Cass. crim., 22 mars 2005, n° 04-85.654
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Gailly
Avocat général :
M. Mouton
Avocat :
Me Spinosi.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - X Daniel, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2004, qui, pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile, l'a condamné à 2 500 euro d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 121-23, L. 121-25, L. 121-26, L. 121-28 du Code de la consommation, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce l'arrêt attaqué a déclaré Daniel X, coupable de vente par démarchage à domicile sans respect du délai de réflexion ;
"aux motifs que, "aux termes de l'article L. 121-26 premier alinéa du Code de la consommation, avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévu à l'article L. 121-25 du même Code : "nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit" ; que l'acceptation d'une offre préalable de crédit, qu'elle contienne ou non la mention d'une affectation de la somme empruntée au vendeur, constitue un engagement au sens de ce texte lorsque le crédit est souscrit sur proposition du vendeur en vue du financement de la vente ou de la prestation objet du démarchage ; qu'en l'espèce, M. Z a signé successivement le 5 juin 1997 une commande auprès de la société X et une offre de crédit de la société Franfinance, ces deux contrats lui ayant été présenté par un représentant de la société X ; qu'il ressort des déclarations de Daniel X aux enquêteurs, d'une part, que les travaux d'isolation commandés ce jour-là ont bien été financés par un prêt, d'autre part, que la société qu'il dirigeait était à l'origine de l'intervention de l'organisme Franfinance dans cette opération, le prévenu précisant que la société X avait cessé ses relations antérieures avec le Crédit Agricole ; que le lien entre la commande résultant du démarchage et la souscription d'un engagement auprès d'un organisme de crédit est donc en l'espèce suffisamment établi ; que les époux Y ayant signé leur commande le 27 août 1998, aucun engagement au sens du texte sus énoncé ne pouvait être souscrit par eux avant le 4 septembre 1998 ; que, pourtant, ils ont souscrit dès le 2 septembre 1998 une offre de crédit accessoire à une vente ou une prestation de service proposée par la société Crédit Universel explicitement destinée, pour partie, au financement de cette commande ;qu'en conséquence les infractions de non-respect du délai de réflexion dans le cadre d'un démarchage sont établies ; que sur leur imputation à Daniel X, que le mécanisme de financement mis en place pour la commande Z consistant à séparer artificiellement la commande et son financement par un prêt personnel résulte d'initiatives qui n'ont pu être prises qu'au niveau du siège de la société X et non au niveau des agences régionales de cette société ; que Daniel X a d'ailleurs revendiqué devant la cour la prétendue légalité de ce mode opératoire et insisté dans sa défense sur son implication personnelle dans la définition du cadre juridique dans lequel les différents démarcheurs intervenaient ; qu'il en résulte que la délégation de pouvoir consentie à Daniel A était sur ce point inopérante ; que s'agissant de la commande Y, qu'il est constant que l'offre de crédit a été éditée puis retournée au siège de la société pour validation ; qu'après la signature de cette offre le 2 septembre 1998, Daniel X a adressé le 8 septembre 1998 une lettre confirmant les caractéristiques de la commande et de son financement sans relever le non-respect du délai de réflexion ;
que, tout au contraire, Daniel X s'est opposé à la demande d'annulation de la commande présentée le 15 septembre 1998 par les époux Y ; que la délégation consentie par le prévenu ne saurait avoir aucun effet dès lors que ce dernier s'est personnellement impliqué dans le montage du financement litigieux ; que Daniel X doit donc être retenu dans les liens de la prévention pour les deux infractions qui lui sont reprochées ; que la responsabilité pénale de ce prévenu ne fait pas disparaître celle de Daniel A et de Thierry B qui, en leur qualité de chefs de vente, avaient pour obligation de faire respecter leurs vendeurs les dispositions légales sur les délais de réflexion" ; "1) alors, d'une part, que l'article L. 121-26 du Code de la consommation ne peut viser que les contreparties et engagement pris à l'égard du mandant du démarcheur à domicile ; qu'une offre de crédit qui engage l'acheteur à l'égard d'un établissement de crédit et non à l'égard du vendeur, n'entre pas dans les prévisions de ce texte ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait retenir le prévenu dans les liens de la prévention sans préciser quelle contrepartie ou quel engagement l'acheteur avait pris à son égard au moment de la signature du contrat de crédit ; "2) alors qu'à tout le moins, dès lors que l'offre de crédit aux époux Y était intervenue le même jour que la vente à domicile, et dès lors que l'article L. 121-23 du Code de la consommation autorise les ventes à domicile prévoyant un paiement à crédit, la cour d'appel ne pouvait, sans violer ce texte, retenir l'infraction prévue par l'article L. 121-26 du Code de la consommation ; "3) alors qu'en outre, en application de l'article 121-1 du Code pénal, la responsabilité pénale est une responsabilité du fait personnel ; qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité pénale du prévenu, à relever que la séparation de la vente du crédit était une décision qui n'avait pu être prise qu'au siège social, sous-entendant implicitement que ce choix avait été fait au vu et sous l'autorité du dirigeant de la société, la cour d'appel s'est prononcée par un motif purement hypothétique ; "4) alors qu'au surplus, faute d'avoir précisé en quoi le prévenu, dirigeant de la société, avait avalisé les pratiques illicites poursuivies et les avaient imposées aux chefs de vente munis d'une délégation de pouvoir, la cour d'appel a insuffisamment motivé la décision par laquelle elle a considéré que l'infraction était imputable à Daniel X ; "5) alors qu'en tout état de cause, en constatant que le prévenu avait lui-même affirmé qu'il prenait toutes les mesures pour assurer la formation de son personnel, sans relever qu'il imposait aux chefs de vente munis d'une délégation de pouvoir, le recours à une quelconque pratique de vente à domicile illicite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ; "6) alors qu'enfin, la responsabilité du dirigeant d'une société doit être exclue en présence d'une délégation de pouvoirs ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire considérer que les chefs de vente étaient responsables de l'infraction en vertu de la délégation de pouvoirs qu'ils avaient reçus tout en retenant la responsabilité du dirigeant de la société" ;
Vu l'article L. 121-26 du Code de la consommation ;
Attendu que l'article L. 121-26 du Code de la consommation, en interdisant d'exiger ou d'obtenir du client démarché toute contrepartie ou engagement avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, ne fait pas obstacle à l'acceptation d'une offre de crédit, assortissant le contrat principal dans les conditions fixées par l'article L. 121-23, 6, du même Code ;
Attendu que, pour déclarer Daniel X coupable d'avoir obtenu, après démarchage, une contrepartie ou un engagement, l'arrêt relève que deux clients démarchés ont accepté, l'un, le jour de la commande, l'autre, avant l'expiration du délai de réflexion de son engagement, des offres préalables de crédit destinées, en partie, à financer leurs commandes ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'acceptation d'une offre de crédit ne constitue pas, à elle seule un commencement d'exécution, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si cette offre était accompagnée de la délivrance d'une autorisation de prélèvement bancaire, a méconnu le texte et le principe ci-dessus rappelés ; D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, Casse et Annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Orléans, en date du 7 septembre 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.