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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 12 avril 2005, n° ECOC0500086X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Export Press (Sté)

Défendeur :

NMPP (Sté), GDP (Sté), Sodipresse Martinique (Sté), MGP (Sté), ARDP (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Woirhaye

Conseillers :

M. Savatier, Mme Mouillard

Avoué :

SCP Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Ferla, Georges.

CA Paris n° ECOC0500086X

12 avril 2005

La société par actions simplifiée Export Press, créée en 1999, est spécialisée dans l'exportation de publications périodiques, à l'exclusion de la presse quotidienne. Souhaitant exercer ses activités dans les départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM), Export Press s'est adressée à la société Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) pour connaître les conditions tarifaires de ses dépositaires qui y sont implantés, une première fois en 1999, puis à nouveau en 2003.

Dans un premier temps, la direction internationale des NMPP lui a communiqué par lettre du 9 juillet 2003, les conditions auxquelles trois de ses filiales -les dépositaires Caraïbes Diffusion Presse, les Nouvelles Messageries Calédoniennes de Presse et l'Agence Polynésienne de Diffusion- pourraient traiter avec elle. Ce premier courrier a été suivi de quatre autres expédiés d'août 2003 à février 2004, par lesquels les quatre dépositaires situés dans les DOM (Sodipresse Martinique, Guadeloupe Diffusion Presse, l'Agence réunionnaise de distribution de presse et les Messageries Guyanaises de presse) ont fait part à la société Export Press de leurs offres tarifaires.

Par courrier du 14 mai 2004, le directeur général des NMPP a finalement opposé à la société Export Press une fin de non-recevoir, en lui rappelant qu'elle ne répondait pas aux conditions fixées par la loi pour assurer la distribution de la presse dans les départements et territoires d'outre-mer dès lors qu'elle n'était pas une messagerie de presse au sens de la loi Bichet du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution de presse.

Estimant que les propositions tarifaires qui lui avaient été initialement faites étaient inacceptables et discriminatoires en ce que le niveau de commission exigé par les NMPP et par ses dépositaires était largement supérieur au plafond légal ainsi qu'à celui dont bénéficiaient les NMPP, que le refus finalement opposé à ses demandes par les NMPP était infondé et abusif, et que ces pratiques étaient anticoncurrentielles en ce qu'elles avaient pour objet et pour effet d'entraver son accès aux marchés des DOM-TOM soit l'une des principales destinations d'exportation pour les éditeurs de presse français, ce alors qu'elle-même est le seul concurrent des NMPP sur le marché de l'exportation de la presse nationale, la société Export Press a saisi le Conseil de la concurrence par lettre du 17 mai 2004, lui demandant au visa de l'article L. 464-1 du Code de commerce d'enjoindre au "groupe des NMPP " et en particulier aux sociétés Sodipresse Martinique, Guadeloupe Diffusion Presse, Messageries Guyanaises de Presse, Agence Polynésienne de Diffusion et Caraïbes Diffusion Presse, de cesser les pratiques dénoncées et de lui communiquer dans un délai de deux semaines une offre tarifaire détaillée, transparente et non discriminatoire, à un prix sinon identique, du moins en rapport étroit avec les tarifs pratiqués pour des prestations similaires par les dépôts du groupe NMPP en métropole.

Par décision n° 04-D-45 du 16 septembre 2004, le Conseil a dit que :

Article 1er : La saisine, en ce qu'elle concerne les départements d'outre-mer, est irrecevable,

Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le n° 04-0032 est rejetée.

LA COUR,

Vu la déclaration de recours en annulation "et/ou" en réformation déposée le 22 octobre 2004 par la société Export Press au greffe de la Cour d'appel de Paris,

Vu l'exposé des moyens produit le 22 novembre 2004 à l'appui du recours, soutenu par un mémoire en réplique déposé le 31 janvier 2004, par lesquels la société Export Press demande à la cour de:

A titre principal,

- annuler partiellement la décision n° 04-D-45 du Conseil de la concurrence en date du 16 septembre 2004 en ce qu'elle a :

* considéré que la loi Bichet privait la société Export Press d'intérêt à agir en ce qui concerne les pratiques des NMPP dans les DOM et déclaré de ce fait, la saisine irrecevable en ce qu'elle les concerne,

* constaté l'absence d'atteinte grave et immédiate au secteur concerné et aux consommateurs et a, de ce fait, rejeté la demande de mesures conservatoires formulée par Export Press,

Statuant à nouveau en fait et en droit,

- se prononcer sur les pratiques dénoncées par la société Export Press dans sa saisine du 17 mai 2004 en ce qui concerne les départements d'outre-mer,

- substituer sa propre décision à l'article 2 de la décision du Conseil ainsi annulée en prononçant les mesures conservatoires demandées par Export Press dans sa saisine du 17 mai 2004,

A titre subsidiaire,

- réformer la décision du Conseil en constatant que dans l'hypothèse où la loi Bichet ferait obstacle à toute activité d'exportation de la presse nationale de la part d'Export Press à destination des DOM,

* cette loi ne fait pas obstacle à l'exportation par Export Press vers les DOM de titres dits "hors presse " de sorte que Export Press a un intérêt à agir en ce qui concerne les pratiques tarifaires des NMPP mises en œuvre dans les DOM et susceptibles de bloquer ses activités d'exportation de produits hors presse vers les DOM,

* les NMPP ont, en tout état de cause, abusé de leur position dominante sur les marchés de la distribution et de l'exportation de la presse nationale en présentant artificiellement comme des "exportations " vers les DOM, ce qui relève en définitive de la " distribution" de la presse au sens de la loi Bichet et ce, dans le but de restreindre la capacité concurrentielle d'Export Press,

- déclarer, de ce fait, la saisine d'Export Press recevable en ce qu'elle concerne les DOM,

- constater l'existence d'une atteinte grave et immédiate au secteur concerné et aux consommateurs,

- prononcer les mesures conservatoires sollicitées par Export Press en ce qui concerne les TOM et ordonner que les NMPP cessent de présenter les DOM comme une destination d'exportation dans leur documentation tarifaire et commerciale,

Vu les conclusions en réponse déposées le 20 décembre 2004, par lesquelles les sociétés Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), Guadeloupe diffusion presse (GDP), Sodipresse Martinique, Messageries Guyanaises de presse (MGP), Agence Réunionnaise de distribution de presse (ARDP) sollicitent de la cour de

- à titre principal, déclarer irrecevable le recours,

- à titre subsidiaire, déclarer irrecevable la demande d'annulation présentée comme partielle de la décision du Conseil formée à titre principal par Export Press, constater le caractère manifestement infondé des demandes de réformation de la décision du Conseil, et débouter en conséquence la société Export Press de l'intégralité de ses demandes,

- à titre très subsidiaire, constater le caractère manifestement infondé des demandes d'annulation et subsidiairement de réformation de la décision du Conseil, en conséquence, débouter Export Press de l'intégralité de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire,

* débouter Export Press de sa demande principale visant au prononcé des mesures demandées dans sa saisine s'agissant des DOM ou à défaut renvoyer les parties devant le Conseil en vue de l'examen de cette demande,

* déclarer irrecevable la demande de mesure conservatoire formée par Export Press à titre subsidiaire concernant les DOM et visant à ce qu'il soit ordonné aux NMPP de cesser de présenter les DOM comme une destination d'exportation dans leur documentation tarifaire et commerciale,

- débouter Export Press de ses demandes principales et subsidiaires visant au prononcé des mesures demandées dans sa saisine s'agissant des TOM ou, à défaut, dire que les mesures pouvant, le cas échéant, être prononcées à ce titre devront être limitées à l'application, à son égard, des mêmes conditions tarifaires que celles qui sont appliquées aux NMPP elles-mêmes,

- en tout état de cause, condamner Export Press au paiement de 20 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Grappotte Benetreau, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu le mémoire de procédure déposé le 14 février 2005 par lequel les défenderesses soulèvent l'irrecevabilité, en ce qu'il serait nouveau, du moyen invoqué par Export Press dans son mémoire du 31 janvier 2005 tenant à la mise en œuvre d'un système de remises globales accordées aux éditeurs sur leur volume total de ventes tous marchés confondus (DOM et destinations internationales, page 24 du mémoire), et demandent à la cour de rejeter comme nouveau ce moyen, de déclarer irrecevable la production des pièces jointes au mémoire d'Export Press et de les rejeter des débats,

Vu le mémoire de procédure déposé le 18 février 2005 par lequel la société Export Press demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes formulées par les défenderesses dans leur mémoire de procédure aux fins de rejet des débats déposé le 14 février 2004,

Vu les observations écrites déposées le 17 janvier 2005 par le Conseil de la concurrence, le 6 janvier 2005 par le ministre chargé de l'économie et à l'audience par le ministère public, concluant à la confirmation de la décision,

Ouï, à l'audience publique du 22 février 2005, les conseils des parties, le ministre chargé de l'Economie et le Ministère public en leurs observations orales tendant au rejet des recours,

La requérante ayant eu la parole en dernier,

Sur la recevabilité du recours

Considérant que les défenderesses soutiennent, en premier lieu, que le recours formé par la société Export Press est irrecevable comme tardif, en ce qu'il n'a pas respecté le délai de dix jours à compter de la notification de la décision, fixé par l'article L. 464-7 du Code de commerce lorsque le Conseil statue sur une demande de mesures provisoires en application des dispositions de l'article L. 464-1 du même Code ; qu'elles font également valoir que la déclaration n'aurait pas respecté les formes prévues par l'article 10 du décret du 19 octobre 1987 pris en application de l'article L. 464-7 susvisé;

Considérant toutefois que la décision attaquée ne se borne pas à rejeter la demande de mesures provisoires formée par la société Export Press, mais déclare partiellement irrecevable la saisine au regard des dispositions de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution;

Qu'il y a lieu d'observer que le courrier de notification de la décision, daté du 20 septembre 2004 et reçu le 22 septembre 2004, tire les conséquences du caractère mixte de cette décision, puisqu'il ne se réfère nullement aux dispositions susvisées, mais mentionne "qu'en vertu de l'article L. 464-8 du Code de commerce (...), cette décision peut faire l'objet d'un recours (...) dans un délai d'un mois (...)par déclaration écrite déposée au greffe de cette cour (...) "; qu'il est constant que la déclaration de recours a été reçue au greffe de la cour par procès-verbal du 22 octobre 2004;

Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'écarter ce moyen d'irrecevabilité;

Considérant que les défenderesses opposent à la société Export Press, en second lieu, un moyen de procédure fondé sur l'irrecevabilité de la demande " d'annulation partielle " que la requérante forme à titre principal alors qu'elle demande en réalité l'annulation de chacun des deux articles de la décision, et critiquent également " l'absence de tout moyen soutenant cette demande d'annulation ", les moyens développés dans l'exposé des moyens déposé au greffe le 22 novembre 2004 " visant uniquement la reformation de la décision ";

Mais considérant qu'il est satisfait à l'exigence de préciser l'objet du recours, dès lors que la décision attaquée est exactement spécifiée dans l'acte de recours et que la finalité du recours -annulation ou réformation- se déduit suffisamment de la nature du dispositif de la décision ;que les critiques tenant à la recevabilité des moyens développés par la requérante, en ce qu'ils ne pourraient justifier éventuellement qu'une réformation de la décision, ne peuvent qu'être écartées par la cour, dès lors qu'elles ne portent pas sur la recevabilité de ces moyens mais sur leur bien-fondé; qu'au demeurant, la demande d'annulation de l'article 1er de la décision formée par la requérante est clairement fondée sur l'application par le Conseil des dispositions de la loi Bichet et sur les conséquences qu'il en a tirées quant à l'absence d'intérêt à agir de la société Export Press en ce qui concerne le marché de la distribution de la presse dans les DOM, étant encore observé que la compétence de pleine juridiction conférée au juge judiciaire sur les décisions rendues par l'autorité de concurrence implique dans le cas d'une annulation même partielle de la décision, qu'il peut être à nouveau discuté, en fait et en droit, de l'intégralité de l'affaire soit sur du bien-fondé des mesures conservatoires demandées par la requérante en ce qui concerne ce marché particulier;

Sur la demande tendant à voir déclarer irrecevables un moyen articulé et des pièces déposées par la société Export Press le 31 janvier 2005

Considérant que l'article 2-3 du décret du 19 octobre 1987, relatif aux recours exercés devant la Cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil de la concurrence, prévoit que lorsque la déclaration de recours ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision; que les moyens nouveaux qui pourraient être contenus dans un mémoire en réplique sont irrecevables passé ce délai de deux mois ; qu'est toutefois recevable la production de moyens constituant l'ampliation d'un moyen déjà énoncé, directement ou indirectement, dans les délais susvisés ; que selon l'article 3 du décret susvisé, la déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits, qui sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration;

Considérant que les défenderesses demandent à la cour de déclarer irrecevable comme nouveau le moyen développé par la requérante dans le mémoire en réplique qu'elle a déposé le 31 janvier 2005, tiré d'une pratique de remises globales accordées aux éditeurs sur leur volume total de ventes tous marchés confondus (DOM et destinations internationales), les défenderesses demandant également le rejet des débats des pièces déposées au soutien de ce mémoire;

Considérant que l'exposé des moyens de la requérante, qui vise en pages 15 et 16 la confusion abusive qui serait entretenue par les NMPP entre leurs activités sous monopole et leurs activités d'exportation, mentionne l'application par les NMPP, de leur barème " export" à leurs services de distribution dans les DOM-TOM, sans distinction; que le système de remises globales qu'elles pratiquent est dénoncé dans le mémoire en réplique déposé le 31 janvier 2005 comme constituant un renforcement de cette confusion abusive;

Qu'il suit que le moyen tiré de ce système de remises globales ne peut être considéré comme nouveau dès lors qu'il se réfère directement à l'exposé des moyens régulièrement déposés le 22 novembre 2004;

Que les demandes tendant au rejet de ce moyen et des pièces déposées au soutien du mémoire en réplique seront rejetées;

Sur l'intérêt à agir de la société Export Press en ce qui concerne son accès au marché de la distribution de la presse dans les DOM

Considérant que la société Export Press fait valoir que le Conseil a interprété de manière erronée les dispositions de la loi Bichet du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution de presse, pour déclarer sa plainte irrecevable en ce qui concerne son accès au marché des DOM, faute d'intérêt à agir, au motif qu'elle n'est pas une messagerie de presse au sens de la loi susvisée, alors qu'il n'appartient pas au Conseil d'interpréter des textes législatifs ne relevant pas de sa compétence et que dans les faits la loi susvisée n'est pas appliquée dans ces départements ; qu'elle ajoute que cette application de ce texte, de surcroît contraire au droit communautaire, est en tout état de cause exclue en ce qui concerne les produits dits "hors presse " qui relèvent du droit commun;

Mais considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 2 de la loi du 2 avril 1947 que "le groupage et la distribution de plusieurs journaux et publications périodiques ne peuvent être assurés que par des sociétés coopératives de messageries de presse soumises aux dispositions de la présente loi " ; que si son article 4 permet à ces sociétés coopératives de confier l'exécution de certaines opérations matérielles à des entreprises commerciales, c'est à la condition que les premières "s'assurent une participation majoritaire dans la direction " des secondes, " leur garantissant l'impartialité de cette gestion et la surveillance de leurs comptabilités"; que son article 5 prévoit que "le capital social de chaque société coopérative ne peut être souscrit que par des personnes physiques ou morales propriétaires de journaux et périodiques qui auront pris l'engagement de conclure un contrat de transport (ou de groupage et de distribution) avec la société";

Considérant que ces dispositions claires et dépourvues d'ambiguïté ne nécessitent aucune interprétation, la société Export Press n'ayant jamais contesté avoir la forme d'une société par actions simplifiée et une répartition de son capital social ne correspondant pas à ces exigences ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir que la loi susvisée ne serait pas applicable dans les DOM et qu'en réalité la distribution de la presse devrait y être considérée comme une activité d'exportation, alors que l'application dans ces départements des lois et règlements de la République est prévue par l'article 73 de la Constitution, ainsi que le rappelle justement le Conseil;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est nullement justifié de ce que le statut des entreprises de presse défini par la loi susvisée serait en lui-même contraire aux dispositions des articles 82 et 86 du traité CE et par suite inopposable à la société Export Press ; qu'en effet il n'apparaît pas que ce statut soit de nature à conférer a priori des droits exclusifs ou des droits spéciaux aux défenderesses sur la distribution en gros des produits presse dans les DOM, la constitution d'un monopole en résultant et l'abus d'un tel monopole par son ou ses détenteurs n'en constituant pas davantage des conséquences nécessaires ; qu'il y a lieu d'observer que la société Export Press, qui déclare "rigoureusement inenvisageable " sa transformation en coopérative ou la création d'une société coopérative annexe "à seule fin de desservir les DOM", sans justifier d'aucune impossibilité objective à cet égard, est mal fondée à reprocher au Conseil d'en avoir tiré les conséquences;

Considérant, en troisième lieu, que si la société Export Press allègue l'inapplicabilité de la loi du 2 avril 1947 s'agissant de la distribution des produits hors presse, et critique le Conseil de n'avoir pas reconnu son intérêt à agir dans ce domaine particulier, il y a lieu de relever que la lettre de saisine de la société Export Press, déposée le 17 mai 2004 au Conseil et versée aux débats, ne visait que les produits presse et que ce moyen en ce qu'il vise des faits non compris dans la saisine du Conseil, n'est pas recevable;

Sur le grief tiré d'une violation de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile par le Conseil

Considérant que si la société Export Press reproche au Conseil de n'avoir pas répondu au grief tiré d'une confusion entretenue par les NMPP sur leurs activités de distribution et d'exportation en incluant abusivement les DOM dans leurs activités d'exportation, grief formulé dans ses observations déposées devant le Conseil le 30 juin 2004 et développé lors de la séance tenue le 21 juillet 2004, le Conseil n'était pas tenu d'y répondre dès lors que ces pratiques n'étaient pas évoquées dans la saisine déposée le 17 mai 2004, seules étant incriminées dans cet acte les pratiques tarifaires reprochées aux défenderesses;

Qu'en tout état de cause, la critique tenant à la confusion entretenue par les NMPP entre leurs activités de distribution dans les DOM et leurs services d'exportation, étendue devant la cour aux remises globales accordées par les NMPP aux éditeurs sur leur volume total de ventes tous marchés confondus (DOM et destinations internationales), est inopérante en ce qui concerne l'intérêt à agir de la société Export Press pour revendiquer un accès au marché des départements d'outre-mer, en ce que ces pratiques ne peuvent affecter, en elles-mêmes, son accès à ce marché qui lui est de toutes façons fermé, faute de s'être conformée aux exigences statutaires prévues par la loi, étant encore observé que le Conseil, qui est saisi in rem pour l'ensemble des questions de concurrence relevant du marché considéré, a retenu sa compétence pour examiner et sanctionner le cas échéant les pratiques d'entreprises françaises agissant en France métropolitaine dans le but de s'ouvrir des marchés d'exportation;

Sur les mesures conservatoires demandées par la société Export Press concernant les TOM

Considérant que selon l'article L. 464-1 du Code de commerce, le Conseil peut prendre des mesures conservatoires si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ; que ces mesures doivent être strictement limitées, tant dans leur objet que dans leur durée, à ce qui est nécessaire pour corriger une atteinte manifeste et intolérable à l'exercice de la libre concurrence;

Considérant que la société Export Press reproche au Conseil d'avoir rejeté sa demande de mesures conservatoires et d'avoir ainsi méconnu la gravité et le caractère immédiat de l'atteinte portée à l'économie du secteur, à l'intérêt des consommateurs et aux siens propres, alors qu'il a admis que les NMPP avaient pu abuser de leur position dominante sur les marchés locaux de la distribution en gros de la presse nationale en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en proposant à la requérante des prix excessifs et discriminatoires pour ces services de distribution, susceptibles de provoquer un effet de ciseau tarifaire ayant pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché aval de l'exportation de la presse à destination de ces territoires ; qu'elle invoque à cet égard le contexte particulier du marché concerné soit celui de l'exportation de la presse nationale, le duopole asymétrique qui le caractérise (90 % de parts de marché pour les NMPP, 4 % pour Export Press) accentuant encore sa sensibilité aux effets négatifs des pratiques abusives dont elle est victime, ainsi que le reflètent les pertes qu'elle a subies soit près de 500 000 euro pour l'exercice 2003 pour un chiffre d'affaires total de 800 000 euro ; qu'elle reproche au Conseil, en particulier, de n'avoir pas ordonné, dans l'attente d'une décision au fond, la suspension des pratiques de confusion abusive entretenues par les NMPP consistant à présenter les DOM comme des destinations "d'exportation " sur lesquelles la requérante n'est pas présente, et à accorder aux éditeurs des remises de couplage assises sur leurs ventes globales toutes destinations confondues ; que sans remettre en cause sur le fond les constatations du Conseil, les défenderesses contestent que les conditions d'application de l'article L. 464-1 du Code de commerce soient réunies;

Mais considérant que le Conseil, qui n'était pas saisi d'une demande tendant à ce qu'il soit ordonné aux NMPP de cesser de présenter les DOM comme une destination d'exportation dans leurs offres tarifaires ou d'accorder aux éditeurs les remises susvisées, a fait une juste appréciation des éléments de la cause en relevant que les pratiques dénoncées s'inscrivent dans un processus engagé depuis 1999 sans que la société Export Press l'ait formellement contesté jusqu'en 2004, pas plus que n'apparaissait démontré leur caractère manifestement intolérable à l'exercice d'une libre concurrence en ce qui concerne le secteur concerné et les intérêts des consommateurs, les éditeurs ayant la possibilité de prendre directement en charge la distribution de leurs titres, ce qu'ils font pour environ 6 % des parts du marché ; que la requérante n'établit pas de lien de causalité suffisant entre les pratiques qu'elle dénonce et les pertes qu'elle a essuyées pour l'exercice 2003, dès lors qu'une part importante de ces pertes provient des investissements engagés à tort pour son développement dans les DOM sans qu'elle ait préalablement satisfait aux conditions prévues par la loi pour y exercer ses activités ; qu'en outre et ainsi que le relève justement le Conseil, un simple manque à gagner est insuffisant pour caractériser l'atteinte grave et immédiate justifiant le prononcé de mesures d'urgence;

Considérant qu'il y a lieu de rejeter le recours;

Qu'il n'est pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant que les avoués ne peuvent obtenir le bénéfice de la distraction des dépens que dans les matières où leur ministère est obligatoire ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la demande présentée sur le fondement de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile par la SCP Grappotte Benetreau, avoué, sera rejetée;

Par ces motifs, Déclare recevable le recours, Rejette l'exception d'irrecevabilité du moyen articulé et des pièces déposées le 31 janvier 2005 par la société Export Press, Rejette le recours formé par la société Export Press contre la décision n° 04-D-45 du 16 septembre 2004 du Conseil de la concurrence, Condamne la société Export Press aux dépens.