CJCE, 7 février 1984, n° 237-82
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jongeneel Kaas BV
Défendeur :
État néerlandais et Stichting Centraal Orgaan Zuivelcontrole
LA COUR,
1. Par ordonnance du 14 septembre 1982, parvenue à la Cour le 22 septembre 1982, le président de l'Arrondissementsrechtbank de La Haye, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation du règlement n° 804-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13), ainsi que des articles 30 et 34 du traité CEE, en vue d'apprécier la compatibilité avec ces dispositions de la réglementation néerlandaise concernant la production de fromage.
2. Cette réglementation, entrée en vigueur le 1 juillet 1982, a été prise sur base de la loi sur la qualité des produits agricoles (Landbouwkwaliteitswet du 8.4.1971, stbl. 371) qui vise à établir des règles de qualité pour les produits de l'agriculture et de la pêche. Il s'agit, d'une part, d'un arrêté royal sur la qualité des produits agricoles-produits fromagers (Landbouwkwaliteitsbesluit Kaasprodukten, stbl. 726) et, d'autre part, d'un décret ministériel poursuivant le même but (Landbouwkwaliteitsbeschikking Kaasprodukten, ned. Stcrt. N 251).
3. La réglementation prévoit à cet effet une liste limitative des types de fromages qui peuvent être produits aux Pays-Bas, laquelle comprend pour l'essentiel les fromages traditionnels néerlandais tels que le Gouda et l'Edam et, en outre, le Cheddar et le Feta. Des prescriptions précises concernent chaque variété de fromages et il est interdit de produire un fromage qui n'est pas conforme à ces règles.
4. Le contrôle du respect des règles de qualité est assuré par le Stichting Centraal Orgaan Zuivelkontrole (ci-après 'COZ'), organisme de droit privé auquel toute entreprise fabriquant du fromage industriel doit s'affilier. Le COZ prélève sur ses membres des taxes destinées à couvrir les frais de surveillance et de contrôle. Tout fromage doit porter une marque conformément aux règles arrêtées par le COZ, et les fromages sont, en outre, soumis à un contrôle par voie de sondage.
5. Ces règles ont été contestées par les parties demanderesses au principal, toutes marchands de fromage en gros, qui estiment qu'elles enfreignent, à plusieurs points de vue, le règlement n° 804-68 établissant l'organisation des marchés du lait et des produits laitiers ainsi que les articles 30 et 34 du traité CEE concernant les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation. Elles ont saisi en référé le président de l'Arrondissementsrechtbank, qui a saisi la Cour en vue de lui demander une interprétation de ces dispositions par voie préjudicielle. Il a ainsi posé à la Cour les questions suivantes:
a) Le règlement (CEE) n° 804-68 précité doit-il être interprété en ce sens qu'il empêche un Etat membre comme les Pays-Bas d'arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromage et de produits à base de fromage, une réglementation concernant la qualité de ces produits telle qu'elle est contenue dans les réglementations visées (ci-dessus aux alinéas 2, 3 et 4).
b) En cas de réponse négative à la question a), l'article 30 ou l'article 34 du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils empêchent un Etat membre comme les Pays-Bas d'arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromage et de produits à base de fromage, une réglementation concernant la qualité de ces produits telle qu'elle est contenue dans les réglementations visées (ci-dessus aux alinéas 2, 3 et 4).
c) En cas de réponse négative à la question b), le règlement visé sous a) ou les articles visés sous b) doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils empêchent un Etat membre comme les Pays-Bas d'arrêter une réglementation aux termes de laquelle la préparation industrielle de produits à base de fromage est exclusivement autorisée à ceux qui sont affiliés à un organisme de contrôle, comme le prévoit l'article 12 du Landbouwkwaliteitsbesluit Kaasprodukten?
d) Les principes généraux du droit, notamment le 'principe de proportionnalité' invoqué par les demanderesses, ont-ils un effet direct dans un litige tel que la présente espèce?
6. Il y a lieu d'observer d'emblée que s'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de l'article 177 du traité, de se prononcer sur la compatibilité des dispositions d'une loi nationale avec le traité, elle est, par contre, compétente pour fournir à la juridiction nationale tous éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre de juger de cette compatibilité.
7. Il convient également de souligner, à titre liminaire, que selon le dossier et les explications fournies à la cour lors de la procédure orale, les dispositions de la législation néerlandaise, ci-dessus citées, en s'adressant aux seuls producteurs de fromage, n'affectent pas les importations de fromage vers les Pays-Bas et s'appliquent indistinctement à toute la production néerlandaise de fromage quelle que soit sa destination.
Sur la première question relative au règlement n° 804-68
8. Cette question vise en premier lieu à savoir si les Etats membres peuvent encore - après l'adoption du règlement portant organisation commune du marché du fromage - intervenir dans le fonctionnement de ce marché, et en particulier adopter des mesures ayant le même but que l'organisation commune, notamment dans le domaine de la promotion de la vente. Subsidiairement, la première question vise à savoir, dans l'hypothèse où les Etats membres auraient conservé la compétence d'adopter de telles mesures, si une réglementation telle que celle en cause interfère avec les objectifs de l'organisation commune des marchés.
9. Afin de répondre à cette question, il y a lieu d'examiner le fonctionnement de l'organisation commune du marché du fromage tel qu'il résulte du règlement n° 804-68 précité. Cette organisation commune du marché ne prévoit au stade actuel aucune règle concernant les dénominations et la qualité du fromage. Il n'établit pas non plus de système d'intervention pour les fromages, sauf pour le grana-padano et le parmigiano-reggiano. Le provolone et le fromage de garde bénéficient toutefois de certaines mesures de soutien du marché, sous forme d'aides pour le stockage privé. Dans les rapports avec les pays tiers, des prélèvements à l'importation et des restitutions à l'exportation sont perçus. Le système ainsi institué se distingue donc d'autres organisations de marché qui visent à soutenir le marché a un certain niveau de prix par le moyen d'achats d'intervention ou, plus indirectement, par la fixation de critères minimaux de qualité.
10. En ce qui concerne les compétences des Etats membres, les parties demanderesses au principal ont soutenu que les Etats membres ne peuvent adopter des mesures ayant le même but que l'organisation commune, en particulier dans le domaine de la promotion de la vente. La Commission a estimé quant à elle que la limitation de la liste des fromages autorisés constituerait une infraction à la compétence exclusive de la Communauté de réglementer la liberté d'accès au marché. L'interdiction de produire et de commercialiser des fromages non-conformes aux caractéristiques prescrites équivaudrait à une mesure restreignant la production ayant le même effet qu'une mesure d'intervention et relevant par conséquent de la compétence de la Communauté.
11. Les demanderesses au principal et la Commission considèrent en outre que des mesures telles que celles en cause dans le litige au principal font obstacle au bon fonctionnement de l'organisation commune des marchés. En premier lieu, la limitation de la liste des fromages autorisés serait contraire au principe du marché ouvert auquel tout producteur aurait librement accès. En second lieu, cette limitation irait, selon la Commission, à l'encontre de la politique communautaire visant à élargir autant que possible la demande de fromage par l'augmentation de la diversité des produits offerts. Les restrictions auraient enfin pour effet d'empêcher le fonctionnement, aux Pays-Bas, des mesures d'intervention, des aides au stockage et des restitutions à l'exportation arrêtées par la Communauté.
12. Cette thèse ne peut être retenue. Il ressort d'une jurisprudence constante de la cour, que, dès lors que la Communauté a adopté, en vertu de l'article 40 du traité, des règlements portant établissement d'une organisation commune de marché dans un secteur déterminé, les Etats membres sont tenus de s'abstenir de toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte (arrêt du 22.6.1979, Pigs and Bacon Commission-Mccarren, affaire 177-78, Recueil p. 2161).
13. Toutefois, on ne saurait déduire du silence de la réglementation en cause dans le domaine des dénominations et de la qualité du fromage que la Communauté a consciemment et nécessairement décidé d'imposer aux Etats membres, dans ledit secteur, l'obligation de respecter un système de liberté absolue de production. En l'absence de toute règle communautaire sur la qualité des produits fromagers, la Cour estime que les Etats membres conservent le pouvoir d'imposer de telles règles aux producteurs de fromages établis sur leur territoire. Ce pouvoir s'étend non seulement aux règles considérées comme nécessaires pour la protection du consommateur ou de la santé publique, mais aussi aux règles que l'Etat membre désire promulguer afin de promouvoir la qualité de la production nationale. De telles règles ne pourraient cependant pas créer de discrimination au détriment de produits importés, ni entraver l'importation de produits provenant d'autres Etats membres. Il y a lieu enfin d'observer qu'une réglementation nationale de la qualité permet, dans l'attente de règles communautaires, de réaliser les buts fixés par l'article 39 du traité CEE et par l'organisation commune du marché et de concrétiser les mesures déjà prises par la communauté.
14. Doit également être rejetée la thèse de la Commission selon laquelle l'interdiction de produire des fromages autres que ceux énumérés limitativement par la réglementation nationale aurait pour effet de les exclure des possibilités d'intervention prévues par la réglementation communautaire et de faire ainsi obstacle au bon fonctionnement de celle-ci. En effet, le but du mécanisme d'intervention est de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande, et une législation nationale qui cherche à long terme à augmenter la demande en rendant la production nationale de fromage plus attrayante pour le consommateur poursuit en principe un but identique. Etant donné l'aspect très limité des mesures communautaires pour le soutien du marché dans le secteur du fromage, il n'est dès lors pas incompatible avec celles-ci d'adopter des mesures nationales de qualité qui comportent une interdiction de produire des fromages de type ou de qualité autres que ceux prévus par la réglementation nationale.
15. L'argument de la Commission selon lequel une réglementation nationale interdisant la production de fromages de qualité moindre que celle prévue ferait obstacle à la politique communautaire visant à l'augmentation de la demande par l'élargissement de l'éventail de fromages offerts dans les différents Etats membres ne peut pas non plus être admis. Il ne résulte en effet ni du système ni des dispositions du règlement n° 804-68 que dans le cadre de l'organisation de marché et en vue de réaliser les objectifs qu'elle poursuit, il faille nécessairement donner la préférence à l'augmentation de la demande des produits laitiers par l'élargissement de l'éventail des produits offerts plutôt que par l'amélioration de la qualité d'un nombre limité de produits, méthode qui inspire la législation nationale en cause.
16. Il convient dès lors, à la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, de répondre à la première question que le règlement n° 804-68 doit être interprété en ce sens qu'en l'absence de règles communautaires, un Etat membre peut arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromages et de produits à base de fromage, une réglementation concernant la qualité des fromages produits sur son territoire et comprenant une interdiction de produire d'autres fromages que ceux limitativement énumères.
Sur la deuxième question relative aux articles 30 et 34 du traité CEE
a) Mesures visant à améliorer la qualité
17. La deuxième question vise en substance à savoir si les articles 30 et 34 du traité CEE sont à interpréter en ce sens qu'un Etat membre peut arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromages et de produits à base de fromage, une réglementation visant à améliorer la qualité de la production nationale et assortie de règles sur l'utilisation obligatoire des marques, signes ou documents de contrôle.
18. Les parties demanderesses au principal et la Commission ont soutenu qu'une mesure nationale visant à améliorer la qualité de la production nationale et à augmenter ainsi la vente de ces produits était de nature à défavoriser les importations et, partant, constituait une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation.
19. Il y a lieu de rappeler à cet égard que la Cour, dans son arrêt du 24 novembre 1982 (Commission-Irlande, affaire 249-81, Recueil p. 4005), a dit qu'une campagne publicitaire en faveur de la vente et de l'achat des produits indigènes peut, sous certaines conditions, tomber sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 30 du traité, lorsqu'elle est soutenue par les pouvoirs publics. La Cour a également dit pour droit qu'un organisme institué par le Gouvernement d'un Etat membre et financé par une taxe imposée aux producteurs a le devoir de s'abstenir de toute publicité visant à déconseiller l'achat des produits des autres Etats membres ou à déprécier ces produits aux yeux des consommateurs. Un tel organisme ne doit pas non plus conseiller aux consommateurs d'acheter les produits indigènes uniquement en raison de leur origine nationale (arrêt du 13.12.1983, Apple and Pear Development Council, affaire 222-82, Recueil 1983, p. 4083).
20. L'article 30 ne s'oppose pas en revanche à l'adoption de règles nationales qui, sans toucher les produits importés, ont pour objet d'améliorer la qualité de la production nationale de façon à la rendre plus attrayante pour les consommateurs. Une telle mesure est, en effet, conforme à l'exigence d'une concurrence saine et loyale voulue par le traité.
21. Les demanderesses au principal et la Commission considèrent encore que certains aspects spécifiques de la réglementation freinent les possibilités d'exportation et sont, dès lors, contraires à l'article 34 du traité. Ainsi, l'impossibilité de produire de nouvelles sortes de fromages aux Pays-Bas ferait disparaître les possibilités d'exportation de ceux-ci. Quant aux fromages qui peuvent encore être produits, les nouvelles dispositions auraient des conséquences sur les coûts du fromage néerlandais et, partant, sur sa compétitivité sur les marchés étrangers.
22. Il convient de répondre à cet argument que la Cour a jugé itérativement (notamment dans son arrêt du 1.4.1982, Holdijk, affaires 141 à 143-81, Recueil p. 1299) que l'article 34 du traité vise les mesures nationales qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d'exportation et d'établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d'un Etat membre et son commerce d'exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur de l'état intéressé. Tel n'est cependant pas le cas des dispositions qui prévoient des normes minimales de qualité pour la production de fromages, sans faire de distinction selon que le fromage est destiné au marché national ou à l'exportation.
23. Il convient aussi de souligner que l'article 34 n'a pas pour effet de soustraire les producteurs à toute réglementation qui, en affectant les conditions de production, peut avoir une incidence sur le volume et les coûts de la production nationale. Un Etat membre peut légitimement pratiquer une politique de qualité afin de stimuler les ventes, même si cette politique expose ses producteurs au risque d'une concurrence de prix par les producteurs des autres Etats membres qui ne sont pas tenus aux mêmes exigences de qualité.
b) Utilisation obligatoire des marques, signes ou documents de contrôle
24. Selon la Commission, l'utilisation obligatoire des marques, signes ou documents de contrôle pourrait rendre plus difficiles, voire impossibles, les exportations à destination d'autres Etats membres ou de pays tiers. Le Gouvernement néerlandais soutient en revanche qu'aucun contrôle particulier ne serait imposé et qu'aucun document de contrôle ne serait requis à l'exportation de produits fromagers. Les produits seraient uniquement soumis à un contrôle, par voie de sondage, et un certificat indiquerait le résultat du sondage.
25. Il convient à cet égard d'observer que l'article 34 du traité ne fait pas obstacle à une règle de droit national qui oblige les producteurs d'apposer une marque de contrôle attestant la conformité aux règles nationales de qualité, dès lors que cette obligation concerne indistinctement la production nationale commercialisée dans l'Etat membre concerné et celle destinée à l'exportation.
26. L'article 34 ne fait pas non plus obstacle à une règle nationale qui prévoit des sondages effectués sur tous les produits fromagers destinés à la consommation intérieure ou à l'exportation, par un organisme de contrôle qui émet, par la suite, un document attestant le résultat de ce contrôle.
27. Il serait par contre contraire à l'article 34 d'exiger des documents de contrôle spécifiquement pour la production nationale destinée à l'exportation vers les pays de la Communauté (arrêt du 3.2.1977, Bouhelier, affaire 53-76, Recueil p. 197).
28. Il convient, dès lors, de répondre à la deuxième question que les articles 30 et 34 du traité CEE sont à interpréter en ce sens qu'un Etat membre peut arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromages et de produits à base de fromage, une réglementation qui, sans toucher les produits importés, a pour objet d'améliorer la qualité de la production nationale de façon à la rendre plus attrayante pour les consommateurs, assortie de règles sur l'utilisation obligatoire des marques, signes ou documents de contrôle, des lors que celle-ci ne fait pas de distinction selon que le fromage est destiné au marché national ou à l'exportation.
Sur la troisième question relative à l'affiliation obligatoire
29. La troisième question vise en substance à savoir si le règlement n° 804-68 doit être interprété en ce sens qu'il empêche les Etats membres d'obliger les producteurs de fromage à s'affilier à un organisme de contrôle.
30. Les demanderesses au principal rappellent l'arrêt de la Cour du 26 fevrier 1980 (Vriend, affaire 94-79, Recueil p. 327) dans lequel la Cour a jugé que l'obligation d'affiliation à un organisme homologué par l'autorité publique afin de pouvoir commercialiser, revendre, importer, exporter ou offrir à l'exportation du matériel de reproduction végétale, était contraire au principe du marché ouvert qui est à la base de l'organisation commune des marchés dans le secteur en cause. La réglementation en l'espèce serait analogue à celle existant dans l'affaire Vriend et l'affiliation obligatoire du producteur devrait dès lors être considérée comme incompatible avec le droit communautaire.
31. Selon le Gouvernement néerlandais, il conviendrait de faire une distinction entre l'obligation d'affiliation au stade commercial et l'obligation d'affiliation au stade de la production. Le législateur néerlandais aurait à cet égard tenu compte de la jurisprudence de la cour dans l'affaire Vriend en limitant le champ d'application de la réglementation aux seuls producteurs. Il serait en effet indispensable d'organiser un contrôle adéquat des normes de qualité et les Pays-Bas auraient choisi pour ce faire la voie de l'affiliation obligatoire à une association régie par le droit privé.
32. La Commission remarque que l'obligation d'affiliation s'étend aussi aux commerçants, en raison du fait que le dernier stade de la préparation, à savoir la maturation, a souvent lieu chez eux, par manque de possibilité de stockage chez les fabricants. La Commission considère qu'il appartient au juge national, à la lumière de l'arrêt Vriend, de décider si l'obligation d'affiliation pour les producteurs peut rendre impossible la commercialisation, la revente, l'importation ou l'exportation des fromages.
33. La conformité avec le droit communautaire d'une obligation d'affiliation à un organisme de contrôle agréé par un Etat membre dépend en premier lieu de la conformité avec le droit communautaire des objectifs poursuivis par l'organisme de contrôle lui-même, que le juge national aura à apprécier selon la réponse donnée ci-dessus aux deux premières questions.
34. Si le juge national conclut que les buts de l'organisme de contrôle sont compatibles avec le droit communautaire, il lui appartient ensuite de vérifier si les moyens choisis pour assurer le respect des règles nationales sont susceptibles de modifier les courants d'importation ou d'exportation en empêchant les producteurs d'opérer librement la commercialisation des produits concernés.
35. A cet égard, il convient de préciser que rien ne s'oppose à ce qu'un Etat membre institue un organisme de contrôle et permette à celui-ci d'exercer une autorité sur les producteurs, ou encore les soumette à l'obligation d'enregistrement ou d'affiliation auprès de cet organisme, dès lors que de telles mesures sont nécessaires pour assurer le respect des règles adoptées en conformité avec le droit communautaire.
36. Il est par contre contraire au droit communautaire qu'un Etat membre, directement ou par l'intermédiaire d'organes créés ou homologués par l'autorité publique, réserve exclusivement aux personnes affiliées à un tel organisme la commercialisation, la revente, l'importation, l'exportation et l'offre à l'exportation de la production nationale de fromage. Il incombe au juge national de vérifier si tel est l'effet de la réglementation dont il est saisi, soit parce que l'absence d'enregistrement ou d'affiliation a pour effet une interdiction d'exercer la profession, soit parce que l'obligation d'affiliation est étendue au-delà de ce qui est nécessaire pour obtenir le respect des règles de qualité. En particulier, il incombe au juge national de vérifier si cette nécessité exige que la réglementation s'applique aussi à des commerçants qui ne participent pas à la production du fromage ou à des procédés assimilés à la production telle que la maturation.
37. Il convient dès lors de répondre à la troisième question que le règlement n° 804-68 doit être interprété en ce sens qu'il n'empêche pas un Etat membre d'obliger les producteurs de fromage à s'affilier à un organisme de contrôle pourvu que les buts de cet organisme soient conformes au droit communautaire et que la commercialisation, la revente, l'importation, l'exportation ou l'offre à l'exportation des produits fromagers ne soit pas exclusivement réservée aux personnes affiliées à un tel organisme.
Sur la quatrième question relative aux principes généraux de droit communautaire
38. La quatrième question vise en substance à déterminer si les Etats membres, lorsqu'ils ont compétence pour définir des règles de qualité pour le fromage, sont liés par les principes généraux du droit communautaire, et en particulier par le principe de proportionnalité.
39. Compte tenu des réponses données aux précédentes questions, et en particulier à la troisième, il n'y a pas lieu de répondre séparément à cette question.
Sur les dépens
40. Les frais exposés par le Gouvernement néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par l'Arrondissementsrechtbank de La Haye, par ordonnance du 14 septembre 1982, dit pour droit:
1) Le règlement n° 804-68 doit être interprété en ce sens qu'en l'absence de règles communautaires, un Etat membre peut arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromages et de produits à base de fromage, une réglementation concernant la qualité des fromages produits sur son territoire et comprenant une interdiction de produire d'autres fromages que ceux limitativement énumérés.
2) Les articles 30 et 34 du traité CEE sont à interpréter en ce sens qu'un Etat membre peut arrêter unilatéralement, en vue de promouvoir la vente de fromages et de produits à base de fromage, une réglementation qui, sans toucher les produits importés, a pour objet d'améliorer la qualité de la production nationale de façon à la rendre plus attrayante pour les consommateurs, assortie de règles sur l'utilisation obligatoire des marques, signes ou documents de contrôle, dès lors que celle-ci ne fait pas de distinction selon que le fromage est destiné au marché national ou à l'exportation.
3) Le règlement n° 804-68 doit être interprété en ce sens qu'il n'empêche pas un Etat membre d'obliger les producteurs de fromage à s'affilier à un organisme de contrôle pourvu que les buts de cet organisme soient conformes au droit communautaire et que la commercialisation, la revente, l'importation, l'exportation ou l'offre à l'exportation des produits fromagers ne soit pas exclusivement réservée aux personnes affiliées à un tel organisme.