CJCE, 28 juin 1978, n° 70-77
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Simmenthal (SA)
Défendeur :
Administration des finances
LA COUR,
1. Attendu que, par ordonnance du 28 mai 1977, parvenue au greffe de la Cour le 6 juin 1977, le Pretore d'Alessandria a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, différentes questions relatives, d'une part, à l'interprétation de l'article 12, et en particulier de son paragraphe 2, du règlement du Conseil n° 14-64 du 5 février 1964 portant établissement graduel d'une organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO du 27 février 1964, p.562) et de l'article 20, paragraphe 2, du règlement du Conseil n° 805-68 du 27 juin 1968 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO n° L 148 du 28 juin 1968, p. 24) et, d'autre part, à l'interprétation et à la validité de plusieurs dispositions de la directive du Conseil n° 72-462 du 12 décembre 1972 concernant des problèmes sanitaires et de police sanitaire lors de l'importation d'animaux des espèces bovine et porcine et des viandes fraîches en provenance de pays tiers (JO n° L 302 du 31 décembre 1972, p.28) ;
2. Que ces questions sont posées à l'occasion d'une procédure d'injonction, prévue par les articles 633 et suivants du Code de procédure civile italien, dont la firme Simmenthal a saisi le Pretore d'Alessandria en vue d'obtenir le remboursement de deux montants, l'un de 128 370 LIT, l'autre de 186 765 LIT, perçus par l'Administration italienne à titre de redevances de contrôle (Diritti di visita) à l'occasion de contrôles sanitaires auxquels ont été soumis, au moment de leur importation en Italie, respectivement les 29 novembre 1971 et 11 janvier 1973, deux lots de viande bovine congelée en provenance de pays tiers ;
3. Que selon la demanderesse au principal les redevances LITigieuses constitueraient des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, dont la perception serait incompatible avec les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64, et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 qui, l'un et l'autre, prohibent, sous réserve des exceptions ou des dérogations qu'ils prévoient, la perception de tout droit de douane et taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation dans la Communauté depuis un pays tiers, des viandes comestibles de l'espèce bovine domestique, fraîches, réfrigérées ou congelées ;
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
4. Attendu que le Gouvernement de la République italienne a soulevé la question de savoir si la Cour de justice pouvait être saisie d'un recours préjudiciel dans le cadre d'une procédure d'injonction dirigée contre une Administration, dont un particulier saisit le pretore italien ;
5. Qu'il fait valoir qu'une telle procédure n'a pas les caractéristiques d'une procédure contentieuse normale, en ce que le juge statue uniquement sur la base des allégations présentées par la partie demanderesse et peut condamner l'autre sans l'avoir mise en mesure de présenter ses observations ;
6. Que cette procédure ne devient contradictoire que si la partie condamnée forme opposition contre la décision d'injonction ;
7. Qu'il en résulterait que, dans le cadre de cette procédure, seule l'une des parties au principal serait en mesure de présenter des observations sur l'opportunité d'un renvoi à titre préjudiciel et, le cas échéant, de participer ou de collaborer avec le juge national à la rédaction des questions à soumettre à la Cour de justice, tandis que l'autre serait privée de toute possibilité à cet égard alors que, devant la Cour de justice, elle ne peut ni faire modifier ni même faire compléter les questions posées ;
8. Attendu que, selon l'article 177 du traité, la procédure de renvoi préjudiciel est ouverte à toute juridiction nationale ;
9. Qu'il suffit de constater, comme il a d'ailleurs été précédemment jugé, que le pretore exerce, dans le cadre de la procédure d'injonction, une fonction juridictionnelle au sens de l'article 177, et qu'une interprétation du droit communautaire a été, par lui, estimée nécessaire pour rendre sa décision, sans qu'il y ait lieu pour la Cour de considérer le stade de la procédure où la question a été posée ;
10. Attendu toutefois que, si l'article 177 ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule une question préjudicielle, il peut, le cas échéant, s'avérer de l'intérêt d'une bonne justice que la question préjudicielle ne soit posée qu'à la suite d'un débat contradictoire ;
11. Qu'il appartient cependant à la seule juridiction nationale d'apprécier cette nécessité :
Sur la première question
12. Attendu que, par la première question, il est demandé si les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 doivent être interprètes dans ce sens que toute charge pécuniaire, imposée dans un Etat membre et perçue à la frontière à l'occasion d'un contrôle sanitaire des animaux et des viandes bovines importés en provenance de pays tiers, constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane ;
13. Que cette question vise a savoir si les interdictions de percevoir des taxes d'effet équivalent, édictées par ces deux dispositions, s'étendent aux charges pécuniaires perçues à l'occasion de contrôles sanitaires effectués sur les animaux et les viandes bovines importés en provenance de pays tiers ;
14. Attendu que la Cour, dans l'arrêt du 7 mars 1972 (affaire 84-71, Marimex, Recueil p.98), a dit pour droit que la notion de taxe d'effet équivalant à un droit de douane, a, dans les articles 12, paragraphes 1 et 2 du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, la même portée que dans les articles 9 et suivants du traité ;
15. Qu'en conséquence, sont a considérer comme taxes d'effet équivalant à des droits de douane, au sens des articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, les charges pécuniaires quel que soit leur montant, imposées pour des raisons de contrôle sanitaire des animaux et des viandes bovines importés des pays tiers, a moins qu'elles ne relèvent d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement selon les mêmes critères et au même stade de commercialisation les produits nationaux et importés ;
Sur la deuxième question
16. Attendu que pour le cas où il serait répondu affirmativement à la première question, il est ensuite demandé à partir de quelle date l'interdiction de percevoir ces charges pécuniaires est applicable ;
17. Attendu qu'il y a lieu de répondre que, ainsi qu'il a déjà été constaté par la Cour dans l'arrêt du 7 mars 1972 (affaire 84-71, Marimex, Recueil p.99), les dispositions de l'article 12, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 14-64 ont commencé à sortir leurs effets le 1 novembre 1964, et celles de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 le 29 juillet 1968 ;
Sur les troisième et quatrième questions
18. Attendu que par les troisième et quatrième questions il est demandé si la directive du Conseil n° 72-462 du 12 décembre 1972, et en particulier les articles 12, paragraphe 8, 23, paragraphe 4, et 26, autorisent les Etats membres a 'réintroduire des droits sanitaires' et, le cas échéant, à partir de quelle date (troisième question) et, dans l'affirmative, si cette directive et notamment les articles mentionnes ci-dessus doivent alors être considérés comme valides (quatrième question) ;
19. Que, considérées à la lumière des articles 12 du règlement n° 14-64 et 20, du règlement n° 805-68, ces questions visent à savoir si les articles cités de la directive n° 72-462 constituent des exceptions ou dérogations au sens desdits articles 12, paragraphe 2, et 20, paragraphe 2, a l'interdiction de principe de percevoir des taxes d'effet équivalent que les mêmes dispositions édictent et, dans l'affirmative, si ces règlements pouvaient légitimement prévoir la possibilité de faire exception ou de déroger à cette interdiction ;
20. Qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu si le Conseil et, le cas échéant, la Commission peuvent, dans les règlements qu'ils édictent, prévoir des exceptions ou dérogations de cette nature ;
21. Attendu que l'élimination des taxes d'effet équivalant à des droits de douane poursuit, lorsqu'elle concerne les échanges avec les pays tiers, des objectifs différents et à un fondement juridique distinct de ceux qui fondent et justifient leur interdiction dans les échanges intracommunautaires ;
22. Qu'en ce qui concerne le commerce intracommunautaire, il s'agit d'une interdiction édictée par le traité lui-même en son article 9, inconditionnelle et absolue, parce qu'elle vise à instituer la libre circulation des produits à l'intérieur de la Communauté ;
23. Qu'en ce qui concerne les échanges avec les pays tiers, par contre, la question de savoir s'il y a lieu de supprimer, de maintenir, de modifier ou d'instituer des taxes d'effet équivalent doit être mise en rapport, à la fois avec les exigences de la politique commerciale commune et avec celles, résultant de l'établissement du tarif douanier commun, d'une égalisation des conditions d'importation à partir des pays tiers ;
24. Que, compte tenu de ces différences, on ne saurait appliquer aux échanges avec les pays tiers les principes dégagés par la Cour dans l'arrêt du 25 janvier 1977 (affaire 46-76, Bauhuis, Recueil p. 5) selon lequel échappent à la qualification de taxes d'effet équivalent, au sens des articles 9, 12 et 13 du traité, les redevances de contrôle sanitaire perçues en vue de couvrir les frais de contrôles uniformes, imposés par un règlement ou une directive communautaire, à l'Etat membre de départ et qui, en visant à rendre superflus les contrôles aux frontières intracommunautaires, constituent des opérations de suppression des obstacles aux échanges entre Etats membres ;
25. Qu'en effet, ces considérations ne jouent pas en ce qui concerne des charges pécuniaires relatives aux contrôles sur les produits en provenance de pays tiers, ou il s'agit, non de supprimer mais plutôt d'uniformiser les redevances et où l'interdiction, le maintien, la modification ou l'institution des taxes d'effet équivalent sont inspirés à la fois par le souci d'égaliser les charges aux frontières extérieures de la Communauté et par des considérations de politique commerciale commune ;
26. Qu'il résulte de ces mêmes considérations que, en ce qui concerne les échanges avec les pays tiers, l'interdiction n'est pas absolue et que, lorsque le Conseil ou, le cas échéant, la Commission l'édicte, ils peuvent l'assortir d'exceptions ou de dérogations ;
27. Qu'il découle cependant de la prise en considération des objectifs mentionnés que, dans le cas de charges pécuniaires prélevées en sus de droits de douane institués par la Communauté, il ne pourra s'agir que de charges ayant, en tant que telles, une incidence uniforme dans tous les Etats membres sur les échanges concernés avec les pays tiers ;
28. Que, des lors, en prévoyant dans les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, la possibilité de pareilles exceptions ou dérogations, le Conseil n'a, à aucun égard, violé le traité ni les règles prises pour son application ;
29. Qu'il y a donc lieu d'examiner si les taxes d'effet équivalent auxquelles se réfère la juridiction nationale ne tombent pas sous une des exceptions ou dérogations réservées par les règlements cités ;
30. Attendu que l'article 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 dispose que : 'pour les importations en provenance de pays tiers, sont incompatibles avec l'application du présent règlement : la perception de tout droit de douane ou taxe d'effet équivalent autres que ceux prévus par le présent règlement... ' ;
31. Que ce règlement ne prévoit toutefois pas lui-même, en ce qui concerne les taxes de contrôle sanitaire, d'exception à l'interdiction qu'il édicte ;
32. Qu'il y a cependant lieu d'observer que ce règlement a été abrogé avec effet au 29 juillet 1968 et remplacé par le règlement n° 805-68 ;
33. Attendu que l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, qui fait partie du titre II de ce règlement, consacre aux échanges avec les pays tiers, dispose que 'sauf dispositions contraires du présent règlement ou dérogation décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission selon la procédure de vote prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité, sont interdites : la perception de toute taxe d'effet équivalant à un droit de douane...' ;
34. Attendu que, si le règlement n° 805-68 ne contient aucune exception relative aux taxes de contrôle sanitaire, il y a cependant lieu de rechercher si l'existence d'une dérogation telle qu'indiquée à l'article 20, paragraphe 2, ne résulte pas d'autres textes ;
35. Qu'en effet, les troisième et quatrième questions posées par la juridiction de renvoi visent essentiellement à savoir si les articles 12, paragraphe 8, 23, paragraphe 4, et 26 de la directive n° 72-462 contiennent pareille dérogation ;
36. Attendu que la directive du Conseil n° 72-462 du 12 décembre 1972 (JO n° L 302, p.28) concernant des problèmes sanitaires et de police sanitaire lors de l'importation d'animaux des espèces bovine et porcine et de viandes fraîches en provenance de pays tiers prévoit l'organisation d'un contrôle sanitaire uniforme dont les modalités doivent être établies, suivant le cas, par le Conseil, la Commission ou les Etats membres ;
37. Que l'article 12, paragraphes 1 et 7, et les articles 23, 24 et 25 de la directive obligent les Etats membres à effectuer un contrôle sanitaire à l'importation des animaux (article 12) et des viandes fraîches (articles 23, 24 et 25) et que les articles 12, paragraphe 8, 23, paragraphe 4, et 26 disposent que les frais occasionnés par l'application des articles en question 'sont à charge de l'expéditeur, du destinataire ou de leur mandataire sans indemnisation de l'état' ;
38. Que ces dispositions, en prévoyant que les frais des contrôles sanitaires et de salubrité en cause doivent être mis à charge des opérateurs économiques désignés, n'interdisent pas que cette mise à charge se fasse par l'établissement de redevances pour autant que celles-ci ne dépassent pas les coûts réels des contrôles ;
39. Qu'ainsi, elles constituent une dérogation au sens de l'article 20, du règlement n° 805-68, à l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalent, édictée par cette même disposition ;
40. Attendu cependant que, pour que ces dérogations puissent avoir effet, il faut que les contrôles, dont elles doivent permettre de couvrir les frais, aient été organisés conformément à la directive et appliqués par les Etats membres concernés ;
41. Qu'en effet, chacune des dispositions visées indique clairement que ce sont les frais occasionnés par l'application des articles 12, 23, 24 et 25 de la directive qui sont à récupérer ;
42. Attendu que l'article 32 de la directive n° 72-462 dispose que :
'1) Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions de la présente directive et de ses annexes :
A) Pour le 1er octobre 1973 en ce qui concerne les dispositions de l'article 23, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous a), b), et c) ;
B) Pour le 1er janvier 1976 en ce qui concerne toutes les autres dispositions, à l'exception de celles prévoyant une procédure communautaire ;
2) Ils se conforment aux dispositions prévoyant une procédure communautaire prévue par la directive pour le 1 janvier 1977 ; toutefois, un délai minimum de deux ans doit intervenir entre l'adoption des mesures arrêtées sur la base de ces dispositions et la date précitée.' ;
43. Qu'en outre, le paragraphe 3 de la même disposition dispose que : 'à la date fixée au paragraphe 2, les articles 4 et 11 de la directive du Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires d'animaux des espèces bovine et porcine, et l'article 9 de la directive du Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches, sont abrogés' ;
44. Qu'ainsi, comme l'indique d'ailleurs le dernier considérant de la directive n° 72-462, un grand nombre des dispositions de celle-ci ne peut être mis en vigueur, sans qu'au préalable les mesures nécessaires aient été prises par les autorités communautaires, notamment dans le cadre de la procédure du comité vétérinaire permanent, visée aux articles 29 et 30 de la directive ;
45. Attendu que la mise en œuvre des contrôles sanitaires et de salubrité relatifs aux animaux et aux viandes fraîches en provenance de pays tiers prévue par les articles 12, 23, 24 et 25 de la directive exigé - pour autant, en tout cas, qu'elle concerne des échanges et transports autres que le transit à travers la Communauté d'un pays tiers vers un autre pays tiers - que soient prises différentes mesures d'exécution par les instances communautaires compétentes ;
46. Qu'ainsi, selon l'article 23, paragraphe 2, premier tiret, le contrôle doit révéler que ces viandes proviennent du territoire ou d'une partie de territoire d'un pays tiers inscrit sur la liste visée à l'article 3, arrêtée par le Conseil et publiée au journal officiel, tandis que selon le troisième tiret de la même disposition elles doivent être accompagnées d'un certificat sanitaire établi conformément à un modèle arrêté sur avis du comite vétérinaire permanent, et d'un certificat de salubrité conforme à l'annexe C de la directive ;
47. Qu'en outre, l'article 4 de la directive prévoit que la liste des pays tiers doit être complétée par une liste des établissements situés dans ces pays (abattoirs, ateliers de découpe, entrepôts frigorifiques) en provenance desquels les Etats membres peuvent autoriser l'importation de viandes fraîches ;
48. Que l'article 16 prévoit que ne peuvent être importées que des viandes répondant à des conditions de police sanitaire à arrêter conformément à la procédure du comité vétérinaire permanent ;
49. Que selon le paragraphe 1, de l'article 24, chaque lot de viandes fraîches doit, à l'importation, être soumis à un contrôle de salubrité, ainsi qu'à un contrôle effectué par un vétérinaire officiel et que selon le paragraphe 3 de la même disposition " les modalités d'application nécessaires pour assurer l'exécution uniforme des contrôles visés au paragraphe 1 " sont arrêtées suivant la procédure visée à l'article 29 ;
50. Qu'enfin, l'article 27 prévoit que les Etats membres établissent et communiquent à la Commission les listes des postes de contrôle pour l'importation d'animaux et de viandes fraîches et que ces postes doivent être agrées selon la procédure du comité vétérinaire permanent ;
51. Que, s'il semble que la liste visée à l'article 23, paragraphe 2, premier tiret, a été établie, elle n'a, en tout cas pas été publiée au Journal Officiel, tandis que selon les déclarations de la Commission, les mesures d'exécution ci-dessus mentionnées n'ont pas encore été édictées, de sorte que la mise en œuvre des articles 12, 23, 24 et 25 de la directive n'est pas possible ;
52. Qu'il résulte de ces considérations que les conditions mises par la directive n° 72-462 elle-même, pour fonder, par dérogation à l'interdiction de prélever les taxes d'effet équivalent, la perception de redevances de contrôle sanitaire, n'étant pas réalisées, cette directive ne peut justifier, dans l'état présent de sa mise en œuvre, la perception desdites redevances ;
53. Qu'on ne saurait, par ailleurs, admettre le point de vue que les Etats membres, en appliquant les législations sanitaires nationales en vigueur au moment où fut édictée la directive, auraient en quelque sorte appliqué celle-ci par anticipation, motif pris de ce que les contrôles exécutés en vertu de ces législations offriraient en fait, du point de vue de la santé et de la salubrité publiques, des garanties analogues à celles que vise à réaliser la directive ;
54. Qu'en effet, l'objet de la directive n'est pas de renforcer dans les Etats membres les systèmes de protection de la santé et de la salubrité publiques, mais d'assurer l'uniformité des systèmes de contrôle en vue de prévenir des distorsions de concurrence et des détournements de trafic dans le Marché commun ;
55. Qu'il y a donc lieu de répondre aux troisième et quatrième questions :
A) Que le Conseil ne viole aucune disposition du droit communautaire en prévoyant dans les règlements qu'il édicte et en particulier dans les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 la possibilité d'apporter des exceptions ou dérogations - à établir sous les formes qu'il détermine - à l'interdiction de prélever des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers, pour autant toutefois qu'il s'agisse de charges ayant en tant que telles une incidence uniforme dans tous les Etats membres sur les échanges concernés avec les pays tiers ;
B) Que, si les articles 12, paragraphe 8, 23, paragraphe 4, et 26 de la directive n° 72-462 prévoient, en ce qui concerne les frais de contrôle sanitaire sur les importations des animaux et de viandes fraîches en provenance de pays tiers, des dérogations à l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalent, édictée à l'article 20 du règlement n° 805-68, ces dérogations ne pourront avoir effet qu'après que les Etats membres auront été mis en mesure d'organiser, conformément aux prescriptions de la directive, les contrôles visés aux articles 12, 23, 24 et 25 de celle-ci ;
Sur les cinquième et sixième questions
56. Attendu que les réponses données aux troisième et quatrième questions rendent un examen des autres questions sans objet ;
57. Attendu, toutefois, que, pour fournir à la juridiction nationale, en vue de l'application du droit communautaire dans le litige soumis à son appréciation, une réponse utile, il y a lieu d'examiner si une exception ou dérogation telle que prévue aux articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, ne doit pas être reconnue sur la base d'autres dispositions du droit communautaire ;
58. Qu'à cet égard la Commission invoque l'article 9 de la directive n° 64-433 du 26 juin 1964 (JO du 29 juillet 1964, p.2012) relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches, selon lequel 'au cas ou le régime communautaire relatif aux importations de viandes fraîches en provenance de pays tiers ne serait pas applicable au moment de la mise en application de la présente directive, et en attendant son application, les dispositions nationales applicables aux produits importés en provenance de ces pays ne devraient pas être plus favorables que celles qui régissent les échanges intracommunautaires' ;
59. Attendu que ledit article 9, bien qu'inscrit dans une directive relative aux contrôles sanitaires dans les échanges intracommunautaires de viandes fraîches, a pour objet spécifique d'instituer, a titre provisoire, en attendant la mise en application du système communautaire relatif aux importations de viandes fraîches en provenance de pays tiers, une règle applicable aux régimes nationaux demeures en vigueur, en vue d'empêcher qu'ils soient moins sévères ou moins onéreux que le régime de contrôle prévu par la directive pour les échanges intracommunautaires ;
60. Que cette règle - qui tend manifestement à assurer que les opérateurs économiques qui mettent sur le marché des viandes fraîches d'origine communautaire ne soient pas défavorisés par rapport a leurs concurrents qui importent des viandes en provenance de pays tiers - visé de ce fait, non seulement les contrôles eux-mêmes mais encore les redevances perçues à cette occasion ;
61. Que la même règle est exprimée dans la résolution du Conseil du 12 mars 1968 (JO n° C 22, p. 18) sur les mesures communautaires à prendre dans le domaine vétérinaire, dans l'article 11 de la directive n° 64-432 du Conseil du 26 juin 1964 (JO, p. 1977) relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires d'animaux des espèces bovine et porcine, dans l'article 15 de la directive n° 71-118 du Conseil du 15 février 1971 (JO n° L 55, p. 23) relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges de viandes fraîches de volaille et dans l'article 17 de la directive du Conseil n° 77-99 du 21 décembre 1976 (JO 1977, n° L 26, p. 85) relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de produits à base de viande ;
62. Qu'elle a été également reprise en 1972, dans l'article 11 de la directive n° 72-461 du Conseil du 12 décembre 1972 (JO n° L 302, p. 24) relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches, complétant la directive n° 64-433 ;
63. Que selon le dernier considérant de la directive n° 72-461 la disposition en cause est destinée à consacrer " dans la présente directive, le principe général de la non-discrimination et que, dès lors, il convient de prescrire expressément, en attendant des règles communautaires précises en matière d'importations en provenance des pays tiers, que le régime à appliquer aux pays tiers par chaque Etat membre ne doit pas être plus favorable que le régime appliqué, en vertu de cette directive, aux échanges entre les Etats membres ; "
64. Qu'il y a enfin lieu de relever qu'il est expressément fait référence à cette règle dans l'article 32, paragraphe 3, de la directive n° 72-462, citée par le Pretore d'Alessandria, qui dispose que l'article 9 de la directive n° 64-433 demeure en vigueur aussi longtemps que les Etats membres n'auraient pas été en mesure de mettre en vigueur celles des dispositions de la directive " prévoyant une procédure communautaire " ;
65. Qu'il suit de ces considérations que l'article 9 de la directive n° 64-433, combiné avec l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, déroge, en ce qui concerne les contrôles sanitaires et de salubrité sur des viandes fraîches en provenance de pays tiers, à l'interdiction de percevoir des redevances de contrôles sanitaires, dans la mesure nécessaire à assurer un traitement non discriminatoire, d'une part, des opérateurs économiques qui, mettant dans les échanges intracommunautaires, des viandes fraîches sur le marché, sont assujettis, de ce fait, au paiement de redevances de contrôle sanitaire dans l'Etat membre de départ, et, d'autre part, de ceux qui importent en provenance de pays tiers, à la condition que ces redevances ne dépassent pas les coûts réels des contrôles ;
66. Que si, en ce qui concerne le règlement n° 14-64, il se s'agit pas strictement d'une exception prévue par ce règlement, ainsi que semblerait exiger une interprétation LITtérale de l'article 12, paragraphe 2, dudit règlement, on ne saurait admettre que pour le seul règlement n° 14-64, par l'emploi des mots " présent règlement ", le Conseil aurait entendu écarter l'application d'une règle qu'il a pris soin de répéter dans un grand nombre de textes de même nature ;
67. Que la volonté de maintenir le principe de non-discrimination, exprime à l'article 9 de la directive n° 64-433, est confirmée par l'article 6 de la directive du Conseil n° 77-98 du 21 décembre 1976 (JO n° L 26 du 31 janvier 1977, p. 81) modifiant, entre autres, l'article 33 de la directive n° 72-462, la version modifiée disposant que lors de l'application des articles 8 et 16 de la directive n° 72-462 les dispositions communautaires à arrêter dans le cadre des échanges avec les pays tiers doivent prévoir des exigences sanitaires " au moins aussi sévères que celles que les Etats membres appliquent dans le cadre des échanges intracommunautaires " ;
68. Que c'est dans ce sens qu'il doit être répondu à la juridiction nationale ;
Sur les dépens
69. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement italien, le Conseil et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement ;
70. Que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident, soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;
LA COUR,
Statuant sur les questions a elle soumises par le pretore d'Alessandria, par ordonnance du 28 mai 1977, dit pour droit :
1. Sont à considérer comme taxes d'effet équivalant à des droits de douane, au sens des articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, les charges pécuniaires quel que soit leur montant, imposées pour des raisons de contrôle sanitaire des animaux et des viandes bovines importés des pays tiers, à moins qu'elles ne relèvent d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement selon les mêmes critères et au même stade de commercialisation les produits nationaux et importés.
2. Les dispositions de l'article 12, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 14-64 ont commencé à sortir leurs effets le 1 novembre 1964, et celles de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 le 29 juillet 1968.
3. A) Le Conseil ne viole aucune disposition du droit communautaire en prévoyant dans les règlements qu'il édicte et en particulier dans les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68 la possibilité d'apporter des exceptions ou dérogations - à établir sous les formes qu'il détermine - à l'interdiction de prélever des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers, pour autant toutefois qu'il s'agisse de charges ayant en tant que telles une incidence uniforme dans tous les Etats membres sur les échanges concernés avec les pays tiers ;
B) Si les articles 12, paragraphe 8, 23, paragraphe 4, et 26 de la directive n° 72-462 prévoient, en ce qui concerne les frais de contrôle sanitaire sur les importations d'animaux et de viandes fraîches en provenance de pays tiers, des dérogations à l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalent, édictée a l'article 20 du règlement n° 805-68, ces dérogations ne pourront avoir effet qu'après que les Etats membres auront été mis en mesure d'organiser, conformément aux prescriptions de la directive, les contrôles visés aux articles 12, 23, 24 et 25 de celle-ci ;
4. L'article 9 de la directive n° 64-433 du Conseil, combiné avec les articles 12, paragraphe 2, du règlement n° 14-64 et 20, paragraphe 2, du règlement n° 805-68, déroge, en ce qui concerne les contrôles sanitaires et de salubrité sur des viandes fraîches en provenance de pays tiers, à l'interdiction de percevoir des redevances de contrôle sanitaire, dans la mesure nécessaire à assurer un traitement non discriminatoire, d'une part, des opérateurs économiques qui, mettant dans les échanges intracommunautaires des viandes fraîches sur le marché, sont assujettis, de ce fait, au paiement de redevances de contrôle sanitaire dans l'Etat membre de départ, et, d'autre part, de ceux qui importent en provenance de pays tiers, à la condition que ces redevances ne dépassent pas les couts réels des contrôles.