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Décisions

CA Aix-en-Provence, 17e ch., 12 novembre 2002, n° 01-07436

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Guignard

Défendeur :

Nitya (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

MM. Grand, Bourgeois

Avocats :

Mes Duhalde, Azencot.

Cons. prud'h. Cannes, du 23 mars 2001

23 mars 2001

Madame Jeanine Guignard a relevé appel le 9 avril 2001 du jugement prononcé le 23 mars 2001 par le Conseil des prud'hommes de Cannes qui l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Les parties ont développé à la barre les écritures versées au dossier de la procédure.

Madame Guignard conclut à la réformation du jugement et sollicite :

- 14 656,09 euro de rappel de salaire du 20 avril 1997 au 16 juillet 1997 plus 10 % de congés payés

- 77 680,51 euro de contrepartie financière de la clause de non-concurrence

- 116 520,75 euro d'indemnité de clientèle ou 38 840 euro d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 29 130,19 euro d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- ainsi que 3 000 euro au titre des frais de procédures non compris dans l'état des dépens.

La société Nitaya conclut de son côté à la confirmation du jugement déféré et sollicite 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Rien dans le dossier de la procédure ne permet de la soulever d'office.

Madame Guignard a été embauchée le 23 novembre 1978 par la société Nitaya en qualité de VRP pour démarcher les magasins de détail des départements 04, 06, 13, 30, 83, 20, plus, à compter du 1er septembre 1985, 26 et 07 afin de vendre des vêtements féminins importés des Indes moyennant une commission de 8 % sur le montant HT des ordres directs et de 4 % pour les soldes.

Elle a été en arrêt de travail pour maladie du 21 janvier au 20 avril 1997 et déclarée par la médecine du travail, les 6 mars et 21 mars 1997, inapte à son poste de VRP, mais apte à un poste sans déplacement ni port de charge. La société Nitaya a fait savoir le 3 avril 1997 qu'elle ne disposait d'aucun poste de reclassement et lui a proposé le 28 mai 1997 la direction de la boutique Nitaya à Paris, que la salariée a refusé le 30 mai 1997.

Madame Guignard a été convoquée le 17 juin 1997 pour le 27 juin à l'entretien préalable au licenciement et a été licenciée le 15 juillet 1997 pour le motif suivant: " Je fais suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement et constatant l'impossibilité pour vous de continuer votre activité de VRP comme celle d'occuper tout emploi nécessitant des déplacements et un port de charge, je me vois contraint de prononcer votre licenciement pour cause d'inaptitude professionnelle établie par la médecine du travail, ainsi d'ailleurs que votre conseil nous le demandait par lettre du 24 mai dernier. Je vous rappelle aussi que notre société n'ayant aucun établissement dans votre région, ni ailleurs qu'à Paris, nous vous avons proposé un reclassement comme responsable de la boutique Nitaya à Paris et que vous avez décliné cette proposition. "

1°) Sur le solde de salaire:

Les parties sont en désaccord sur les salaires devant revenir à Madame Guignard en application des dispositions de l'article L. 124-4 alinéa 2 du Code de travail, c'est-à-dire pendant la période commençant le 22 avril et se terminant le 15 juillet 1997.

Madame Guignard était en maladie depuis le 21 janvier. Elle avait passé un accord avec son employeur au terme duquel ce dernier organiserait les show room de vente avec la collection automne hiver 1997 dans le secteur de Madame Guignard en dépêchant du personnel dont elle prendrait le coût à sa charge, Madame Guignard percevant les commissions résultant de leur activité sous déduction de 30 % au titre des frais.

Elle a par ailleurs touché des commissions de réassortiment des clients précédemment démarchés.

L'expert commis par les 1er juges a considéré que les sommes ainsi touchées ne compensaient pas les salaires perdus pendant la période du 22 avril au 15 juillet et il a déterminé le salaire mensuel moyen sur la base des douze mois de l'année précédente pour déterminer l'indemnité devant revenir à Madame Guignard.

L'employeur développe plusieurs arguments : il soutient d'abord que la période avril à juillet est une période traditionnellement creuse durant laquelle le représentant ne touche que 9 à 10 % des commissions de l'année; il ajoute qu'il lui a versé la somme de 41 400 F pendant cette période, somme correspondant à la fois aux commandes de soldes et réassorts sur les ordres passés de janvier à mars 1997 et au travail des attachés commerciaux remplaçant la salariée malade en accord avec celle-ci.

Madame Guignard perçoit des commissions sur ses ventes; elle a bénéficié pendant un certain temps du travail d'attachés commerciaux dans le cadre d'un accord passé avec son employeur sur lequel il n'y a pas lieu de revenir, mais il n'apparaît pas, il n'est d'ailleurs même pas soutenu, qu'il ait été effectué une quelconque prospection pour son compte pendant la période avril à juillet de telle sorte qu'elle est objectivement privée des revenus correspondant à trois mois d'activité.

L'expert a établi ces revenus à la somme de 95 540,75 F en indiquant que ce chiffre n'est qu'une évaluation. L'employeur critique cette évaluation mais ne fournit aucun chiffre. Compte tenu du décalage existant entre la prise de commande et sa rémunération, la cour estime que la somme arrêtée par l'expert est la plus proche possible de la réalité.

2°) Sur la clause de non-concurrence

Le contrat de travail stipulait en son article 6 alinéa 2 que " Madame Guignard s'interdit également en cas de rupture des présentes, de représenter une maison vendant des articles semblables à ceux de la société Nitaya dans les régions faisant partie des secteurs de représentation pendant une période à déterminer."

Madame Guignard demande la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dans les limites fixées par l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977 en relevant que si la durée de la clause n'est pas fixée, la nullité qui en résulte ne peut pas être soulevée par l'employeur qui conteste le droit à Madame Guignard de percevoir la contrepartie financière de la clause de non-concurrence au double motif de sa nullité en l'état de la non-fixation de sa durée et de son absence d'objet, Madame Guignard ne pouvant plus exercer son activité de VRP. Il ajoute que Madame Guignard a été admise au bénéfice de la retraite. A titre subsidiaire, il demande que cette contrepartie soit limitée à 6 mois, durée que Madame Guignard avait porté de manière manuscrite sur son exemplaire du contrat de travail.

La société Nitaya est irrecevable à soutenir la nullité de la clause de non-concurrence qu'elle a elle même inséré dans l'acte; toutefois l'indication d'une durée à déterminer suppose pour que la clause soit applicable, que cette durée soit fixée. A défaut, les parties sont en l'état d'un projet non achevé de clause de non-concurrence. La clause n'a donc pas été contractuellement fixée ; il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande.

3°) Sur l'indemnité de clientèle

L'employeur conteste à bon droit la prétention de Madame Guignard d'être indemnisée de la perte de sa clientèle au motif que cette indemnité n'est due qu'en cas d'incapacité totale de travail, ce qui n'était pas le cas de l'intéressée déclarée apte à un poste sans déplacement ni port de charge.

L'indemnité spéciale de rupture n'est due que si le salarié renonce dans les 30 jours suivant l'expiration du contrat à l'indemnité de clientèle. Madame Guignard n'y a pas renoncé. Le cas échéant, sa demande se serait heurtée aux mêmes considérations que celles qui ont conduit à lui refuser l'indemnité de clientèle.

4°) Sur le licenciement

La société soutient à juste titre que le licenciement de Madame Guignard est justifié et lui conteste le droit à dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi que le droit de demander l'indemnité prévue par la convention collective de branche alors qu'elle est soumise à l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977.

Les pièces produites montrent que Madame Guignard a été licenciée pour incapacité physique après qu'elle ait refusé en raison de l'éloignement géographique et de ses compétences personnelles, le seul poste sédentaire dont la société disposait. Le fait que celle-ci ait attendu avant de lui proposer ce poste et de la licencier ne caractérise pas une faute transformant le licenciement en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; ce fait n'a d'ailleurs pas préjudicié à la salariée puisque son employeur est condamné par ailleurs à lui verser les salaires correspondants.

Madame Guignard sera donc déboutée de ses demandes de ces chefs

Il est manifestement inéquitable de laisser Madame Guignard supporter ses frais irrépétibles de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 1 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, Infirme le jugement déféré, Condamne la société Nitaya à payer à Madame Guignard la somme de 14 565,09 euro plus 10 % de congés payés, Déboute Madame Guignard de ses autres demandes, Condamne la société Nitaya aux dépens et au paiement de 1 000 euro au titre des frais de procédure non compris dans l'état des dépens.