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Décisions

Cass. 1re civ., 5 avril 2005, n° 02-11.947

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Laboratoire Wellcome (Sté), Laboratoire Hoechst Houde

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rennes, 7e ch. civ., du 5 déc. 2001

5 décembre 2001

LA COUR : - Joint les pourvois n° 02-11.947 et 02-12.065 qui sont connexes ; - Attendu que M. X a été atteint en octobre 1994 d'un syndrome de Lyell, maladie se caractérisant par une nécrose épidermique toxique sur tout le corps et se traduisant cliniquement par un érythème et un décollement de la peau ; qu'estimant que cette maladie avait été provoquée par deux médicaments qui lui avaient été prescrits pour une crise de goutte, le zyloric et le colchimax fabriqués le premier par la société Laboratoire Wellcome aux droits de laquelle se trouve la société Laboratoire Glaxosmithkline et le second par la société Laboratoire Hoechst Houde aux droits de laquelle se trouve la société Laboratoire Aventis, M. X a assigné ces deux laboratoires en responsabilité ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° F 02-12.065, pris en ses quatre branches, formé par la société Laboratoire Aventis : - Attendu que la société Laboratoire Aventis fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à réparer le dommage subi par M. X alors, selon le moyen : 1°) qu' en se fondant pour retenir que M. X avait absorbé le médicament incriminé, sur les seules déclarations de celui-ci non corroborées par des éléments objectifs, la cour d'appel a méconnu la règle selon laquelle nul ne peut se constituer une preuve à lui-même et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2°) qu'en se prononçant par un motif nécessairement hypothétique en l'absence de constat objectif de la réalité de la communication des ordonnances par M. X au médecin ayant affirmé la prise des médicaments, la cour d'appel qui n'a procédé que par déduction, suppléant la carence de la preuve incombant à M. X a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 3°) qu'en se fondant sur des considérations insuffisantes ne faisant pas ressortir la réalité d'une impossibilité de production des ordonnances du patient, la cour d'appel qui a ainsi, sans justification, pallié la carence de M. X dans l'administration de la preuve qui lui incombait, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article 1147 du Code civil ; 4°) qu'en énonçant que le syndrome de Lyell était imputable de façon plausible aux médicaments incriminés et qu'un lien de causalité ne pouvait être exclu , la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que le moyen ne tend, dans ses trois premières branches, qu'à remettre en cause le pouvoir des juges du fond qui ont souverainement estimé au vu des éléments de preuve qui leur étaient soumis que M. X avait bien absorbé les médicaments litigieux qui lui avaient été prescrits ; qu'ensuite, en ayant relevé par motifs propres et adoptés que l'expert avait souligné que le lien entre l'absorption du médicament en cause et l'apparition du syndrome de Lyell était scientifiquement reconnu, que M. X avait développé ce syndrome dans un délai de 7 à 21 jours après l'administration du colchimax ce qui correspondait au délai habituellement constaté entre l'administration du produit et la survenance de l'effet toxique, que la cessation du trouble coïncidait avec l'arrêt de la prise du médicament, qu'il n'était établi l'existence, ni d'une erreur de prescription, ni d'une prédisposition du patient à ce syndrome, ni d'une association avec d'autres médicaments, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par motifs hypothétiques a exactement caractérisé le lien de causalité entre l'absorption du médicament et le dommage subi par M. X et a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 02-11.947 pris dans sa première branche, formé par la société Laboratoire Glaxosmithkline : - Attendu que la société Laboratoire Glaxosmithkline fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa responsabilité alors, selon le moyen, qu'en n'ayant pas constaté un manquement de la société Laboratoire Glaxowellcome à son devoir d'information dans la notice du zyloric et ce d'autant que, comme elle le rappelait dans ses conclusions, M. X ne lui reprochait pas un tel manquement et soulignait lui-même dans ses propres écritures "que la notice du zyloric fait référence expresse au syndrome de Lyell", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que les juges du fond n'ont pas retenu à l'encontre du Laboratoire Glaxosmithkline un manquement à son obligation d'information en ce qui concerne la notice du "zyloric" ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur la seconde branche du même moyen : - Vu l'article 1147 du Code civil interprété à la lumière de l'article 6 de la directive n° 85-374 du Conseil des Communautés européennes du 25/7/1985, alors non encore transposée en droit français ; - Attendu que pour décider que le médicament zyloric était atteint de défauts de nature à causer un danger pour les personnes et qu'il n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, l'arrêt retient qu'il suffit de constater que certains des principes actifs du médicament en cause sont dangereux, même si la manifestation du danger est rare ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si, au regard des circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage que le public pouvait raisonnablement en attendre, du moment de sa mise en circulation et de la gravité des effets nocifs constatés, le produit était défectueux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais uniquement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Laboratoire Glaxosmithkline, pour le médicament "Zyloric", l'arrêt rendu le 5 décembre 2001, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.