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Décisions

Cass. crim., 19 décembre 2001, n° 01-83156

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Samuel

Avocat général :

M. Marin

Avocats :

SCP Ancel, Couturier-Heller.

TGI Paris, 12e ch., du 2 sept. 1999

2 septembre 1999

LA COUR : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 313-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Olivier H coupable d'abus frauduleux de l'état de faiblesse de Raymonde Chataignon et l'a condamné de ce chef à une peine privative de liberté de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et au paiement d'une somme de 15 000 francs d'amende ainsi qu'au paiement solidaire avec Thierry P d'une somme de 10 000 francs au titre des dommages-intérêts dus à la victime ; "aux motifs que le harcèlement dont a fait l'objet Raymonde Chataignon visait à faire pression sur elle pour la faire revenir à deux reprises sur sa volonté de résiliation, constitue un acte frauduleux, d'autant que l'âge de la victime et ses divers handicaps physiques n'ont pu échapper aux prévenus ; qu'il est indéniable que Raymonde Chataignon a subi des pressions, qui, en raison de la vulnérabilité due à son grand âge, à ses nombreux handicaps physiques qui l'empêchaient de se défendre et de s'opposer aux sollicitations extérieures, l'ont amenée à souscrire un contrat contre sa volonté, celle-ci étant farouchement opposée à tout prélèvement automatique, et désireuse de conserver l'intégralité de ses liquidités sur son compte-courant ainsi que cela ressort très clairement des déclarations de M. Vigouroux, son conseiller financier au Crédit Lyonnais ; que la souscription d'une assurance-vie dont la victime ne voulait pas, constitue pour elle un préjudice manifeste puisqu'elle se voyait déposséder de la quasi-totalité de ses avoirs bancaires, constituant ses liquidités immédiates ; qu'en outre, il convient d'observer que lors de la seconde visite de Olivier H, consécutive à la lettre de résiliation intervenue dans le délai de trente jours prévu au contrat, celui-ci aurait dû faire souscrire à la victime un nouveau contrat lui donnant la possibilité de résilier dans les mêmes conditions ; que Olivier H, qui était payé à la commission sur le montant des sommes souscrites, était incité à vendre le maximum de produits financiers de sorte que le délit est caractérisé en tous ses éléments ; "alors, d'une part, que le délit d'abus de faiblesse commis à l'encontre d'une personne âgée n'est pas caractérisé lorsque la souscription d'un contrat d'assurance-vie est consécutive à une demande de démarchage formée par cette même personne et matérialisée par un coupon-réponse adressé à la compagnie d'assurance la sollicitation extérieure de la prétendue victime étant alors anéantie par sa démarche initiale personnelle ; que, dès lors, la conclusion du contrat d'assurance-vie ainsi réalisée en février 1998, ne peut constituer l'abus frauduleux prévu par l'article 314-3 et qu'en se prononçant ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision ; "alors, d'autre part, que le harcèlement destiné à faire pression sur la victime pour la faire revenir sur sa volonté de résiliation exprimée dans une lettre recommandée suppose la réitération d'actes commis par la même personne, lorsque celle-ci est poursuivie comme auteur du délit d'abus de faiblesse ; que les juges d'appel, après avoir constaté que Olivier H s'était présenté au domicile de Raymonde Chataignon, sur sa demande initiale en février 1998, pour lui faire souscrire un contrat d'assurance-vie et avoir relevé que suite à une lettre de résiliation intervenue dans le délai de rétractation imparti, il s'était rendu au domicile de l'assurée, en juin 1998, sur rendez- vous, pour la convaincre de renoncer à cette résiliation et avait ainsi obtenu son assentiment, ne pouvaient sans se contredire, énoncer ensuite que le harcèlement dont a fait l'objet Raymonde Chataignon, visant à faire pression sur elle pour la faire revenir à deux reprises sur sa volonté de résiliation, constitue un acte frauduleux constitutif d'abus de faiblesse, tandis qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que c'est le supérieur hiérarchique de Olivier H, Thierry P, qui s'est présenté au domicile de l'assurée, le 1er juillet 1998, pour obtenir la renonciation à une nouvelle lettre de résiliation adressée le 15 juin 1998, à la Compagnie d'assurances ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs contradictoires au regard du harcèlement constitutif de l'abus reproché au prévenu, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 313-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry P coupable d'abus frauduleux de l'état de faiblesse de Raymonde Chataignon et l'a condamné de ce chef à une peine privative de liberté de six mois d'emprisonnement assortie du sursis et au paiement d'une somme de 30 000 francs d'amende ainsi qu'au paiement solidaire avec Olivier H d'une somme de 10 000 francs au titre des dommages-intérêts dus à la victime ; "aux motifs que le harcèlement dont a fait l'objet Raymonde Chataignon, visait à faire pression sur elle pour la faire revenir à deux reprises sur sa volonté de résiliation, constitue un acte frauduleux, d'autant que l'âge de la victime et ses divers handicaps physiques n'ont pu échapper aux prévenus ; qu'il est indéniable que Raymonde Chataignon a subi des pressions, qui en raison de la vulnérabilité due à son grand âge, à ses nombreux handicaps physiques qui l'empêchaient de se défendre et de s'opposer aux sollicitations extérieures, l'ont amenée à souscrire un contrat contre sa volonté, celle-ci étant farouchement opposée à tout prélèvement automatique, et désireuse de conserver l'intégralité de ses liquidités sur son compte-courant ainsi que cela ressort très clairement des déclarations de M. Vigouroux, son conseiller financier au Crédit Lyonnais ; que la souscription d'une assurance-vie dont la victime ne voulait pas constitue pour elle un préjudice manifeste puisqu'elle se voyait déposséder de la quasi-totalité de ses avoirs bancaires, constituant ses liquidités immédiates ; que Thierry P, dont le salaire comprenait une prime de rentabilité, était ainsi incité à vendre le maximum de produits financiers de sorte que le délit est caractérisé en tous ses éléments ; "alors que le harcèlement destiné à faire pression sur Ia victime pour la faire revenir sur sa volonté de résiliation exprimée dans une lettre recommandée suppose la réitération d'actes commis par la même personne, lorsque celle-ci est poursuivie comme auteur du délit d'abus de faiblesse ; que les juges d'appel, après avoir constaté que Thierry P s'était présenté au domicile de Raymonde Chataignon, sur rendez- vous, le 1er juillet 1998, pour lui donner des explications et la convaincre de revenir sur sa décision de résiliation portant sur un contrat d'assurance-vie et avait ainsi obtenu son assentiment, ne pouvaient sans se contredire, énoncer ensuite que le harcèlement dont a fait l'objet Raymonde Chataignon, visant à faire pression sur elle pour la faire revenir à deux reprises sur sa volonté de résiliation, constitue un acte frauduleux constitutif d'abus de faiblesse, tandis qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que c'est Olivier H qui s'est précédemment rendu au domicile de l'assurée, en juin 98 pour obtenir la renonciation à une première lettre de résiliation adressée en mars 1998 à la Compagnie d'assurances ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs contradictoires au regard du harcèlement constitutif de l'abus reproché au prévenu, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision" ;

Les moyens étant réunis ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.