CJCE, 26 octobre 1971, n° 18-71
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eunomia di Porro e C.
Défendeur :
Ministère de l'Instruction publique de la République italienne
LA COUR,
1. Attendu que, par décision du 6 avril 1971, parvenue au greffe de la Cour le 15 avril 1971, le Président du Tribunal de Turin a posé, en vertu de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, deux questions relatives à l'interprétation de l'article 16 du traité CEE ;
2. Attendu qu'il apparaît de la décision de renvoi que le juge national est saisi d'une demande en restitution de sommes acquittées, à l'occasion de l'exportation d'une œuvre d'art à destination d'un autre Etat membre, au titre de la taxe sur l'exportation des objets présentant un intérêt artistique, historique, archéologique ou ethnologique prévue par la loi italienne du 1er juin 1939, n° 1089 ;
3. Attendu que ladite taxe, ainsi qu'il a été constaté par l'arrêt de la Cour de justice du 10 décembre 1968 dans l'affaire 7-68, constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'exportation et relève du champ d'application de l'article 16 du traité ;
4. Attendu que, par la première question, il est demandé à la Cour de dire si l'article 16 constitue une norme juridique immédiatement applicable et produisant des effets directs sur le territoire de l'Etat italien à partir du 1er janvier 1962 ;
Que, pour le cas où il serait répondu affirmativement à la première question, il est demandé à la Cour de dire si cette norme a engendré, à partir de cette date, à l'égard de l'Etat italien, des droits subjectifs que les tribunaux doivent sauvegarder ;
Que ces deux questions étant étroitement liées, il y a lieu de les examiner ensemble ;
5. Attendu que, selon l'article 9 du traité CEE, la Communauté est fondée sur une union douanière qui comporte notamment l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane et de toutes taxes d'effet équivalent ;
Qu'en vertu de l'article 16 du traité, les Etats membres suppriment entre eux, au plus tard à la fin de la première étape, les droits de douane à l'exportation et les taxes d'effet équivalent ;
6. Attendu que les articles 9 et 16, considérés conjointement, comportent, au plus tard à la fin de la première étape, en ce qui concerne l'ensemble des taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'exportation, une interdiction claire et précise de percevoir lesdites taxes, qui n'est assortie d'aucune réserve des Etats de subordonner sa mise en œuvre à un acte positif de droit interne ou à une intervention des institutions de la Communauté ;
Qu'elle se prête parfaitement, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les Etats membres et leurs justiciables ;
7. Que, dès lors, à partir de la fin de la première étape, c'est-à-dire du 1er janvier 1962, ces dispositions ont engendré, pour les particuliers, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder et auxquels on ne saurait opposer des dispositions contraires de droit interne, même si l'Etat membre a tardé à les éliminer ;
8. Attendu que les frais exposés par la Commission des Communautés européennes qui a soumis ses observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement et que la procédure revêtant le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les autres dépens ;
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par le Président du Tribunal de Turin, conformément à l'ordonnance rendue par cette juridiction, le 6 avril 1971, dit pour droit :
Depuis le 1er janvier 1962, date à laquelle la première étape de la période transitoire a pris fin, l'article 16 du traité produit des effets immédiats dans les rapports entre les Etats membres et leurs justiciables et engendre, dans le chef de ces derniers, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.