CJCE, 12 juillet 1977, n° 89-76
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
Royaume des Pays-Bas
LA COUR,
1. Attendu que, par requête du 17 septembre 1976, la Commission a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater qu'en percevant à l'exportation vers d'autres Etats membres des redevances au titre d'un contrôle phytosanitaire de végétaux et de certains produits d'origine végétale, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations que lui impose le traité et, notamment, à l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, contenue dans les articles 9, 12 et 16 du traité ;
2. Attendu que le Royaume des Pays-Bas perçoit une redevance pour les contrôles phytosanitaires opérés à l'exportation, tant vers les autres Etats membres que vers les pays tiers, de plantes et de certains produits d'origine végétale sur base des articles 3, c) et 7 de l'arrêté royal du 24 septembre 1951 portant nouveau règlement du service phytosanitaire (Staatscourant, n° 191) ;
3. Que, selon la Commission, la perception de ces redevances, prélevées en raison du franchissement de la frontière, sur les seuls produits destinés à être exportés et non sur les produits nationaux commercialisés dans le pays même, constituerait une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'exportation, prohibée par les articles 9, 12 et 16 du traité, telles que ces dispositions ont été interprétées par la jurisprudence de la Cour, spécialement dans l'arrêt du 14 décembre 1972, affaire 29-72, Marimex (Recueil, p. 1309) et dans l'arrêt du 11 octobre 1973, affaire 39-73, Rewe (Recueil, p. 1039) ;
4. Que, dans sa défense, le Gouvernement néerlandais fait valoir que les redevances litigieuses sont destinées à couvrir les frais des contrôles accomplis à l'occasion de la délivrance des certificats phytosanitaires prévus par la Convention internationale pour la protection des végétaux, signée à Rome, le 6 décembre 1951 (Recueil des traités des Nations unies, 1952, n° 1963) ;
5. Que la délivrance de ces certificats, loin de constituer un obstacle aux échanges, faciliterait le commerce intracommunautaire en procurant, à l'exportateur, l'assurance de ne pas rencontrer d'obstacles à l'importation dans le pays de destination ;
6. Que les contrôles n'étant exécutés et les certificats correspondants délivrés qu'à la demande de l'exportateur, il n'existerait aucune obligation légale d'acquitter les taxes en question, de manière que ferait défaut, en l'occurrence, le critère de la perception unilatérale et obligatoire, retenu par la jurisprudence de la Cour ;
7. Qu'à cet égard, la Commission fait cependant valoir que la possession des certificats phytosanitaires étant indispensable dans les échanges internationaux, il existerait pour l'exportateur une obligation de fait, résultant des exigences du pays importateur, de couvrir ses exportations par un certificat dans le pays d'expédition, de façon qu'il ne pourrait échapper au versement de la taxe exigée par l'état néerlandais ;
8. Attendu que les certificats à la délivrance desquels la redevance litigieuse est liée, sont conformes à la convention internationale pour la protection des végétaux, du 6 décembre 1951, à laquelle tous les Etats membres sont parties ;
9. Que cette convention a pour objet, aux termes de son article I, d'assurer une action commune et efficace dans la lutte contre l'introduction et la propagation des maladies et ennemis des végétaux et produits végétaux et de promouvoir l'adoption de mesures législatives, réglementaires et techniques appropriées à cet effet, notamment par la mise sur pied, dans chaque état, d'une organisation officielle de la protection des végétaux ;
10. Qu'aux termes de l'article V de la même convention, chaque état contractant est tenu de prendre les dispositions nécessaires pour délivrer des certificats phytosanitaires, conformes tant à la réglementation sur la protection des végétaux en vigueur dans les autres états contractants qu'aux prescriptions de la convention ;
11. Qu'au regard des échanges internationaux, la délivrance de ces certificats a pour but de favoriser la libre importation des végétaux dans le pays de destination, sur base du contrôle effectué dans le pays de provenance des produits en cause ;
12. Que cette convention remplit donc, dans son domaine, une fonction analogue aux dispositions de caractère sanitaire et phytosanitaire prises dans le cadre de la communauté, telles que la directive du Conseil n° 64-432, du 26 juin 1964 (JO n° L 121, p. 1977) - qui a fait l'objet de l'arrêt de la Cour du 25 janvier 1977, dans l'affaire 46-76, Bauhuis/Etat néerlandais - et de la directive du Conseil n° 77-93, du 21 décembre 1976, concernant les mesures de protection contre l'introduction dans les Etats membres d'organismes nuisibles aux végétaux ou produits végétaux (JO n° L 26, p. 20), postérieure à l'introduction du recours par la Commission ;
13. Qu'ainsi, l'application simultanée de la convention du 6 décembre 1951 par tous les Etats membres a permis le déplacement des contrôles phytosanitaires du pays d'importation vers le pays expéditeur et favorise ainsi la substitution, aux mesures de protection à la frontière, d'un système de contrôles mutuellement reconnus par les états et matérialisé par la délivrance des certificats phytosanitaires, de façon à réduire les doubles emplois dans les contrôles frontaliers ;
14. Qu'il apparaît donc qu'il ne s'agit pas, en l'occurrence, de mesures imposées unilatéralement par le Royaume des Pays-Bas, dans un intérêt purement national, mais d'un contrôle organisé sur des bases identiques dans tous les Etats membres, en tant qu'ils sont parties à la convention du 6 décembre 1951 ;
15. Que ces contrôles apparaissent dès lors non comme des mesures unilatérales entravant les échanges, mais plutôt comme des opérations destinées à favoriser la libre circulation des marchandises, en vue de neutraliser les obstacles pouvant résulter, pour cette libre circulation, de contrôles à l'importation visés à l'article 36 du traité ;
16. Que, dans ces conditions, on ne saurait considérer comme taxes d'effet équivalant à des droits de douane, les redevances perçues à l'occasion de tels contrôles, à condition que leur montant ne dépasse pas le coût réel des opérations à l'occasion desquelles elles sont perçues ;
17. Que, toutefois, seule la question de principe concernant la compatibilité des taxes litigieuses avec le droit communautaire et non la question de leur montant ayant été déférée à l'examen de la Cour, la condition énoncée en dernier lieu peut rester hors de considération dans le présent litige ;
18. Attendu que s'il apparaît ainsi qu'au regard des règles relatives à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté une objection ne saurait être élevée, en principe, contre la perception des redevances litigieuses, la pratique des divers Etats membres montre que des solutions différentes sont concevables, en ce qui concerne le financement des contrôles phytosanitaires, soit que la charge de ceux-ci est assumée, en tout ou en partie, par le budget public, soit qu'elle est répercutée sur le commerce par la perception de redevances correspondant au coût des contrôles exécutés ;
19. Qu'il importe dès lors de souligner que le présent arrêt ne saurait limiter la liberté des institutions communautaires de prendre, à l'avenir, toutes dispositions utiles, visant à unifier les modalités applicables au financement des contrôles en question et que, dans la perspective d'une telle unification, cet arrêt ne saurait consacrer, en faveur du Royaume des Pays-Bas, un droit acquis au maintien de son système actuel ;
20. Attendu qu'il résulte de ce qui précède que, sous cette réserve, le recours introduit par la Commission contre le Royaume des Pays-Bas doit être rejeté ;
Sur les dépens
21. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
22. Que, selon le paragraphe 3 du même article, la Cour peut cependant compenser les dépens dans des cas exceptionnels ;
23. Qu'il apparaît des actes du procès et des circonstances du litige qu'en l'absence de toutes dispositions spécifiques, tant du traité que du droit dérivé, la question de la compatibilité des redevances litigieuses avec le droit communautaire donnait lieu à des doutes fondés ;
24. Que, dans ces conditions, il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) le recours est rejeté.
2) chacune des parties supportera les dépens par elle engagés.