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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 16 février 2005, n° 03-09634

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Geimex (SA)

Défendeur :

Wulfert GMBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoués :

SCP Varin-Petit, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Jourdain, Penard.

T. com. Paris, du 25 févr. 2003.

25 février 2003

Courant juin 1998 la société de droit allemand Wulfert est entrée en relations commerciales avec la société Geimex, négociante en produits agroalimentaires, notamment au profit de la marque "Leader Price", à l'effet de lui vendre des épices et condiments divers fabriqués par sa filiale la société Gyma, propriétaire de la marque du même nom.

Cependant, alléguant la qualité défectueuse des produits livrés, la société Geimex mettait fin le 16 mai 2000 aux relations ainsi nouées.

Estimant que la rupture était intervenue sans préavis et de manière brutale la société Wulfert a, par acte du 12 novembre 2000, assigné la société Geimex devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 663 085,76 euro à titre de réparation du préjudice qui lui aurait été ainsi occasionné.

Après que par jugement avant dire droit du 12 mars 2002 ait été désigné un constatant à l'effet de vérifier les produits encore en stocks détenus par la société Wulfert et que celui-ci eut déposé son rapport le 15 novembre suivant le tribunal saisi a, par la décision présentement déférée du 25 février 2003, condamné la société Geimex à payer à la société demanderesse la somme de 510 636,74 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2000.

Régulièrement appelante la société Geimex a, par conclusions enregistrées le 8 octobre 2004, prié la cour de:

- infirmer le jugement,

et statuant à nouveau à titre principal,

- dire et juger que la rupture de la relation commerciale incombe à la société Wulfert qui doit seule en supporter les conséquences;

à titre subsidiaire:

- constater que la société Wulfert n'administre nullement l'existence d'un préjudice,

- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre reconventionnel:

- condamner la société Wulfert à lui payer la somme de 20 000 euro pour procédure abusive,

- la condamner également aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées le 30 août 2004 la société Wulfert a sollicité de la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à condamner la société Geimex à lui payer la somme totale de 797 590,77 euro,

- condamner la société Geimex aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Sur la responsabilité:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-1-5 du Code du commerce: "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable site produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure";

Considérant en l'espèce, que si les parties ne justifient de la conclusion d'aucune convention écrite formalisant leur collaboration, elles doivent, néanmoins, être regardées, compte tenu de l'ancienneté de celle-ci et de la continuité qui l'a caractérisée au cours des années 1998 et 1999 comme ayant entretenu des " relations commerciales établies" au sens de l'article précité ;que la décision d'y mettre fin est ainsi, en application directe desdites dispositions, subordonnée au respect d'un juste préavis ; que, par ailleurs, celui-ci ne peut courir qu'à compter du jour où le cocontractant informe, par écrit, son partenaire de sa volonté non équivoque de ne plus poursuivre les relations contractuelles ; qu'en l'occurrence, si la société Geimex a effectivement adressé les 28 décembre 1998, 17 février, 31 mai, 25 août et 6 septembre 1999 différents courriers à l'intimée contestant la qualité de ses produits et annonçant une éventuelle suspension des relations en cas de non-amélioration de celle-ci ou de nouvel incident, aucun de ces avertissements ne saurait, au regard des termes mêmes utilisés et à leur ambiguïté intrinsèque, être regardé comme constitutif d'un quelconque préavis formel de rupture ;qu'au surplus, la société appelante n'a jamais tiré la moindre conséquence concrète des lettres ainsi envoyées et les relations entre les parties se sont poursuivies comme le révèle la succession de commandes passées en dépit des critiques émises; que, par suite, en décidant le 16 mai 2000 de rompre, de façon unilatérale et brutale, les relations entretenues jusqu'alors avec la société Wulfert la société Geimex a directement méconnu l'article précité et abusé du droit de résiliation dont elle disposait;que l'intéressée ne saurait, pour justifier l'absence de préavis, exciper de l'inexécution par l'intimée de ses propres engagements contractuels dès lors que les défauts reprochés aux produits vendus par cette dernière n'ont jamais fait l'objet du moindre constat contradictoire ou d'une quelconque mesure expertale et qu'elle ne démontre, donc, pas le bien-fondé des défectuosités alléguées ; qu'elle ne saurait davantage, sauf à dénaturer directement les termes des correspondances échangées entre les parties, prétendre que la société Wulfert serait à l'origine de la décision de rompre leurs relations ; qu'ainsi la rupture litigieuse engage nécessairement la responsabilité de l'appelante et l'oblige à réparer le préjudice provoqué par l'absence de tout préavis;

Sur le préjudice:

Considérant que la brutalité de la cessation des relations entre les parties a conduit à laisser à la charge de la société Wulfert un stock dont l'importance était induite par le courant d'affaires existant entre elles depuis 1998 et constitué d'étiquettes et de produits destinés exclusivement à la société appelante et à la marque "Leader Price" qu'elle commercialisait ; que, dans son constat effectué le 15 novembre 2002, Maître Duparc, huissier commis à cet effet par le jugement avant dire droit susvisé du 12 mars précédent, a considéré, en effectuant des sondages, qu'il n'existait aucune raison de douter de la sincérité de l'état du stock d'invendus de la société intimée qu'il était en charge d'examiner; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner la société Geimex à payer la valeur de celui-ci arrêtée à la somme, non utilement contestée en tant que telle, de 469 612,71 euro, à laquelle doivent s'ajouter des frais de stockage s'élevant, au regard des factures produites, à la somme de (41 024,03 + 52 457 + 54 698,70 ± 27 349,31) 175 529,04 euro, soit la somme totale de 645 141,75 euro, laquelle sera assortie des intérêts de droit à compter du prononcé du jugement ; qu'en revanche, si la société Wulfert réclame également le paiement d'une somme de 152 449,22 euro au titre de la "désorganisation de son activité industrielle" elle ne justifie, en aucune façon, de l'effectivité du préjudice invoqué à ce titre et se borne à de simples affirmations que rien ne corrobore; que sa prétention de ce chef ne peut, dès lors, qu'être écartée;

Considérant qu'il y a lieu, par suite, de confirmer le jugement sauf à, porter à 645 141,75 euro le montant de la condamnation à la charge de l'appelante et à dire que les intérêts assortissant ladite somme ne courront qu'à compter du prononcé dudit jugement;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Geimex à payer à la société Wulfert la somme de 5 000 euro au titre des frais hors dépens;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, confirme le jugement sauf à porter à 645 141,75 euro le montant de la condamnation mise à la charge de la société Geimex et à dire que les intérêts au taux légal l'assortissant ne courront qu'à compter de la date du prononcé dudit jugement, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne la société Geimex aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Roblin-Chaix de Lavarene, avoués, La condamne aussi à verser à l'intimée la somme de 5 000 euro au titre de frais hors dépens.