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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 9 février 2005, n° 03-13522

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCD (SARL)

Défendeur :

Papresa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarenne, SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Alemant, Chatelain.

T. com. Créteil, du 10 juin 2003

10 juin 2003

Par courrier à valeur contractuelle en date du 8 mai 1996 la société de droit espagnol Papresa a autorisé la société de Courtage et de Distribution à la représenter sur le marché français à l'effet de vendre le papier qu'elle fabriquait et ce, dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun. Il était ainsi prévu que la société de Courtage et de Distribution perçoive une commission égale à 2,5 % du chiffre d'affaires apporté par les clients prospectés par ses soins sur le marché français, seules deux entreprises, la Dépêche du Sud-Ouest et la société Rotosud, avec lesquelles la société Papresa commerçait déjà directement, étant exclues de l'accord.

Estimant que la société Papresa n'avait pas respecté ses engagements contractuels et avait, par suite et de ce fait même, unilatéralement rompu les relations les liant la société de Courtage et de Distribution a, par acte du 1er octobre 2000, assigné l'intéressée devant le Tribunal de commerce de Créteil en paiement de commissions non réglées pour l'aunée 2000, d'une indemnité d'éviction ainsi que de dommages-intérêts.

Par le jugement présentement déféré du 10 juin 2003 le tribunal saisi, estimant que les deux parties n'avaient pas respecté leurs engagements respectifs et que la fin de leurs relations commerciales leur était également imputable, a débouté la société de Courtage et de Distribution de ses demandes indemnitaires et d'octroi de commissions et rejeté, par ailleurs, la demande en dommages-intérêts présentée par la société Papresa.

Régulièrement appelante la société de Courtage et de Distribution a, par conclusions enregistrées le 23 novembre 2004, prié la cour de:

- infirmer la décision entreprise,

- constater la rupture unilatérale provoquée par la société Papresa des relations contractuelles les liant,

- condamner la société Papresa à lui payer les sommes suivantes:

* 2 454,69 euro pour les commissions non réglées,

* 153 000 euro au titre d'une indemnité d'éviction,

* 23 000 euro à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Papresa en tous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au versement de la somme de 7 650 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées le 15 décembre 2004 la société Papresa a demandé, pour sa part, à la cour de:

- confirmer la décision en ce qu'elle avait débouté l'appelante de ses prétentions,

- la réformer en ce qu'elle-même avait été déboutée de sa demande reconventionnelle,

- condamner à ce titre la société de Courtage et de Distribution à lui payer la somme de 80 000 euro à titre de dommages-intérêts,

- condamner l'intéressée aux dépens et au versement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 15 décembre 2004

Considérant que l'appelante a sollicité la révocation de ladite ordonnance à l'effet de permettre de recevoir ses conclusions récapitulatives enregistrées le 11 janvier 2005 ; que l'intimée déclare expressément ne pas s'y opposer ; qu'il y a lieu, dès lors, dans un souci de bonne administration de la justice, de faire droit à ladite demande;

Au fond

Considérant que si la société de Courtage et de Distribution soutient que les manquements imputables à la société Papresa et que constitueraient ses retards et refus de livraison ainsi que la mauvaise qualité et la cherté de ses produits seraient constitutifs d'une véritable résiliation de son propre fait des relations commerciales existant entre les parties, il convient, tout d'abord, de relever que l'unique plainte de client dont excipe l'appelante ne saurait, à elle seule, être démonstrative de la défectuosité du papier livré alors qu'aucune autre pièce ou document probatoire, que ce soit un constat contradictoire ou une expertise, n'est versé aux débats à cet effet ; que, de même, des retards ponctuels et limités, intervenus à la suite de difficultés passagères d'approvisionnements, ne peuvent être susceptibles d'autoriser la résiliation d'une relation commerciale établie ; que, plus généralement, l'appelante a accepté de représenter l'intimée sur le marché français en ayant été informée des tarifs pratiqués par celle-ci en ayant, donc, une connaissance obligée quant à la compétitivité de son mandant ; qu'elle ne saurait, par suite, lui reprocher présentement des prix insuffisamment concurrentiels alors, surtout, que dans ses rapports avec son mandataire le mandant reste libre de sa politique commerciale ; qu'au demeurant, les fluctuations du marché ou la perte de certains clients ne sont pas, en tant que telles, des éléments opposables au mandant mais l'expression même du principe général de la liberté de commerce et de l'industrie ; qu'également, il échet de souligner que le contrat litigieux intervenu entre les parties ne comportait aucune clause d'exclusivité au bénéfice de la société de Courtage et de Distribution ; qu'en conséquence les reproches articulés par celle-ci quant à l'utilisation d'autres agents commerciaux par l'intimée sont dépourvus de tout fondement contractuel ; qu'ainsi la société de Courtage et de Distribution, au-delà d'affirmations non corroborées, ne rapporte la preuve d'aucune faute contractuelle ou manquement au devoir de loyauté prévu par l'article L. 134-4 du Code de commerce qui serait imputable à la société Papresa et justifierait qu'elle puisse se prévaloir d'une rupture par cette dernière du contrat les liant et solliciter à ce titre le versement d'une "indemnité d'éviction" ou de dommages-intérêts;

Considérant, en revanche, qu'il ressort de l'instruction que, courant septembre 1996, la société de Courtage et de Distribution avait, sans rechercher l'accord de son mandant contrairement aux exigences de l'article L. 134-3 du Code susmentionné, proposé à ses clients du papier fourni par la société Arbatex, concurrent direct de l'intimée ; que, surtout, cette dernière n'a reçu de la part de la société appelante aucune commande aux cours des années 2001 et 2002 malgré ses courriers réclamant des informations sur le potentiel du marché français ou indiquant son souci d'améliorer ses modes de livraison; que ce désintérêt persistant et manifeste doit être regardé comme constitutif d'une rupture contractuelle intervenue à la seule initiative de l'agent commercial et exclusive, conformément aux dispositions de l'article L. 134-13-3° dudit Code, de toute indemnité compensatrice ou de l'allocation de quelconques dommages-intérêts; que l'appelante ne saurait davantage se voir allouer le solde de commissions qu'elle réclame par ailleurs dès lors qu'elle ne démontre pas l'effectivité des commandes dont elle fait état et que les factures également produites par ses soins sont sans valeur probante car établies par elle-même et non utilement corroborées;

Considérant, enfin, que si cette renonciation par le mandataire à la poursuite de son mandat préjudicie au mandant et si celui-ci doit, en ce cas, en être indemnisé en application de l'article 2007 du Code civil, il lui appartient, néanmoins et en tout état de cause, de présenter les justificatifs de la réalité de son éventuel dommage; qu'en l'espèce la société Papresa n'apporte aucun élément de fait et de droit, de quelque nature que ce soit, à l'appui de sa demande indemnitaire et n'explicite en rien les motifs du montant réclamé de ce chef; que, par suite, aucune somme ne saurait être allouée à l'intimée à ce titre;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer, en substituant aux motifs des premiers juges ceux ci-dessus énoncés, le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens et, statuant de nouveau de ce seul chef, de condamner la société de Courtage et de Distribution aux entiers dépens de première instance;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de condamner la société de Courtage et de Distribution à verser à la société Papresa la somme de 8 000 euro au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 15 décembre 2004, Fixe à la date des plaidoiries la nouvelle ordonnance de clôture, Au fond, confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens, Et statuant à nouveau de ce seul chef : Condamne la société de Courtage et de Distribution aux dépens de première instance, Y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne la société de Courtage et de Distribution aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Mira Bettan, avoué. La condamne aussi à payer à l'intimée la somme de 8 000 euro au titre des frais hors dépens.