CJCE, 7 avril 1981, n° 132-80
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NV United Foods, PVBA Aug. Van den Abeele
Défendeur :
État belge
LA COUR,
1. Par jugement du 5 mars 1980, parvenu à la Cour le 2 juin 1980, le Tribunal de première instance de Bruges a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions relatives à l'interprétation des articles 9, 12, 13, 30, 36 et 95 du traité CEE en vue d'être mis en mesure d'apprécier la compatibilité, avec le droit communautaire, de la législation belge en matière de contrôle sanitaire à l'importation de poisson.
2. Il résulte du dossier que les requérantes au principal ont introduit devant le tribunal, en 1978, des demandes visant au remboursement de sommes payées par elles à l'administration des douanes, au titre de droits d'expertise pour le contrôle sanitaire de poisson importé.
3. Il est précisé dans le jugement de renvoi que le contrôle sanitaire du poisson est réglé en Belgique par la loi du 15 avril 1965 concernant l'expertise et le commerce du poisson, de volailles, des lapins et du gibier, aux termes de l'article 6 de cette loi, il peut être perçu des droits fixés par le Roi, selon les modalités qu'il détermine et destinés à couvrir les frais résultant de l'examen sanitaire.
4. Les modalités du contrôle sanitaire ont été fixées par l'arrêté royal du 30 avril 1976, relatif à l'expertise et au commerce du poisson. Les articles 3 et 4 de cet arrêté, formant le chapitre II, concernent le contrôle sanitaire des parcs d'élevage de poissons ; les articles 5 et 6, formant le chapitre III, règlent l'expertise du poisson capturé en mer (dit poisson " apporté "), effectuée sous la responsabilité des autorités communales compétentes lors de l'apport aux minques et halles de vente ou en tout autre lieu de déchargement ; les articles 9 et suivants, formant le chapitre V, comportent les dispositions particulières applicables au contrôle sanitaire du poisson importé, qui relève de l'autorité de l'administration des douanes.
5. L'article 21 du même arrêté, tel qu'il a été modifié ultérieurement par l'arrêté royal du 3 décembre 1976, fixe les droits d'expertise pour le contrôle sanitaire à l'importation à 15 francs belges par 100 kg ou fraction de 100 kg de poisson entier non traité et, pour les autres poissons, à 30 francs belges par 100 kg ou fraction de 100 kg. Il est précisé que ces droits sont perçus à l'intervention des services de la douane. Le droit d'expertise sur le poisson " apporté " a été déterminé par un autre arrêté royal du 3 décembre 1976, fixant les droits d'expertise lors de l'apport du poisson capturé en mer. Aux termes de l'article 1, un droit d'expertise destiné à couvrir les frais résultant de l'expertise est perçu par l'administration communale sur le territoire de laquelle le poisson est apporté. Le droit d'expertise est fixé uniformément à 0,15 franc par kg de poisson " apporté ", par l'article 2 de l'arrêté.
6. Devant le tribunal, les demanderesses au principal ont contesté la compatibilité de ces dispositions avec les règles du traité CEE pour un double motif.
7. D'une part, elles estiment que ce contrôle constituerait une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation prohibée par l'article 30 du traité et qu'à ce titre, il ne saurait fournir une base à la perception du droit d'expertise. Le contrôle sanitaire organisé par la législation belge serait en effet inefficace, onéreux et dilatoire et ne trouverait pas, comme tel, sa justification dans l'article 36 du traité.
8. D'autre part, quant au droit d'expertise, les requérantes estiment que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, qui a son origine dans l'arrêt du 14 décembre 1972 (Marimex, affaire 29-72, Recueil p. 1309), la perception de redevances sanitaires devrait être considérée comme une taxe d'effet équivalant à des droits de douane prohibée par les articles 9, 12 et 13 du traité. Même si le droit d'expertise devait être considéré comme une imposition intérieure au sens de l'article 95 du traité, sa perception serait encore contraire à la règle de non-discrimination fixée par cet article.
9. C'est en vue de trancher ces contestations que le tribunal a posé à la Cour quatre questions libellées comme suit :
' 1) les articles 30 et suivants du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'un contrôle sanitaire à la frontière, à l'importation de poisson, qui présente un caractère obligatoire et systématique, doit être considéré comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation lorsque :
- l'importateur doit informer par écrit le service administratif compétent, au moins 24 heures avant l'importation, de la nature, de la quantité et de la provenance de l'envoi, et doit mentionner le jour et l'heure de l'importation, ainsi que le bureau ou la succursale de douane par lequel l'importation s'effectuera ;
- l'importation de poisson peut seulement être effectuée par les bureaux et les succursales de douane désignés par l'autorité, et aux jours et heures fixés par cette autorité ;
- les récipients, les emballages et la glace utilisés doivent répondre à des conditions prévues par la loi ;
- les marques d'expertise, prescrites par l'autorité, doivent être apposées sur chaque emballage, même le plus petit ;
- les lots de poisson importé doivent obligatoirement être accompagnés d'un certificat de salubrité émanant de l'autorité compétente du pays d'origine, établissant que le poisson a fait l'objet d'un examen sanitaire vétérinaire et qu'il a été déclaré propre à la consommation le jour de l'expédition, certificat de salubrité dont le modèle est du reste fixé par l'autorité de l'état importateur ?
2) en cas de réponse affirmative à la question précédente : l'article 36 du traité CEE doit-il être interprété en ce sens qu'un contrôle sanitaire, du genre décrit dans la première question, est justifié en raison des buts de protection de la santé publique que le contrôle sanitaire décrit est censé chercher à atteindre ?
3) les droits d'expertise qui sont imposés à l'importateur pour couvrir les frais du contrôle sanitaire, décrit dans la première question, doivent-ils être considérés comme des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, au sens des articles 9 et suivants du traité CEE, ou comme des impositions intérieures, au sens de l'article 95 du traité CEE, lorsque :
- l'expertise des parcs d'élevage situés sur le territoire de l'Etat membre concerné n'est soumise à aucun droit ;
- l'expertise du poisson capturé en mer s'effectue lors de l'apport aux minques ou halles de vente et porte sur l'état sanitaire, la fraîcheur et l'intégrité du poisson, tandis que le contrôle sanitaire à l'importation s'opère aux bureaux de douane et porte sur le certificat de salubrité, sur la façon dont le poisson est transporté, sur l'état de conservation, ainsi que sur la conformité avec les exigences de la réglementation de l'Etat membre importateur concernant l'expertise et l'importation de poisson ;
- les droits d'expertise à l'importation doivent obligatoirement être payés lors du franchissement de la frontière ;
- les droits d'expertise pour le poisson apporté sont fixés uniformément, quel que soit son état, tandis que les droits d'expertise pour le poisson importé, autre que du poisson entier non traité, s'élèvent au double des droits d'expertise pour le poisson apporté ?
4) dans le cas où la question précédente reçoit une réponse en ce sens que les droits d'expertise, tels qu'ils y sont décrits, ne doivent pas être considérés comme des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, mais peuvent être considérés comme faisant partie d'une système d'impositions intérieures au sens de l'article 95 du traité CEE, y a-t-il alors discrimination, interdite par cette disposition, lorsque les droits d'expertise pour le poisson apporté sont fixés uniformément, quel que soit son état, tandis que les droits d'expertise pour le poisson importé, autre que du poisson entier non traité, s'élèvent au double des droits d'expertise pour le poisson apporté ?'
10. Dans ses observations soumises à la Cour, la Commission exprime des doutes à l'égard de la compatibilité avec le traité du système de contrôle sanitaire appliqué par la Belgique, sans cependant mettre en cause, semble-t-il, son principe. Elle déclare avoir en cours une enquête sur ce régime de contrôle sans pouvoir, encore, donner une appréciation définitive à ce sujet. Elle estime toutefois qu'un double contrôle, tel qu'il est institué par les dispositions réglementaires belges, est incompatible avec les exigences du traité, du moins en ce qui concerne le poisson importé d'autres Etats membres de la Communauté dont les réglementations assureraient déjà, dans une très large mesure, une protection fiable et analogue.
11. Quant au droit d'expertise, la Commission estime qu'il s'agit d'une taxe d'effet équivalant à des droits de douane, interdite par le traité. Il résulterait d'une enquête menée dans l'ensemble de la Communauté que les droits de contrôle sanitaire auraient été supprimés dans tous les Etats membres, sauf en Belgique, sous réserve du cas d'un Etat membre pour lequel la Commission ne dispose pas encore de renseignements certains.
12. Selon le Gouvernement danois, il ne fait aucun doute qu'en principe les Etats membres peuvent fixer et appliquer des règles relatives au contrôle sanitaire des poissons. Il appartiendrait aux autorités nationales d'organiser un système cohérent et sur de contrôle, susceptible de fonctionner en pratique sans entraîner des frais administratifs déraisonnables, et d'user à cet effet d'un pouvoir d'appréciation approprié, à condition de respecter l'obligation de ne pas établir une différence de traitement entre leur propre production et les marchandises importées. Sans contester le régime de contrôle belge dans son principe, le Gouvernement danois attire l'attention sur certaines modalités de ce régime dont l'effet serait de gêner le commerce intracommunautaire. Ainsi, l'exigence d'un préavis de 24 heures pour toute importation et la détermination, par l'administration, du moment auquel l'importation peut avoir lieu seraient susceptibles de créer un obstacle au transfert d'une marchandise hautement périssable, dont l'écoulement doit être extrêmement rapide. Quant au poisson congelé, le Gouvernement danois estime que le dédoublement du contrôle, appliqué au moment de l'importation et, ultérieurement, dans les installations de l'importateur, peut constituer une gêne inutile pour ce dernier.
13. Pour ce qui est du droit d'expertise, le Gouvernement danois estime qu'il est sans importance pour la présente affaire que la taxe belge soit considérée à la lumière de l'article 9 ou de l'article 95 du traité. Quelle que soit la qualification, le régime de ce droit comporte des discriminations en ce que les produits nationaux et les produits importés ne sont pas traités selon les mêmes critères. Le Gouvernement danois souligne particulièrement la différence d'imposition selon que le poisson importé est, ou non, traité, alors que le poisson " apporté " supporte toujours la taxe la moins élevée, quel que soit son état de préparation. Le Gouvernement danois précise que, pour sa part, le Danemark ne prélève aucun droit ou taxe pour les contrôles sanitaires généraux ou systématiques qui y sont effectués.
14. Le Gouvernement français expose qu'en l'absence de réglementation communautaire harmonisant les modalités des contrôles sanitaires nationaux ceux-ci relèvent incontestablement de l'exception prévue à l'article 36 du traité. Toutefois, il peut difficilement être nié, à son avis, que certaines des caractéristiques mentionnées dans la première question du Tribunal de Bruges sont susceptibles de rendre plus onéreuses ou plus difficiles les importations de poisson en provenance des Etats membres de la CEE. Quant à l'exigence d'un contrôle tant dans le pays de départ que dans le pays de destination, le Gouvernement français estime, contrairement à la Commission, que ce double contrôle se justifie par le caractère périssable de la marchandise en cause et le risque d'incidents pouvant survenir en cours de transport. A son avis, il importe que le poisson soit " suivi " par les contrôles sanitaires depuis son débarquement, à tous les stades de la commercialisation jusqu'à la vente au consommateur ; à cet égard, des contrôles simplement sporadiques lui paraissent insuffisants.
15. Quant au droit d'expertise, le Gouvernement français considère qu'il s'agit d'une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, prohibée par le traité. Pour le cas toutefois où la Cour choisirait de le qualifier d'imposition intérieure, au sens de l'article 95, il fait remarquer que les modalités de perception de ce droit seraient discriminatoires en ce qu'un traitement différent serait réservé au poisson " apporté " et au poisson importé en raison, notamment, de la différence établie par la réglementation belge entre le poisson traité et le poisson non traité ; à cet égard, le Gouvernement français attire l'attention sur la confusion créée par la circonstance que cette distinction, établie par la législation belge, ne concorde pas avec les catégories du tarif douanier commun (positions tarifaires 03.01 et 03.02, respectivement).
16. Lors de la procédure orale, le Gouvernement belge a défendu la compatibilité avec le traité du régime de contrôle litigieux. Il rappelle qu'aux termes de l'article 36 du traité, les dispositions des articles 30 à 34 inclus ne font pas obstacle aux interdictions d'importation justifiées par des raisons de protection de la santé des personnes. Le principe d'un contrôle sanitaire préalable à la mise en consommation de poisson ne saurait dès lors être considéré comme incompatible avec l'ordre juridique communautaire. Ce contrôle serait exercé, sur base de la loi du 15 avril 1965 et de l'arrêté royal du 30 avril 1976, sans discrimination aucune selon qu'il s'agit de poisson importé, apporté ou provenant des parcs d'élevage. Quant à l'objection tirée par les requérantes au principal de l'existence d'un double contrôle, dans le pays d'expédition et dans le pays de destination, le Gouvernement belge fait remarquer que cette répétition du contrôle serait inévitable pour tenir compte des conditions de transport d'une marchandise périssable sur de longues distances.
17. Quant au droit d'expertise, le Gouvernement belge expose que ce droit est destiné à financer l'examen sanitaire qui s'applique non en raison de l'importation du poisson, mais bien plutôt lors de la mise à la consommation sur le territoire belge, quelle que soit la provenance de la marchandise. Quant à la différence, relevée de diverses parts, entre le droit appliqué aux poissons traités et aux poissons non traités, le Gouvernement belge attire l'attention sur le fait que, selon l'expérience, le traitement du poisson, c'est-à-dire le découpage et le nettoyage, fait perdre approximativement 50 % du poids, ce qui expliquerait pourquoi le taux du droit prélevé sur le poisson traité est le double du droit prélevé sur le poisson non traité. Le Gouvernement belge ne conteste pas le fait que le poisson " apporté " ne supporte que le droit fixé pour le poisson non traité ; il explique ce fait par la circonstance que la flotte de pêche belge ne comporterait, à l'heure actuelle, pas de bâtiments équipés pour traiter et transformer le poisson sur place en pleine mer ; il concède que la règle applicable devrait être modifiée au moment où des bâtiments belges seraient équipés à cet effet. On ne saurait donc, selon le Gouvernement belge, parler d'une discrimination fiscale du poisson importé.
18. En conclusion, le Gouvernement belge estime que l'application des contrôles sanitaires ne saurait être considérée comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative et que le droit d'expertise ne saurait être qualifié de taxe d'effet équivalant à un droit de douane.
Sur la compatibilité du contrôle sanitaire avec les articles 30 et 36 du traité (1re et 2e questions)
19. Par les deux premières questions, relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité, le tribunal demande en substance si un contrôle sanitaire du poisson importé est compatible, dans son principe, avec les dispositions du droit communautaire et, dans l'affirmative, si les modalités de contrôle relevées dans la première question sont justifiées au regard des exigences de l'article 36.
20. Aux termes de l'article 30, les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres " sans préjudice des dispositions ci-après ". Cette réserve de l'article 30 concerne, notamment, l'article 36, aux termes duquel les dispositions des articles 30 à 34 inclus ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation justifiées, entre autres, par des raisons " de protection de la santé et de la vie des personnes ". La deuxième phrase du même article ajoute cependant que ces interdictions ou restrictions " ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres ".
21. La Cour a eu l'occasion de souligner, dans une jurisprudence constante en la matière, que l'article 30 tend à l'élimination, entre les Etats membres, de toutes entraves à la libre circulation des marchandises et, en particulier, de celles qui visent spécifiquement les produits importés ou qui s'appliquent aux produits importés et aux produits nationaux selon des conditions différentes, de manière à rendre plus difficile ou plus onéreuse la commercialisation des produits importés (arrêts des 8 juillet 1975, Rewe, affaire 4-75, Recueil p. 843 ; 20 mai 1976, de Peijper, affaire 104-75, Recueil p. 613 ; 15 décembre 1976, Simmenthal, affaire 35-76, Recueil p. 1871 ; Commission-RF d'Allemagne, affaire 153-78, Recueil p. 2555 ; 8 novembre 1979, Denkavit, affaire 251-78, Recueil p. 3369).
22. Il résulte cependant de l'article 36 que des contrôles à l'importation sont compatibles avec le traité lorsqu'ils sont justifiés par les nécessités de la sauvegarde de la santé publique, à condition toutefois que l'application de ces contrôles ne constitue pas une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée à charge des produits importés. Si un contrôle sanitaire répond à ces exigences, l'article 30 du traité ne fait pas obstacle à une telle mesure.
23. C'est compte tenu de ces principes qu'il y a lieu de répondre aux questions posées.
24. Il convient de retenir en premier lieu à cet égard qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, dans la communauté, des règles communes ou harmonisées en matière de contrôle sanitaire du poisson. Le règlement n° 113-76 du Conseil, du 19 janvier 1976 (JO L 20, p. 29), auquel il a été fait référence en cours de procédure, a pour objet de fixer des normes communes de commercialisation pour certains poissons frais ou réfrigérés ; ce règlement ne concerne pas la matière du contrôle sanitaire.
25. Dans ces conditions, il appartient aux Etats membres d'organiser le contrôle sanitaire en ce domaine et de l'appliquer aux divers stades de la commercialisation du poisson. Les restrictions au commerce justifiées par la protection de la santé publique étant expressément admises par l'article 36 du traité et la Communauté ne disposant pas encore de règles communes ou harmonisées en la matière, on ne saurait donc considérer l'application, au poisson importé d'autres Etats membres, du contrôle sanitaire prévu par la législation nationale d'un Etat membre pour le poisson de mer débarqué dans les ports de cet état comme constituant, dans son principe même, une mesure prohibée par le traité.
26. Il n'est pas contesté que les mesures en cause devant la juridiction nationale ont le caractère d'un contrôle sanitaire et qu'elles relèvent donc, dans leur principe, de l'exception prévue par l'article 36. Cette constatation laisse cependant ouverte la question de savoir si les diverses modalités signalées par la juridiction nationale peuvent éventuellement constituer une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres, de manière à faire perdre à ce contrôle sa justification au sens du même article.
27. Il n'est pas exclu que tel puisse être l'effet soit de certaines parmi les modalités mentionnées dans la première question, soit de leur combinaison. Les divers éléments mentionnés par la juridiction nationale appellent les observations suivantes:
28. L'exigence d'un préavis écrit et aussi détaillé que le prescrit la législation en cause, au moins 24 heures avant l'importation, apparaît comme incompatible avec la rapidité des transactions et des transports en la matière, compte tenu du caractère périssable de la marchandise en cause. Quant à la détermination, par l'autorité douanière, des points de contrôle ainsi que des jours et heures d'ouverture de ceux-ci, s'il devait apparaître que ces mesures ont pour effet de gêner les importations, ces dispositions ne seraient justifiées qu'à la condition d'établir qu'elles répondent à des exigences objectives de l'organisation du service sanitaire. La même observation s'applique aux modalités techniques mentionnées par la juridiction nationale s'il devait s'avérer qu'il n'existe pas de rapport raisonnable entre les exigences posées par l'administration et l'exécution du contrôle.
29. Quant à l'exigence d'un contrôle à l'importation de marchandises qui ont déjà fait l'objet d'un contrôle équivalent dans l'état d'expédition, il y a lieu de rappeler ce qui a été dit par la Cour dans son arrêt du 8 novembre 1979 (Denkavit, affaire 251-78, Recueil p. 3395), en ce sens qu'un double contrôle dans le pays exportateur et dans le pays importateur peut, selon les circonstances, dépasser ce que l'article 36 du traité permet lorsque les besoins sanitaires peuvent être satisfaits d'une manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires. En l'occurrence, le poisson ayant déjà fait l'objet, dans l'état d'expédition, d'un contrôle sanitaire effectué selon les normes prescrites par la législation même de l'état destinataire, le contrôle à l'importation doit en tout cas être limité aux mesures destinées à parer aux risques du transport, ou découlant d'éventuelles manipulations postérieures au contrôle opéré au départ.
30. Il incombe à la juridiction nationale d'examiner, à la lumière des considérations qui précèdent, si et dans quelle mesure les modalités du contrôle sanitaire appliquées par les autorités belges sont de nature à constituer une restriction inadmissible dans le commerce intracommunautaire.
31. Il y a donc lieu de répondre aux deux premières questions qu'en l'absence de règles communes ou harmonisées en matière de contrôle sanitaire du poisson, les mesures de contrôle appliquées par les Etats membres ne sauraient être considérées, dans leur principe, comme une restriction prohibée par le traité, mais que sont à considérer comme mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, en vertu des articles 30 et 36, toutes modalités d'application dépassant les nécessités du contrôle et susceptibles, comme telles, de freiner ou de restreindre les échanges intracommunautaires.
Sur la compatibilité avec le droit communautaire du " droit d'expertise " (3e et 5e questions)
32. Par la troisième question, la juridiction nationale demande à la Cour d'indiquer selon quels critères un prélèvement tel que le " droit d'expertise " peut être qualifié soit de taxe d'effet équivalant à un droit de douane au sens des articles 9, 12 et 13 du traité, soit d'imposition intérieure au sens de l'article 95, en attirant l'attention sur certaines différences établies par le régime de contrôle en question. Ces différences concernent, d'une part, le poisson d'élevage, selon qu'il s'agit de poisson importé ou de poisson provenant de parcs d'élevage situés sur le territoire national, d'autre part, le poisson capturé en mer, selon qu'il s'agit de poisson " apporté " ou de poisson importé.
33. Selon une jurisprudence constante de la Cour, exprimée pour la première fois dans l'arrêt du 14 décembre 1972 (Marimex, affaire 29-72, Recueil p. 1309), la qualification au regard du traité de redevances prélevées à l'occasion de contrôles sanitaires à l'importation dépend de la question de savoir si les redevances en question sont déterminées selon des critères propres, non comparables aux critères servant à fixer les charges pécuniaires grevant éventuellement les produits nationaux comparables, ou s'il s'agit de charges pécuniaires relevant d'un régime general de redevances intérieures appréhendant systématiquement, aux fins du contrôle en question, les produits nationaux et les produits importés selon les mêmes critères.
34. Dans l'affaire citée, comme dans plusieurs affaires ultérieures (arrêts des 11 octobre 1973, Rewe, affaire 39-73, Recueil p. 1039 ; 9 juillet 1975, Schroeder, affaire 21-75, Recueil p. 905 ; 5 février 1976, Bresciani, affaire 87-75, Recueil p. 129 ; 15 décembre 1976, Simmenthal, affaire 35-76, Recueil p. 1871 ; 31 mai 1979, Denkavit Loire, affaire 132-78, Recueil p. 1923), la Cour a été amenée à qualifier divers types de redevances sanitaires de taxes d'effet équivalant à des droits de douane à défaut de correspondance suffisamment étroite entre les redevances prélevées lors de l'importation de produits soumis à contrôle sanitaire et les redevances perçues à l'occasion de contrôles concernant les produits nationaux.
35. C'est sous l'angle de ces critères que doit être examiné le régime au sujet duquel la juridiction nationale aura à se prononcer.
36. On ne saurait méconnaître en l'occurrence que l'application du droit d'expertise fait partie d'un seul système réglementaire, dérivé de la même loi de base. Toutefois, la prise en considération de ce critère purement formel ne saurait suffire en vue de l'appréciation de la compatibilité avec le droit communautaire du régime de redevances contesté. Cette appréciation doit se faire au regard du contenu et des effets de la réglementation en cause.
37. A cet égard, la juridiction nationale relève en premier lieu le fait que le poisson d'élevage importé serait soumis au droit d'expertise, alors que le régime de contrôle sur les élevages de poisson situés sur le territoire national serait exempté de toute redevance. Sous réserve des constatations de fait que la juridiction nationale aura à faire, il y a lieu de dire que, du point de vue du droit communautaire, le droit d'expertise perçu sur le poisson d'élevage importé constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane si la situation législative est telle que le poisson d'élevage provenant de parcs situés sur le territoire national échappe, en droit ou en fait, à l'application de tout droit sanitaire.
38. Quant au poisson capturé en mer, la juridiction nationale attire tout d'abord l'attention sur le fait que le droit d'expertise sur le poisson " apporté " est perçu par les autorités communales, lors du débarquement, alors que ce droit est perçu sur le poisson importé à l'intervention de l'administration des douanes et acquis à l'état. Il n'est pas contesté que, dans l'un comme dans l'autre cas, la recette doit assurer, directement ou indirectement, le financement des opérations de contrôle sanitaire.
39. L'analyse de la situation montre que la différence dans les modalités administratives de la perception est due à la circonstance que le poisson " apporté ", considéré des sa capturé comme un produit national, échappe à la compétence de l'autorité douanière, alors que le contrôle du poisson importé ne peut pas être effectué autrement, soit à la frontière maritime, soit à la frontière terrestre, soit au point de destination à l'intérieur du territoire, qu'à l'intervention de cette administration et qu'il y a donc une raison objective à la base de cette différence de régime. En tout cas, il n'a pas été démontré que la répartition des compétences administratives entre les administrations communales et la douane, en ce qui concerne la perception et l'affectation du droit d'expertise, aurait une influence sur l'assiette et l'incidence de cette redevance. Ces circonstances peuvent donc rester hors de considération aux fins de l'examen de la compatibilité du système litigieux avec le droit communautaire, celle-ci devant être appréciée en fonction de l'incidence de la perception litigieuse sur le commerce intracommunautaire.
40. Par contre, d'autres caractéristiques du système litigieux amènent à considérer que le droit d'expertise en question constitue en réalité une taxe d'effet équivalant a un droit de douane.
41. A cet égard, il y a lieu de relever tout d'abord que les bases d'application et le taux du droit d'expertise ont été fixés en fonction de critères différents, rendant malaisée une comparaison entre les deux régimes. Cette difficulté est d'autant plus sensible que les critères qui sont à la base de la réglementation en cause ne concordent pas avec les classifications retenues par la communauté pour le règlement n° 100-76 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche (JO L 20, p. 1), le tarif douanier commun et les statistiques du commerce.
42. Au surplus, les règles relatives à la fixation du droit d'expertise prévoient, pour le poisson " apporté ", l'application d'un taux uniforme au kilo, alors que le droit d'expertise pour le poisson importé, fixe par tranches de 100 kg et fractions de 100 kg, est applique en fonction d'une distinction entre poisson traité et autre poisson, le poisson traité supportant un droit d'expertise d'un montant double par rapport au poisson non traité. Il est a présumer, bien que le dossier ne contienne aucune indication à cet égard, que le poisson importé est surtout, en raison des nécessités du transport, classé dans la catégorie du poisson traité, qui supporte un droit d'expertise plus élevé que le poisson non traité.
43. Il y a donc lieu de répondre à la troisième question qu'est a considérer comme une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, prohibée par les articles 9, 12 et 13 du traité, un droit d'expertise pour contrôle sanitaire du poisson importé, déterminé et appliqué, sans justification objective, selon des critères propres en ce qui concerne soit la nature, soit l'état de la marchandise, non comparables aux critères servant à fixer les charges pécuniaires grevant les produits nationaux de même genre.
44. Compte tenu de cette réponse, la 4 question est sans objet.
Sur les dépens
45. Les frais exposés par le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Danemark, le Gouvernement du Royaume de Belgique et la Commission des communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions a elle soumises par le Tribunal de première instance de Bruges par jugement du 5 mars 1980, dit pour droit :
1) en l'absence de règles communes ou harmonisées en matière de contrôle sanitaire du poisson, les mesures de contrôle appliquées par les Etats membres ne sauraient être considérées, dans leur principe, comme une restriction prohibée par le traité CEE. Sont cependant à considérer comme mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, en vertu des articles 30 et 36 du traité, toutes modalités d'application dépassant les nécessités du contrôle et susceptibles, comme telles, de freiner ou de restreindre les échanges intracommunautaires.
2) est à considérer comme une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, prohibée par les articles 9, 12 et 13 du traité CEE, un droit d'expertise pour contrôle sanitaire du poisson importé, déterminé et appliqué, sans justification objective, selon des critères propres en ce qui concerne soit la nature, soit l'état de la marchandise, non comparables aux critères servant à fixer les charges pécuniaires grevant les produits nationaux de même genre.