CA Paris, 15e ch. A, 8 janvier 2002, n° 1999-22117
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCP Becheret-Clément (ès qual.), Créapro International Limited (Sté)
Défendeur :
Banque Hervet (SA), ITM Marchandises International (SA), SCA Plein Air Camping Jouets (SNC), Comi (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chagny
Conseillers :
M. Le Fèvre, Mme Giroud
Avoués :
Mes Huyghe, SCP Teytaud, SCP Menard-Scelle-Millet
Avocats :
Mes Kremer, Cocusse, Gonthier-Roulet Annick, Jean Patrick, SCP JC Coulon, Associés.
La société Créapro International a été créée en 1981 par Monsieur Lechartier, pour exercer l'activité de création, fabrication et négoce de marchandises; trois filiales ont été constituées pour la fabrication, une en Italie, une autre à Hong Kong dénommée Créapro International HK Limited, et la troisième au Vietnam ; ces sociétés du groupe Créapro ont entretenu des relations commerciales avec trois sociétés du groupe Intermarché : la société SCA Plein Air Camping Jouets, centrale d'achats, la société Comi, et la société ITM Marchandises International.
Le 9 décembre 1997, la société Créapro International et la SCA Plein Air Camping Jouets ont signé une convention intitulée "protocole de vente-reprise de stock de meubles de jardin", par laquelle la société Créapro International a vendu des parasols à la SCA Plein Air Camping Jouets et, en contrepartie, la société Créapro International lui a passé une commande pour la reprise d' un stock de parasols qui n'avait pas été vendu à l'occasion d'une opération promotionnelle, dite de "dramatisation", stock payable par factures à échéance au 31 mars 1998; il était prévu, dans cet accord, que la marchandise devait être saine, que la société Créapro International effectuerait un contrôle qualitatif à chaque réception de marchandise reprise, et que les produits non conformes seraient retournés à la SCA Plein Air Camping Jouets, qui les échangerait, l'échange ne donnant pas lieu à facturation.
Le 24 mars 1998, M. Acou a été désigné en qualité de mandataire ad hoc, avec mission d'assister les représentants légaux de la société Créapro International pour recouvrer l'indemnité due par la Coface, au titre de son investissement au Vietnam, et rechercher un accord de paiement avec ses créanciers, dans l'attente de cette indemnisation
Suivant bordereaux des 29 avril 1998, la société Créapro International a cédé à la Banque Hervet, dans les termes de la loi du 2 janvier 1981, modifiée par la loi du 24 janvier 1984, 33 créances sur la SCA Plein Air Camping Jouets, pour les sommes globales de 755 884,07 F et 396 728,19 F, à échéance au 30 mai 1998; le 30 avril suivant, la banque a notifié la cession de créances à la débitrice cédée; cette dernière, par lettre du 19 mai 1998, l'a informée de son intention d'opposer l'exception de compensation, se prétendant créancière de la société Créapro International, pour la somme de 1 818 674,54 F.
Le 25 juin 1998, la Banque Hervet a fait assigner la SCA Plein Air Camping Jouets en paiement des factures cédées; la société Créapro International est intervenue volontairement dans cette instance; puis, le 9 octobre 1998, la société Créapro International et la société Créapro International HK Limited ont fait assigner la SCA Plein Air Camping Jouets, la société Comi et la société ITM Marchandises International, pour voir prononcer la résolution de la vente passée avec la première de ces trois sociétés, dire que celle-ci ne peut opposer l'exception de compensation aux banques cessionnaires, et condamner les trois sociétés à dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de leurs fautes; le 28 octobre 1998, la société Créapro International a fait assigner la Banque Hervet pour voir ordonner la reddition des comptes de cession de créances, voir déclarer la banque responsable de son préjudice, et l'entendre condamnée à dommages-intérêts; suite à la liquidation judiciaire de la société Créapro International, M. Becheret est intervenue volontairement, ès qualités de liquidateur de la société, pour reprendre ses demandes
Par jugement du 20 septembre 1999, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal de commerce de Paris a joint toutes les instances; il a constaté que la société SCA Plein Air Camping Jouets avait une créance certaine, liquide et exigible sur la société Créapro International, et a déclaré fondée l'exception de compensation; il a débouté la Banque Hervet et M. Becheret, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Créapro International, de toutes leurs demandes relatives à la cession de créances; par ailleurs, le tribunal a débouté la société Créapro International et M. Becheret, ès qualités, de leurs demandes contre la SCA Plein Air Camping Jouets, la société Comi, la société ITM Marchandises International, et la Banque Hervet; il a condamné M. Becheret, ès qualités, à payer l'indemnité de 20 000 F à la Banque Hervet, et celle de 50 000 F aux sociétés SCA Plein Air Jouets, Comi et ITM Marchandises International, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
La SCP Becheret-Clément, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Créapro International, et la société Créapro International HK Limited, appelantes, concluent à l'infirmation du jugement; elles soutiennent que la SCA Plein Air Camping Jouets n'est pas fondée à opposer l'exception de compensation pour ne pas régler la somme de 1 097 400,37 F à la Banque Hervet; à l'encontre de cette banque, elles demandent la résolution de la cession des créances sur la SCA Plein Air Camping Jouets, et sa condamnation à payer à la SCP Becheret-Clément, ès qualités, à titre de dommages-intérêts, la somme de 9 000 000 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation de ces intérêts, outre l'indemnité de 150 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Sur la partie du litige concernant les sociétés du groupe Intermarché, la SCP Becheret-Clément, ès qualités, demande la condamnation de la société SCA Plein Air Camping Jouets à lui payer la somme de 1 097 400,37 F, avec intérêts au taux légal à compter de l'échéance des factures 98.0243 et 98.0357, et du 31 juillet 1998 pour les créances cédées à la Banque Hervet, avec capitalisation des intérêts; subsidiairement, si la résolution de la cession de créances n'était pas prononcée, elle demande la condamnation de la SCA Plein Air Camping Jouets à payer à la Banque Hervet la somme de 997 608,70 F, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1998, à charge pour la banque de lui reverser à elle la somme de 785 962,03 F et les intérêts y afférents, et de reverser à Monsieur Lechartier, subrogé en qualité de caution suite au paiement qu'il a effectué, la somme de 211 646,67 F avec les intérêts y afférents; les appelantes demandent la résolution de la vente par la SCA Plein Air Camping Jouets de marchandises invendables pour 517 107 F TTC, prétendent que cette société doit faire valoir sa créance chirographaire, ramenée à 1 301 568 F dans le cadre de la procédure collective, et demandent la condamnation de la société Plein Air Camping Jouets à payer la somme de 2 331 102 F à la SCP Becheret-Clément, ès qualités, pour pertes directes, frais de stockage, et application de la clause contractuelle de retard; par ailleurs, les appelantes demandent la réparation de préjudices résultant d'autres agissements fautifs des sociétés du groupe Intermarché; ainsi, elles sollicitent l'annulation de la facture du 4 mars 1997, et la condamnation de la société ITM Marchandises International à lui restituer la somme de 108 540 F, avec intérêts au taux légal à compter de son paiement, et capitalisation des intérêts; elles sollicitent aussi l'annulation des factures du 15 septembre 1998 émises par ITM Marchandises International, d'un montant de 181 497,54 F: les appelantes reprochent notamment à la SCA Plein Air Camping Jouets et à la société Comi d'avoir rompu leurs relations commerciales de façon fautive; en réparation, elles réclament leur condamnation in solidum à verser : " au profit de M. Becheret (ès qualités de mandataire-liquidateur de Créapro) par SCA Plein Air la somme de 9 862 000 F ,"au profit de Créapro International HK LTD, par Comi la somme de 100 000 F, et "au titre de l'impossibilité de poursuite de l'activité Exoland et de l'obligation d'entrer en liquidation judiciaire" la somme de 6 000 000 F subsidiairement, la SCP Becheret-Clément, ès qualités, demande la somme de 1 400 000 F à la SCA Plein Air Camping Jouets, et la société Créapro International HK Limited la somme de 1 500 000 F.
En tous les cas, les appelantes prient la cour, après avoir liquidé leurs préjudices, de condamner in solidum la Banque Hervet et la SCA Plein Air Camping Jouets à les réparer entièrement; subsidiairement, elles demandent leur condamnation solidaire à combler l'insuffisance d'actif de la société Créapro International, en payant à la SCP Becheret-Clément, ès qualités, la somme de 14 794 923,03 F, avec intérêts au taux légal à compter de la première assignation, et capitalisation des intérêts. En dernier lieu, la SCP Becheret-Clément, ès qualités, réclame la condamnation solidaire "des sociétés défenderesses" à lui payer la somme de 450 000 F, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; la société Créapro International HK Limited leur réclamant de son côté l'indemnité de 150 000 F de ce chef.
La Banque Hervet s'oppose à la demande en annulation de la cession de créances, en exposant qu'elle a crédité le compte de la société Créapro International de la somme de 1 152 612,26 F le 29 avril 1998, et qu'elle n'a jamais annulé ce crédit, ni sa créance sur la SCA Plein Air Camping Jouets; elle conteste avoir commis la moindre faute, faisant valoir qu'elle a proposé un plan d'apurement échelonné de sa créance sur la société Créapro International, qu'elle n'a fait qu'exercer ses droits en notifiant la cession de créance, puis en agissant contre le débiteur cédé, et qu'elle n' a pas privé la société Créapro International de son fonds de roulement, ni d'une chance de redressement; subsidiairement, la banque conteste les préjudices invoqués et le lien de causalité avec ses prétendues fautes ;
Dans ses rapports avec la SCA Plein Air Camping Jouets, la Banque Hervet demande la réformation du jugement, et la condamnation de cette société à lui payer la somme de 997 608,80 F, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1998 et jusqu'à parfait paiement, outre l'indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; elle soulève l'irrecevabilité de la demande de la SCP Becheret-Clément, ès qualités, tendant à voir condamner la SCA Plein Air Camping Jouets à lui payer le montant des créances cédées, par application de V article 32 du nouveau Code de procédure civile; elle conclut au rejet de toutes les demandes de la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et de la SCA Plein Air Camping Jouets.
Dans ses rapports avec la société Créapro International, représentée par la SCP Becheret-Clément, la Banque Hervet demande la confirmation du jugement, le débouté de toutes les prétentions dirigées contre elle, et la condamnation de la SCP Becheret-Clément à lui verser l'indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Plein Air Camping Jouets soulève l'irrecevabilité de la demande des appelantes tendant à la voir condamner à payer la somme de 997 608,70 F à la Banque Hervet; elle soutient qu'elle a exécuté ses obligations résultant du protocole du 9 décembre 1997, en achetant des marchandises pour la somme de 2 153 542,27 F TTC, et en livrant à la société Créapro International, qui reprenait un stock, une marchandise saine et loyale, après 1' échange intervenu fin mars 1998; elle fait valoir que ses créances sur la société Créapro International étaient certaines, liquides et exigibles à la date du 31 mars 1998, avant l'ouverture de la procédure collective de la société Créapro International, qu'elle a déclaré ses créances au passif de cette société, que les comptes entre les parties font apparaître un solde en sa faveur de 721 274,63 F, et que la compensation légale s'est opérée conformément à l'article 1290 du Code civil.
La SCA Plein Air Camping Jouets, la société Comi, et la société ITM Marchandises International demandent acte de ce qu'elles ont réclamé la production de la procédure diligentée par la société Créapro International à l'encontre de l'Etat Vietnamien, et que les appelantes se sont opposées à cette production; elles prient la cour, en conséquence, de dire que la déconfiture "des sociétés Créapro" trouve son origine dans le changement de législation au Vietnam; elles contestent toutes les fautes invoquées par les appelantes; la SCA Plein Air Camping Jouets ajoute qu'elle ne peut être condamnée à combler l'insuffisance d'actif de la société Créapro International conformément aux dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil; les trois sociétés du groupe Intermarché réclament l'indemnité de 120 000 F aux appelantes, et l'indemnité de 15 000 F à la Banque Hervet, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs
1) Sur le protocole du 9 décembre 1997
Considérant que la SCA Plein Air Camping Jouets, au titre de la reprise du stock de parasols invendu, a facturé à la société Créapro International la somme de 2 153 785, 76 F, sur laquelle 1 818 675 F n'ont pas été payés; que M. Becheret, ès qualités, demande la résolution partielle de cette vente, faisant valoir qu'une partie des marchandises, pour un montant de 517 107 F n'était ni saine, ni loyale, et a été livrée hors délai; qu'elle prétend être créancière de la SCA Plein Air Camping Jouets pour 2 331 102 F, dont 1 038 384 F pour pertes directes et frais de stockage, et 1 292 268 F par application de la clause contractuelle de retard; que pour établir le bien fondé de ses prétentions, elle se réfère aux lettres échangées par les deux sociétés entre le 16 janvier et le 23 avril 1998; qu'elle reproche à la SCA Plein Air Camping Jouets d'avoir offert à la vente à des tiers, et à vil prix, un lot en bon état du même modèle que les marchandises reprises par la société Créapro International; qu'elle prétend que c'est à la SCA Plein Air Camping Jouets de rapporter la preuve qu'elle a bien livré des marchandises conformes justifiant de ses factures, dans les délais et conditions convenues, soit fin d'année 1997;
Mais considérant qu'aucun délai ni aucune indemnité de retard de 5 % par semaine n'ont été convenus dans la convention, laquelle prévoyait l'enlèvement des marchandises par la société Créapro International aux dépôts Bréguets; que par lettre du 16 janvier 1998, la société Créapro International s'est référée aux enlèvements déjà effectués et aux rapports établis à leur occasion pour signaler les non conformités; que par lettre du 26 février 1998, elle a rappelé à la société Plein Air Camping Jouets qu'elle avait en main la totalité des rapports de contrôle des 16 enlèvements de marchandises, lui a transmis un rapport de synthèse faisant apparaître les quantités non conformes, lui a précisé les quantités à échanger, soit 1669 parasols, et 1208 bacs à plantes, correspondant à un volume final d'environ 5 camions, et lui a demandé ses instructions pour procéder à l'échange; que par télex du 20 mars 1998, la SCA Plein Air Camping Jouets lui a confirmé qu'elle allait procéder à l'échange; que cette société justifie, par les lettres de voiture des 26 mars, 27 mars, 31 mars et 1er avril 1998, qu'elle a procédé à l'échange des marchandises; que par lettre du 17 avril 1998, la société Créapro International n'a pas discuté les modalités de l'échange intervenu, mais a fait état d'une information selon laquelle la SCA Plein Air Camping Jouets avait mis en vente un lot de marchandises identiques, à un prix nettement inférieur, ce qui lui portait préjudice dans ses relations avec ses propres clients ; qu'elle a précisé que cette information était d'autant plus scandaleuse qu'elle lui avait livré une marchandise non vendable en l'état; que dans sa réponse du 23 avril 1998, la SCA Plein Air Camping Jouets a contesté tout préjudice, a rappelé qu'elle avait procédé à l'échange des pièces défectueuses, et a réclamé paiement de ses factures; que la preuve d'une mauvaise exécution de l'échange intervenu n'est pas rapportée; qu'en conséquence, la demande de la SCP Becheret-Clément, ès qualités, en paiement de la somme de 2 153 785,76 F doit être rejetée; que la SCA Plein Air Camping Jouets est bien créancière de la société Créapro International pour un montant de 1 818 675 F au titre des factures émises à son ordre, tandis qu'elle est débitrice de la somme de 1 097 400 F à l'égard de la société Créapro International au titre des factures émises par cette dernière;
2) Sur la compensation entre les créances
Considérant que pour contester la compensation, la SCP Becheret-Clément, ès qualités, fait valoir que la SCA Plein Air Camping Jouets a déclaré sa créance pour la somme de 1 818 675 F sans opérer compensation ni émettre de réserve, et qu'elle n'a pas relevé appel de l'ordonnance de référé du 10 mars 1999 qui a refusé de faire droit à l'exception de compensation qu'elle opposait pour ne pas régler une facture de 81 216,86 F du 4 février 1998, mais a payé sans réserve; qu'elle ajoute que la société Créapro International n'a jamais reconnu l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible envers la SCA Plein Air Camping Jouets, et que cette dernière ne démontre pas l'existence d'une telle créance; qu'elle soutient encore que la compensation est impossible, d'une part en raison du mode de règlement convenu entre les parties, à savoir par billets à ordre, d'autre part du fait de la notification de la cession de créance par bordereau Dailly;
Mais considérant que la SCA Plein Air Camping Jouets se devait de déclarer sa créance en son entier, pour sauvegarder ses droits dans l'hypothèse où la compensation ne serait pas retenue; que l'ordonnance de référé, exécutoire de plein droit, n'a pas autorité de chose jugée au principal; qu'il a été démontré plus haut que la créance de la SCA Plein Air Camping Jouets était certaine, liquide et exigible avant le 30 avril 1998, date de notification de la cession de créances par la Banque Hervet à la SCA Plein Air Camping Jouets; que dans sa lettre du 16 mars 1998, la société Créapro International a demandé à la SCA Plein Air Camping Jouets d'établir des billets à ordre à échéance du 31 mars 1998; qu'il n'est pas justifié de billets à ordre ou de lettres de change acceptées par la société SCA Plein Air Camping Jouets, dont l'échéance serait postérieure à la notification de la cession de créances; que la compensation s'est donc opérée de plein droit avant le 30 avril 1998; qu'il importe donc peu que la SCA Plein Air Camping Jouets ne s'en soit prévalue que par conclusions du 21 janvier 1999 devant le tribunal, et après que la société Créapro International ait été dessaisie du pouvoir d'effectuer tout paiement, même par compensation, en raison de l'ouverture d'une procédure collective; qu'en conséquence, il convient de constater la compensation intervenue; que les factures dues par la SCA Plein Air Camping Jouets s'élevant à 1 097 400,37 F, cette société reste créancière à hauteur de 721 274,63 F;
3) Sur la cession de créances au profit de la Banque Hervet
Considérant que la SCP Becheret-Clément, ès qualités, soutient que la Banque Hervet, après avoir crédité le compte de la société Créapro International, le 29 avril 1998, de la somme de 1 152 612,26 F correspondant au montant des factures cédées, a ensuite annulé ce crédit par deux écritures intitulées "régularisation échéance et impayé" de 755 884,07 F et de 396 728,19 F ; qu'elle demande la résolution de la cession de créance pour non paiement du prix de cession; qu'elle prétend encore que la banque a "rétabli une créance sur Créapro pour un montant de 997 000 F", et qu'elle a conservé les titres de créances dont elle poursuit le recouvrement pour cette somme, alors qu'elle a été payée par Monsieur Lechartier, caution;
Mais considérant que le jour même de la cession de créance, la Banque Hervet a porté la somme de 1 152 612 F au crédit du compte courant de la société Créapro International; que par la suite, elle n'a pas débité ce compte, mais a inscrit le montant des factures impayées à leur échéance au débit d' un compte "impayés crédits clientèles"; que suite au paiement opéré par Monsieur Lechartier, elle n'a pas annulé sa créance sur la SCA Plein Air Camping Jouets, débiteur cédé, mais a seulement constaté ce paiement; qu'il résulte de ces opérations que la société Créapro International a bien bénéficié du prix de la cession de créance; qu'elle avait intérêt à agir contre le débiteur cédé, avant paiement par la caution; qu'elle a encore intérêt à agir après paiement par la caution, pour sauvegarder les droits de la caution subrogée; que cependant, vu la compensation entre les créances, la Banque Hervet ne peut obtenir paiement de la SCA Plein Air Camping Jouets;
4) Sur la mise en cause de la responsabilité de la Banque Hervet:
Considérant que la SCP Becheret-Clément, ès qualités, reproche à la Banque Hervet d'avoir notifié la cession de créances à la SCA Plein Air Camping Jouets, puis de l'avoir assignée en paiement, de façon intempestive et irresponsable, sans concertation avec le mandataire ad hoc de la société Créapro International, et en violation des intérêts de sa cliente; qu'elle lui fait grief d'avoir privé la société Créapro International de la trésorerie nécessaire à son redéploiement; qu'elle soutient que par son comportement abusif, la banque a fait perdre à la société Créapro International toute chance de poursuivre ses relations avec le groupe Intermarché, et de redéployer son activité avec la société Exoland; qu'elle allègue qu'en perdant ces chances, la société s'est trouvée acculée à la cessation des paiements, puis à la liquidation judiciaire;
Mais considérant que, n'ayant pas annulé le crédit porté au compte courant de la société Créapro International, la Banque Hervet ne l'a pas privée d'un fonds de roulement; que la banque n'a commis aucun abus dans l'exercice de ses droits, en notifiant la cession de créances, puis en assignant la SCA Plein Air Camping Jouets en paiement; que dès avant le 30 avril 1998, les relations entre cette société et la société Créapro International étaient déjà dégradées; que la banque ne peut donc être tenue pour responsable de la perte d'une chance de poursuite des relations commerciales entre elles; que le mandataire ad hoc de la société Créapro International lui ayant demandé de se désister de son action contre la SCA Plein Air Camping Jouets, la banque a proposé de le faire, par lettre du 10 août 1998, moyennant la mise en place d'un plan d'apurement de sa créance; mais que la société Créapro International n'a pas donné suite à cette proposition;
Considérant qu'aucune faute n'étant retenue à l'encontre de la Banque Hervet, la SCP Becheret-Clément, ès qualités, ne peut valablement lui reprocher d'être responsable de l'insuffisance d'actif de la société Créapro International; qu'en conséquence, toutes ses demandes contre la banque seront rejetées;
5) Sur la mise en cause de la responsabilité des sociétés du groupe Intermarché:
Considérant que la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et la société Créapro International HK Limited reprochent aux sociétés du groupe Intermarché une série de fautes qu'il convient d'analyser successivement;
Considérant qu'elles relèvent une opposition fautive de l'exception de compensation légale par la SCA Plein Air Camping Jouets; mais que la cour retient le bien fondé de l'exception de compensation;
Considérant que les appelantes invoquent un abus de position dominante, ayant contraint la société Créapro International à signer la convention du 9 décembre 1997, et des infractions à l'article 36 de l'ordonnance de 1er décembre 1986; qu'elles font état de leur dépendance à l'égard de la grande distribution, se fondent sur deux rapports, l'un établi par Monsieur Charier, député, sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, l'autre un rapport d'information à l'assemblée nationale présenté par Monsieur Le Deaut et relatif à l'évolution de la distribution; qu'elles citent aussi des articles de presse dénonçant les procédés du groupe Intermarché; mais que ces éléments de portée générale ne suffisent pas à démontrer un comportement fautif, à l'égard des appelantes, dans le cadre du présent litige; que les appelantes n'établissent pas que le protocole du 9 décembre a été signé sous la menace du "déréférencement" pour l'année 1998; que leur grief tiré de la livraison de marchandises invendables a déjà été écarté par la cour, vu les échanges auxquels il a été procédé;
Considérant que plus précisément, les appelantes reprochent l'émission de notes de débit injustifiées, l'obtention de nouvelles remises, alors que les conditions du marché étaient arrêtées, l'allongement des délais de paiement, le non-respect des conditions d'achat contractuelles, les erreurs et conditions potestatives affectant les crédits documentaires émis par le groupe Intermarché, et les charges exorbitantes imposées sous la menace d'un "déréférencement";
Mais que les tableaux produits montrent que les paiements de la SCA Plein Air Camping Jouets sont bien intervenus à la date de leurs facturations par la société Créapro International, que le planning de faisabilité dressé par cette dernière n'est pas contractuel, et qu'un délai de un à trois mois peut s'écouler entre la sélection d'un produit et la commande; que les appelantes ne peuvent arguer de conditions d'achat qui ne sont que des propositions unilatérales de leur part; que la preuve d'erreurs commises volontairement dans l'émission de crédits documentaires n'est pas rapportée; que la délivrance de certificats d'inspection au Vietnam par une filiale du groupe Intermarché ne constitue pas une condition potestative;
Considérant qu'il est aussi reproché aux sociétés du groupe Intermarché d'avoir obtenu, en infraction aux articles 36 et 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, trois types d'avantages;qu'il est visé en premier lieu la facturation de 85 000 F par la société Comi sur la filiale italienne le 26 février 1997, au titre de prestations de service central pour coopération publicitaire 1996, et la facturation de 108 540 F par ITM France sur Créapro, le 4 mars 1997, au titre de mêmes prestations en 1997 ; que les appelantes font valoir que le règlement de ces factures était préalable à la passation de commandes, sans engagement écrit sur un volume préalable d'achat; que selon elles, ces factures doivent être déclarées nulles pour violence; qu'il est visé en second lieu deux factures du 15 septembre 1998 adressées par ITM MI à Créapro, de 72 360 F pour accords commerciaux 1998, participation publicitaire, et de 109 137, 54 F pour accords commerciaux 1998, participation sur CA; que les appelantes font valoir que ces factures, ne correspondant à aucune prestation, doivent être annulées; maisque les prestations facturées pour coopération avaient pour contrepartie des opérations publicitaires,qu'elles représentaient moins de 0,4 % du chiffre d'affaires annuel;qu'aucune violence n'est caractérisée;
Considérant que la SCP Becheret-Clément, ès qualités, soutient que la SCA Plein Air Camping Jouets a rompu brutalement ses relations commerciales, en s'abstenant de passer des commandes ou pré-commandes en août 1998, sans préavis écrit, alors que la société Créapro International réalisait de 20 à 35 % de son chiffre d'affaires annuel avec elle depuis 17 ans; qu'elle ajoute que les sociétés du groupe Intermarché avaient procédé à un audit fin 1994 début 1995 en vue du rachat de Créapro, et qu'elles connaissaient ainsi "ses secrets d'affaires"; mais considérant qu'il convient de rappeler que la société Créapro International faisait fabriquer ses meubles de jardin pour une grande part au Vietnam, et qu'au second trimestre 1997, le Gouvernement Vietnamien a décrété un embargo sur les exportations de bois local; qu'il résulte de la lettre de M. Acou du 10 avril 1998 que les difficultés de la société Créapro International étaient liées sans conteste au changement de législation au Vietnam, et surtout au refus de prise en charge du sinistre par la Coface; qu'une procédure, dont le sort n'est pas connu, a été diligentée par les appelantes contre l'Etat Vietnamien; que les comptes 1997, arrêtés par le conseil d'administration de la société Créapro International, le 16 avril 1998, font apparaître un actif disponible de 7 109 447 F pour un passif exigible de 12 664 036 F; que dans son rapport du 16 avril 1998, le conseil d'administration de la société déclarait que la continuité d'exploitation n'était pas assurée, si l'indemnité Coface n'était pas encaissée dans les prochains mois; que les préjudices invoqués par les appelantes, et notamment l'impossibilité de poursuivre l'exploitation d'importateur et l'activité Exoland, ou encore de poursuivre leurs activités, n'ont donc pas pour cause la cessation, en août 1998, des relations commerciales avec les sociétés du groupe Intermarché;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés du groupe Intermarché ne sont pas non plus à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société Créapro International;
6) Sur les demandes en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Considérant qu'il y a lieu, par application de ce texte, de condamner solidairement la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et la société Créapro International HK Limited, à verser l'indemnité supplémentaire de 4 600 euro aux sociétés du groupe Intermarché; que la SCP Becheret-Clément, ès qualités, devra verser l'indemnité supplémentaire de 2 300 euro à la Banque Hervet; que toutes les autres demandes de ce chef seront rejetées;
Par ces motifs, Confirme le jugement, Déboute la Banque Hervet de ses demandes contre la SCA Plein Air Camping Jouets, Constate que la SCA Plein Air Camping Jouets reste créancière de la société Créapro International pour la somme de 721 274,63 F, soit 109 957,61 euro Déboute la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et la société Créapro International HK Limited de toutes leurs demandes, d'une part contre la Banque Hervet, d'autre part contre les sociétés SCA Plein Air Camping Jouets, Comi, et ITM Marchandises Internationales, Condamne solidairement la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et la société Créparo International HK Limited à payer l'indemnité globale de 4 600 euro à la SCA Plein Air Camping Jouets, la société Comi, et la société ITM Marchandises Internationales, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SCP Becheret-Clément, ès qualités, à payer l'indemnité de 2 300 euro à la Banque Hervet, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes les autres demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SCP Becheret-Clément, ès qualités, et la société Créapro International HK Limited aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.