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Décisions

CJCE, 31 janvier 1984, n° 1-83

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

IFG Intercontinentale Fleischhandelsgesellschaft mbH & Co. KG

Défendeur :

Freistaat Bayern

CJCE n° 1-83

31 janvier 1984

LA COUR,

1. Par ordonnance du 27 octobre 1982, parvenue à la Cour le 4 janvier 1983, le Bayerisches Verwaltungsgericht Munchen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 11 de la directive 72-461 du conseil, du 12 décembre 1972, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches (JO L 302, p. 24).

2. Il résulte de l'ordonnance de renvoi que, par Décision du 19 décembre 1977, l'administration bavaroise a délivré à la requérante au principal une autorisation de police vétérinaire en vue de l'importation d'un lot de 1 000 tonnes de viande de boeuf et de viande de porc originaires de Roumanie et qu'à cette occasion, l'administration a prélevé, en vertu de la législation applicable de l'état bavarois, une taxe de 865 dm pour l'ensemble du lot. Cette taxe a été réduite entre-temps à 100 dm, montant actuellement litigieux devant la juridiction nationale.

3. L'importation a eu lieu à une époque ou la directive 72-462 du conseil, du 12 décembre 1972, concernant des problèmes sanitaires et de police sanitaire lors de l'importation d'animaux des espèces bovine et porcine et des viandes fraîches en provenance de pays tiers (JO L 302, p. 28), n'était pas encore appliquée par les Etats membres, a défaut de mesures d'exécution qui étaient à prendre par la communauté.

4. L'administration estime que, dans ces conditions, la disposition pertinente était l'article 11 de la directive 72-461, aux termes duquel

'Jusqu'à l'application d'un régime communautaire relatif aux importations de viandes fraîches en provenance des pays tiers, les dispositions nationales applicables aux viandes fraîches importées en provenance de ces pays ne devront pas être plus favorables que celles qui résultent de la présente directive'.

Elle considère qu'aussi longtemps que n'existait pas un système de contrôle communautaire sur les importations en provenance de pays tiers, il appartenait aux autorités nationales d'assurer les contrôles sanitaires nécessaires, dans des conditions telles que soit évité un traitement de ces marchandises plus favorable que celui appliqué dans les échanges intracommunautaires.

5. La requérante au principal, pour sa part, fait valoir que l'article 11 de la directive 72-461 ne serait plus applicable, le délai d'exécution de la directive 72-462 étant échu et que celle-ci, faute d'avoir été régulièrement exécutée, devrait donc pouvoir être directement invoquée. A supposer même que l'article 11 de la directive 72-461 soit applicable, la position de la requérante ne serait pas contredite par l'arrêt du 22 janvier 1980 (Wigei, affaire 30-79, Recueil p. 151), par lequel la Cour a admis le caractère licite de la perception d'une taxe sanitaire sur la viande fraîche de volaille importée de pays tiers en vertu de l'article 15 de la directive 71-118 du conseil, du 15 février 1971 (JO L 55, p. 23). En effet, cette disposition, aux termes de laquelle

'Jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions communautaires relatives aux importations de viandes fraîches de volaille en provenance des pays tiers, les Etats membres appliquent à ces importations des dispositions au moins équivalentes à celles qui résultent de la présente directive',

Se distinguerait, par sa rédaction, de l'article 11 de la directive 72-461.

6. La requérante au principal exposé, en second lieu, qu'il ne s'agirait pas, en l'occurrence, d'une véritable taxe de contrôle sanitaire, mais d'une taxe administrative prélevée à l'occasion de l'autorisation d'importation. Enfin, elle fait valoir qu'il ne serait pas établi que des redevances similaires sont perçues dans tous les Etats membres, contrairement à ce qui aurait été exigé par la Cour dans l'arrêt du 28 juin 1978 (Simmenthal, affaire 70-77, Recueil p. 1453, attendu 27).

7. Le Bayerisches Verwaltungsgericht Munchen estime qu'une Décision de la Cour sur les principes applicables en la matière est souhaitable, compte tenu du grand nombre de litiges soulevés par la perception de taxes de ce genre. C'est à cette fin qu'il a posé deux questions, libellées comme suit:

1. L'article 11 de la directive 72-461 du conseil, du 12 décembre 1972, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches justifie-t-il la perception d'un droit couvrant les frais pour l'octroi d'une autorisation d'importation basée sur les Articles 7 et 15 du règlement relatif à l'importation des ongulés dans la version de l'avis du 30 août 1972, modifie en dernier lieu par le règlement du 5 avril 1976 (BGBL. I., p. 914)?

2. En cas de réponse affirmative à la première question: la légalité de la perception de ce droit est-elle subordonnée à la perception de droits comparables, dans tous les Etats membres de la communauté, dans les échanges commerciaux avec les pays tiers?

8. Il y a lieu de rappeler qu'en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour, les taxes sanitaires imposées par un Etat membre sur les produits importés d'autres Etats membres doivent, en principe, être qualifiées de taxes d'effet équivalant à des droits de douane et sont, à ce titre, interdites en raison de l'obstacle que leur perception constitue dans les échanges intracommunautaires (voir, a ce sujet, notamment, les arrêts suivants: 14. 12. 1972, Marimex, affaire 29-72, Recueil p. 1309; 11. 10. 1973, Rewe, affaire 39-73, Recueil p. 1039; 31. 5. 1979, Denkavit Loire, affaire 132-78, Recueil p. 1923; 7. 4. 1981, United Foods, affaire 132-80, Recueil p. 995).

9. Toutefois, la Cour a considéré que la raison d'être de cette interdiction disparaît lorsque la perception de taxes sanitaires est autorisée par des dispositions communautaires prises dans l'intérêt de la libre circulation des marchandises, notamment en vue de permettre l'exécution des contrôles sanitaires dans l'état d'origine, avec effet pour l'ensemble de la communauté, avant l'expédition des marchandises vers d'autres Etats membres. La Cour a reconnu, dans ce cas, la compatibilité, avec les règles du traité, de normes communes relatives à la perception de taxes sanitaires, à condition que celles-ci se trouvent dans un rapport adéquat avec le coût réel des contrôles (arrêt du 25. 1. 1977, Bauhuis, affaire 46-76, Recueil p. 5; voir encore l'arrêt du 12. 7. 1977, Commission-Pays-Bas, affaire 89-76, Recueil 1355).

10. Enfin, la Cour a reconnu que le contrôle sanitaire des marchandises importées de pays tiers se fait dans un contexte de fait et de droit distinct du contrôle des marchandises originaires de la communauté et que, dans un tel contexte, la perception de taxes sanitaires par les Etats membres n'apparaît pas interdite en principe, à condition, toutefois, qu'il existe un rapport adéquat entre le montant de ces taxes et le coût réel des contrôles (voir les arrêts suivants: 28. 6. 1978, Simmenthal, affaire 70-77, Recueil p. 1453; 5. 7. 1978, Ludwig, affaire 138-77, Recueil p. 1645; 22. 1. 1980, Wigei, affaire 30-79, Recueil p. 151: 22. 3. 1983, Leonelli, affaire 88-82, Recueil p. 1061).

11. C'est à la lumière de ces données qu'il convient d'examiner les questions posées.

Sur la première question

12. Par sa première question, le Bayerisches Verwaltungsgericht Munchen a placé, avec raison, le problème dans le cadre de l'article 11 de la directive 72-461. En effet, il est incontestable qu'à l'époque des faits litigieux, la directive 72-462, relative aux contrôles sanitaires applicables aux importations en provenance de pays tiers, n'était pas encore intégralement applicable, les institutions de la communauté n'ayant pas pris, en temps utile, les mesures d'exécution indispensables pour sa mise en œuvre. En attendant, l'article 11 de la directive 72-461, qui a été introduit précisément pour tenir compte d'une telle situation, a été applicable. Cet article renvoie, en ce qui concerne les contrôles sanitaires sur les viandes en provenance de pays tiers, aux dispositions sanitaires nationales, sous réserve, cependant, que celles-ci ne doivent pas être plus favorables que celles prévues par la même directive pour les échanges intracommunautaires.

13. Compte tenu des critères dégagés par la jurisprudence citée ci-dessus, cette disposition doit être interprétée comme autorisant les Etats membres à percevoir, sur les importations en provenance de pays tiers, les redevances prévues par leurs législations nationales respectives, et ceci à une double condition : d'une part, il faut que ces taxes ne soient pas plus favorables que celles perçues dans les échanges intracommunautaires, lorsque le contrôle est opéré dans l'état d'expédition; d'autre part, il faut que les redevances se trouvent dans un rapport adéquat avec le coût des opérations de contrôle. Il est à remarquer que seule cette dernière condition prête à litige dans la présente affaire.

14. L'opposition que la requérante au principal a voulu établir entre l'article 15 de la directive 71-118, auquel la Cour a fait référence dans son arrêt Wigei, du 22 janvier 1980, est dépourvue de pertinence pour la solution de la question posée, compte tenu du fait que les deux dispositions poursuivent le même objectif, qui est d'éviter que des produits importés de pays tiers reçoivent, en matière sanitaire, un traitement plus favorable que les produits originaires de la communauté.

15. L'objection tirée par la requérante au principal de la circonstance que la redevance prélevée ne constituerait pas une taxe sanitaire au sens propre du terme, mais une redevance administrative de caractère général ne saurait être, non plus, retenue.

16. Au cours de la procédure devant la Cour, le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne a, en effet, établi, sans être contredit, que la redevance perçue est justifiée par le fait que l'administration doit, en vue de faciliter les importations, faire couramment des investigations et recueillir des informations sur l'état sanitaire dans les états de provenance des marchandises concernées. La perception de la taxe en cause n'a donc pas d'autre objet que de répercuter ces frais sur les entreprises, au moment ou le titre d'importation sanitaire leur est délivré.

17. L'article 11 de la directive 72-461 faisant un renvoi général aux 'dispositions nationales' applicables aux viandes fraîches importées, on ne saurait empêcher un Etat membre de répercuter sur l'importateur, soit au moment de délivrer les documents d'importation, soit au moment de l'importation même, non seulement le coût d'opérations de contrôle spécifiques concernant les marchandises en cause, mais encore la charge des frais administratifs occasionnés par l'organisation du contrôle sanitaire.

18. La seule limite imposée à cet égard par le droit communautaire consiste en ce qu'un rapport adéquat doit être respecte entre le montant de la taxe perçue et les frais occasionnés par le contrôle. Il s'agit la d'une question de fait à apprécier par la juridiction nationale.

19. Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 11 de la directive 72-461 du conseil, du 12 décembre 1972, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches, justifie, dans le cas d'importations de viandes fraîches en provenance de pays tiers, la perception d'un droit couvrant les frais pour la délivrance d'une autorisation d'importation basée sur la législation nationale en matière de contrôles sanitaires, a condition qu'il existe un rapport adéquat entre le montant du droit perçu et les frais du contrôle.

Sur la deuxième question

20. Il résulte de ce qui précède que la réponse à la deuxième question doit mettre la juridiction nationale en mesure de prendre position sur un argument tire, par la requérante au principal, de certains passages de la motivation de l'arrêt Simmenthal, du 28 juin 1978 (attendu 27, cité ci-dessus).

21. Dans le contexte de cet arrêt, la Cour, tout en reconnaissant que, dans certaines conditions, les Etats membres sont en droit de prélever des redevances pour contrôle sanitaire sur les importations en provenance de pays tiers, a relevé qu'il convient, toutefois, de maintenir ces perceptions dans des limites telles que soient évités des distorsions de concurrence et des détournements de trafic dans le marche commun. Il est à remarquer que de tels effets sont évités dans la mesure ou les redevances sanitaires ne dépassent pas le coût effectif des contrôles en question. On ne saurait donc déduire de ces considérations que la perception de redevances pour contrôle sanitaire sur les produits importés de pays tiers serait subordonnée à la preuve que des taxes identiques ou comparables sont prélevées par tous les autres Etats membres.

22. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que la légalité de la perception d'un droit pour contrôle sanitaire sur les viandes fraîches importées d'états tiers ne saurait être subordonnée à la preuve de l'existence de perceptions comparables dans tous les autres Etats membres de la communauté, s'il existe une correspondance entre le montant du droit et le coût du contrôle.

Sur les dépens

23. Les frais exposés par le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne et la Commission des Communautés Européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Bayerisches Verwaltungsgericht Munchen, par ordonnance du 27 octobre 1982, dit pour droit:

L'article 11 de la directive 72-461 du conseil, du 12 décembre 1972, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches, justifié, dans le cas d'importations de viandes fraîches en provenance de pays tiers, la perception d'un droit couvrant les frais pour la délivrance d'une autorisation d'importation basée sur la législation nationale en matière de contrôles sanitaires, à condition qu'il existe un rapport adéquat entre le montant du droit perçu et les frais du contrôle.

La légalité de la perception d'un droit pour contrôle sanitaire sur les viandes fraîches importées d'états tiers ne saurait être subordonnés à la preuve de l'existence de perceptions comparables dans tous les Etats membres de la communauté, s'il existe une correspondance entre le montant du droit et le coût du contrôle.