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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 9 juin 1998, n° 96-87827

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fenouillas

Défendeur :

Hammoun, BNP (SA), Droz, Agence Conseils (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tric

Conseillers :

Mmes Timsot, Dintilhac

Avoué :

SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Carly, Daubriac, Guizard, Heaulme, Barthelemy

TGI Paris, 2e ch., du 10 oct. 1996

10 octobre 1996

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par M. Fenouillas du jugement de la deuxième chambre du Tribunal de grande instance de Paris du 10 octobre 1996 qui a dit prescrite l'action en garantie des vices cachés, déclaré Mme Hammoun recevable en son action sur le fondement de l'erreur, dit résolue la vente consentie par M. Fenouillas à Mme Hammoun le 17 juillet 1989 sur le lot n° 41 de l'immeuble collectif du 270 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris 10e, avec restitution par M. Fenouillas de la somme de 195 000 F et remboursement des honoraires et déboursés de 27 500 F et condamnation de celui-ci à payer la somme de 6 500 F pour frais irrépétibles et rejeté les autres demandes.

M. Fenouillas fait valoir que cette vente a été effectuée par lui-même en dehors de son activité pour les Agences Conseil, que Mme Hammoun a loué cette chambre de service à deux personnes dont l'usage excessif des canalisations d'évacuation a entraîné de nombreuses infiltrations dans le logement sis en-dessous à l'origine d'une enquête administrative ayant abouti à un arrêté du 5 mars 1993 d'interdiction d'habitation; Il soulève l'irrecevabilité de l'action en annulation pour vice caché introduite par assignation du 21 octobre 1994, 19 mois après l'arrêté du Préfet et alors que Mme Hammoun n'a pris aucune disposition pour remédier aux défaillances figurant dans le rapport administratif ni pour contester l'arrêté; Il soulève également l'irrecevabilité de l'action fondée sur une erreur sur la substance ou défaut de conformité, l'action en vice caché étant la voie unique d'annulation et exclusive de toute autre action en nullité sur d'autres motifs; Il demande, par voie d'infirmation de dire l'action irrecevable pour tardiveté et de condamner Mme Hammoun à payer la somme de 10 000 F pour frais irrépétibles; Selon les motifs des conclusions, il demande subsidiairement d'imputer sur le montant des condamnations, le montant des loyers perçus pour 110 000 F;

Il demande que Me Droz soit tenu solidairement avec lui de toute condamnation prononcée contre lui.

Mme Hammoun fait valoir que la dernière jurisprudence invoquée par l'appelant sur l'exclusivité du recours sur vice caché reste contreversée et pas applicable en l'espèce où l'erreur sur l'habitabilité du logement vendu spécifié dans l'acte de vente a empêché la formation du contrat.

Qu'elle est également fondée à soulever le défaut de conformité du bien vendu;

Qu'en tout état de cause son action a été intentée dans un délai raisonnable compte tenu des difficultés rencontrées pour retrouver l'adresse de M. Fenouillas;

Qu'elle a subi un préjudice pour avoir payé les charges et supporté un bien inhabitable depuis 1994 justifiant l'allocation de 50 000 F de dommages-intérêts

Subsidiairement elle invoque la responsabilité du vendeur, de l'Agence Conseil et du notaire pour un défaut d'information et de conseil justifiant leur condamnation à payer la somme de 300 000 F de dommages-intérêts.

Elle demande donc par voie d'infirmation, d'ajouter au jugement en condamnant M. Fenouillas à rembourser sur justifications les charges de copropriété attachées à la propriété depuis 1989 outre le paiement d'une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, subsidiairement de condamner M. Fenouillas, Me Droz et l'Agence Conseil selon demandes à déclarer recevables, à lui payer la somme de 300 000 F de dommages-intérêts et solidairement à payer 10 000 F pour frais irrépétibles.

Me Droz soulève l'irrecevabilité des demandes de Mme Hammoun et de M. Fenouillas formées pour la première fois en appel et conteste au fond toute responsabilité au regard du renseignement d'urbanisme qui ne mentionne aucune inhabitabilité;

Que l'indemnisation de préjudice demandée à titre subsidiaire n'est pas justifiée; Il demande de déclarer irrecevables, subsidiairement de débouter toutes les demandes formées à son encontre.

La BNP, intervenante volontaire en instance d'appel par conclusions du 30 janvier 1998, en qualité d'organisme prêteur dans l'acte de vente d'une somme de 195 000 F à Mme Hammoun qui n'est plus remboursée depuis le 12 mars 1995 sur lequel Mme Hammoun doit la somme de 243 585,81 F, fait valoir qu'elle ne doit pas subir de conséquences de l'annulation, subsidiairement que le vendeur a commis une faute en vendant un bien inhabitable.

Elle demande donc de condamner in solidum M. Fenouillas et Mme Hammoun et si leur responsabilité est retenue, Me Droz et la société Agence Conseil à verser directement entre les mains de la BNP le montant du prix de vente et de l'emprunt, et à lui payer le montant des intérêts contractuels et subsidiairement légaux et accessoires en vertu de l'article 2103-2 du Code civil et subsidiairement 1382 du Code civil outre la somme de 10 000 F pour frais irrépétibles, et capitalisation des intérêts échus.

Elle demande également que le privilège inscrit par la BNP sur l'immeuble reste acquis jusqu'au paiement de sa créance en principal, intérêts et frais et reconnaître son droit sur les sommes dues par le vendeur responsable envers elle au cas d'annulation.

La société Les Agences Conseil soulève l'irrecevabilité de la demande formée pour la première fois en appel et fait valoir qu'elle n'est pas intervenue dans la transaction ainsi que le reconnaît M. Fenouillas dont elle demande subsidiairement la garantie;

Elle demande donc de confirmer le jugement, subsidiairement de condamner M. Fenouillas à la garantir de toute condamnation et de condamner Mme Hammoun et à défaut M. Fenouillas à lui payer la somme de 12 000 F pour frais irrépétibles.

Sur ce LA COUR,

Considérant que par acte sous seing privé du 23 mars 1989 portant en en-tête le tampon de l'Agence Conseil, M. Fenouillas a vendu, en qualité de marchand de biens à Mme Hammoun, une studette au 6e étage du 270 du Fbg Saint-Martin, composée d'une pièce principale avec kitchenette équipée, une salle d'eau avec WC, au prix de 195 000 F, sous réserve de l'acceptation du prêt, les mentions préimprimées d'un montant de commission à verser à l'agence étant annulées;

Que selon reçu signé de M. Fenouillas sous l'intitulé Agence Conseil, Mme Hammoun versait au premier la somme de 19 500 F à titre d'acompte ou dédit.

Que par acte du 17 juillet 1989 de Me Droz, M. Fenouillas a vendu le lot n° 41 constitué d'une pièce sur rue au sixième étage, WC en commun au cinquième étage, faisant référence à un certificat d'urbanisme ne faisant mention d'aucune interdiction d'habiter, au prix de 195 000 F acquitté au moyen d'un prêt du même montant de la BNP, remboursable en 20 ans par mensualités progressives au taux de 0,925 par mois, destiné à l'habitation selon déclaration fiscale;

Considérant que selon rapport d'un agent de la Mairie de Paris transmis le 5 novembre 1992 à la Préfecture, il était proposé l'interdiction d'habiter le studio occupé par M. Koita et une autre personne, en raison de la superficie au sol de 11 m2 ramenée à 6 m2 par ce que très mansardée et du raccordement de l'équipement sanitaire recevant l'installation sanitaire de la chambre voisine comportant un cabinet d'aisance privatif à broyeur avec engorgements répétés à l'origine d'infiltrations dans le logement de l'étage d'en-dessous arrêtées depuis la suppression d'usage de la salle d'eau WC du logement Koita après enlèvement des robinetteries.

Que le rapporteur de la Préfecture de Paris concluait le 3 février 1993 à l'interdiction immédiate d'habiter de jour et de nuit en raison de l'exiguïté du logement et de la non-conformité des installations sanitaires.

Que par arrêté du Préfet du 5 mars 1993, visant les divers rapports et convocations de Mme Hammoun, celle-ci était mise en demeure d'observer l'interdiction immédiate d'habiter de jour comme de nuit en raison de l'exiguïté des lieux et la non-conformité des installations sanitaires, ledit arrêté étant à notifier à Mme Hammoun.

Que ledit arrêté était rappelé à Mme Hammoun le 13 juillet 1993 avec interdiction de relouer le bien avant levée de l'interdiction.

Considérant que selon assignation introductive d'instance du 21 octobre 1994 délivrée à M. Fenouillas à dernier domicile connu, Mme Hammoun a intenté son action en résiliation et assigné le 9 juin 1995 le notaire et l'Agence Conseil aux fins de leur voir déclarer le jugement commun et les condamner conjointement et solidairement avec M. Fenouillas.

Considérant que l'assignation pour vices cachés délivrée plus de 15 mois après la notification du 13 juillet 1993 de l'arrêté interdisant l'habitation et de nature à révéler le vice caché apparaît tardive pour ne pas avoir été intentée à bref délai dans les conditions de l'article 1648 du Code civil et l'action en résolution pour vices cachés est donc prescrite;

Considérant que la garantie de vices cachés constituant l'unique fondement de l'action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale d'habitation comme en l'espèce, la responsabilité de l'acheteur ne peut être recherchée sur le fondement de l'erreur ou de la non-conformité;

Considérant que Mme Hammoun sera donc déboutée de ses demandes principales et subsidiaires envers le vendeur;

Considérant que Mme Hammoun ayant demandé la condamnation du notaire et de l'agence dans les assignations délivrées en première instance, ses demandes formées en appel aux mêmes fins, sont recevables;

Considérant qu'il est avéré que M. Fenouillas a utilisé abusivement des imprimés de l'Agence Conseil dans laquelle il était agent commercial sans aucune intervention de celle-ci, ce qui est confirmé par l'annulation de toute commission de négociation dans la promesse de vente ;

Que la responsabilité de l'agence qui n'est pas intervenue dans la conclusion de ce contrat ne peut donc être recherchée;

Considérant qu'il n'est pas établi de faute à l'égard du notaire qui n'était pas obligé à l'époque d'indiquer la surface du bien vendu et qui a obtenu un certificat d'urbanisme positif pour le bien vendu;

Considérant que la vente étant maintenue, les demandes de la banque deviennent sans objet, étant observé par ailleurs qu'à défaut de production de lettre recommandée demandant l'exigibilité du prêt pour défaut de paiement des mensualités de remboursement, elle ne justifie pas de demande en paiement du capital envers Mme Hammoun;

Considérant que deviennent de même sans objet tous les recours en garantie;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.

Considérant que Mme Hammoun étant de condition modeste et devant supporter la charge d'un bien en l'état inhabitable, chaque partie conservera la charge de ses entiers dépens.

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau: Déboute Mme Hammoun de sa demande en résolution de vente et de toutes ses demandes ; Déboute toute autre demande en condamnation; Laisse à chaque partie la charge de ses entiers dépens.