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Décisions

CJCE, 13 mars 1984, n° 16-83

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Prantl

CJCE n° 16-83

13 mars 1984

LA COUR,

1. Par ordonnance du 12 janvier 1983, parvenue à la Cour le 28 janvier 1983, le Langericht Munchen II a posé, en vertu de l'article 177 du traité, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité, en vue d'être mis en mesure d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de l'article 17 du règlement allemand sur le vin, le vin de liqueur et les boissons contenant du vin, en date du 15 juillet 1971 (Bundesgesetzblatt 1971, première partie, p. 926) (ci-après le règlement sur le vin).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre un ressortissant italien, M. Prantl, négociant en boissons, poursuivi pour avoir, du 3 décembre 1980 au 10 septembre 1981, importé, stocké et vendu en République fédérale d'Allemagne, par une action continue, du vin rouge italien provenant des caves Martini à Girlan (province de Bolzano - Trentino alto Adige), en utilisant de façon prétendument abusive des bouteilles dites de " Bocksbeutel ".

3. La bouteille, dite " Bocksbeutel ", est une bouteille pansue, de forme caractéristique, et les vins de qualité (VQPRD) produits en Franconie, en Franconie dite badoise et dans quatre communes situées dans la partie centrale du pays de Bade sont commercialises dans cette bouteille. En Franconie, l'usage de cette bouteille a une tradition de plusieurs siècles.

4. En Italie, dans la province de Bolzano, l'usage de la bouteille du type " Bocksbeutel " a également une tradition plus que centenaire. La bouteille italienne traditionnelle du type " Bocksbeutel " est très légèrement plus ronde que la bouteille de " Bocksbeutel " de Franconie et elle a un col à peine plus court que celui de cette dernière.

5. Le règlement allemand sur le vin, dans sa version applicable aux faits faisant l'objet du litige au principal, dispose en son article 17 que :

' Seul peut être mis en bouteilles de " Bocksbeutel " de type traditionnel dans le commerce du vin de qualité B. A. Provenant de la région déterminée de Franconie, du Taubertal, de Bade et du Schupfergrund ainsi que des communes de Neuweier, Steinbach, Umweg et Varnhalt ',

Et en son article 23, paragraphe 2, que :

" Est puni, conformément à l'article 67, paragraphe 5, n° 2, de la loi sur le vin, quiconque, en violation de l'article 17 met dans le commerce, en bouteilles de " Bocksbeutel ", d'autres produits que ceux qui y sont indiqués ".

6. La partie défenderesse au principal a été acquittée le 6 juillet 1982, par l'Amtsgericht de Miesbach, ce tribunal ayant estimé que si les bouteilles utilisées par M. Prantl étaient bien des bouteilles de " Bocksbeutel " de type traditionnel, au sens de l'article 17 du règlement sur le vin, cette dernière disposition n'était pas applicable en vertu des articles 30 et 36 du traité.

7. Le Ministère public a formé appel contre cette décision auprès du Landgericht Munchen II, en soutenant, d'une part, que l'article 17 du règlement sur le vin ne constitue pas une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 30 du traité et, d'autre part, que cette disposition serait justifiée par l'intérêt du consommateur et la protection de la loyauté des échanges commerciaux.

8. Le Landgericht estime que les bouteilles utilisées par l'entreprise de M. Prantl " ressemblent beaucoup par leur forme à la bouteille de " Bocksbeutel " de Franconie " et il incline à penser que ces bouteilles sont des bouteilles de Bocksbeutel " de type traditionnel au sens de l'article 17 du règlement sur le vin. Toutefois, il s'est demandé si cette disposition, en cas d'importation de vin en provenance d'un autre pays membre, est compatible avec les articles 30 et 36 du traité.

9. Aussi, le Landgericht Munchen II a-t-il estimé nécessaire, avant de rendre son jugement sur la procédure pénale, que la Cour statue sur les questions préjudicielles suivantes :

' 1. L'article 17 du règlement relatif au vin, au vin de liqueur et aux boissons contenant du vin du 15 juillet 1971 (règlement sur le vin) équivaut-il par ses effets à une restriction quantitative à l'importation interdite selon l'article 30 du traité CEE?

2. Dans les conditions particulières de la présente affaire, l'article 17 du règlement sur le vin est-il applicable en vue de protéger les biens bénéficiant d'une protection juridique, cités à l'article 36 du traité CEE? '

10. Ainsi que l'a fait remarquer, à juste titre, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, la Cour, statuant dans le cadre de l'article 177 du traité, ne peut se prononcer sur l'interprétation et la validité de dispositions législatives ou réglementaires nationales. Toutefois, ainsi qu'il a été maintes fois jugé, elle peut fournir à la juridiction nationale des éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui permettront à celle-ci de résoudre le problème dont elle se trouve saisie.

11. Ainsi comprises, les questions posées reviennent à savoir si les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés comme s'opposant à des dispositions du type de celles édictées par la réglementation nationale visée.

Sur l'application de la réglementation communautaire en matière d'organisation commune de marché vitivinicole

12. Il convient d'examiner préalablement les observations formulées à titre principal par la Commission, qui fait valoir qu'en matière d'organisation commune de marché vitivinicole, il existe une réglementation communautaire exhaustive qui comprend toutes les dispositions utiles relatives à la présentation des vins et à l'utilisation de certains récipients en vue de permettre de distinguer la qualité et l'origine des vins. La Commission en déduit qu'il existe désormais des dispositions prévalant de droit communautaire et que les Etats membres n'ont plus compétence, depuis l'entrée en vigueur de cette réglementation, pour maintenir en vigueur ou édicter des mesures de droit interne dans le domaine considéré.

13. Il est exact que dès lors qu'une réglementation portant organisation commune de marché peut être considérée comme constituant un système complet, les Etats membres n'ont plus compétence en la matière, sauf dispositions spéciales en sens contraire.

14. Il est vrai également qu'à l'époque des faits soumis à l'appréciation de la juridiction nationale, les textes de droit communautaire relatifs à l'organisation commune du marché vitivinicole (notamment le règlement n° 337-79 du Conseil, du 5.2.1979, portant organisation commune du marché vitivinicole, JO L 54, p. 1 ; le règlement n° 355-79 du Conseil, du 5.2.1979, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, JO L 54, p. 99 ; le règlement n° 2164-80 de la Commission, du 8.8.1980, portant septième modification du règlement n° 1608-76, portant modalités d'application pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, JO L 214, p. 1 ; puis le règlement n° 997-81 de la Commission, du 26.3.1981, portant modalités d'application pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, JO L 106, p. 1) pouvaient être considérés comme constituant un système complet, notamment en matière de prix et d'intervention, de régime des échanges avec les pays tiers, de règles concernant la production et certaines pratiques oenologiques ainsi qu'en ce qui concerne les conditions de désignation des vins et d'étiquetage.

15. Toutefois, il convient d'observer que l'article 54, paragraphe 1, du règlement n° 337-79 édicte des dispositions particulières selon lesquelles " le Conseil, statuant sur proposition de la Commission à la majorité qualifiée, arrête, si besoin est, les règles relatives à la désignation et à la présentation des produits énumérés à l'article 1. Jusqu'à la mise en application des règles visées au premier alinéa, les règles applicables en la matière sont celles arrêtées par les Etats membres ". Or, le règlement n° 355-79 s'est borné à préciser, en son article 40, que l'utilisation des récipients peut être soumise à certaines conditions à déterminer, assurant notamment la distinction de la qualité et de l'origine des produits et, en son article 43, que la désignation et la présentation des vins ne peuvent être susceptibles de créer des confusions sur la nature, l'origine et la composition du produit. Sur la question de la protection à accorder à certaines formes particulières de bouteilles, le règlement n° 997-81 s'est borné, par son article 18, à protéger l'utilisation de la bouteille du type " flûte d'Alsace ".

16. S'agissant du problème de la forme des bouteilles et de la protection qui peut s'y rattacher, qui revêt un caractère accessoire par rapport aux principes fondamentaux d'une organisation commune de marché, on ne saurait déduire des dispositions relatives à la protection de la " flûte d'Alsace " que le législateur communautaire a épuisé la compétence que lui a conférée l'article 54, précité. On peut d'ailleurs relever en ce sens que se poursuivent depuis plusieurs années, au niveau communautaire, des négociations en vue de parvenir à l'institution d'un régime de protection de la " Bocksbeutel " et que plusieurs propositions de règlement ont été élaborées sans succès à cet effet. Il apparaît ainsi que la législation communautaire n'a pas attribué une exclusivité de protection à la bouteille du type " flûte d'Alsace ". Dès lors, l'article 54, paragraphe 1, du règlement n° 337-79 précité permet, en cette matière, le maintien des règles arrêtées par les Etats membres, pour autant qu'elles ne méconnaissent pas les articles 30 et suivants du traité.

17. Dans ces conditions, les observations présentées à titre principal par la Commission ne peuvent être accueillies et il y a lieu de répondre aux questions de la juridiction nationale relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité.

Sur l'article 30 du traité (première question)

18. Par cette question, la juridiction nationale demande, en substance, si l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative l'application, par un Etat membre, à l'importation de vin originaire d'un autre Etat membre, d'une réglementation qui réserve l'usage d'une forme de bouteille déterminée à certains producteurs nationaux et qui sanctionne l'utilisation d'une bouteille similaire par tout autre utilisateur.

19. Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne a soutenu que la disposition litigieuse du règlement sur le vin ne tombe pas sous le coup de l'article 30 du traité dans la mesure où elle :

- ne constitue pas une mesure nationale susceptible d'affecter, de manière sensible, les échanges commerciaux intracommunautaires ;

- s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés ;

- sanctionne la seule utilisation des " Bocksbeutel " originales et ne concernent donc pas, normalement, les importateurs utilisant des bouteilles analogues, dès lors que celles-ci présentent des différences, mêmes légères, avec les bouteilles originales ;

- est justifiée par des motifs tenant à la protection des consommateurs et à la loyauté des échanges commerciaux, la " Bocksbeutel " originale devant être regardée comme une désignation indirecte de provenance géographique.

20. Il convient de rappeler, en premier lieu, que l'article 30 du traité, interdit, dans le commerce entre Etats membres, toute mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative. Aux fins de cette interdiction, il suffit que les mesures en question soient aptes à entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les échanges entre les Etats membres, sans qu'il soit nécessaire que ces mesures soient de nature à affecter sensiblement les échanges intracommunautaires.

21. Il convient d'observer, en second lieu, ainsi qu'il a déjà été plusieurs fois jugé, qu'une réglementation nationale relative à la commercialisation d'un produit, même si elle s'applique sans distinction aux produits nationaux et importés, n'échappe pas à l'interdiction édictée à l'article 30 du traité si elle comporte, en fait, des effets protecteurs en profitant à une production nationale typique et en défavorisant, dans la même mesure, diverses catégories de produits d'autres Etats membres.

22. A cet égard, une réglementation du type de celle édictée par l'article 17 du règlement sur le vin, en réservant l'usage d'une bouteille de forme déterminée à certains producteurs de vins nationaux, comporte des effets protecteurs, dans la mesure où elle favorise ces producteurs par rapport à ceux d'autres Etats membres qui embouteillent traditionnellement leurs vins dans des bouteilles de forme identique ou très voisine.

23. En effet, les producteurs de l'Etat membre d'exportation, désirant commercialiser leur vin dans l'Etat membre ou a été prise la réglementation faisant l'objet du litige au principal, se voient imposer l'obligation de conditionner leur vin, pour un marché déterminé, dans des bouteilles différentes de celles qu'ils utilisent traditionnellement aussi bien dans leur pays d'origine que sur le marché des autres Etats membres. La commercialisation de ces vins serait rendue plus difficile ou plus onéreuse, notamment en raison des frais supplémentaires occasionnés par la nécessité de conditionner spécialement ces produits en vue de les rendre conformes aux exigences prévalant sur le marché de leur destination. Au surplus, ces mêmes producteurs seraient privés de l'avantage commercial que peut constituer, pour eux, l'utilisation, sur le marché ou s'applique la réglementation en cause, du conditionnement traditionnel dans l'Etat ou la région d'origine.

24. Il apparaît ainsi qu'une telle réglementation, bien que s'appliquant indistinctement aux produits nationaux et importés comporte, en fait, des effets protecteurs. Elle ne saurait donc échapper, de ce fait, à l'interdiction édictée par l'article 30 du traité.

25. Il est exact, en troisième lieu, ainsi qu'il a été plusieurs fois jugé, qu'en l'absence d'une réglementation commune exhaustive en matière de conditionnement des produits dont il s'agit, les obstacles à la libre circulation intracommunautaire résultant des disparités des réglementations nationales doivent être acceptés dans la mesure où une telle réglementation, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, peut être justifiée comme étant nécessaire pour satisfaire à des exigences impératives tenant notamment à la défense des consommateurs et à la loyauté des transactions commerciales.

26. On ne saurait contester, dans son principe, la justification de mesures législatives ou réglementaires destinées à éviter la confusion, aux yeux du consommateur, entre des vins d'origine et de qualité différentes. Ce souci est tout particulièrement respectable en matière de vins où les traditions et les spécificités jouent un rôle important. D'ailleurs, à cet égard, le préambule du règlement n° 355-79 déclare, en son deuxième considérant, que " le but de toute désignation et présentation doit être de fournir des informations aussi exactes et aussi précisés qu'il est nécessaire pour l'appréciation des produits concernés par l'acheteur éventuel et par les organismes publics chargés de la gestion et du contrôle du commerce de ces produits ; qu'il convient donc d'établir des règles susceptibles d'atteindre ce but ", et en son troisième considérant qu'' il convient de rechercher une information optimale des intéressés, tout en tenant compte des usages et traditions différents tant dans les Etats membres que dans les pays tiers ainsi que de l'évolution du droit communautaire ".

27. Toutefois, s'agissant de déterminer si une réglementation nationale peut valablement, en vue de défendre une désignation indirecte d'origine géographique dans un souci de protection du consommateur, interdire la commercialisation de vins importés dans un certain type de bouteille, il y a lieu de faire remarquer que, dans un régime de Marché commun, la défense des consommateurs et la loyauté des transactions commerciales en matière de présentation des vins doivent être assurées dans le respect mutuel des usages loyalement et traditionnellement pratiqués dans les différents Etats membres.

28. Sur ce point, les débats menés devant la Cour ont fait apparaître que des bouteilles du même type que la " Bocksbeutel ", ou ne présentant avec celle-ci que des différences imperceptibles par le consommateur, servent traditionnellement à commercialiser les vins originaires de certaines régions d'italie. L'exclusivité de l'usage d'un type de bouteille, assurée par une réglementation nationale dans un Etat membre, ne saurait donc être opposée à l'importation de vins originaires d'un autre Etat membre, conditionnés dans des bouteilles de forme identique ou similaire en vertu d'un usage loyalement et traditionnellement pratique dans cet Etat membre.

29. Si le Gouvernement allemand fait valoir que la commercialisation dans un même type de bouteille de vins de provenances différentes serait de nature à induire en erreur les consommateurs, il convient de relever que les dispositions communautaires relatives à l'étiquetage des vins, et notamment les articles 12 à 18 du règlement n° 355-79, relatifs à l'étiquetage des vins de qualité produits dans des régions déterminées, constituent une réglementation particulièrement élaborée permettant d'éviter les confusions redoutées.

30. Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative l'application, par un Etat membre, à l'importation de vins originaires d'un autre Etat membre, d'une réglementation nationale réservant l'utilisation d'une forme déterminée de bouteille à certains producteurs nationaux, lorsque l'utilisation de cette forme de bouteille ou d'une forme analogue est conforme à un usage loyalement et traditionnellement pratique dans l'Etat d'origine.

Sur l'article 36 du traité (deuxième question)

31. Par cette question, la juridiction nationale demande en substance si l'une des dérogations, édictées par l'article 36 du traité, au principe fondamental de la libre circulation des marchandises, est de nature à justifier l'application d'une réglementation réservant à une catégorie de producteurs nationaux de vins l'utilisation d'une forme de bouteille déterminée.

32. A cet égard, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne a fait valoir, en premier lieu, que l'article 17 du règlement sur le vin est justifié par des raisons d'ordre public, au sens de l'article 36 du traité, dès lors, que les prescriptions qu'il comporte sont assorties de sanctions pénales.

33. Il convient de remarquer qu'il ne suffit pas qu'une réglementation soit assortie de sanctions pénales pour relever de la notion d'ordre public, au sens de l'article 36 du traité.

34. Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne a soutenu, en second lieu, que la présentation du vin de Franconie et du pays de Bade dans la " bouteille Bocksbeutel d'origine " constituerait une indication indirecte de provenance géographique et, par suite, un droit de propriété industrielle et commerciale des producteurs établis dans la région déterminée, que la réglementation litigieuse pourrait valablement protéger.

35. A cet égard et sans qu'il soit nécessaire de trancher les questions de droit posées par cette allégation, il suffit de relever qu'en tout état de cause les producteurs utilisant traditionnellement une forme de bouteille déterminée ne peuvent valablement se prévaloir d'un droit relevant de la propriété industrielle et commerciale pour faire obstacle à l'importation de vins originaires d'un autre Etat membre, conditionnés dans des bouteilles identiques ou similaires en vertu d'usages loyalement et traditionnellement pratiqués dans cet Etat.

36. Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne a fait remarquer enfin qu'une association allemande, dénommée " Frankenwein-Frankenland EV ", dont l'objet est notamment d'assurer la protection du droit d'utilisation exclusive de la " Bocksbeutel " pour la mise en bouteille du vin de Franconie, a déposé le 4 juin 1978 un signe distinctif qui contient la reproduction d'une " Bocksbeutel originale " avec une étiquette figurative. Il en déduit que cette association est titulaire d'un droit de propriété industrielle et commerciale et que la valeur du signe distinctif ainsi déposé se trouverait affectée si la " Bocksbeutel originale " pouvait être utilisée pour des vins d'autres provenances.

37. Il convient de noter, sur ce point, que le dépôt par une association de producteurs d'un signe distinctif contenant la représentation d'une bouteille de forme déterminée avec une étiquette figurative et la protection qui en dérive ne sauraient avoir une incidence quelconque sur la question de savoir si une réglementation nationale réservant l'utilisation d'une bouteille de même forme aux producteurs de vins de certaines régions est justifiée au regard de l'article 36 du traité.

38. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question de la juridiction nationale que l'article 36 du traité doit être interprété en ce sens que les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation découlant d'une réglementation nationale réservant l'utilisation d'une forme de bouteille de vin à certains producteurs ou négociants nationaux ne peuvent être justifiées :

- par des raisons d'ordre public, que cette réglementation soit ou non assortie de sanctions pénales ;

- par des raisons tenant à la protection de la propriété industrielle et commerciale, au motif que l'utilisation d'une telle bouteille est traditionnelle pour les producteurs nationaux, lorsque des bouteilles identiques ou similaires sont utilisées dans un autre Etat membre, en vertu d'usages loyalement et traditionnellement pratiques pour la commercialisation de vins en provenance de cet Etat.

Sur les dépens

39. Les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Landgericht Munchen II, par ordonnance du 28 janvier 1983, dit pour droit :

1) l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative l'application, par un Etat membre, à l'importation de vins originaires d'un autre Etat membre, d'une réglementation nationale réservant l'utilisation d'une forme déterminée de bouteille à certains producteurs nationaux lorsque l'utilisation de cette forme de bouteille ou d'une forme analogue est conforme à un usage loyalement et traditionnellement pratiqué dans l'Etat d'origine.

2) l'article 36 du traité doit être interprété en ce sens que les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation découlant d'une réglementation nationale réservant l'utilisation d'une forme de bouteille de vin à certains producteurs ou négociants nationaux ne peuvent être justifiées :

- par des raisons d'ordre public, que cette réglementation soit ou non assortie de sanctions pénales ;

- par des raisons tenant à la protection de la propriété industrielle et commerciale, au motif que l'utilisation d'une telle bouteille est traditionnelle pour les producteurs nationaux, lorsque des bouteilles identiques ou similaires sont utilisées dans un autre Etat membre, en vertu d'usages loyalement et traditionnellement pratiqués pour la commercialisation de vins en provenance de cet Etat.