CJCE, 12 octobre 1978, n° 13-78
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Joh. Eggers Sohn & Co.
Défendeur :
Freie Hansestadt Bremen
LA COUR,
1. Attendu que, par ordonnance du 18 janvier 1978 parvenue à la Cour le 9 février 1978, le Verwaltungsgericht de la Freie Hansestadt Bremen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions relatives à l'interprétation des articles 30, 31, 36 (deux premières questions) ; 86, paragraphe 1, lettre b), et 90, paragraphe 1, (troisième question) du même traité ;
2. Que ces questions sont soulevées dans le cadre d'un litige opposant l'administration compétente de la ville de Brême a un producteur allemand d'eaux-de-vie et concernant le droit de ce dernier d'utiliser, pour ses produits confectionnés à partir de distillats de vins importes d'un autre Etat membre, les dénominations " qualitatsbranntwein " et " weinbrand " ; Que les réponses aux questions posées doivent permettre à la juridiction nationale de décider de la compatibilité avec le droit communautaire, et en particulier avec les dispositions citées par la juridiction nationale, de tout ou partie du paragraphe 40 de la loi fédérale du 14 juillet 1971 sur le vin, vin de liqueur, vin mousseux, boissons à base de vin et eaux-de-vie de vin (BGBL, partie I 1971, p. 893) ci-après dénommée Weingesetz ;
Considérations préliminaires
3. Attendu qu'il y a lieu, en vue de la réponse à donner aux questions posées, de rappeler certains éléments de fait et de droit au regard desquels la juridiction nationale les a soulevées ;
4. Attendu que, selon le paragraphe 35 de la Weingesetz, " l'eau-de-vie de vin est le liquide obtenu à partir de distillat de vin, titrant au moins 38° d'alcool et qui peut être bu tel quel ou simplement additionne d'eau (préparation) ";
Que, selon le paragraphe 36 de la même loi, le distillat de vin est le liquide obtenu par le chauffage soit de vin, soit de vin vine (Brennwein), c'est-à-dire suivant les explications fournies à la Cour, de vin additionné d'un distillat et ayant un titre alcoométrique d'environ 24°, soit encore par chauffage de " distillat brut " (Rohbrand aus wein oder aus Brennwein), c'est-à-dire, toujours suivant les explications fournies à la Cour, d'un vin vine ou non, ayant subi une première distillation, soit enfin par chauffage d'un mélange des produits ci-dessus cités pour aboutir à un produit distillé d'un titre alcoométrique d'au moins 52° et d'au plus 86°, aucune autre matière ne pouvant être ajoutée ou retirée du liquide distille ainsi obtenu ;
5. Que, selon la requérante au principal, la première distillation d'ou résulterait le " rohbrand " produirait, si elle se fait par le procédé de la distillation par séparateur, un alcool de vin titrant entre 24 a 25° qui devrait, effectivement, être distille une seconde fois pour répondre aux exigences des paragraphes 35 et 36 en matière de titre alcoométrique ;
Que, toutefois, lorsque cette première distillation se fait par l'emploi d'appareils à colonnes, elle produirait - toujours selon la requérante au principal - un distillat ayant un titre alcoométrique atteignant 70°, ce qui rendrait un seconde distillation inutile ;
6. Que, selon le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, par contre, le produit issu de la première distillation constituerait - quel que soit son titre alcoométrique - un produit non épuré, dénommé pour cette raison distillat brut, qui devrait, avant de pouvoir être utilise pour la confection d'eau-de-vie, subir une seconde distillation le transformant en distillat fini (fertiges destillat) ;
7. Attendu que la Weingesetz fait, dans la section II de la deuxième partie (paragraphes 35 à 44), la distinction entre les eaux-de-vie de vin produites en territoire national (inlandische branntweine aus wein) qui font l'objet des paragraphes 36 à 41 et celles de provenance étrangère (auslandische branntweine aus wein) qui font l'objet des paragraphes 42 à 44 ;
Que cette distinction est opérée suivant des critères distincts et qu'elle a des effets différents, suivant qu'il s'agit d'eaux-de-vie courantes ou de celles pour lesquelles sont revendiquées les dénominations " qualitatsbranntwein aus wein " et " weinbrand ";
8. Qu'en ce qui concerne les eaux-de-vie courantes, il est prévu au paragraphe 39, alinéa 1, que celles produites en territoire national doivent porter la mention " branntwein aus wein ", tandis que pour celles de provenance étrangère - et notamment en provenance d'un autre Etat membre - cette même mention doit, selon le paragraphe 44 de la Weingesetz, être accompagnée du nom du pays producteur ou de l'adjectif dérivé de ce nom ;
Qu'au sens de ces dispositions et en vertu du paragraphe 38 de la Weingesetz, une eau-de-vie courante est considérée comme produite en territoire national des que le mélange des distillats ou leur coupage ou l'adjonction de certains produits énumérés audit paragraphe 38 s'effectue en territoire national, quelle que soit par ailleurs la provenance - nationale ou étrangère - des vins, vins vines, distillats bruts ou même distillats finis, a partir desquels l'eau-de-vie est confectionnée ;
9. Attendu, par contre, que les eaux-de-vie qui entendent bénéficier des dénominations " qualitatsbranntwein aus wein " et " weinbrand " ne sont considérées comme produites en territoire national que si elles satisfont à des exigences énumérées au paragraphe 40 de la Weingesetz et en particulier à la double condition :
a) qu'au moins 85 % du titre alcoométrique proviennent de distillat de vin obtenu à la suite d'une distillation opérée en territoire national ;
b) que l'ensemble du distillat de vin employé pour la confection de l'eau-de-vie, c'est-à-dire tant celui obtenu en territoire national que celui éventuellement acheté - à concurrence de maximum 15 % de l'ensemble - à l'étranger, ait séjourné pendant au moins six mois en fûts de chêne dans la même exploitation (Betrieb) qui a confectionne le distillat produit en territoire national ;
Qu'en vertu du paragraphe 44 de la Weingesetz, la dénomination "qualitatsbranntwein aus wein", accompagnée du nom du pays producteur ou de l'adjectif dérivé de ce nom, peut également être utilisée pour les eaux-de-vie étrangères dont il est attesté, par le document qui doit les accompagner lors de leur importation en République fédérale d'Allemagne, qu'ils satisfont à des conditions quasi identiques à celles prévues au paragraphe 40 pour les eaux-de-vie de qualité nationales, et en particulier à la double condition que 85 % du titre alcoométrique au moins du distillat proviennent de distillat obtenu dans le pays producteur (paragraphe 44, alinéa 1, chiffre 2) et que l'ensemble du distillat de vin utilise ait séjourné au moins six mois en fûts de chêne dans l'exploitation étrangère qui a effectue la distillation de ces 85 % (paragraphe 44, alinéa 1, chiffre 3) ;
10. Que, si ledit paragraphe 44 ne permettait, dans sa rédaction de 1971, pour les eaux-de-vie de qualité étrangères que l'usage de la dénomination "qualitatsbranntwein aus wein", en réservant celle, plus connue, de " weinbrand " aux eaux-de-vie de qualité produites en Allemagne, il ressort cependant de l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 1975 (affaire 12-74, Commission/République fédérale d'Allemagne, Recueil p. 181) que, sous peine de violation de l'article 30 du traité, les eaux-de-vie de qualité en provenance des autres Etats membres et qui satisfont aux conditions prévues au paragraphe 44 de la Weingesetz doivent, elles aussi, pouvoir bénéficier en Allemagne de la dénomination " weinbrand ";
11. Attendu toutefois que la requérante au principal soutient que - même après l'élimination de la violation de l'article 30 du traité dont question ci-dessus - il subsiste dans les paragraphes 40 et 44 de la Weingesetz une autre mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative concernant, cette fois, l'importation en République fédérale d'Allemagne des distillats finis (fertige destillate) ; restriction consistant en ce que les eaux-de-vie de qualité produites en République fédérale doivent nécessairement être confectionnées à partir de vins, de vins vines ou de distillats bruts qui ont, a concurrence d'au moins 85 % du titre alcoométrique du distillat employé, été l'objet, sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, d'une distillation, ou tout au moins d'une dernière distillation les transformant en " fertiges destillat ", lequel distillat fini doit avoir, en outre, séjourné pendant au moins six mois en fûts de chêne dans l'exploitation allemande qui a effectué cette distillation ou dernière distillation ;
12. Que cette disposition, à laquelle correspond, en ce qui concerne les eaux-de-vie de qualité provenant des autres Etats membres, le paragraphe 44, alinéa 1, de la Weingesetz, empêcherait les producteurs d'eaux-de-vie allemandes d'acheter des distillats dans les autres Etats membres en vue de les utiliser directement, c'est-à-dire sans nouvelle distillation en territoire allemand, à la confection d'eaux-de-vie de vin de qualité, alors que ces distillats, en particulier ceux en provenance de France et d'Italie, auraient le titre alcoométrique exigé par le paragraphe 36 de la Weingesetz (52° au moins, et 86° au plus) et présenteraient les mêmes garanties au point de vue de la santé publique et de la qualité que les distillats finis (fertige destillate) produits en Allemagne ;
Que cette disposition constituerait ainsi une restriction aux échanges, interdite par l'article 30 du traité et qui ne pourrait être couverte par l'article 36 de celui-ci, son objet véritable étant, selon la requérante au principal, de protéger les distillateurs allemands en réservant, pour les eaux-de-vie confectionnées en République fédérale, les dénominations " qualitatsbranntwein aus wein " et " weinbrand " à celles dont tout au moins la dernière distillation a été effectuée en République fédérale d'Allemagne ;
Qu'en outre, cette mesure obligerait les producteurs d'eaux-de-vie de vin allemandes, non distillateurs, à acheter les distillats avec lesquels ils confectionnent les eaux-de-vie exclusivement à des distillateurs allemands qui seraient par ailleurs leurs concurrents et cela sous peine de ne pouvoir employer, pour leurs produits, les dénominations ci-dessus indiquées, ce qui opérerait entre fabricants d'eau-de-vie distillateurs et fabricants d'eau-de-vie non distillateurs une discrimination interdite par le traité ;
13. Attendu que le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne soutient que la disposition litigieuse ne constitue, à aucun égard, une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative ;
Qu'en imposant que tout au moins la dernière distillation et le stockage en fûts de chêne pendant six mois se fassent dans une même exploitation (betrieb), la Weingesetz viserait a assurer la qualité des eaux-de-vie en question, justifiant les dénominations qui leur sont, a raison de cette qualité, réservées ;
Que cette garantie de qualité ne pourrait être réalisée que par la mise en œuvre d'une " responsabilité unique ", c'est-à-dire par la concentration, tout au moins de la dernière distillation et du stockage, dans une même exploitation, cette " responsabilité unique " offrant " la meilleure garantie possible pour la sauvegarde de la qualité et garantissant en même temps un contrôle efficace " et permettant ainsi d'assurer " la qualité et l'individualité du produit "; (motifs de la loi, Deutscher Bundestag, Drucksache v/1636, p. 61) ;
Que ce contrôle serait indispensable pour l'information des consommateurs, le weinbrand produit en République fédérale pressentant un caractère et un goût spécifiques, découlant notamment de la manière de distiller, des limites de l'affinage et du traitement des éléments constitutifs des distillats, notamment en ce que le weinbrand allemand serait distillé jusqu'à 86° et sans levure, et essentiellement à partir de vin vine et de distillat brut, alors que les produits étrangers seraient directement distillés à partir du vin de base (Grundwein) ;
14. Que toutes ces considérations conduiraient à reconnaître la nécessité de faire dépendre le droit d'utiliser la dénomination de qualité pour l'eau-de-vie nationale du fait que l'opération déterminante de la distillation à lieu principalement dans le pays même ;
Que cette exigence contreviendrait d'autant moins à l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives qu'en vertu de la règle exprimée au paragraphe 44 de la Weingesetz et à la suite de l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 1975, le gouvernement fédéral admettrait sans restrictions l'usage, non seulement de la dénomination "qualitatsbranntwein aus wein", mais également de celle de " weinbrand " pour les eaux-de-vie provenant des autres Etats membres qui satisfont aux exigences de la " responsabilité unique " mise en œuvre par le paragraphe 44 pour les eaux-de-vie en provenance des autres Etats membres, d'une façon équivalente à celle prévue au paragraphe 40, pour les eaux-de-vie nationales ;
15. Attendu qu'il y a encore lieu de relever qu'il est constant que les eaux-de-vie allemandes sont produites non à partir de raisins ou de vins produits sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, mais a partir de vins étrangers, importés principalement sous forme de vins vines (brennweine) ou de distillats bruts (rohbrande) ;
16. Attendu enfin qu'il y a également lieu de noter que les dénominations " qualitatsbranntwein aus wein " et " weinbrand " ne constituent, ni au sens des législations nationales des Etats membres, ni au sens de l'article 2, paragraphe 3, lettre s), de la directive de la Commission 70-50 du 22 décembre 1969 (JO 1970, n° L 13, p. 29), des appellations d'origine ou des indications de provenance, mais doivent être considérées comme des dénominations de qualité élaborées par la législation d'un Etat membre ;
Que, d'ailleurs, l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 1975 a reconnu que la dénomination " weinbrand " n'était pas une indication de provenance (herkunftsangabe) et que la République fédérale d'Allemagne, tirant les conclusions de cet arrêt, déclare que la dénomination " weinbrand ", moyennant l'adjonction du nom de l'Etat membre d'origine ou de l'adjectif dérivé de ce nom, peut être utilisée pour la commercialisation des eaux-de-vie de vin provenant des autres Etats membres qui satisfont aux conditions exigées par le paragraphe 44 de la Weingesetz pour bénéficier des dénominations réservées aux eaux-de-vie de qualité ;
17. Que c'est compte tenu des divers éléments ci-dessus relevés qu'il y a lieu de répondre aux questions posées ;
Sur les questions posées
18. Attendu que, par la première question, il est demande si les articles 30 et 31 du traité, ainsi que l'interdiction de discrimination de droit communautaire, doivent être interprétés en ce sens que la réglementation contenue au paragraphe 40, alinéa 1, n° 1 et n° 4, de la Weingesetz du 14 juillet 1971 (BGBL, partie I 1971, p. 893), selon laquelle l'eau-de-vie de vin nationale ne peut être qualifiée de " qualitatsbranntwein aus wein " ou de " weinbrand " que lorsque :
- 85 % au moins du titre alcoométrique proviennent de distillat de vin obtenu par distillation sur le territoire national (im inland) ;
- tout le distillat de vin utilise est stocke dans des fûts de chêne au moins pendant six mois dans l'exploitation qui a obtenu le distillat national par distillation ;
Est incompatible avec l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives ainsi qu'avec l'interdiction de discrimination ;
19. Attendu que si la Cour, dans le cadre de l'application de l'article 177 du traité, n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une disposition nationale avec le droit communautaire, elle peut toutefois dégager du libellé de la question formulée par la juridiction nationale, eu égard aux données fournies par celle-ci, les éléments relevant de l'interprétation du droit communautaire ;
20. Que la première question revient, en substance, a savoir si l'interdiction des mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative (article 30 du traité) et l'interdiction générale de discrimination visent des mesures édictées par un Etat membre qui subordonnent l'usage d'une dénomination de qualité pour un produit fini national et, en particulier, pour un produit alcoolique fabriqué à partir de matières premières provenant indifféremment de l'état concerne ou des autres Etats membres, à la condition que tout ou partie du processus de la production antérieure au dernier stade de celle-ci se déroule dans l'Etat membre ou s'opère le stade final de production et d'où, dès lors, le produit est considéré comme originaire ;
21. Que, pour le cas ou il serait répondu affirmativement à cette première question, il est ensuite demande si une mesure de cette nature ne serait pas justifiée par application de l'article 36 du traité ;
22. Attendu qu'il y a lieu de répondre conjointement à ces deux questions et de le faire, en premier lieu, au regard de l'interprétation des articles 30 et 36 du traité ;
23. Attendu que, en ce qui concerne l'interdiction de mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, l'article 30 du traité interdit, dans le commerce entre Etats membres, toute mesure de cette nature ;
Qu'aux fins de cette interdiction il suffit que les mesures en question soient aptes à entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre Etats membres ;
Que, selon le sixième considérant de la directive de la Commission 70-50 du 22 décembre 1969, relative à la suppression de certaines mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, sont à ranger parmi les mesures de cette nature et sont par conséquent interdites :'celles qui, à tout stade de commercialisation, accordent une préférence, autre qu'une aide, assortie ou non de conditions, aux produits nationaux, de manière à exclure, totalement ou partiellement, l'écoulement de produits importés ";
Que, à la lumière de ces considérations, l'article 2, paragraphe 3, lettre s), de la directive considéré, à juste titre, comme des mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative et comme interdites celles qui " réservent aux seuls produits nationaux des dénominations ne constituant pas des appellations d'origine ou des indications de provenance ";
24. Que, pour avoir effet utile, l'interdiction de réserver aux produits nationaux - sous réserve des appellations d'origine et des indications de provenance - certaines dénominations, notamment de qualité, doit s'étendre aux mesures faisant, entre produits nationaux, une distinction, suivant que les matières premières ou les produits demi-finis, à partir desquels ils sont fabriques, ont été ou non produits ou traites sur le territoire national, et réservant aux marchandises provenant de produits demi-finis, traités sur le territoire national, des dénominations spéciales, de nature à les avantager aux yeux des opérateurs économiques ou des consommateurs intéressés ;
Qu'en effet, dans un marché devant présenter, dans toute la mesure du possible, les caractéristiques d'un marché unique, le droit a une dénomination de qualité pour un produit ne saurait - sauf les règles applicables en matière d'appellation d'origine et d'indications de provenance - dépendre que des caractéristiques objectives intrinsèques dont résulte la qualité du produit par rapport au même produit de qualité inférieure, mais non de la localisation géographique de tel ou tel stade de sa production ;
25. Qu'aussi souhaitable que soit une politique de qualité de la part d'un Etat membre, celle-ci ne peut être développée dans l'espace communautaire que par des moyens conformes aux règles fondamentales du traité ;
Qu'il en résulte que, si les Etats membres sont compétents pour établir des normes de qualité des produits commercialisés sur leur territoire et peuvent subordonner au respect de ces normes l'usage de dénominations de qualité, c'est à la condition que ces normes et dénominations - à la différence de ce qui en est pour les appellations d'origine et indications de provenance - ne soient pas liées à une localisation nationale du processus de production des produits en cause, mais uniquement à la présence des caractéristiques objectives intrinsèques qui donnent aux produits la qualité légalement exigée ;
Qu'une présomption de qualité liée à la localisation nationale de tout ou partie du processus de production et de ce fait limitant ou défavorisant un processus dont les phases se dérouleraient en tout ou en partie dans d'autres Etats membres est, toujours sous réserve des règles relatives aux appellations d'origine ou d'indications de provenance, incompatible avec le Marché commun ;
Qu'il en est d'autant plus ainsi lorsque la localisation nationale de tout ou partie du processus de production n'est, en substance, justifiée que par une règle qui, en instituant une " responsabilité unique ", visé à faciliter des contrôles de qualité, alors que ces contrôles peuvent, tout aussi efficacement, être effectues par des moyens moins restrictifs des échanges entre Etats membres ;
26. Attendu qu'il résulte de l'ensemble des considérations ci-dessus que constitue une mesure d'effet équivalant a une restriction quantitative une mesure nationale qui subordonne le droit d'employer pour un produit national une dénomination de qualité à la condition que le produit demi-fini, à partir duquel il est confectionné, soit produit ou traité en territoire national et d'en refuser l'usage pour le seul motif que le produit demi-fini est importe d'un autre Etat membre ;
Que la circonstance que l'emploi de cette dénomination de qualité est facultative ne lui enlève pas son caractère d'obstacle injustifié aux échanges, du moment que l'usage de cette dénomination favorise ou est susceptible de favoriser la commercialisation du produit concerne par rapport aux produits qui n'en bénéficient pas ;
27. Attendu, sans doute, que la directive 70-50 ne concerne, suivant son article 2, paragraphe 1, que les mesures " autres que celles applicables indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés " et que, selon la République fédérale d'Allemagne, il ressortirait du rapprochement des paragraphes 40 et 44 de la Weingesetz que les eaux-de-vie nationales et celles en provenance des autres Etats membres seraient, en ce qui concerne le droit aux dénominations de qualité " qualitatsbranntwein aus wein " et " weinbrand ", soumises à des conditions, en substance, identiques ;
Qu'en effet, pour bénéficier de ces dénominations, moyennant l'adjonction du nom ou du qualificatif de l'Etat membre d'origine, les eaux-de-vie en provenance des autres Etats membres doivent, elles aussi, être confectionnées à partir d'un distillat ou tout au moins d'un distillat fini, produit et stocke dans une même exploitation de l'état concerné ;
28. Attendu que, sans qu'il y ait lieu, dans la présente espèce, de trancher la question de savoir si une mesure nationale applicable indistinctement aux produits nationaux et à ceux en provenance des autres Etats membres peut néanmoins constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, il y a lieu de noter qu'un traitement égal du produit prêt à être livre à la consommation ne justifie pas un traitement inégal des produits demi-finis dont le produit fini est l'aboutissement, en ce sens que, dans chaque Etat membre, le producteur national du produit fini est oblige ou fortement incite à recourir en tout ou en partie a des produits demi-finis nationaux ;
Que, bien loin d'excuser la restriction aux échanges des produits demi-finis, l'extension de cette restriction tant aux produits finis en provenance des autres Etats membres qu'a ceux en provenance de l'Etat membre concerné ne fait que renforcer le cloisonnement des marchés ;
29. Attendu, cependant, qu'il y a encore lieu d'examiner si des mesures de la nature de celles qui font l'objet des questions posées ne seraient pas, tout en constituant des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, admissibles en vertu de l'article 36 du traité ;
30. Attendu que l'article 36 constitue une exception au principe fondamental de la libre circulation des produits et qu'il doit, des lors, être interprété de façon à ne pas étendre ses effets au-delà de ce qui est nécessaire pour la protection des intérêts qu'il vise a garantir ;
31. Attendu que n'est pas couverte, pas l'article 36 du traité, l'imposition d'une restriction aux échanges liée au droit de faire usage d'une dénomination nationale de qualité, fut-elle facultative, qui distingue un alcool national déterminé d'alcools nationaux similaires, lesquels peuvent, bien qu'ils ne satisfont pas à la condition restrictive des échanges intracommunautaires dont dépend le droit à la dénomination de qualité, être néanmoins commercialises sur le territoire de l'Etat membre concerne sans aucune restriction et en particulier sans danger pour la santé des consommateurs ;
32. Qu'il y a donc lieu de répondre aux deux premières questions que constituent des mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative interdite par l'article 30 du traité, non justifiée par l'article 36 de celui-ci, les mesures d'un Etat membre subordonnant, pour un produit national, l'usage d'une dénomination de qualité, fut-elle facultative - ne constituant ni une appellation d'origine, ni une indication de provenance au sens de l'article 2, paragraphe 3, lettre s), de la directive de la Commission 70-50 du 22 décembre 1969 -, à la condition qu'une ou plusieurs phases du processus de production, antérieures à celles du stade de la production du produit fini, aient été accomplies sur le territoire national ;
33. Attendu que, compte tenu de la réponse donnée ci-dessus, relative à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité, le surplus de la première question et la troisième question ne nécessitent pas de réponse ;
Sur les dépens
34. Attendu que les frais exposés par le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et par la Commission des communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent pas faire l'objet de remboursement ;
Que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident, soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;
LA COUR,
Statuant sur les questions a elle soumises par le verwaltungsgericht de la freie hansestadt Bremen, par ordonnance du 18 janvier 1978, dit pour droit :
Constituent des mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative, interdite par l'article 30 du traité, non justifiée par l'article 36 de celui-ci, les mesures d'un Etat membre, subordonnant, pour un produit national, l'usage d'une dénomination de qualité, fut-elle facultative - ne constituant ni une appellation d'origine, ni une indication de provenance au sens de l'article 2, paragraphe 3, lettre s), de la directive de la Commission 70-50 du 22 décembre 1969 - à la condition qu'une ou plusieurs phases du processus de production, antérieures à celles du stade de la production du produit fini, aient été accomplies sur le territoire national.