Livv
Décisions

Cass. crim., 22 mars 2005, n° 04-81.312

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Palisse

Avocat général :

M. Mouton

Avocats :

SCP Bouzidi, Bouhanna, Me Foussard

TGI Grenoble, ch. corr., du 14 janv. 200…

14 janvier 2002

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : - X Georges, - Y Ilma, épouse X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2003, qui, pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile et à celle sur les contributions indirectes, les a condamnés à 3 000 euro d'amende chacun ainsi qu'à des pénalités fiscales et a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-21, L. 121-22 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a dit les demandeurs coupables de démarchage à domicile et du délit de sollicitation d'un client et de perception, d'un paiement directement ou indirectement avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours suivant la commande ou l'engagement ;

"aux motifs que conformément aux dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, l'activité de démarchage consiste à solliciter la clientèle à son domicile par quelque moyen que ce soit ; que la loi a assimilé à cette activité le fait de solliciter la clientèle dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l'organisation par un commerçant ou à son profit de réunion ou d'excursion ; qu'une telle assimilation suppose, dans la lettre et dans l'esprit de la loi, que puisse être caractérisée à l'encontre du vendeur en cause une activité de sollicitation de la clientèle pour l'amener dans ces lieux ; qu'il ressort de l'enquête diligentée par les enquêteurs de la gendarmerie de Beaurepaire, qu'Emile A a été démarché à domicile par Thierry B, employé de la SARL W ; qu'Emile A, âgé de 75 ans, a déclaré aux gendarmes que depuis 4 ou 5 ans, à raison de 5 ou 6 fois par an, un employé de cette société passait à son domicile, le véhicule étant toujours immatriculé dans les Hautes-Alpes sans aucune inscription sur la carrosserie, pour lui vendre des denrées alimentaires ; qu'il a ajouté qu'il n'a jamais reçu, au moment de la vente, de notes ou de factures et qu'au jour de l'intervention des gendarmes, il avait acheté des dattes et des oranges ; qu'il a encore été constaté à Lhuis (01) qu'un employé de la société avait livré à un client, une personne âgée, une caisse d'abricot et des dattes pour un prix total de 300 francs ; que, dans les deux cas, Thierry B, a dans les conditions sus-relatées, déclaré être employé par la SARL W et indiqué qu'il ignorait que ce type de vente impliquait le respect d'un certain formalisme ; qu'il a précisé vendre en gros ou en demi-gros, jamais au détail et dès lors, ne pas posséder de balance dans son camion ; qu'il résulte des propres déclarations de Georges X, lors de son audition du 27 septembre 2000, qu'à l'occasion de leurs tournées, les vendeurs vont voir leurs clients ou démarchent de nouveaux clients potentiels ; qu' ainsi il a été vendu à M. Z du champagne pour un montant de 13 000 francs en quinze jours et des denrées alimentaires pendant une période de deux ans environ à raison de 3 370 francs par mois environ ; que selon les déclarations d'Ilma X les denrées ne sont pas offertes au détail, les fruits et légumes étant vendus par cagette ou au carton, les charcuteries à la pièce et les tommes entières ou au moins par quart ; qu'il n'est pas contesté que la vente est effectuée en gros ou en demi-gros ; qu'aux termes de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, sont notamment exclues du champ d'application de la loi les ventes à domicile de denrées alimentaires ou de produits de consommation courante faites par des professionnels ou leurs préposés au cours de tournées fréquentes ou périodiques dans l'agglomération où est installé leur établissement ou dans son voisinage ; qu'il a été constaté, à Primarette (38), que le lieu de vente à domicile était situé à une soixantaine de kilomètres du siège de la société W, les deux lieux ne faisant pas partie du même arrondissement administratif ; qu'ainsi, contrairement aux affirmations des prévenus dans leurs conclusions, l'activité de vente à domicile de denrées par des commerçants effectuant des tournées périodiques n'est exclue du champ des dispositions relatives au démarchage que sous condition qu'elle soit effectuée dans l'agglomération où est installé leur établissement ou dans son voisinage ; que les prévenus ne sauraient, au regard des circonstances de l'espèce et de la stricte application des dispositions de l'article L. 121-22 susvisé, soutenir sérieusement que les ventes en cause ont été opérées dans le voisinage de l'agglomération où est installée leur établissement, alors qu'ils entreprennent, en pleine de connaissance de cause, leurs tournées non seulement en des lieux éloignés de leur établissement dans le département de l'Isère mais encore dans d'autres départements ; que consécutivement est constitué le délit de sollicitation d'un client et de perception, directement ou indirectement, à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, d'un paiement par la remise de chèques ou d'espèces, avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours suivant la commande ou l'engagement ; qu'en cet état, le premier juge a, à bon droit, déclaré les époux X coupables des faits reprochés, les éléments constitutifs du délit poursuivi étant caractérisés ;

"alors, d'une part, que sont exclues du champ des dispositions relatives au démarchage les ventes à domicile de denrées ou de produits de consommation courante faites par des professionnels ou leurs préposés au cours de tournées fréquentes ou périodiques dans l'agglomération où est installé leur établissement ou dans son voisinage ; qu'en retenant qu'il a été constaté, à Primarette (38) que le lieu de vente à domicile était situé à une soixantaine de kilomètre du siège de la société W, les deux lieux ne faisant pas partie du même arrondissement administratif, pour en déduire que les prévenus ne sauraient soutenir au regard des circonstances de l'espèce et de la stricte application de l'article L. 121-22 que les ventes en cause ont été opérées dans le voisinage de l'agglomération où est installé leur établissement alors qu'ils entreprennent, en pleine connaissance de cause, leurs tournées non seulement en des lieux éloignés de leur établissement dans le département de l'Isère mais encore dans d'autres départements, la cour d'appel qui s'est fondée sur le fait que les lieux ne faisaient pas partie du même arrondissement administratif a ajouté à la loi une condition et violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, qu'en retenant que les prévenus ne sauraient, au regard des circonstances de l'espèce et de la stricte application des dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, soutenir sérieusement que les ventes en cause ont été opérées dans le voisinage de l'agglomération où est installé leur établissement alors qu'ils entreprennent, en pleine connaissance de cause, leurs tournées non seulement en des lieux éloignés de leur établissement dans le département de l'Isère et encore dans d'autre département sans préciser en quoi le fait que des tournées aient lieu sur plusieurs départements ne permettaient pas de retenir qu'elles étaient faites dans le voisinage de l'établissement au regard du siège de la société W, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'en retenant que les prévenus ne sauraient, au regard des circonstances de l'espèce et de la stricte application des dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, soutenir sérieusement que les ventes en cause ont été opérées dans le voisinage de l'agglomération où est installé leur établissement alors qu'ils entreprennent, en pleine connaissance de cause, leurs tournées non seulement en des lieux éloignés de leur établissement dans le département de l'Isère et encore dans d'autre département, après avoir constaté que la gestion de la société était réalisée au domicile des demandeurs à Montmaur (05), et que le siège de la société était situé à Voreppe, la cour d'appel qui n'a pris en considération que le siège social de la société et non l'établissement, de Montmaur, a violé le texte susvisé" ;

Attendu que, poursuivis pour avoir fait effectuer des démarchages au domicile de personnes physiques sans respecter les dispositions du Code de la consommation relatives à ces opérations, les prévenus ont invoqué l'article L. 121-22, 1, dudit Code, selon lequel ne sont pas soumis à ces dispositions les ventes à domicile de denrées ou de produits de consommation courantes faites par des professionnels ou leurs préposés, au cours de tournées fréquentes ou périodiques dans l'agglomération où est installé leur établissement ou dans son voisinage ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus et les déclarer coupables des faits reprochés, l'arrêt relève que les époux X géraient la société W, dont le siège était à Voreppe, en Isère, depuis leur domicile personnel à Montmaur, dans les Hautes-Alpes, et que les employés effectuaient des tournées à partir d'un dépôt situé près de Voreppe, avec des camions immatriculés dans les Hautes-Alpes, pour vendre des denrées alimentaires et notamment du vin, dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie, de l'Isère, de la Drôme, du Rhône et de l'Ain ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine et d'où il résulte que les tournées excédaient le voisinage de l'établissement, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 443, 502 et 1791 du Code général des impôts, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et article 1 du premier protocole additionnel, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour a dit les demandeurs coupables d'introduction de boissons dans un débit de boissons sans titre de mouvement ou sous couvert de titre inapplicable, infraction commise dans le cadre de l'activité de la société W ;

"aux motifs qu'il ressort de l'examen du dossier de la procédure et des débats devant la Cour que les époux X, ès qualités respectives de gérant de droit et de gérant de fait, ont transporté, jusqu'à l'entrepôt de Voreppe susvisé, d'importantes quantités de vins qui, contenues dans des récipients non fermés par des capsules, empreintes ou vignettes représentatives de droits indirects, exigeaient un titre de mouvement valide, délivré par l'Administration en application de l'article 443 du Code général des impôts ; qu'il apparaît que cette infraction a été commise dans le cadre de l'activité de la SARL W, d'autant que contrairement à leurs affirmations tendant à introduire la confusion qu'ils paraissent avoir souhaité entretenir dans le cadre de leur commerce, la SARL W2 apparaît aujourd'hui sans activité réelle, confondue avec la SARL W qui a repris son objet social, ses matériels et ses locaux ; qu'il n'est pas contestable que les prévenus ont agi en pleine connaissance de cause, compte tenu de leurs qualités et de la longue pratique qu'ils ont du commerce ;

"et aux motifs adoptés que les sanctions prononcées apparaissent adaptées aux faits de la cause et de la personnalité des prévenus, il y a donc lieu de confirmer les dispositions douanières et fiscales relatives auxdits délits, tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine d'amende et la pénalité prononcées ;

"alors, d'une part, que les demandeurs avaient fait valoir que la SARL W disposait d'une grande licence à emporter, que les Douanes se devaient de citer la SARL W puisque c'est au préjudice de cette société qu'a été prononcée la confiscation et que c'est à son encontre qu'a été rédigé le procès-verbal du 9 novembre 1999 ; qu'ayant relevé que les demandeurs, es qualités respectives de gérant de droit et de gérant de fait, ont transporté jusqu'à l'entrepôt de Voreppe d'importantes quantités de vins, qu'il apparaît que l'infraction a été commise dans le cadre de l'activité de la SARL W, la cour d'appel qui décide que le premier juge a à bon droit déclaré les demandeurs coupables de ce délit fiscal dont les éléments constitutifs sont caractérisés sans se prononcer sur le moyen dont elle était saisie, l'invitant à constater que la société n'avait pas été mise dans la cause, a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que les demandeurs avaient fait valoir que la SARL W disposait d'une grande licence à emporter, que les Douanes se devaient de citer la SARL W puisque c'est au préjudice de cette société qu'a été prononcée la confiscation et que c'est à son encontre qu'a été rédigé le procès-verbal du 9 novembre 1999 ; qu'ayant relevé que les demandeurs, es qualités respectives de gérant de droit et de gérant de fait, ont transporté jusqu'à l'entrepôt de Voreppe d'importantes quantités de vins, qu'il apparaît que l'infraction a été commise dans le cadre de l'activité de la SARL W, que le premier juge a à bon droit déclaré les demandeurs coupables de ce délit fiscal dont les éléments constitutifs sont caractérisés, puis en ordonnant la confiscation des stocks de boisson saisis et en décidant que les demandeurs seront tenus d'en payer la valeur fixée de gré à gré à 39 636,74 euro, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il résultait que le délit a été commis dans le cadre de l'activité de la SARL W, seule propriétaire des stocks de boisson, laquelle n'a pas été mise en cause et, partant, elle a violé les textes susvisés ;

"alors, de troisième part, qu'en condamnant les demandeurs personnellement, en ordonnant la confiscation des stocks de boisson saisis et en précisant que les demandeurs étaient tenus d'en payer la valeur fixée de gré à gré à 39 636,74 euro tout en relevant que l'infraction a été commise dans le cadre de l'activité de la SARL W, sans préciser à quel titre les exposants qui n'étaient pas les bénéficiaires étaient tenus personnellement de telles condamnations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ensemble les articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et l'article 1 du premier du protocole additionnel ;

"alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait ordonner la confiscation en nature et condamner les demandeurs à en payer la valeur fixée de gré à gré à 39 636,74 euro sans par la même violer la règle du non-cumul et les articles 132-2 et suivants du Code pénal, ensemble l'article 4 du protocole n° 7" ;

Attendu que, pour déclarer Georges et Ilma X personnellement coupables d'introduction de boissons dans un débit sous couvert de titres de mouvements inapplicables, les condamner au paiement d'une amende et d'une pénalité ainsi que pour les astreindre au paiement de la valeur des marchandises saisies pour tenir lieu de confiscation, l'arrêt énonce que l'infraction a été matériellement commise à l'occasion de l'activité d'une société dont le premier était gérant de droit et la seconde gérante de fait ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il résulte des mentions du procès-verbal dressé par les fonctionnaires de l'administration des douanes et des droits indirects que la saisie a été pour partie fictive et que les marchandises appréhendées de façon réelle ont été aussitôt restituées, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.