'article 2 de l'"annexe à la police n°", document au demeurant individualisé ni par le nom de l'assuré, la société Chicot, ni par la signature de son représentant, ni par le numéro de la police à laquelle cette annexe serait rattachée, stipule que "la garantie dure autant de temps que le contrat est en cours.. (et).. cesse automatiquement le jour où les effets de l'assurance sont suspendus ou prennent fin pour quelque cause que ce soit'' ;

Considérant, en effet, que le versement de primes pour la période qui se situe entre la date de prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période; qu'il s'ensuit que la disposition de l'article 2 précité de l'annexe litigieux doit être de tout manière réputée non écrite et que la compagnie PFA doit couvrir son assurée;

Considérant qu'à l'évidence, et sous les mêmes remarques que ci-dessus quant à la validité de l'annexe litigieuse, les dispositions de l'article 4, 5° de cette annexe, qui excluent "les réclamations relatives à des dommages causés par des produits ou matériaux qui, par leur composition ou leur nature ne peuvent répondre à l'usage préconisé par l'assure", visent l'emploi par un constructeur d'un matériau fabriqué par la société Chicot, en violation des préconisations de ce fabricant; qu'en l'espèce, le groupement d'entreprise EGBMM n'a nullement contrevenu aux préconisations de la société Chicot et a bien employé les tuiles commandées chez ce fabricant à l'usage auquel elles étaient destinées, à savoir à couvrir le toit du pavillon des époux Dukan;

Considérant donc qu'en fin de compte, la compagnie PFA doit couvrir son assurée, la société Chicot, dans les limites de son contrat, ainsi que l'avait déjà précisé le jugement entrepris;

c) Compagnie SMABTP (autre assureur de la société Chicot) :

Considérant que la SMABTP a assuré la société Chicot du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 au titre d'une police responsabilité civile professionnelle du fabricant; que cette police accordait à l'assuré une garantie principale et une garantie dite "reprise du passé";

Que la garantie principale concernait les tuiles fabriquées et vendues entre les dates d'effet et de cessation de la police soit du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985; qu'elle n'est donc pas, en l'espèce applicable;

Que la clause "reprise du passé " concernait les tuiles vendues et fabriquées avant le 1er janvier 1981; que cette dernière garantie était plafonnée par l'assureur à la somme de 2 500 000 F,ce plafond s'épuisant automatiquement au fur et à mesure des réclamations dont la SMABTP était saisie par le montant des indemnités réglées ou mises en réserve par la compagnie pour la réparation des dommages concernés;

Considérant qu'en l'espèce, lorsque la SMABTP a été saisie pour la première fois d'une réclamation au titre du sinistre Dukan le 22 mai 1986 par l'assignation en référé qui lui a été délivrée aux fins de désignation d'un expert, le plafond de la garantie "reprise du passé " souscrite par Chicot était déjà épuisé par le montant des indemnités versée par la SMABTP au titre des sinistres antérieurs et ce, sans même que soit pris en considération le montant des sommes mises en réserve au titre de réclamations antérieures à cette date;

Qu'à cet égard, la contestation de la Mutuelle du Mans est contraire à l'ensemble des pièces justificatives communiquées contradictoirement par la SMABTP;

Que le montant cumulé des règlements effectué par la SMABTP, qui dépasse le plafond de 2 500 000 F, ne permet donc pas l'indemnisation des époux Dukan;

Que la SMABTP est fondée, en conséquence, à se prévaloir de l'épuisement de la garantie prévue par la police et doit bien être, de ce fait, mise hors de cause, étant ici rappelé que cette limitation de garantie est opposable aux époux Dukan et à la Mutuelle du Mans, s'agissant d'une assurance non obligatoire;

d) La Mutuelle du Mans anciennement la MGF troisième assureur de la société Chicot :

Considérant que la MGFA, aux droits de laquelle vient la Mutuelle du Mans, a assuré la société Chicot du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1982; qu'il est établi que le sinistre s'est déclaré pendant la période de validité de la police (lettre de M. Dukan du 12 février 1981 adressée au groupement d'entreprises EGBMM);

Qu'il importe peu que l'article 10 de la police stipule que la garantie ne s'applique qu'aux réclamations formulées entre la date de prise d'effet et de cessation des effets du contrat; qu'en effet, le versement de primes pour la période qui se situe entre la date de prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période; qu'il s'ensuit que la disposition de l'article 10 précité de la police souscrite par Chicot doit être réputée non écrite et que la Mutuelle du Mans doit couvrir son assurée ainsi que l'a décidé le jugement entrepris;

e) La compagnie AGF, quatrième assureur de la société Chicot :

Considérant que la compagnie AGF a assuré la société Chicot à compter du 1er avril 1986; que sa police comportait une clause de reprise du passé, avec l'exclusion habituelle et licite selon laquelle "ne sont jamais garanties les réclamations portées à la connaissance de l'assuré et connues de lu lors de la souscription du contrat";

Considérant qu'en l'espèce, il est établi que la société Chicot avait eu connaissance du sinistre avant de souscrire son contrat d'assurances auprès de la compagnie AGF; qu'en effet, M. Dukan a dénoncé les désordres occasionnés à son pavillon à la société Chicot par lettre recommandée le 17 juin 1985 et que la société Chicot lui en a accusé réception le 21 juin 1985;

Considérant qu'il s'ensuit, un assureur de responsabilité ne pouvant garantir que des évènements aléatoires et non la conséquence de sinistres déjà révélés à l'assuré, que la compagnie AGF ne doit aucune garantie à son assuré, la société Chicot, en ce qui concerne le présent sinistre et doit don être mis hors de cause, ainsi que l'avait déjà décidé le jugement entrepris par des motifs auxquels se substituent ceux ci dessus développés compte tenu du fait que les AGF défaillante en première instance mais présentes devant la cour ont communiqué en cause d'appel la police souscrite auprès d'elles par Chicot;

5°) Sur les demandes au titre des troubles de jouissance, des dommages-intérêts pour procédure abusive de l'article 700 du NCP et sur les dépens :

a) troubles de jouissance :

Considérant qu'il convient d'approuver les premiers juges d'avoir accordé aux époux Dukan la somme de 8 000 F au titre des troubles de jouissance; que cette somme assure bien la réparation des désagréments de toutes sortes que leur a occasionné le délitage des tuiles de leur toiture;

b) dommages-intérêts pour procédure abusive :

Considérant que la SMABTP doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'appel de la Mutuelle du Mans n'étant pas manifestement abusif;

c) article 700 du NCPC :

Considérant qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du NCPC;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts Dukan et de la SMABTP la totalité des frais non compris dans les dépens, qu'ils ont dû exposer pour assurer leur défense en cause d'appel; qu'il convient de leur allouer de ce chef, sur le fondement de l'article 700 du NCPC respectivement la somme de 10 000 F aux époux Dukan et celle de 3 000 F à la SMABTP, à la seule charge de la Mutuelle du Mans, appelant principal;

Considérant que, pour la raison inverse, il convient de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du NCPC formulées par la Mutuelle du Mans, les AGF, EGBMM et le GAMF;

d) dépens :

Considérant qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens;

Considérant que la Mutuelle du Mans appelante principale ayant succombé dans la totalité de ses prétentions il échet de mettre intégralement les dépens d'appel à sa seule charge;

Considérant qu'il y a lieu de déclarer les parties non fondées en leurs autres demandes, fins et conclusions et qu'il échet de les en débouter;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : Statuant par arrêt réputé contradictoire; Déclare les appels recevables; Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause le groupement d'entreprises EGBMM et son assureur le "Groupement Français d'Assurances Mutuelles de France"; Statuant de nouveau de ce chef ,déclare le Groupement d'entreprises EGBMM responsable in solidum avec la société "Chicot-Tuileries de Saint-Rémy" du préjudice subi par les époux Dukan; Condamne en conséquence le Groupement d'entreprises EGBMM et son assureur, le "Groupement Français d'Assurances Mutuelles de France" in solidum avec la compagnie "La Préservatrice Foncière" et la compagnie "La Mutuelle du Mans" (anciennement dénommée "Mutuelle Générale Française Accidents ") à payer aux époux Dukan les sommes énoncées au dispositif du jugement entrepris; Dit que le groupement d'entreprises EGBMM sera garanti par le "Groupement Français d'Assurances Mutuelles de France" du paiement de ces sommes; Dit que le " Groupement Français d'Assurances Mutuelles de France " sera à son tour garanti in solidum par les compagnies " La Préservatrice Foncière " et "La Mutuelle du Mans"; Rejette toutes conclusions autres, plus amples ou contraires; Confirme pour le surplus; Y ajoutant, condamne la compagnie "La Mutuelle du Mans" à payer aux époux Dukan la somme de 10 000 F et à la SMABTP la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC; Condamne la compagnie "La Mutuelle du Mans" aux dépens d'appel et admet les avoués de la cause au bénéfice de l'article 699 du NCPC.