Cass. 1re civ., 14 octobre 1981, n° 80-12.145
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Durand
Défendeur :
Renéen, Bourgeon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charliac
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
Me Garaud
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation suivant : - "Violation des articles 1134, 1108, 1110 du Code civil, ensemble violation des articles 455 et suivants du nouveau Code de procédure civile, défaut de motifs, et manque de base légale, en ce qu'une cour d'appel, infirmant le jugement rendu sur la validité d'un contrat de vente portant sur des objets d'art, a décidé que le consentement de l'acquéreur n'avait pas été vicié par l'erreur commise sur la substance de la chose, cette dernière étant un "lapis baigné" donc recouvert d'une épaisse conche de teinture et non un lapis naturellement teinté, aux motifs que le service public du contrôle des diamants, per les fines et pierres précieuses de la Chambre de commerce et d'Industrie de Paris avait attesté que la pierre litigieuse formant vase était une "roche métamorphique "très claire à calcite prédominante diopside, pyrite, lazurite que l'on peut éventuellement nommer lapis lazuli", et que la roche était recouverte d'une épaisse couche de teinture bleue, ce qui expliquait que ce genre d'objet était communément appelé "lapis baigné" et que sa valeur était moindre, qu'en présence de ces éléments force était d'admettre qu'il n'y avait pas erreur sur la matière, alors que, d'une part, il résulte des propres constatations de l'arrêt non discutées que la pierre a été recouverte d'une couche de teinture et qu'il s'agit d'un lapis baigné et non naturel, que le service de contrôle des diamants, spécifie qu'une telle roche peut éventuellement être appelée lapis lazuli mais que ce n'est pas l'usage courant, toutes constatations établissant la disparité entre le lapis lazuli naturel et le lapis baigné, d'où il suit qu'en décidant que le lapis baigné pouvait s'identifier à un lapis naturel, car le terme lapis lazuli pouvait éventuellement être étendu aux deux catégories, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1110 du Code civil en ne tirant pas de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient, et alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, la cour d'appel devait tenir compte du degré de compétence de l'acquéreur en la matière pour décider s'il pouvait connaître l'assimilation faite par les experts quant à la terminologie lapis lazuli, d'où il suit qu'en décidant que les constatations de l'expert rendaient impossible l'erreur sur la matière, la cour d'appel n'a pas recherché si, en l'espèce le consentement de l'acquéreur n'avait pas été vicié par une telle erreur sur la matière".
LA COUR : - Donne défaut contre M. Bourgeon; - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Riom, 28 janvier 1980), que M. Bourgeon a vendu à M. Durand divers objets d'art d'Extrême-Orient dont un vase couvert en "lapis" qui s'est révélé avoir une valeur inférieure à son prix de vente; que, M. Durand ayant assigné en nullité de la vente sur le fondement de l'erreur M. Bourgeon, ce dernier a produit une attestation du service du contrôle des diamants de la Chambre de commerce de Paris dont il résulte que si le vase est artificiellement recouvert d'une épaisse couche de peinture bleue, il est néanmoins fait d'une roche très claire "que l'on peut éventuellement nommer lapis lazuli"; que la cour d'appel a débouté M. Durand;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte des constatations de l'arrêt que la pierre a été recouverte d'une couche de teinture et qu'il s'agit d'un lapis baigné et non naturel; que le service de contrôle des diamants spécifie qu'une telle roche peut éventuellement être appelée lapis lazuli mais que ce n'est pas l'usage courant, toute constatation établissant la disparité entre le lapis lazuli naturel et le lapis baigné; d'où il suit qu'en décidant que le lapis lazuli pouvait s'identifier à un lapis naturel, car le terme lapis lazuli pouvait éventuellement être étendu aux deux catégories, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1110 du Code civil en ne tirant pas de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient; et alors que, d'autre part, la cour d'appel devait tenir compte du degré de compétence de l'acquéreur en la matière pour décider s'il pouvait connaître l'assimilation faite par les experts quant à la terminologie "lapis lazuli"; d'où il suit qu'en décidant que les constatations de l'expert rendaient impossible l'erreur sur la matière, la cour d'appel n'a pas recherché si, en l'espèce, le consentement de l'acquéreur n'avait pas été vicié par une telle erreur sur la matière;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu que M. Bourgeon établissait avoir vendu un vase "en lapis" et qu'il résultait des documents produits que ce vase était bien confectionné dans une roche ayant droit à cette appellation, a souverainement estimé "que la preuve n'était pas apportée que la couleur naturelle de la pierre et l'absence de teinture ait été considérées par M. Durand comme une qualité substantielle de la chose qu'il désirait acquérir" que la cour d'appel a par ce seul motif légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut donc être accueilli.
Par ces motifs: rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 28 janvier 1980 par la Cour d'appel de Riom.