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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 11 décembre 1997, n° 9320-95

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobile Citroën (SA)

Défendeur :

BV Auto (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Lissarrague, Me Robert

Avocats :

Mes Turbeau Ducoté, Brami

T. com. Nanterre, 3e ch., du 19 sept. 19…

19 septembre 1995

Faits et procédure :

Le 3 juillet 1991, Monsieur Jolin a commandé à la société BV Auto SA une automobile de marque Citroën BX TZD qui devait être importée d'un Etat membre de la Communauté économique européenne.

La société BV Auto a acquis le véhicule auprès de la société de droit belge Namur-Est, concessionnaire Citroën à Namur (Belgique), et l'a livré à Monsieur Jolin le 8 août 1991.

Le 2 octobre 1992, après expiration de la garantie conventionnelle du constructeur, le véhicule est tombé en panne à proximité de la Guerche (18151) et il a été pris en charge sur place par le garage Tadek, agent Renault.

Le 5 octobre 1992, ce garage a constaté la détérioration de la courroie de distribution, de l'arbre à cames et de la culasse.

Monsieur Jolin a alors pris l'initiative de confier pour réparation son véhicule au concessionnaire Citroën de Moulins, les établissement Dubois Dallois.

Le 16 octobre, le moteur a été démonté en présence de l'expert du BCA, mandaté par l'assureur du véhicule, et il a été constaté une légère fuite d'huile au bouchon fileté du conduit de graissage de la clause côté distribution, fuite qui aurait été selon l'expert du BCA, à l'origine des désordres constatés.

Le 24 février 1993, Monsieur Jolin a fait assigner la société BV Auto devant le Tribunal d'instance de Saint-Amand-Montrond pour obtenir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, le remboursement des débours par lui exposés.

Par acte du 2 août 1993, la société BV Auto a appelé en garantie la société de droit belge Namur Est.

Par un premier jugement en date du 15 décembre 1993, le tribunal d'instance susdésigné a condamné la société BV Auto à payer à Monsieur Jolin la somme de 1 619,12 F correspondant aux frais de remise en état du véhicule, avec intérêts de droit à compter du 24 février 1993.

Par un deuxième jugement réputé contradictoire, en date du 2 février 1994, le même tribunal a condamné la société Namur-Est à garantir la société BV Auto de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

Par jugement du 10 févier 1994, le Tribunal de commerce de Namur a prononcé la faillite de la société Namur-Est, de sorte que le jugement du 2 février 1994 n'a pas pu être exécuté.

Par acte du 28 avril 1994, la société BV Auto a, eu égard à cette situation, assigné en garantie la société Automobiles Citroën SA, prise en sa qualité de constructeur du véhicule.

Par jugement en date du 19 septembre 1995, le Tribunal de commerce de Nanterre, saisi de cette nouvelle procédure, a statué dans les termes ci-après :

- dit la demande de la société BV Auto recevable,

- Condamne la SA Automobile Citroën à payer à la SA BV la somme de 16 619,12 F augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 28 avril 1994,

- Condamne la SA Automobile a payer à la SA BV Auto les frais et intérêts prononcés à l'encontre de la SA BV Auto au profit de Monsieur Jolin par jugement du Tribunal de Saint-Amand-Montrond en date du 15 décembre 1993,

- Ordonne l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,

- Condamne la SA Automobiles Citroën à payer à la SA BV Auto la somme de 5 000 F au titre de l'article du nouveau Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- déboute la SA Automobile Citroën de toutes ses fins et conclusions,

- Condamne la SA Automobile Citroën aux dépens.

Appelante de cette dernière décision, la société Automobiles Citroën soutient tout d'abord que l'action en garantie, introduite à son encontre par la société BV Auto, ne l'a pas été dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil.

Sur le fond et à toutes fins, elle fait valoir que les conditions exigées, pour que l'action en garantie des vices rédhibitoires puisse prospérer, ne sont pas réunies en l'espèce. A cet égard, elle souligne notamment que les constatations de l'expert du BCA ne lui sont pas opposables, qu'elles sont au moins partiellement erronées et elle estime que si le véhicule avait été régulièrement révisé dans son réseau, la fuite d'huile aurait pu être aisément détectée, notamment par un contrôle de l'étanchéité des circuits prévue au carnet d'entretien. Elle ajoute qu'il n'est, en outre, nullement démontré que le vice était antérieur à la vente et qu'il s'agissait bien d'un vice de fabrication, celui-ci pouvant très bien résulter d'une intervention extérieure réalisée sur le véhicule. Elle fait encore valoir que le vice n'était pas de nature à rendre la chose impropre à l'usage auquel elle était destinée. Pour l'ensemble de ces motifs, elle demande que l'action engagée à son encontre soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, mal fondée et que la société BV Auto soit condamnée à lui payer une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société BV Auto conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à se voir autorisée à capitaliser les intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil et à se voir allouer une indemnité complémentaire de 10 000 F en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la cour. En réplique, elle fait essentiellement valoir qu'il appartenait à la société Namur-Est de mettre en cause la société Automobile Citroën pour se voir à son tour garantie, que celle-ci n'a pas estimé utile de faire. Elle ajoute que, dès qu'elle a eu connaissance de la défaillance de la société Namur-Est, elle a aussitôt agi à l'encontre du constructeur. Elle déduit de cet enchaînement de circonstances que son action est parfaitement recevable. Sur le fond, elle soutient que les constatation de l'expert du BCA ne sont pas utilement critiqués par l'appelante, alors qu'elles établissent incontestablement l'existence d'un vice caché indécelable, selon l'homme de l'art, même par les agents du réseau Citroën.

Motifs de la décision

Considérant que, en cas de ventes successives, l'action en garantie des vices cachés se transmet avec la chose vendue à chacun des sous-acquéreurs, lesquels peuvent agir directement soit contre le vendeur intermédiaire, soit contre le vendeur antérieur et même contre le fabricant lorsque un vice de construction est allégué ; qu'il n'en reste pas moins que l'action doit être engagée à bref délai, ce bref délai commençant à courir dès que l'acheteur ou le vendeur intermédiaire a eu connaissance du vice.

Considérant qu'en l'espèce, la société BV Auto a été assignée le 23 février 1993 devant le Tribunal d'instance de Saint-Amand-Montrond par Monsieur Jolin sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ; que la société BV Auto a fait assigner en garantie devant le même tribunal, par acte du 2 août 1993, la société Namur-Est qui n'a pas comparu, de sorte que celle-ci a été condamnée à garantir la société BV Auto de toute condamnation par jugement réputé contradictoire du 2 février 1994.

Or, considérant que ce n'est que le 28 avril 1994, que la société BV Auto, alors que celle-ci avait connaissance depuis plus de 14 mois du vice de fabrication allégué par l'acquéreur du véhicule, a assigné en garantie la société Automobiles Citroën ; qu'il suit de là que cette action ne peut être que déclarée irrecevable comme tardive, étant observé que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges et à ce qui est soutenu, la procédure collective ouverte en Belgique à l'encontre de la société Namur-Est est sans influence sur le bref délai prévu à l'article 1648 et qu'elle n'est pas de nature à l'interrompre ou à le suspendre ; que cela est d'autant plus acquis en l'espèce que la société BV Auto avait la possibilité, dès sa mise en cause devant le Tribunal d'instance de Saint-Amand-Montrond, d'attraire à la fois son vendeur, la société Namur-Est et la société Automobiles Citroën, fabricant du véhicule, ce qui aurait permis à cette dernière, appelée à supporter la charge finale de la réparation, de discuter utilement les constatations non contradictoires de l'expert du BCA et de réclamer éventuellement l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, ce qu'elle ne peut plus faire désormais utilement compte tenu du temps écoulé et de la disparition de tout indice exploitable.

Considérant que le jugement dont appel sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions et l'action engagée à l'encontre de la société Automobiles Citroën par la société BV Auto déclarée irrecevable.

Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être exposé, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Automobiles Citroën les frais qu'elle a été contrainte d'exposer dans le cadre du présent litige ; que la société BV Auto sera condamnée à lui payer une indemnité de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, de même, la société BV Auto, qui succombe, supportera les entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la société Citroën SA en son appel, Y faisant droit, infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau, constate que la société BV Auto n'a pas assigné la société Automobiles Citroën SA dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, Déclare, en conséquence, irrecevable l'action engagée sur le fondement des vices cachés par la société Auto SA à l'encontre de la société Automobiles Citroën SA, Condamne la société BV Auto SA à payer à la société Automobiles Citroën SA une indemnité de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne également aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP d'avoués LIssarrague-Dupuis & Associés à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.