Cass. com., 29 janvier 2002, n° 99-16.053
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Esso (Sté)
Défendeur :
Lucky productions (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Thomas-Raquin, Bénabent.
LA COUR : - Donne acte à la société Esso du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Lucky productions ; - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 1999) qu'en septembre et octobre 1994, la société Esso a offert aux clients qui lui achetaient 30 litres de carburant d'obtenir, moyennant six francs supplémentaires, l'un des albums de bandes dessinées de la série Lucky Luke édités par la société Lucky productions ; que la société Dargaud éditeur, titulaire des droits d'édition de quarante autres albums de la série, l'a assignée en concurrence déloyale en lui reprochant d'avoir commercialisé ces livres, imprimés en Belgique et importés depuis moins de deux ans, à un prix de vente inférieur au prix minimal de 46,55 francs autorisé en application de l'article 1er de la loi du 10 août 1981 ; que la société Esso a objecté que, s'agissant d'une vente de carburant avec prime " autopayante ", l'opération était exclue du champ d'application de la loi du 10 août 1981 ;
Attendu que la société Esso fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen : 1°) que constitue une seule et même opération juridique la vente d'essence accompagnée de la remise d'un livre à titre de prime moyennant le versement d'une somme complémentaire et symbolique lorsque le plein atteint 30 litres ; qu'en dissociant la remise du livre à titre de prime et la vente d'essence au motif qu'ils ne " faisaient nullement un tout indissociable ", la cour d'appel qui constatait pourtant que le droit à la prime n'était ouvert qu'à condition d'effectuer un plein de 30 litres dans les stations-essence de la société Esso, a violé ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 121-35 du Code de la consommation ; 2°) qu'à supposer la loi du 10 août 1981 applicable à la remise d'un livre sous forme de prime auto-payante, la cour d'appel avait en l'espèce l'obligation de rechercher quel était le prix effectif de vente de ce livre par la société Esso ; qu'en se contentant du prix apparent dont l'automobiliste devait s'acquitter au titre de la prime après avoir sollicité un plein d'essence d'au moins 30 litres, sans rechercher quel était le prix de vente effectif de chaque exemplaire, la cour d'appel qui a néanmoins conclu qu'ils étaient vendus par la société Esso à un prix inférieur de plus de 5 % au prix fixé par la société Hachette, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1er de la loi du 10 août 1981 précitée ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté qu'en l'espèce, l'achat de carburant n'imposait pas celui d'un livre et que la remise d'un album était obtenue moyennant le versement d'une somme d'argent, la cour d'appel en a justement déduit que l'obtention de la prime constituait une vente distincte de l'achat de carburant, peu important que sa conclusion soit consécutive à celle du contrat de vente de carburant ;
Attendu, d'autre part, qu'en cause d'appel, la société Esso se bornait à objecter que la somme de six francs ne correspondait pas au prix effectif d'un album sans préciser quel aurait été ce prix, cependant qu'elle-même indiquait que les ouvrages lui avaient été facturés au tarif de cinq francs l'unité; que n'ayant soumis à la cour d'appel aucun élément de nature à étayer ses allégations en sens contraire, elle ne peut utilement lui reprocher d'avoir retenu qu'en l'espèce, les livres étaient proposés au public au prix effectif de six francs; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.