Livv
Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ., 8 juin 2001, n° 200004026

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Robert

Défendeur :

Biotonic (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Leiber

Conseillers :

MM. Schirer, Bailly

Avocats :

Mes Cahn, Levy, Bergmann, Hamann, Ackermann, Harnist, Spano, Chas.

TGI Strasbourg, du 13 déc. 1999

13 décembre 1999

Courant mai 1997 la société Biotonic a organisé un jeu publicitaire et a adressé à Madame Valérie Robert certains documents lui promettant un gain de 37 000 F si le numéro gagnant indiqué sous pli scellé bleu figurait sur son bordereau d'attribution personnel.

Constatant que ce numéro, à savoir le n° 143 894 356, était bien inscrit en gros caractères sous son nom, Madame Robert a renvoyé son bordereau d'attribution dans le délai prévu, puis a réclamé la délivrance du lot et n'obtenant pas de réponse, a assigné la société Biotonic en paiement de la somme de 37 000 F.

Par jugement du 13 décembre 1999 le Tribunal de grande instance de Strasbourg l'a déboutée de sa demande en estimant que malgré la confusion engendrée par les documents publicitaires de la société Biotonic, Madame Robert ne pouvait pas effectivement croire à la certitude d'un gain.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 5 janvier 2000 Madame Robert a interjeté appel de ce jugement.

Elle soutient que les documents personnalisés qui lui ont été adressés ne laissaient aucun doute sur le fait qu'elle avait gagné la somme de 37 000 F dès lors que le numéro gagnant figurait en gras sur son bordereau d'attribution et qu'il n'était pas possible pour un consommateur moyennement avisé d'identifier un autre numéro d'attribution sur ce document.

Se référant à une décision rendue par la cour de céans dans un cas tout à fait identique, elle demande que, par infirmation du jugement du 13 décembre 1999, la société Biotonic soit condamnée à exécuter ses engagements et à lui payer la somme de 37 000 F avec intérêts légaux à compter du 23 mai 1997, ainsi que deux indemnités de 8 000 F et de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et les entiers dépens de première instance et d'appel.

La SA Biotonic réplique que parmi les documents adressés à Madame Robert l'attention de celle-ci était spécialement attirée sur le règlement du jeu imprimé au dos de l'enveloppe, précisant que le gagnant pré-tiré au sort était celui dont la référence d'attribution inscrite au-dessus de ses nom et adresse était le n° 143 894 356,

- que Madame Robert dont le numéro personnel était distinct, soit le n° 143 792 309, ne peut pas soutenir qu'il existe à son égard un engagement contractuel incontestable de lui verser la somme de 37 000 F,

- qu'en outre lesdits documents publicitaires ne comportent aucune allégation mensongère et n'ont pas pu tromper une personne normalement censée et attentive.

Elle conclut en conséquence au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame Robert à lui payer, en sus des entiers dépens, un montant de 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Vu l'ordonnance de clôture du 8 février 2001.

Vu le dossier de la procédure et les documents régulièrement versés aux débats,

Attendu que l'appel interjeté dans le délai légal est recevable en la forme ;

Attendu qu'il convient d'observer d'abord que même les décisions judiciaires dont se prévaut la société Biotonic et qui lui ont été favorables dans des hypothèses similaires, soulignent pour la plupart le caractère ambigu des documents publicitaires qu'elle a diffusés et déplorent ses méthodes de prospection commerciale ;

Attendu qu'à l'évidence l'objectif premier de la société Biotonic est de faire miroiter l'espoir d'un gain par des procédés plus ou moins subtils et d'inciter ainsi ses correspondants à souscrire des commandes de divers produits, au surplus sans respecter les dispositions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation puisque le bulletin de participation intitulé "demande de chèque bancaire" n'est pas distinct du bon de commande, la société Biotonic allant jusqu 'à préciser " Par mesure de précaution renvoyez-nous la page entière ! " ;

Attendu que le jugement entrepris indique lui-même dans sa motivation ;

"A première vue la présentation du numéro gagnant sur l'imprimé intitulé "Bordereau d'attribution" et établi au nom de la demanderesse et le renvoi à la copie certifiée conforme du procès-verbal d'huissier pourraient conduire tout consommateur moyennement attentif à croire réellement à une offre de gain de 37 000 F ;"

Attendu que le bordereau d'attribution dont Madame Robert a été destinataire indique en effet sous son nom en très grands caractères le n° 143 894 356 avec la mention "Attention ce numéro gagne 37 000 F" ;

Attendu que la lettre d'accompagnement précise que si ce numéro figure dans le pli scellé bleu joint à l'envoi, ce qui est le cas, le règlement est formel "Vous avez gagné" ;

Attendu qu'il est vrai qu'il est expressément renvoyé à la lecture du règlement du jeu inscrit au dos de l'enveloppe;

Attendu que ce règlement indique que le gagnant du prix de 37 000 F est la personne qui a reçu un bordereau d'attribution portant en référence d'attribution le n° 143 894 356 et que seule cette référence d'attribution est à prendre en compte, mais ne précise nullement que cette référence se trouvait dissimulée sous un code-barre au milieu d'une suite ininterrompue de 26 chiffres et lettres au-dessus du nom de la destinataire;

Attendu que Madame Robert, qui a agi comme un consommateur moyen normalement avisé et attentif, ne pouvait pas clairement identifier son numéro d'attribution et a légitimement cru, au vu des termes affirmatifs employés par la société Biotonic, qu'elle avait été tirée au sort dès lors que le numéro gagnant était imprimé en gros caractères sur son bordereau d'attribution personnel;

Attendu que la société Biotonic est donc tenue d'exécuter son engagement et de payer le prix dont Madame Robert a régulièrement demandé l'attribution;

Par ces motifs, Déclare l'appel recevable et bien fondé Infirme le jugement rendu le 13 décembre 1999 par le Tribunal de grande instance de Strasbourg, et statuant à nouveau Condamne la SA Biotonic à payer à Madame Valérie Robert la somme de 37 000 F (trente sept mille francs) avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 17 février 1998 La condamne également aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame Robert deux indemnités de procédure de 5 000 F (cinq mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.