CJCE, 28 avril 1998, n° C-120/95
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Nicolas Decker
Défendeur :
Caisse de maladie des employés privés
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Gulmann, Ragnemalm
Avocat général :
M. Tesauro
Juges :
MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Murray, Edward, Puissochet, Hirsch, Jann
Avocats :
Mes Braun, Wagner, Watson, Rodesch
LA COUR,
1 Par jugement du 5 avril 1995, parvenu à la Cour le 7 avril suivant, le conseil arbitral des assurances sociales a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CE.
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant M. Decker, ressortissant luxembourgeois, à la Caisse de maladie des employés privés (ci-après la "caisse") au sujet d'une demande de remboursement d'une paire de lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d'un opticien établi à Arlon (Belgique) sur ordonnance d'un ophtalmologiste établi à Luxembourg.
3 Par lettre du 14 septembre 1992, la caisse a informé M. Decker qu'elle refusait de lui rembourser ces lunettes au motif qu'elles avaient été achetées à l'étranger sans son autorisation préalable.
4 M. Decker a contesté cette décision en invoquant, notamment, les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises. Saisie d'un recours, la caisse a, par décision de son comité directeur du 22 octobre 1992, maintenu sa position, en sorte qu'elle a rejeté la demande de M. Decker.
5 Ce dernier a déposé une requête devant le conseil arbitral des assurances sociales qui a, par ordonnance du 24 août 1993, rejeté le recours.
6 Par requête du 8 septembre 1993, M. Decker a formé opposition contre cette ordonnance devant le conseil arbitral des assurances sociales, laquelle a été rejetée par jugement du 20 octobre 1993 au motif, notamment, que l'affaire n'avait aucun lien avec la libre circulation des marchandises, mais avec le droit de la sécurité sociale, c'est-à-dire avec le règlement (CEE) n° 1408-71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté [voir version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118-97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1)].
7 M. Decker s'est pourvu en cassation. Par arrêt du 12 janvier 1995, le jugement du conseil arbitral des assurances sociales a été cassé et annulé, en sorte que l'affaire a été renvoyée devant le conseil arbitral des assurances sociales qui a, par jugement du 5 avril 1995, décidé que les articles 60 du Code des assurances sociales et 58 des statuts de l'Union des caisses de maladie des salariés étaient applicables au litige.
8 L'article 60 du Code des assurances sociales luxembourgeois, dans sa version en vigueur à l'époque des faits au principal, prévoyait notamment:
"Les assurés ont le droit de s'adresser au médecin, au médecin-dentiste, au pharmacien, à l'hôpital ou à l'auxiliaire médical de leur choix.
Pourront seuls être chargés de la prestation de soins et de services sur le territoire du Grand-Duché:
1- les médecins, médecins-dentistes, pharmaciens, hôpitaux, sages-femmes, auxiliaires médicaux admis à exercer leur profession sur tout ou partie du Grand-Duché.
2- les médecins étrangers appelés en consultation au Grand-Duché avec l'accord du médecin traitant et du médecin-conseil, le tout sans préjudice d'arrangements internationaux plus larges.
Toutefois, les assurés ne pourront se faire traiter à l'étranger qu'avec le consentement de leur caisse de maladie, à moins qu'il ne s'agisse des premiers soins en cas d'accident ou de maladie survenus à l'étranger.
Le consentement de la caisse de maladie ne pourra être refusé si le traitement à l'étranger est recommandé par le médecin traitant de l'assuré et un médecin-conseil ou si le traitement nécessité n'est pas possible au Grand-Duché."
9 La prise en charge des montures de lunettes et de verres correcteurs était régie, lors des faits au principal, par l'article 78 des statuts de l'Union des caisses de maladie et par la convention collective du 30 juin 1975, conclue en vertu de l'article 308 bis du Code des assurances sociales entre l'Union des caisses de maladie et le groupement professionnel représentatif des opticiens.
10 L'article 78 des statuts de l'Union des caisses de maladie prévoit:
"Les lunettes et autres aides visuelles sont à la charge de la caisse de maladie jusqu'à concurrence des tarifs et suivant les modalités fixées dans les conventions ou sentences en tenant lieu conformément à l'article 308 bis du Code des assurances sociales."
11 L'article 2 de la convention collective du 30 juin 1975 prévoit que, sous réserve des dispositions communautaires et internationales concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants et assimilés, la livraison de lunettes aux affiliés se fera, pour autant qu'il s'agit de personnes domiciliées ou résidant à Luxembourg, par les opticiens inscrits au rôle de la chambre des métiers de Luxembourg et établis au Grand-Duché.
12 En application de ces dispositions, le remboursement se faisait sur une base forfaitaire et plafonnée, pour les montures, à la somme de 1 600 LFR.
13 En ce qui concerne le remboursement des verres correcteurs, les tarifs de remboursement étaient fixés à l'annexe A de la convention collective du 30 juin 1975. Aux termes de l'article 12 de cette convention collective, l'adaptation vers le haut ou vers le bas des montants remboursables des verres correcteurs fixés à l'annexe A était opérée par référence aux seules listes des prix des firmes Zeiss et American Optical.
14 Le Code des assurances sociales et les statuts de l'Union des caisses de maladie ont fait l'objet de modifications substantielles en 1992. Toutefois, le principe posé par l'ancien article 60 du Code des assurances sociales relatif à l'autorisation préalable de la caisse de maladie pour tout traitement médical effectué à l'étranger est repris au nouvel article 20 dudit Code.
15 S'agissant du règlement n° 1408-71, son article 22 dispose notamment:
"1. Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l'État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et:
...
c) qui est autorisé par l'institution compétente à se rendre sur le territoire d'un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,
a droit:
i) aux prestations en nature servies, pour le compte de l'institution compétente, par l'institution du lieu de séjour ou de résidence, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, comme s'il y était affilié, la durée de service des prestations étant toutefois régie par la législation de l'État compétent;
ii) aux prestations en espèces servies par l'institution compétente selon les dispositions de la législation qu'elle applique. Toutefois, après accord entre l'institution compétente et l'institution du lieu de séjour ou de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution pour le compte de la première, selon des dispositions de la législation de l'État compétent.
2. ...
L'autorisation requise au titre du paragraphe 1, point c), ne peut pas être refusée lorsque les soins dont il s'agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside l'intéressé et si ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l'évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s'agit dans l'État membre de résidence.
3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 sont applicables par analogie aux membres de la famille d'un travailleur salarié ou non salarié.
..."
16 Doutant de la compatibilité de ces dispositions avec le droit communautaire, plus particulièrement avec les articles 30 et 36 du traité, le conseil arbitral des assurances sociales a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
"L'article 60 du Code des assurances sociales luxembourgeois en application duquel un organisme de sécurité sociale d'un État membre A refuse à un assuré, ressortissant du même État membre A, de rembourser des lunettes avec verres correcteurs, prescrites par un médecin établi dans le même État mais achetées auprès d'un opticien établi dans un État membre B, au motif que tout traitement médical à l'étranger doit être autorisé au préalable par ledit organisme de sécurité sociale est-il compatible avec les articles 30 et 36 du traité CEE dans la mesure où il sanctionne de manière générale l'importation par des personnes privées de médicaments ou comme dans l'espèce de lunettes en provenance d'autres États membres?"
17 M. Decker ainsi que la Commission estiment qu'une réglementation nationale en application de laquelle est refusé à un assuré le remboursement de produits normalement remboursés, sous réserve d'une autorisation préalable de l'organisme de sécurité sociale dudit assuré, constitue une entrave non justifiée à la libre circulation des marchandises.
18 En revanche, les Gouvernements luxembourgeois, belge, français et du Royaume-Uni font valoir, à titre principal, qu'une réglementation telle que celle au principal ne relève pas des articles 30 et 36 du traité, dans la mesure où elle concerne la sécurité sociale. Ils prétendent, à titre subsidiaire, que ces mêmes dispositions ne s'opposent pas, en tout état de cause, au maintien d'une telle réglementation. Les Gouvernements allemand, espagnol et néerlandais partagent cette dernière analyse.
19 Eu égard aux observations présentées, il convient d'examiner successivement les questions relatives, d'abord, à l'application du principe de libre circulation au domaine de la sécurité sociale, ensuite, à l'incidence du règlement n° 1408-71 et, enfin, à l'application des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises.
Sur l'application du principe fondamental de libre circulation au domaine de la sécurité sociale
20 Les Gouvernements luxembourgeois, belge, français et du Royaume-Uni font valoir, à titre principal, que la réglementation au principal, qui vise le remboursement des prestations de soins, ne relève pas des dispositions de l'article 30 du traité, dans la mesure où elle concerne un domaine particulier de la sécurité sociale.
21 A titre liminaire, il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence constante, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (arrêts du 7 février 1984, Duphar e.a., 238-82, Rec. p. 523, point 16, et du 17 juin 1997, Sodemare e.a., C-70-95, Rec. p. I-3395, point 27).
22 Dès lors, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, d'une part, les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale (arrêts du 24 avril 1980, Coonan, 110-79, Rec. p. 1445, point 12, et du 4 octobre 1991, Paraschi, C-349-87, Rec. p. I-4501, point 15) et, d'autre part, les conditions qui donnent droit à des prestations (arrêt du 30 janvier 1997, Stöber et Piosa Pereira, C-4-95 et C-5-95, Rec. p. I-511, point 36).
23 Ainsi que l'a relevé M. l'Avocat général aux points 17 à 25 de ses conclusions, les États membres doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit communautaire.
24 En effet, la Cour a constaté que les mesures prises par les États membres en matière de sécurité sociale, qui peuvent avoir une incidence sur la commercialisation des produits médicaux et influencer indirectement les possibilités d'importation de ces produits, sont soumises aux règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises (voir arrêt Duphar e.a., précité, point 18).
25 Par conséquent, le fait que la réglementation nationale en cause au principal relève du domaine de la sécurité sociale n'est pas de nature à exclure l'application de l'article 30 du traité.
Sur l'incidence du règlement n° 1408-71
26 Le Gouvernement luxembourgeois estime que l'article 22 du règlement n° 1408-71 pose le principe de l'exigence d'une autorisation préalable à tout traitement dans un autre État membre. Selon ce gouvernement, la contestation des dispositions nationales relatives à la prise en charge des prestations obtenues à l'étranger reviendrait à mettre en cause la validité de la disposition analogue contenue dans le règlement n° 1408-71.
27 A cet égard, il convient de constater que le fait qu'une mesure nationale puisse éventuellement être conforme à une disposition de droit dérivé, en l'occurrence l'article 22 du règlement n° 1408-71, n'a pas pour effet de faire échapper cette mesure aux dispositions du traité.
28 En outre, ainsi que l'a relevé M. l'Avocat général aux points 55 et 57 de ses conclusions, l'article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1408-71 vise à permettre à l'assuré, qui est autorisé par l'institution compétente à se rendre dans un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état, de bénéficier des prestations de maladie en nature, pour le compte de l'institution compétente, mais selon les dispositions de la législation de l'État dans lequel les prestations sont servies, notamment au cas où le transfert devient nécessaire compte tenu de l'état de santé de l'intéressé, et ce sans subir des frais supplémentaires.
29 En revanche, il y a lieu de constater que l'article 22 du règlement n° 1408-71, interprété à la lumière de son objectif, n'a pas pour objet de réglementer et, dès lors, n'empêche nullement le remboursement par les États membres, aux tarifs en vigueur dans l'État compétent, des produits médicaux achetés dans un autre État membre, même en l'absence d'autorisation préalable.
30 Par conséquent, il convient d'examiner la compatibilité d'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises.
Sur l'application des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises
31 Il y a lieu d'examiner si une réglementation telle que celle au principal est susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5).
32 M. Decker ainsi que la Commission estiment que l'existence d'un système qui soumet la prise en charge de produits médicaux, selon les modalités de l'État d'affiliation, à une autorisation préalable de l'institution compétente de cet État lorsque les produits sont fournis dans un autre État membre constitue une restriction à la libre circulation des marchandises au sens de l'article 30 du traité.
33 Les États membres qui ont présenté des observations font en substance valoir qu'une réglementation telle que celle au principal n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre les flux commerciaux, mais se contente d'établir les modalités auxquelles est soumis le remboursement de frais médicaux. Une telle réglementation ne se traduirait pas par une interdiction d'importer des lunettes et n'aurait pas non plus d'incidence directe sur la possibilité de les acheter en dehors du territoire national. Enfin, elle n'interdirait pas aux opticiens luxembourgeois d'importer des lunettes et des verres correcteurs provenant d'autres États membres, de les transformer et de les vendre.
34 A cet égard, il convient de constater que la réglementation au principal incite les assurés sociaux relevant du régime luxembourgeois à acheter et à faire monter leurs lunettes par des opticiens établis au Grand-Duché plutôt que dans d'autres États membres.
35 S'il est vrai que la réglementation nationale en cause au principal ne prive pas les assurés de la possibilité d'acheter des produits médicaux dans un autre État membre, il n'en reste pas moins qu'elle subordonne à une autorisation préalable le remboursement des frais encourus dans cet État et refuse un tel remboursement aux assurés qui ne sont pas en possession de cette autorisation. Les frais encourus dans l'État d'affiliation ne sont cependant pas soumis à une telle autorisation.
36 Une telle réglementation doit être qualifiée d'entrave à la libre circulation des marchandises du fait qu'elle incite les assurés sociaux à acheter ces produits au Grand-Duché plutôt que dans d'autres États membres et, partant, est de nature à freiner l'importation de lunettes montées dans ces États (voir arrêt du 7 mai 1985, Commission/France, 18-84, Rec. p. 1339, point 16).
37 Le Gouvernement luxembourgeois soutient cependant que la libre circulation des marchandises n'est pas absolue et que la réglementation au principal, qui aurait pour objet le contrôle des dépenses de santé qui doivent nécessairement être prises en considération, serait à ce titre justifiée.
38 En revanche, M. Decker prétend que, en cas de remboursement de son achat, les mêmes charges financières viendraient grever le budget de la caisse, puisqu'elle ne fait que rembourser un forfait concernant tant la monture que les verres correcteurs vendus par un opticien. Ce forfait étant fixé indépendamment des frais réellement exposés, il n'y aurait pas de raison objective pour la caisse de refuser le remboursement lorsque l'achat est effectué auprès d'un opticien établi dans un autre État membre. La réglementation en cause au principal ne saurait donc être justifiée par le besoin de contrôler les dépenses de santé.
39 A cet égard, il y a lieu de relever que des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises. Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier pareille entrave.
40 Or, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le Gouvernement luxembourgeois en réponse à une question posée par la Cour, force est de constater que le remboursement forfaitaire de lunettes et de verres correcteurs achetés dans d'autres États membres n'aurait pas d'incidence sur le financement ou l'équilibre du système de sécurité sociale.
41 Les Gouvernements belge, allemand et néerlandais ont également fait valoir que le droit pour les assurés d'avoir accès à des soins de qualité constituait une justification de la réglementation au principal au titre de la protection de la santé publique, prévue par l'article 36 du traité. Le Gouvernement belge ajoute que la fourniture de lunettes devrait être effectuée par des personnes légalement autorisées à exercer la profession. Si les prestations sont effectuées dans un autre État membre, le contrôle de leur bonne exécution serait fortement remis en cause, voire même impossible.
42 A cet égard, il y a lieu de souligner que les conditions d'accès et d'exercice des professions réglementées ont fait l'objet des directives 92-51-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89-48-CEE (JO L 209, p. 25), et 95-43-CE de la Commission, du 20 juillet 1995, modifiant les annexes C et D de la directive 92-51 (JO L 184, p. 21).
43 Cela implique que l'achat d'une paire de lunettes auprès d'un opticien établi dans un autre État membre présente des garanties équivalentes à celles offertes lors de la vente d'une paire de lunettes par un opticien établi sur le territoire national (voir, en ce qui concerne l'achat de médicaments dans un autre État membre, arrêts du 7 mars 1989, Schumacher, 215-87, Rec. p. 617, point 20, et du 8 avril 1992, Commission/Allemagne, C-62-90, Rec. p. I-2575, point 18).
44 En outre, il convient de souligner que, dans l'affaire au principal, l'achat des lunettes a été effectué sur ordonnance d'un ophtalmologiste, ce qui garantit la protection de la santé publique.
45 Il s'ensuit qu'une réglementation telle que celle applicable au principal n'est pas justifiée par des motifs de santé publique afin de garantir la qualité des produits médicaux fournis dans d'autres États membres.
46 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre que les articles 30 et 36 du traité s'opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle un organisme de sécurité sociale d'un État membre refuse à un assuré le remboursement forfaitaire d'une paire de lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d'un opticien établi dans un autre État membre, au motif que l'achat de tout produit médical à l'étranger doit être au préalable autorisé.
Sur les dépens
47 Les frais exposés par les Gouvernements luxembourgeois, belge, allemand, espagnol, français, néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur la question à elle soumise par le conseil arbitral des assurances sociales, par jugement du 5 avril 1995, dit pour droit:
Les articles 30 et 36 du traité CE s'opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle un organisme de sécurité sociale d'un État membre refuse à un assuré le remboursement forfaitaire d'une paire de lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d'un opticien établi dans un autre État membre, au motif que l'achat de tout produit médical à l'étranger doit être au préalable autorisé.