CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 16 octobre 2003, n° 01-02819
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pronuptia de Paris (Sté)
Défendeur :
Doutressoulle (ès qual.), Fortier, Crédit Lyonnais (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
Mme Holman, M. Hallard
Avoués :
Me Tesnière, SCP Mosquet Mialon d'Oliviera Leconte, SCP Terrade Dartois
Avocats :
Mes Rambaud, Nicole, Aboul.
La société Pronuptia a interjeté appel du jugement rendu le 5 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Caen dans un litige l'opposant à Maître Doutressoulle ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame France Gérard épouse Fortier et au Crédit Lyonnais (la banque).
Dans le but de faire, pour son propre compte, le commerce de vente de vêtements de mariage, sous la franchise Pronuptia, Madame Fortier, qui vendait depuis de nombreuses années des robes de mariées de cette même marque en tant de salariée dans un grand magasin de Caen, a fait l'acquisition d'un fonds de commerce situé 94 rue de Bernières à Caen et signé, le 26 septembre 1989, un contrat de franchise d'une durée de cinq ans pour Caen et l'arrondissement de Caen, moyennant une redevance égale à 7 % du chiffre d'affaires, un montant minimal étant prévu pour les trois premières années.
Pour financer cette acquisition elle a, par acte notarié du 10 novembre 1989, contracté un prêt auprès de la banque d'un montant de 800 000 F, d'une durée de sept ans remboursable par échéances trimestrielles (et non mensuelles comme mentionné dans les actes) de 41 329,08 F, la première échéance étant prélevée le 7 février 1990, assorti d'un nantissement du fonds de commerce.
Le magasin a été ouvert le 7 décembre 1989.
Ultérieurement, Madame Fortier a connu des difficultés dans l'exploitation de son commerce, et le 31 octobre 1997, la société Pronuptia a résilié le contrat de franchise.
Par jugement du Tribunal de commerce de Caen en date du 8 janvier 1998, Madame Fortier a été mise en liquidation judiciaire.
La société Pronuptia et la banque ont régulièrement déclaré leurs créances pour les sommes respectives de 659 186,71 F et 1 424 518 F.
Par acte du 6 octobre 1998, Maître Doutressoulle, ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame Fortier, a fait citer devant le tribunal la société Pronuptia et la banque à fin de voir juger qu'elles avaient commis des fautes ayant abouti à la création d'une activité irrémédiablement compromise, ainsi qu'à son maintien artificiel pendant plusieurs années, et de les faire condamner solidairement au paiement de la somme de 4 285 811 F montant du passif déclaré à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire, outre une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par le jugement déféré, le tribunal a:
- condamné la société Pronuptia à supporter, en partie, le passif de Madame Fortier et à payer à Maître Doutressoulle, ès qualités la somme de 4 155 536,66 F (633 507,47 euro) montant de l'insuffisance d'actif, sous déduction de la somme de 451 763,50 F mise à la charge de la banque.
- condamné la banque à payer à Maître Doutressoulle, ès qualités la somme de 451 763,50 F
- ordonné l'exécution provisoire du jugement;
- condamné la société Pronuptia à verser à Maître Doutressoulle, ès qualités, la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamné la banque à verser à Maître Doutressoulle, ès qualités, la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les conclusions récapitulatives signifiées:
* le 6 juin 2003 par la société Pronuptia, qui sollicite la réformation du jugement et le débouté des demandes, subsidiairement. au cas où une faute serait retenue à son encontre et le lien de causalité établi entre cette faute et le passif de Madame Gérard épouse Fortier, un partage de responsabilité et demande paiement de 4 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
* le 18 novembre 2002 par Maître Doutressoulle ès qualités qui demande la confirmation du jugement et paiement d'une somme complémentaire de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
* le 21 mai 2002 par la banque qui sollicite la réformation du jugement et le débouté des prétentions, et demande paiement des sommes de 1 524,49 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
I - La société Pronuptia
1°) Lors de la création de l'entreprise
Avant la conclusion du contrat de franchise, la société Pronuptia a remis à Madame Gérard un document d'information intitulé "Spécial Franchisé" qui, à titre indicatif donnait au futur franchisé des renseignements sur l'historique de Pronuptia, l'intérêt d'une franchise et l'importance des investissements à réaliser évalués entre 500 000 et 850 000 F et se répartissant comme suit :
- 1°) achat du fonds de commerce,
- 2°) frais d'aménagement,
- 3°) stock, (environ 150 000 F)
- 4°) droits d'entrée Pronuptia.
- 5°) publicité d'ouverture (au minimum 30 000 F)
- 6°) fonds de roulement (trois mois de frais de structure).
La note précisait que ces chiffres pouvaient varier en fonction de l'emplacement du magasin, de l'engagement et de la capacité de l'exploitant, et qu'un compte d'exploitation prévisionnel pourrait être ultérieurement établi en collaboration avec l'expert-comptable dès que seraient connus le lieu d'implantation et les possibilités financières.
Il était joint un graphique comptabilisant 265 990 mariages en 1986 et établissant une prévision à la hausse pour les quatre années à venir. Le document précisait également que le chiffre moyen annuel pour un magasin situé dans une zone de 250 000 habitants était de 1 500 000 F et les résultats d'exploitation moyens ainsi répartis:
- marge brute 60 %
- personnel, y compris rémunération de l'exploitant 50 %
- impôts et taxes 50 %
- travaux, fournitures et services extérieurs 50 %
- publicité 50 %
- frais de gestion 50 %
- frais financiers 50 %
- amortissements 50 %
- bénéfice 10 %
Alors que le contrat n'était pas soumis aux dispositions de la loi du 31 décembre 1989 instituant une obligation légale d'information précontractuelle puisqu'il a été signé antérieurement à cette date, conformément aux termes du contrat de franchise, au titre des relations précontractuelles, la société Pronuptia qui s'était engagée à fournir au franchisé " les éléments [...] lui permettant de bâtir son compte de résultat prévisionnel et son plan de financement ", a remis à Madame Gérard un prévisionnel intégrant les éléments suivants :
- Arrondissement de Caen : 380 000 habitants,
- Département du Calvados : 650 000 habitants,
- Total des mariages dans le département : 3 250 dont 65 % " en blanc " soit 2 100 mariages dont un minimum de 25 % réalisés par Pronuptia soit 525 mariages.
- Prix moyen d'une robe de mariée 4 000 F
- soit un chiffre d'affaires potentiel de 2 100 000 F sur le département.
Compte tenu de ces éléments, le chiffre d'affaires " raisonnablement espéré " s'élevait à 1 500 000 F la première année, 2 000 000 F la deuxième année, 2 500 000 F la troisième année et la marge nette avant les frais financiers de 199 000 F la première année, 325 000 F la deuxième, 522 000 F (chiffre erroné en raison d'une erreur arithmétique, en réalité 468 000 F) la troisième.
Le montant de l'emprunt dans ces études était de 700 000 F et les charges financières évaluées approximativement à 73 500 F sur la base d'un taux moyen de 10,59 % soit des chiffres légèrement inférieurs à l'emprunt réellement obtenu par Madame Fortier.
S'il est exact que le prévisionnel faisait référence au nombre de mariages dans le département alors que le secteur concédé par le contrat de franchise se limitait à l'arrondissement, ce fait ne saurait être considéré comme trompeur puisque le chiffre d'affaires prévisible en résultant se situait dans la limite de la fourchette effectivement réalisée par les franchisés Pronuptia dans des arrondissements de population similaires pour les années considérées - chiffres produits par la société Pronuptia et non contestés - étant précisé d'une part que cette distorsion entre le contrat et le prévisionnel clairement exprimée, était susceptible d'être discutée par Madame Fortier, d'autre part que celle-ci, en raison de son expérience ci-dessus précisée, connaissait nécessairement la provenance géographique des clients de la société Pronuptia.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, conformément au document d'informations générales (p. 10), les frais de personnel incluaient la rémunération de l'exploitant.
De même il ne saurait être reproché à la société Pronuptia de ne pas avoir envisagé le coût du financement du stock et de sa dépréciation, car cet élément dépend du mode d'exploitation du franchisé, et en ce domaine, Madame Fortier disposait d'une compétence et d'une expérience certaines puisque, venderesse de robes Pronuptia depuis de nombreuses années à Caen, elle était en mesure de connaître les attentes de la clientèle locale, et donc d'orienter ses achats.
Il doit être relevé que la première année Madame Fortier a réalisé un chiffre d'affaires de 1 520 822 F soit similaire à la prévision retenue et que le résultat courant avant impôt s'est élevé à 50 963 F.
De même la marge brute envisagée (60 % dans le document d'information, 50 % dans le prévisionnel) a été atteinte les deux premières années (1990 = 59 %, 1991 = 60 %).
Ainsi, s'il résulte des bilans produits qu'à partir de 1991, le chiffre d'affaires moyen de Madame Gérard s'est stabilisé autour d'1 200 000 F, ce fait ne saurait être reproché à la société Pronuptia puisque dans un courrier du 6 septembre 1991, l'union nationale des franchisés Pronuptia dénonçait certes une concurrence en plein essor, mais surtout une situation économique difficile (récession économique, guerre du Golfe).
Le tribunal a estimé en outre que le franchiseur avait dans le prévisionnel sous-estimé de façon outrancière le poste redevance et publicité locale, alors qu'aux termes de l'article 4 du contrat " le franchisé est tenu [...] d'obtenir l'assentiment du franchiseur pour sa publicité locale afin que celle-ci soit conforme à l'image de marque ".
Certes, les dépenses publicitaires se sont élevées à 78 000 F en 1990, 203 000 F en 1991, 254 000 F en 1992 cependant, elles ont décru postérieurement à cette date.
Par ailleurs, aux termes des dispositions contractuelles, l'assentiment du franchiseur est relatif au seul contenu de la communication et non au coût de celle-ci.
De plus, la teneur du document daté du 6 septembre 1991, émanant de l'Union nationale des franchisés Pronuptia (p. 5) établit que le franchisé restait maître de ses dépenses de publicité locale.
Aucune faute n'est donc caractérisée de ce chef à l'encontre de la société Pronuptia.
Enfin, conformément au document d'information, ce compte d'exploitation prévisionnel devait être établi en collaboration avec l'expert-comptable de Madame Fortier. Or, celle-ci a omis de le soumettre à ce professionnel, alors que cette diligence suggérée par la société Pronuptia était précisément destinée à affiner et préciser les prévisions au vu des données locales, de l'implantation du commerce et de la situation personnelle de l'exploitant.
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que la société Pronuptia, dont le prévisionnel était nécessairement schématique et général car destiné à être complété, ait fourni à Madame Gérard des renseignements erronés l'ayant entraînée à effectuer de lourds investissements dans une activité commerciale inévitablement vouée à l'échec.
Par ailleurs, le mandataire liquidateur, qui allègue une collusion frauduleuse entre la société Pronuptia et la banque ayant abouti à l'octroi du financement alors que celui-ci avait été auparavant refusé par plusieurs organismes financiers, ne produit aucune pièce de nature à étayer ses affirmations et cette argumentation sera en conséquence rejetée.
2°) En cours d'exploitation
Les résultats des exercices 1991 et 1992 se sont révélés déficitaires respectivement de 82 017 F et 584 059 F.
Aux termes de ses écritures, la société Pronuptia admet qu'en 1992, inquiète de la détérioration de la situation, elle s'est rapprochée de la franchisée, laquelle l'a persuadée de la rentabilité à venir de son affaire et a offert la garantie de son époux, Monsieur Paul Fortier.
Par acte du 24 novembre 1992, celui-ci s'est porté caution des factures Pronuptia.
Le 14 juin 1993, un chèque d'un montant de 60 000 F émis par Madame Fortier au profit de la société Pronuptia a été rejeté par la banque et par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 1993, Monsieur Fortier en sa qualité de caution a été mis en demeure de régler à la société Pronuptia la somme de 819 225 42 F au titre des marchandises et redevances impayées.
Les résultats 1993 et 1994 ont été négatifs à concurrence des sommes respectives de 421 936 F et 205 523 F.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 août 1995, la société Pronuptia a fait connaître à Madame Fortier qu'après une analyse de ses comptes, et en raison de l'importante dette de celle-ci envers le Crédit Lyonnais, un accord global nécessaire à la restructuration financière de l'entreprise ne pouvait être mis en place sauf à voir sa responsabilité engagée au motif de soutien abusif, et lui a demande de résoudre au préalable le contentieux existant avec la banque, condition sine qua non de la mise en place d'un accord concernant la créance Pronuptia.
Le 8 novembre 1995, la société Pronuptia a écrit à Madame Fortier dans les termes suivants:
"Votre incapacité à honorer depuis plus de deux ans, les échéances de crédit consenties en votre faveur par le Crédit Lyonnais confirme que vous êtes en cessation des paiements.
Vous comprendrez que nous ne pouvons continuer nos relations commerciales au vu des sommes que vous restez devoir à vos créanciers, nous pourrions alors être engagés au motif de soutien abusif retardant artificiellement une cessation de paiement". Ce courrier portait mise en demeure pour la somme de 719 869,18 F et visait la clause résolutoire contractuelle.
Par ailleurs, à compter du 7 février 1992, date du dernier débit, la banque a cessé de prélever les échéances de l'emprunt, le compte sur lequel elles étaient débitées étant insuffisamment approvisionné,et il résulte des nombreux courriers échangés à compter du 5 avril 1993 entre Madame Fortier et la banque, dans lesquels la franchisée sollicitait des avances de caisse et une restructuration du prêt, offrant en une caution de son époux et de sa belle-mère avec garantie hypothécaire - toutes propositions refusées en l'état par la banque -, que le franchiseur, qui disposait des bilans de l'entreprise, avait également connaissance de l'intégralité de la situation bancaire de Madame Fortier, celle-ci ayant, dans sa lettre du 29 juin 1993, expressément autorisé la banque à communiquer au directeur de la société Pronuptia tous les éléments relatifs au fonctionnement de son compte.
En outre, entre octobre 1991 et octobre 1995, Madame Fortier a contracté auprès de sa belle-mère plusieurs prêts sans intérêt d'un montant total de 1 397 000 F.
Enfin, il doit être précisé que, si le contrat de franchise ne prévoyait aucune obligation d'achat minimum - la clause d'exclusivité contractuelle qui est la règle en matière de franchise ne pouvant être assimilée à une telle obligation, et la clause prévue à l'article 8A ("le franchisé s'efforcera....) ne pouvant s'analyser qu'en une recommandation -, les franchisés avaient en fait une obligation de quota d'achats générant des stocks importants et des difficultés de trésorerie, situation dénoncée par les franchisés dès 1991 et caractérisée en ce qui concerne Madame Fortier.
Les résultats d'exploitation ci-dessus cités et l'impossibilité pour Madame Fortier d'obtenir des concours bancaires établissent qu'en 1995, sa situation était irrémédiablement compromise et qu'elle se trouvait en état de cessation de paiement.
Le franchiseur, ainsi qu'il l'a écrit le 8 novembre 1995, avait parfaitement connaissance de cette situation :en effet, ayant communication des documents comptables et financiers de l'entreprise, il ne pouvait également ignorer, au moins depuis août 1995 que lorsque Madame Fortier régularisait des impayés, les sommes par elle réglées ne pouvaient provenir ni des profits générés par l'entreprise, ni de concours bancaires, mais seulement d'apports familiaux.
Or, la société Pronuptia n'a pas mis à exécution la clause résolutoire pourtant rappelée dans ses écrits,et le 10 janvier 1996, a conclu avec Madame Fortier un protocole aux termes duquel celle-ci a reconnu devoir la somme de 753 791,85 F sur laquelle la société Pronuptia a fait remise de 164 416,81 F (correspondant à la moitié des intérêts de retard), le solde étant réglé comptant à concurrence de 200 000 F (30 489,80 euro) (fonds provenant d'un des emprunts susvisés à Madame Fortier mère) et de 389 375,14 F (89 849,66 euro) sur deux ans, au moyen de trente six billets à ordre acceptés et avalisés par Monsieur Fortier.
S'il est exact que concomitamment, conformément à une proposition faite par la société Pronuptia à différents franchisés en difficulté. Madame Fortier a conclu le 20 décembre 1995 un avenant permettant pour la collection 1996 la mise en dépôt-vente des robes de mariée, ce qui avait l'avantage d'approvisionner le stock de nouvelles collections plus attractives sans alourdir la trésorerie et constituait donc une aide du franchiseur, celui-ci ne pouvait ignorer au vu des pièces comptables en sa possession, qu'eu égard aux frais financiers engendrés par les stocks existants et à la dépréciation considérable de ceux-ci, cette mesure serait insuffisante pour rétablir la situation.
L'exercice 1996 s'est d'ailleurs soldé par un déficit de 186 027 F.
Cependant, c'est seulement le 24 septembre 1997 que la société Pronuptia a adressé à Madame Fortier une nouvelle mise en demeure pour la somme de 783 464,17 F visant la clause résolutoire et rappelant la clause de réserve de propriété, avant de résilier le contrat le 31 octobre 1997.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'à compter de 1995, le franchiseur, fournisseur quasi-exclusif de Madame Fortier, lui a accordé un soutien en connaissance de la situation irrémédiablement compromise de son entreprise, dans le seul but d'obtenir le règlement des factures à lui dues, ce qui caractérise l'existence d'un soutien abusif.
Ces agissements, destinés à convaincre Madame Fortier que son commerce était susceptible de retour à meilleure fortune grâce à l'aide du franchiseur et aux concours de l'entourage familial et donc à éviter une déclaration de cessation de paiement alors que les éléments comptables et financiers en sa possession démontraient que cette perspective ne constituait qu'une illusion, et qu'en réalité toute poursuite d'activité ne pouvait qu'être déficitaire, ont ainsi contribué à l'augmentation du passif de la liquidation judiciaire.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité de la société Pronuptia.Les fautes de Pronuptia ne sont à l'évidence pas exclusives des fautes de Madame Fortier. Mais le mandataire liquidateur agissant dans l'intérêt de la collectivité des créanciers à laquelle profite la condamnation, Pronuptia doit réparation de la totalité de la part d'insuffisance d'actif à laquelle ses fautes ont contribué. Il ne peut y avoir de partage de responsabilité.
Cependant, ainsi qu'il a été indiqué, il ne peut être retenu de comportement fautif avant 1995, et pour ce motif la condamnation sera limitée à la somme de 543 658 euro, montant de l'insuffisance d'actif diminué du passif dû à la société Pronuptia tel que résultant de l'accord du 10 janvier 1996 après remise.
En conséquence, le jugement sera réformé de ce chef.
II - La Banque
Pour les motifs ci-dessus exposés, il ne peut être reproché à la banque d'avoir financé avec légèreté une entreprise inévitablement vouée à l'échec.
Cependant, alors que depuis le 7 février 1992. Madame Fortier avait cessé d'honorer les échéances du prêt, la banque est demeurée totalement inactive jusqu'au 5 avril 1993. Postérieur à cette date, si elle a opposé des refus constants aux découverts sollicités par Madame Fortier aux fins d'honorer les échéances, et de restructuration de prêt, elle n'a pas tiré les conséquences des engagements de règlement non tenus et n'a mis en œuvre aucune mesure de recouvrement, se limitant dans le dernier courrier produit, daté du 16 février 1995, à rappeler à Madame Fortier la teneur de ses promesses et à subordonner l'examen d'une restructuration à l'octroi de cautions hypothécaires familiales.
Or, ainsi qu'il a été précisé et pour les motifs ci-dessus exposés, la banque, qui connaissait comme le franchiseur, parfaitement les documents comptables et la situation de l'entreprise à l'égard de la société Pronuptia dans le cadre de leur information réciproque, ne pouvait ignorer, au moins en 1995, le caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'entreprise et l'origine, étrangère aux ressources du commerce, des régularisations d'impayés, ses exigences tendant même à aggraver la solidarité familiale déjà lourdement mise à contribution.
Cette omission de mise en recouvrement dont la finalité était similaire à celle de la société Pronuptia a contribué de manière identique à l'augmentation du passif de la liquidation judiciaire. Au surplus en s'abstenant de toute tentative de recouvrer sa créance et en laissant ainsi s'accumuler les intérêts, la banque a commis une faute spécifique dont est directement résulté l'augmentation du passif correspondant à ces intérêts.
Cependant, le mandataire liquidateur limitant sa demande à l'encontre de la banque à la somme octroyée par le tribunal, le jugement sera confirmé de ce chef.
III - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Succombant en leur appel, la société Pronuptia et la banque ont contraint le mandataire liquidateur à exposer des frais irrépétibles qui seront fixés en équité et solidairement à 3 000 euro.
Par ces motifs, Réforme le jugement en ses dispositions relatives au montant de la condamnation à l'encontre de la société Pronuptia; Condamne la société Pronuptia à payer à Maître Doutressoulle ès qualités la somme de 543 658 euro; Confirme le jugement en ses autres dispositions; Y additant, condamne solidairement la société Pronuptia et la société Crédit Lyonnais à payer à Maître Doutressoulle ès qualités la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : Condamne la société Pronuptia aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.