CA Paris, 1re ch. B, 27 juin 2002, n° 2001-11843
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NRJ (SA)
Défendeur :
Vortex (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grellier
Conseillers :
Mmes Brongniart, Chaubon
Avoués :
SCP Teytaud, Me Bolling
Avocats :
Mes Boespflug, Chappuis.
Selon jugement prononcé le 25 mai 2001 par le Tribunal de commerce de Paris, la société NRJ a été déclarée mal fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Vortex, exploitant la radio " Skyrock " à laquelle elle reproche une publicité comparative fautive illicite, pour n'être pas conforme aux dispositions de l'article L. 121-12 du Code de la consommation;
La société NRJ, appelante, conclut à l'infirmation du jugement; elle persiste à soutenir que la société Vortex a commis des actes de concurrence déloyale à ses dépens, en se livrant à une publicité comparative illicite; elle conclut à la condamnation de la société Vortex à lui payer une somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts;
Elle sollicite la publication du présent arrêt dans les journaux "Libération", "Le Monde" et "Le Figaro" aux frais de la société Vortex dans la limite de 15 000 euro hors taxe et la condamnation de l'intimée à lui payer une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Vortex conclut à la confirmation en son principe du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société NRJ de ses demandes de dire la société Vortex recevable et bien fondée en ses conclusions,
Y faisant droit,
- de confirmer en son principe le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société NRJ de l'ensemble de ses demandes;
En conséquence,
Sur l'annonce publiée dans le journal Libération du 24 février 2000 et dans le journal Le Monde du 3 mars 2000
- de dire que l'annonce publicitaire intitulée "Skyrock première radio musicale à Paris devant NRJ" que la société Vortex a fait publier dans le journal Libération du 24 février 2000 puis dans le journal Le Monde du 3 mars 2000, ne constitue nullement une publicité comparative illicite au regard des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation;
- de dire que la société Vortex, à travers cette annonce, n'a donc commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société NRJ ;
En conséquence,
- débouter la société NRJ de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions de ce chef;
Sur l'annonce publiée dans Le Figaro Economie du 5 septembre 2000
A titre principal,
Vu les articles 4 et 70 du nouveau Code de procédure civile,
- dire que les demandes nouvellement formées par la société NRJ dans ses conclusions de première instance du 29 septembre 2000, puis réitérées dans ses conclusions d'appel du 11 octobre 2001, du chef de l'annonce publicitaire intitulée "Skyrock première radio musicale à Paris devant NRJ " que la société Vortex a fait publier dans le Figaro Économie du 5 septembre 2000, ne présentent aucun lien, et en tout cas aucun lien suffisant, avec les demandes originairement formées par la société NRJ dans son exploit introductif d'instance du 15 mars 2000;
- dire la société NRJ irrecevable en ses demandes de ce chef;
A titre subsidiaire,
- dire que l'annonce publicitaire précitée ne constitue nullement une publicité comparative illicite au regard des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation;
- débouter la société NRJ de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions de ce chef;
Statuant à nouveau,
- condamner la société NRJ à verser à la société Vortex la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
- condamner la société NRJ à verser à la société Vortex la somme de 15 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
Sur quoi LA COUR,
Se référant pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions échangées en appel;
Considérant qu'au soutien de son action, la société NRJ fait valoir que la société Vortex, exploitant la radio Skyrock a fait paraître les 24 février et 3 mars 2000 dans la presse des annonces publicitaires ainsi libellées "Skyrock, Première radio musicale devant NRJ". A armes égales, sur Paris et la petite couronne, Skyrock est la première radio musicale. Sur l'Ile-de-France, où NRJ dispose de 4 émetteurs supplémentaires, Skyrock est seconde".
Considérant que par demande additionnelle du 29 septembre 2000, elle fait valoir que l'annonce parue dans le Figaro du 5 septembre 2000 est également constitutive d'une publicité comparative illicite.
Considérant que la société Vortex conteste le bien-fondé de la demande en soulignant que la campagne publicitaire comparative à laquelle se livrent les deux radios musicales nationales ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation sur l'application duquel les parties, en l'espèce, s'accordent.
Considérant que l'appelante expose que la société Vortex ne saurait prouver l'exactitude de la présentation de la publicité qui ne constitue pas une comparaison objective portant sur les caractéristiques pertinentes et vérifiables;
Considérant qu'elle observe encore que l'annonce publicitaire litigieuse est constitutive d'une concurrence déloyale commise à ses dépens par la société Vortex, étant souligné de surcroît que la société NRJ dispose de trois et non de quatre émetteurs supplémentaires en Ile-de-France et que compte tenu de leur puissance limitée, les trois émetteurs en question ne sauraient expliquer l'écart d'audience existant entre NRJ et Skyrock en Ile-de-France;
Considérant cependant que la publicité litigieuse, suggère que malgré un réseau d'émetteurs inférieur à celui de NRJ et une puissance d'émission moindre ainsi qu'un nombre de canaux strictement régis par le CSA, Skyrock concurrence NRJ en certaines zones et notamment à Paris où les conditions d'émission et de réception sont sensiblement comparables, parvenant ainsi à devancer, selon les études effectuées par Médiamétrie, sa concurrente la plus directe en matière de radio musicale ;
Considérant, de surcroît, que la lecture complète de l'annonce publicitaire se borne, dans un domaine, la radio, où les données des études de mesure d'audience sont par essence volatiles, à mettre en exergue les performances de la station Skyrock sans pour autant assortir cette performance de digressions ou de propos dénigrants;qu'en l'absence de toute volonté de dévalorisation du service concurrent, les conditions d'application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ne sont pas réunies;
Considérant en outre que la demande additionnelle de la société NRJ relativement à la publicité parue le 5 septembre 2000 dans le Figaro est irrecevable pour ne pas se rattacher par un lien suffisant à la demande initiale;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société NRJ de ses demandes;
Considérant que l'action engagée par la société NRJ n'apparaît pas comme manifestement abusive; qu'il y a donc lieu de débouter la société Vortex de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef ;
Considérant qu'il sera statué sur la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans la mesure précisée au dispositif;
Par ces motifs : Déclare irrecevable la demande publiée dans le Figaro du 5 septembre 2000 de la société NRJ relative à la publicité; Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société NRJ de ses demandes; Déboute la société Vortex de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive; Condamne la société NRJ à payer à la société Vortex la somme de 4 000 (quatre mille) euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.