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Décisions

CJCE, 6e ch., 11 février 1999, n° C-390/95 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Antillean Rice Mills NV, European Rice Brokers AVV, Guyana Investments AVV, Conseil de l'Union européenne, République italienne, République française, Trading & Shipping Co. Ter Beek BV

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Kapteyn

Avocat général :

M. Alber

Juges :

MM. Mancini, Murray, Ragnemalm, Ioannou

Avocats :

Mes Glazener, Knibbeler, Pel

CJCE n° C-390/95 P

11 février 1999

LA COUR (sixième chambre),

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 décembre 1995, Antillean Rice Mills NV, European Rice Brokers AVV et Guyana Investments AVV (ci-après les "requérantes") ont, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission (T-480-93 et T-483-93, Rec. p. II-2305, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a annulé l'article 1er, paragraphe 1, de la décision 93-127-CEE de la Commission, du 25 février 1993, instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises (JO L 50, p. 27, ci-après la "décision litigieuse"), et a rejeté leurs recours pour le surplus.

2 S'agissant du cadre juridique des recours devant le Tribunal, ce dernier a constaté:

"1 Les Antilles néerlandaises font partie des pays et territoires d'outre-mer (ci-après les `PTOM') qui sont associés à la Communauté économique européenne. L'association des PTOM à la Communauté est réglée par la quatrième partie du traité CEE (ci-après le `traité'') ainsi que par la décision 91-482-CEE du Conseil, du 25 juillet 1991 (JO L 263, p. 1, ci-après la `décision PTOM'), qui a été prise en application de l'article 136, deuxième alinéa, du traité.

2 L'article 133, paragraphe 1, du traité prévoit que les importations originaires des PTOM bénéficient, à leur entrée dans les États membres, de l'élimination totale des droits de douane qui intervient progressivement entre les États membres conformément aux dispositions du traité. L'article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM dispose que les produits originaires des PTOM sont admis à l'importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d'effet équivalent. Le paragraphe 2 du même article prévoit, en outre, que les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l'état vers la Communauté sont admis à l'importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d'effet d'équivalent, à condition qu'aient été acquittés, dans le PTOM concerné, des droits de douane ou taxes d'effet équivalent d'un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans la Communauté à l'importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée; que ces produits n'aient pas fait l'objet d'exemption ou de restitution, totale ou partielle, de droits de douane ou de taxes d'effet équivalent et qu'ils soient accompagnés d'un certificat d'exportation.

3 L'article 108, paragraphe 1, premier tiret, de la décision PTOM renvoie à l'annexe II de la décision PTOM (ci-après `annexe II') pour ce qui est de la définition de la notion de produits originaires et des méthodes de coopération administrative qui s'y rapportent.

4 En vertu de l'article 1er de l'annexe II, un produit est considéré comme originaire d'un PTOM, de la Communauté ou d'un État d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après `États ACP') s'il y a été soit entièrement obtenu, soit suffisamment transformé.

5 Selon l'article 2, paragraphe 1, sous b), de l'annexe II, sont considérés comme entièrement obtenus dans les PTOM ou dans la Communauté ou dans les États ACP `les produits du règne végétal qui y sont récoltés'.

6 Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de l'annexe II, les matières non originaires sont considérées comme ayant fait l'objet d'une ouvraison ou d'une transformation suffisante lorsque le produit obtenu est classé sous une position tarifaire différente de celle dans laquelle sont classées toutes les matières non originaires utilisées pour sa fabrication.

7 Enfin, l'article 6, paragraphe 2, de l'annexe II prévoit que, lorsque des produits entièrement obtenus dans la Communauté ou dans les États ACP font l'objet d'ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM.

8 Depuis 1967, il existe une organisation commune du marché du riz, actuellement régie par le règlement (CEE) n° 1418-76 du Conseil, du 21 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz (JO L 166, p. 1), qui comprend un prix d'intervention pour le riz paddy, des restitutions à l'exportation et des prélèvements à l'importation. Ces prélèvements varient en fonction du pays d'origine. En ce qui concerne les États ACP, un prélèvement à taux réduit est perçu dans la limite d'un contingent tarifaire de 125 000 tonnes de riz décortiqué et de 20 000 tonnes de riz en brisures.

9 En outre, le règlement (CEE) n° 3878-87 du Conseil, du 18 décembre 1987, relatif à l'aide à la production pour certaines variétés de riz (JO L 365, p. 3, ci-après `règlement n° 3878-87'), encourage la culture du riz Indica par les producteurs communautaires. Le règlement (CEE) n° 3763-91 du Conseil, du 16 décembre 1991, portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer (JO L 356, p. 1, ci-après `règlement n° 3763-91'), a pour objet de favoriser la culture du riz en Guyane française et de soutenir l'écoulement et la commercialisation du riz en Guadeloupe et en Martinique, trois départements français d'outre-mer (ci-après `DOM'). A cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 227, paragraphe 2, du traité, les règles de la libre circulation des marchandises ainsi que celles de la politique agricole commune, à l'exception de l'article 40, paragraphe 4, sont applicables aux DOM, qui - à ces fins - font partie intégrante de la Communauté."

3 Il ressort de l'arrêt attaqué que, le 25 février 1993, à la suite de plaintes des Gouvernements français et italien, la Commission a arrêté, par la décision litigieuse, un prix minimal pour l'importation de riz originaire des Antilles néerlandaises dans la Communauté. Le 14 janvier 1993, le ministre des Finances des Antilles néerlandaises a fixé un prix minimal à l'exportation qui correspondait au prix minimal relatif imposé par la Commission dans la décision litigieuse.

4 Par décision 93-211-CEE, du 13 avril 1993, modifiant la décision 93-127 (JO L 90, p. 36), la Commission a, toutefois, abaissé le prix minimal par tonne de riz pour tenir compte de l'amélioration des conditions du marché. Ces deux décisions étaient fondées sur l'article 109 de la décision PTOM, qui a été prise en application de l'article 136, second alinéa, du traité. Enfin, par décision 93-356-CEE, du 16 juin 1993 (JO L 147, p. 28), la Commission a abrogé les mesures de sauvegarde.

5 Les requérantes sont trois entreprises qui exercent dans les Antilles néerlandaises des activités dans le secteur de la transformation et de la commercialisation du riz et qui y transforment du riz brun venant du Surinam et de Guyane. La transformation dans les Antilles néerlandaises conférant au riz son origine antillaise, celui-ci pouvait donc être importé dans la Communauté en franchise de prélèvement conformément à l'article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM.

6 Estimant qu'elles avaient subi un sérieux dommage du fait des mesures de sauvegarde instaurées par la Commission, les requérantes ont formé des recours tendant à l'annulation desdites mesures et à l'indemnisation du préjudice qu'elles prétendaient avoir subi.

7 Les requérantes ont invoqué six moyens devant le Tribunal. Le premier moyen était tiré de l'illégalité de l'article 109 de la décision PTOM, sur laquelle était fondée la décision litigieuse, au motif que cette disposition conférerait à la Commission le pouvoir de prendre des mesures de sauvegarde dans des conditions qui n'ont pas été prévues par le traité CE. Le deuxième moyen était pris d'une violation de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM en ce que la Commission aurait instauré des mesures de sauvegarde alors que les conditions de leur instauration n'étaient pas réunies. Les requérantes invoquaient, en troisième lieu, la violation de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM en ce que les mesures de sauvegarde instaurées seraient allées au-delà de ce qui était nécessaire pour éliminer la prétendue menace de perturbation ou de détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci. En quatrième lieu, elles alléguaient une violation des articles 132, paragraphe 1, et 133, paragraphe 1, du traité et de l'article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM en ce que la subordination de l'exemption des droits de douane à l'importation au respect de prix minimaux constituerait une taxe d'effet équivalent "conditionnelle". Le cinquième moyen était tiré de la violation de l'article 131 du traité en ce que la Commission n'aurait pas ou pas suffisamment tenu compte des buts de l'association des PTOM. Les requérantes arguaient, en sixième lieu, de la violation du principe de préparation soigneuse des actes communautaires ainsi que de l'article 190 du traité en ce que la Commission n'aurait pas ou pas suffisamment examiné la situation du marché ni motivé les mesures de sauvegardes instaurées.

L'arrêt attaqué

8 Aux points 63 à 78 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a d'abord examiné la question de recevabilité soulevée par la Commission et considéré qu'une décision de cette dernière, prise en application de l'article 109 de la décision PTOM, adressée aux États membres et fixant, à titre de mesures de sauvegarde, un prix minimal à l'importation d'un produit originaire de l'un de ces territoires, concerne directement, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, les entreprises exportant ledit produit à partir de ce territoire, dès lors qu'elle ne laisse aux États membres aucune marge d'appréciation quant à l'imposition et au niveau du prix minimal en cause. En dépit de son caractère normatif, une telle décision concerne aussi individuellement, au sens de la même disposition, les entreprises, connues de la Commission en raison de contacts établis avant l'adoption de la mesure de sauvegarde, qui avaient des marchandises en cours d'acheminement visées par ladite décision lors de l'intervention de celle-ci.

9 Ensuite, au point 95, le Tribunal a considéré que, sur la base de l'article 136, second alinéa, du traité, le Conseil était en droit, en vue de concilier les principes de l'association des PTOM à la Communauté et de la politique agricole commune, d'insérer à l'article 109 de la décision PTOM une clause de sauvegarde autorisant notamment des restrictions à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM si celle-ci entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci. En opérant ce choix, qui ne limite que exceptionnellement, partiellement et temporairement la libre importation dans la Communauté des produits en provenance des PTOM, le Conseil n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation découlant de l'article 136, second alinéa, du traité.

10 Aux points 119 à 135, le Tribunal a jugé que l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM laisse à la Commission un large pouvoir d'appréciation, non seulement quant à l'existence des conditions justifiant l'adoption d'une mesure de sauvegarde, mais aussi quant au principe de l'adoption d'une telle mesure, de sorte que le juge communautaire doit, dans l'exercice de son contrôle, se limiter à examiner si l'exercice d'un tel pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation. Tel n'a pas été le cas lors de l'adoption de la décision litigieuse et de la décision 93-211. En effet, au vu de l'évolution à la baisse du prix du riz dans la Communauté qu'elle avait pu constater et de l'accroissement simultané des importations en provenance de ce territoire d'outre-mer, la Commission a pu considérer qu'avaient surgi des difficultés, qui risquaient d'entraîner une détérioration dans le secteur de la production du riz dans la Communauté et de mettre en péril l'application du programme Poseidom destiné à favoriser la commercialisation en Guadeloupe et en Martinique du riz produit en Guyane française, et que, dès lors, les conditions d'adoption de mesures de sauvegarde étaient remplies.

11 Le Tribunal a ensuite considéré, aux points 140 à 143, que les mesures de sauvegarde à l'encontre des importations de produits originaires des PTOM qu'autorise l'article 109 de la décision PTOM ne peuvent avoir pour objectif que de remédier aux difficultés rencontrées par un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'empêcher que de telles difficultés ne naissent, et doivent, selon le paragraphe 2 de cet article, être strictement indispensables. De ce fait devait être annulé l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, par laquelle la Commission a instauré à titre de mesure de sauvegarde un prix minimal à l'importation du riz originaire des Antilles néerlandaises, car le niveau auquel ce prix a été fixé était tel que ce riz était plus cher, sur le marché communautaire, non seulement que le riz communautaire, mais également que le riz en provenance de pays tiers, dont les États ACP, contrairement à l'ordre de préférence dont doivent bénéficier les produits des pays et territoires associés et au principe de proportionnalité qu'exprime le paragraphe 2 de l'article 109.

12 Aux points 149 à 153 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a, en revanche, admis la validité de la décision 93-211 qui ramène, en ce qui concerne la même mesure de sauvegarde, le prix minimal à un niveau tel que le riz en cause n'est placé dans une position concurrentielle défavorable que par rapport au riz communautaire dont la mesure entend assurer la protection.

13 Au point 157, le Tribunal a rejeté l'argument tiré de la prétendue taxe d'effet équivalent "conditionnelle", en jugeant qu'un prélèvement perçu lors de l'importation d'un produit originaire de PTOM, effectuée à un prix inférieur au prix minimal fixé dans le cadre d'une mesure de sauvegarde instituée en application de l'article 109 de la décision PTOM, ne saurait être considéré comme une taxe d'effet équivalent prohibée par l'article 101 de ladite décision, dans la mesure où l'obligation d'acquitter un tel prélèvement trouve son origine non pas dans le franchissement de la frontière de la Communauté, mais dans le non-respect du prix minimal imposé.

14 Ensuite, le Tribunal a considéré, aux points 189 à 194, que l'instauration, en application de l'article 109 de la décision PTOM, de mesures de sauvegarde à l'encontre des importations de produits originaires de PTOM constitue une activité normative impliquant des choix de politique économique, de sorte qu'une illégalité commise à cette occasion n'est susceptible d'engager la responsabilité de la Communauté que si elle s'analyse comme une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. L'illégalité commise par la Commission lors de l'adoption par la décision litigieuse d'une mesure de sauvegarde qui n'était pas, dans ses modalités, indispensable pour sauvegarder les intérêts de la Communauté, ainsi que l'exige le paragraphe 2 dudit article 109, constitue une violation d'une telle règle, en l'occurrence du principe de proportionnalité. Cette violation n'engage cependant pas la responsabilité de la Communauté, dans la mesure où l'on ne saurait la considérer comme suffisamment caractérisée, compte tenu de la circonstance que la Commission a utilisé, en toute bonne foi, des données communiquées par les autorités nationales des Antilles néerlandaises qui se sont révélées inexactes, sans que pour autant les requérantes aient attiré son attention sur cette inexactitude qu'elles connaissaient.

15 Au point 200, le Tribunal a ajouté que, même si une telle violation avait été de nature à engager la responsabilité de la Communauté, il eût fallu, pour que naquît un droit à indemnisation, que l'on se trouvât en présence d'un préjudice dépassant ce qu'il est admis qu'un particulier, même dans l'hypothèse où il est victime d'une illégalité, doit supporter sans pouvoir se faire indemniser sur les fonds publics.

16 En conséquence, le Tribunal a annulé l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, au motif qu'il excédait ce qui était strictement nécessaire pour remédier aux difficultés suscitées pour la commercialisation du riz communautaire par l'importation du riz antillais et, par conséquent, violait l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM, et a rejeté les recours pour le surplus.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours devant le Tribunal

17 Le Gouvernement italien soutient que l'arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission visant à faire juger que les requérantes n'étaient pas individuellement concernées. Il fait valoir que le Tribunal a appliqué de manière erronée les principes dégagés dans l'arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11-82, Rec. p. 207), aux fins d'identification des sujets de droit concernés individuellement par des actes normatifs.

18 Les parties requérantes, cependant, mettent en doute la possibilité pour le Gouvernement italien de soulever un tel moyen. Elles considèrent que, dans la mesure où le Gouvernement italien n'était qu'une partie intervenante au soutien de la position de la Commission, il ne peut invoquer devant la Cour un moyen d'irrecevabilité qui n'est pas soulevé par la Commission elle-même dans le cadre d'un pourvoi.

19 Il convient donc, d'abord, d'examiner la recevabilité devant la Cour du moyen tiré par le Gouvernement italien de l'irrecevabilité du recours devant le Tribunal et ensuite, le cas échéant, son bien-fondé.

20 S'agissant de la recevabilité devant la Cour de ce moyen soulevé par le Gouvernement italien, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 49, paragraphe 2, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi peut être formé devant celle-ci par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions devant le Tribunal. Il en découle que les intervenants devant le Tribunal sont considérés comme des parties devant cette juridiction. Partant, l'article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, selon lequel "Toute partie à la procédure devant le Tribunal peut présenter un mémoire en réponse dans un délai de deux mois à compter de la signification du pourvoi", leur est applicable, ce qui les dispense de devoir présenter une nouvelle requête en intervention devant la Cour conformément aux articles 93 et 123 dudit règlement de procédure (arrêt du 22 décembre 1993, Pincherle/Commission, C-244-91 P, Rec. p. I-6965, point 16).

21 Il s'ensuit que, à l'égard des moyens qu'elles peuvent soulever, il n'existe aucune distinction entre les parties ayant le droit de présenter un mémoire en réponse, ces dernières étant soumises, de la même manière, aux exigences des articles 115 et 116 du règlement de procédure de la Cour.

22 Il en résulte qu'une partie intervenante bénéficiant du droit de présenter un mémoire en réponse, en vertu de l'article 115 du règlement de procédure de la Cour, doit, en l'absence d'une limitation expresse, pouvoir soulever des moyens concernant tout point de droit qui constitue le fondement de l'arrêt attaqué.

23 Un État membre qui a déposé un mémoire en réponse en vertu de l'article 115 dudit règlement de procédure peut donc, en tout état de cause, exciper devant la Cour de l'irrecevabilité dont le recours était, selon lui, entaché, nonobstant la circonstance que la partie qu'il a soutenue devant le Tribunal n'a pas soulevé une telle exception dans sa réponse au pourvoi et ne l'avait soulevée que dans ses conclusions présentées en première instance.

24 Il ressort de ce qui précède que le moyen soulevé par le Gouvernement italien est recevable.

25 Quant au fond du moyen d'irrecevabilité, il y a lieu de rappeler que la Cour a déduit de l'article 130, paragraphe 3, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la République hellénique et aux adaptations des traités (JO 1979, L 291, p. 17), que, lorsqu'elle adopte des mesures de sauvegarde, la Commission doit, dans la mesure où les circonstances de l'espèce n'y font pas obstacle, se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risque d'avoir sur l'économie dudit État membre ainsi que sur les entreprises intéressées, et en a conclu que celles-ci sont à considérer, aux fins de la recevabilité d'un recours, comme individuellement concernées par ladite décision (voir arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, points 28 et 31).

26 Comme le Tribunal l'a indiqué à juste titre aux points 68 et 70 de l'arrêt attaqué, le raisonnement utilisé dans l'arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission est également applicable dans le cas d'espèce étant donné que les termes de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM sont en substance identiques à ceux de l'article 130, paragraphe 3, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la République hellénique et aux adaptations des traités, ainsi qu'en raison de la similitude du but que ces dispositions poursuivent, à savoir définir l'intensité des mesures de sauvegarde susceptibles d'être adoptées par la Communauté.

27 Alors même que, à la différence de la décision PTOM qui s'adresse à tous les États membres, ledit arrêt concernait une décision visant un seul État membre, la thèse du Gouvernement italien, selon laquelle le point 32 de l'arrêt du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil (C-209-94 P, Rec. p. I-615), exclut l'applicabilité dans l'espèce du raisonnement adopté par la Cour dans l'arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, ne saurait être accueillie.

28 La protection juridictionnelle dont bénéficie un particulier sous l'égide de l'article 173, quatrième alinéa, du traité ne peut pas dépendre de ce que la décision litigieuse est adressée à un seul État membre ou à plusieurs, mais doit être établie sur la base de la spécificité de la situation de ce particulier par rapport à toute autre personne concernée. Contrairement à l'affaire Buralux e.a./Conseil, qui ne concernait que des personnes envisagées de manière générale, la présente affaire concerne des personnes clairement identifiables. Le Tribunal a donc pu valablement estimer, au point 77 de l'arrêt attaqué, que ce qui est déterminant pour identifier les personnes concernées individuellement par une décision instaurant une mesure de sauvegarde est la protection dont jouissent, au titre du droit communautaire, le pays ou le territoire ainsi que les entreprises intéressées à l'encontre desquels la mesure de sauvegarde est adoptée.

29 Quant à l'argument du Gouvernement italien selon lequel le Tribunal a commis une erreur en jugeant au point 75 de l'arrêt attaqué que les éléments d'appréciation dont disposait la Commission avant l'adoption des décisions attaquées étaient concrets et précis, étant donné que des cargaisons de riz de deux au moins des requérantes étaient en cours d'acheminement vers la Communauté au moment où la première décision a été adoptée, il repose sur des questions de fait qui ne relèvent pas du contrôle de la Cour. En effet, le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. L'appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été soumis, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (ordonnance du 5 février 1998, Abello e.a./Commission, C-30-96 P, Rec. p. I-377, point 49).

30 Il ressort de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours devant le Tribunal soulevé par le Gouvernement italien doit être rejeté.

Sur le bien-fondé du pourvoi

31 Les requérantes invoquent en substance six moyens dans leur pourvoi. Elles considèrent, tout d'abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit en décidant que, en vertu de l'article 136, second alinéa, du traité, le Conseil était en droit d'insérer dans la décision PTOM une clause de sauvegarde autorisant des restrictions à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM. Il aurait également commis une erreur de droit en décidant que la Commission pouvait conclure à la présence de difficultés susceptibles de causer une détérioration de la production du riz Indica dans la Communauté. Les requérantes soutiennent ensuite que le prix minimal fixé par la seconde décision allait au-delà de ce qui était strictement nécessaire. Par ailleurs, le Tribunal aurait conclu, à tort selon elles, que le régime plus sévère de responsabilité relatif aux actes normatifs était applicable en l'espèce. En outre, il aurait omis d'examiner s'il y avait une violation caractérisée du droit communautaire et a apprécié les décisions attaquées en accordant à tort une importance déterminante à une mesure du Gouvernement des Antilles néerlandaises. Enfin, le Tribunal aurait accordé une importance exagérée au caractère prévisible du dommage.

Sur le premier moyen

32 Les parties requérantes reprochent en premier lieu au Tribunal d'avoir jugé que le Conseil était habilité, aux termes de l'article 136, second alinéa, du traité, à insérer dans la décision PTOM une clause de sauvegarde permettant d'apporter une restriction à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM.

33 Ce moyen se divise en deux branches. Les parties requérantes estiment, dans la première branche du moyen, que la conclusion du Tribunal se fonde sur une approche inexacte de la genèse de l'article 109 de la décision PTOM. Selon elles, le Tribunal a indiqué à tort, au point 94 de l'arrêt attaqué, que ledit article est venu compléter le régime d'association des PTOM à la Communauté économique européenne en accordant pour la première fois aux produits agricoles originaires des PTOM le libre accès à celle-ci.

34 A cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a considéré à juste titre, au point 94 de l'arrêt attaqué, qu'une clause générale de sauvegarde existait déjà par le passé et a pu trouver à s'appliquer pour la première fois à des produits agricoles en provenance des PTOM, auparavant soumis à un régime spécial, après que ceux-ci eurent été mis sur le même pied que tous les autres produits. Il a donc, à bon droit, estimé que l'article 109 de la décision PTOM est une clause de sauvegarde générale, applicable pour la première fois aux produits agricoles originaires des PTOM.

35 Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent que l'arrêt attaqué se fonde sur une appréciation erronée des compétences tirées de l'article 136, second alinéa, du traité. A l'appui de cette argumentation, elles allèguent, d'une part, que les principes visés par cette disposition ne concernent que ceux visés par la quatrième partie du traité et que celle-ci ne couvre pas tous les principes insérés dans le traité et, d'autre part, que le régime des échanges commerciaux entre les États membres et les PTOM ne peut être mis simplement sur un pied d'égalité avec le régime existant avec des pays tiers qui ne font pas partie de la Communauté; il doit en tout état de cause être plus favorable que ce régime. Les requérantes font également valoir que le Conseil n'a pas la faculté d'arrêter des décisions d'application au titre de l'article 136, second alinéa, en dérogeant à la libre circulation des marchandises entre la Communauté et les PTOM dans l'intérêt de la politique agricole commune et que les mesures de sauvegarde peuvent uniquement être arrêtées aux conditions énoncées à l'article 134 du traité. Elles estiment en outre qu'il ressort de la quatrième partie du traité ainsi que des protocoles comportant des exceptions au régime d'association des PTOM qu'une exception à la libre circulation des marchandises entre la Communauté et les PTOM requiert une disposition dans le traité lui-même. Enfin, une clause de sauvegarde générale n'est pas conforme aux articles 132, paragraphe 1, et 133, paragraphe 1, du traité.

36 A cet égard, il y a lieu tout d'abord de rappeler que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, l'association des PTOM doit être réalisée selon un processus dynamique et progressif qui peut nécessiter l'adoption de plusieurs dispositions aux fins de réaliser l'ensemble des objectifs énoncés à l'article 132 du traité, tenant compte des réalisations acquises grâce aux décisions antérieures du Conseil (arrêt du 22 avril 1997, Road Air, C-310-95, Rec. p. I-2229, point 40). Il s'ensuit que, bien que les PTOM soient des pays et territoires associés ayant des liens particuliers avec la Communauté, ils ne font toutefois pas partie de cette dernière et la libre circulation des marchandises entre les PTOM et la Communauté n'existe pas à ce stade sans restriction en vertu de l'article 132 du traité.

37 Il convient ensuite de souligner que l'article 136, second alinéa, habilite le Conseil à adopter des décisions dans le contexte de l'association, sur la base des principes inscrits dans le traité. Il s'ensuit que le Conseil, lorsqu'il adopte des décisions PTOM au titre dudit article, doit tenir compte non seulement des principes figurant dans la quatrième partie du traité, mais aussi des autres principes du droit communautaire, y compris ceux qui se rapportent à la politique agricole commune.

38 Cette conclusion est au demeurant conforme aux articles 3, sous r), et 131 du traité qui prévoient que la Communauté promeut le développement économique et social des PTOM, sans toutefois que cette promotion implique une obligation de privilégier ces derniers.

39 Il ressort de ce qui précède que le Tribunal pouvait à bon droit conclure qu'une clause de sauvegarde et son application aux produits agricoles originaires des PTOM ne sont pas exclues dans le contexte de l'article 136, second alinéa, du traité.

40 Par ailleurs, étant donné qu'une clause de sauvegarde n'enfreint nullement les principes de la quatrième partie du traité du seul fait de son existence, l'argument des requérantes selon lequel une telle clause de sauvegarde requiert une révision du traité n'est pas fondé.

41 Quant à l'argument selon lequel les mesures de sauvegarde ne peuvent être arrêtées qu'aux conditions énoncées à l'article 134 du traité, il doit également être rejeté. Même si la Cour a déjà jugé que cette disposition a vocation à être appliquée après l'entrée en vigueur du traité et jusqu'à la réalisation d'une zone douanière commune (arrêt Road Air, précité, point 36), les articles 134 et 136, second alinéa, poursuivent des fins distinctes et, dès lors, l'interprétation de cette dernière disposition par le Tribunal ne met pas en cause la portée de l'autre disposition.

42 Quant à l'argument tiré de l'article 132, paragraphe 1, du traité, il ne saurait davantage être retenu. En effet, ainsi qu'il ressort de la première phrase de cette disposition, celle-ci se borne à fixer l'objectif poursuivi par l'association des PTOM, en énonçant que les échanges avec ces derniers sont mis sur le même pied que les échanges entre les États membres (arrêt Road Air, précité, point 40).

43 S'agissant, enfin, de l'argument tiré de l'article 133, paragraphe 1, du traité, il suffit de répondre que l'élimination des droits de douane à l'entrée dans la Communauté des produits originaires des PTOM, but de cette disposition, n'exclut pas la possibilité d'arrêter sur la base de l'article 136, second alinéa, du traité une clause de sauvegarde qui ne limite l'importation que exceptionnellement, partiellement et temporairement.

44 Il ressort de ce qui précède que le premier moyen des requérantes doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen

45 Les parties requérantes font valoir, dans leur deuxième moyen, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission pouvait conclure à l'existence de difficultés susceptibles de causer une détérioration de la production du riz Indica dans la Communauté. Elles soutiennent en effet qu'un lien de causalité doit être établi entre les importations de riz antillais et la baisse du prix du riz paddy communautaire pour que la Commission puisse conclure que les conditions d'application de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM sont réunies, et que, en l'occurrence, le Tribunal a admis à tort l'existence d'un tel lien.

46 A l'appui de ce grief, les requérantes considèrent que l'affirmation du Tribunal, au point 128 de l'arrêt attaqué, selon laquelle les données relatives au prix du riz paddy communautaire et aux importations de riz semi-blanchi antillais ont permis à la Commission de conclure que les conditions de mise en œuvre des mesures de sauvegarde étaient remplies, est incompréhensible à la lumière des nombreuses données qu'elles ont fournies à cet égard. L'affirmation du Tribunal, au point 131 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la Commission a constaté à juste titre la présence d'un écart considérable de prix, en ce qui concerne le riz communautaire, entre septembre 1992 et janvier 1993 serait également non fondée. Enfin, elles estiment que l'argument énoncé au point 132 de l'arrêt attaqué, concernant le programme Poseidom et la commercialisation du riz en Guadeloupe et Martinique, ne peut, en tant que tel, justifier les mesures de sauvegarde adoptées, alors que des mesures moins radicales auraient suffi.

47 A cet égard, il importe tout d'abord de souligner que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM n'exige pas nécessairement que soit établi un lien de causalité dans le deuxième cas de figure évoqué dans cet article, à savoir le surgissement de difficultés qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une de ses régions. Certes, dans le premier cas de figure évoqué dans l'article, à savoir lorsque l'application de la décision PTOM entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, l'existence d'un lien de causalité doit être établie parce que les mesures de sauvegarde doivent avoir pour objet d'aplanir ou d'atténuer les difficultés survenues dans le secteur considéré. En revanche, s'agissant du deuxième cas de figure, il n'est pas exigé que les difficultés justifiant l'instauration d'une mesure de sauvegarde résultent de l'application de la décision PTOM.

48 Ensuite, il y a lieu de rappeler qu'il a été conféré à la Commission un large pouvoir d'appréciation pour l'application de l'article 109 de la décision PTOM. En présence d'un tel pouvoir, il incombe au Tribunal de se limiter à examiner si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, point 40).

49 Sur ce point, il convient de relever qu'il ressort des points 124 à 127 de l'arrêt attaqué que le Tribunal a dûment examiné si la Commission avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen du rapport entre les importations antillaises de riz semi-blanchi et la chute des prix du riz communautaire, et qu'il en a conclu, au point 128, qu'une relation de concomitance se trouvait établie entre les importations et la baisse du prix du riz communautaire. Le Tribunal était donc en droit de considérer que les conditions d'application de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM étaient réunies.

50 Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen

51 En troisième lieu, les requérantes reprochent au Tribunal de juger, au point 151 de l'arrêt attaqué, que le prix minimal fixé par la décision 93-211 n'allait pas au-delà de ce qui était strictement nécessaire au sens de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM. Elles estiment qu'il n'aurait pas été nécessaire de placer le riz des Antilles néerlandaises dans une position concurrentielle défavorable par rapport au riz communautaire, ce qui limita leur possibilité d'exporter aux 8 400 tonnes auxquelles le Tribunal a fait référence au point 150 de l'arrêt attaqué et les obligea à stocker 16 000 tonnes de riz qui ne pouvaient être vendues.

52 A titre liminaire, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, il y a lieu de souligner que, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme à ce principe, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en œuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

53 Il convient ensuite de rappeler que l'objectif de la décision 93-211, tel qu'il ressort de son troisième considérant, est de fixer un prix plancher d'importation de riz antillais qui apporte le minimum de perturbations au fonctionnement de l'association des PTOM à la Communauté, tout en remédiant aux difficultés qui se sont manifestées sur le marché communautaire.

54 Dans ce contexte, d'une part, il ne saurait être soutenu, comme les requérantes le prétendent, qu'une telle mesure de sauvegarde ne pourrait placer le riz des Antilles néerlandaises dans une position concurrentielle défavorable par rapport au riz communautaire. En effet, il découle de l'essence même d'une mesure de sauvegarde que certains produits importés sont soumis à un régime défavorable par rapport aux produits communautaires.

55 D'autre part, les constatations de fait auxquelles a procédé le Tribunal, quant à la détermination des prix du riz, ne sauraient être examinées dans le contexte d'un pourvoi. Dans ces conditions et compte tenu des considérations déjà exposées, le moyen ne saurait être retenu.

Sur le quatrième moyen

56 Les requérantes soutiennent, dans leur quatrième moyen, que, aux points 180 à 186 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a méconnu la gravité de la faute requise pour engager la responsabilité non contractuelle de la Commission. Elles soutiennent, à titre principal, que des décisions ne peuvent avoir un caractère normatif au sens de l'article 215 du traité CE tel qu'interprété par la Cour et, à titre subsidiaire, que, même si les décisions attaquées avaient un tel caractère, celui-ci s'effacerait à leur égard dans la mesure où elles sont individuellement concernées. A titre plus subsidiaire encore, elles font valoir que, en tout état de cause, il n'y a pas lieu de recourir à des critères de responsabilité plus rigoureux au motif que les décisions sont attaquées par les victimes qui sont individuellement concernées par celles-ci.

57 Il convient de relever d'abord que, selon une jurisprudence constante, dans un contexte normatif caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir discrétionnaire, la responsabilité de la Communauté ne pourrait être engagée que si l'institution concernée avait méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs (voir, en ce sens, arrêts du 25 mai 1978, HNL e.a./Conseil et Commission, 83-76, 94-76, 4-77, 15-77 et 40-77, Rec. p. 1209, points 4 et 6, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152-88, Rec. p. I-2477, point 25).

58 Ensuite, ainsi qu'il ressort clairement des points 177 et 180 de l'arrêt attaqué, le Tribunal est parti de la prémisse selon laquelle la Commission disposait d'un large pouvoir d'appréciation dans le domaine de la politique économique, ce qui implique qu'il soit fait application du critère de responsabilité plus sévère, à savoir l'exigence d'une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.

59 Il en résulte que le Tribunal a correctement appliqué le critère de responsabilité plus sévère.

60 La circonstance que l'acte attaqué a la forme d'une décision et est donc, en principe, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation ne suffit pas à exclure le caractère normatif d'un tel acte. S'agissant d'un recours en indemnité, ce caractère est en effet lié à la nature de l'acte en cause et non à sa forme (voir, en ce sens, arrêt Sofrimport/Commission, précité).

61 Il s'ensuit que l'argument invoqué à titre principal n'est pas fondé.

62 S'agissant des arguments soulevés par les requérantes à titre subsidiaire, il y a lieu de relever que le fait que celles-ci sont individuellement concernées n'a aucune influence sur la nature de l'acte dans le cadre d'un recours en indemnité, ce dernier constituant une voie de recours autonome (voir arrêt Sofrimport/Commission, précité).

63 Le quatrième moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen

64 Le cinquième moyen des requérantes est tiré, d'une part, de la prétendue omission du Tribunal d'examiner la question de savoir si une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire a été commise et, d'autre part, de l'importance que le Tribunal a accordée à une mesure prise par le Gouvernement des Antilles néerlandaises. Ce moyen se divise donc en deux branches.

65 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la méconnaissance grave et manifeste par la Commission des limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs et la violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit supérieure sont des critères de responsabilité alternatifs et non cumulatifs, alors que, au point 194 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a omis à tort d'examiner ces deux questions. Elles précisent, à cet égard, que, si la Commission avait porté atteinte au droit communautaire, il s'agirait nécessairement d'une atteinte suffisamment grave, telle que visée par les conditions particulières de l'article 215 du traité, et, dès lors, le Tribunal ne pouvait se borner à constater, ainsi qu'il l'a fait, l'absence de méconnaissance grave et manifeste des limites de ses pouvoirs par la Commission.

66 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 194 de l'arrêt attaqué, l'existence de la mesure prise par le ministre des Finances des Antilles néerlandaises ne peut exonérer la Commission de son obligation de s'assurer que le principe de proportionnalité est respecté, le non-respect de celui-ci entraînant une méconnaissance manifeste et grave des limites de son pouvoir.

67 Quant à la première branche de ce moyen, il convient de constater que, contrairement à ce que les parties requérantes prétendent, une violation du droit communautaire par une institution dans un domaine où elle jouit d'un large pouvoir d'appréciation ne suffit pas en elle-même pour engager, en vertu de l'article 215, deuxième alinéa, du traité, la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour le préjudice que les particuliers auraient subi (voir, en ce sens, arrêt HNL e.a./Conseil et Commission, précité, points 4 et 6). En effet, une telle approche priverait de sa substance le critère retenu pour établir la responsabilité non contractuelle et aurait pour effet en l'espèce de méconnaître la nature autonome des deux formes de recours dont disposent les particuliers en cas de violation du droit communautaire.

68 S'agissant de la seconde branche de ce moyen, bien que la Commission ait commis une erreur d'appréciation dans une situation économique complexe, en se référant de bonne foi, dans la décision litigieuse, au prix fixé par les autorités compétentes des Antilles néerlandaises, il n'apparaît pas qu'elle ait méconnu de manière manifeste et grave les limites de ses pouvoirs, ainsi que le Tribunal l'a jugé à bon droit au point 194 de l'arrêt attaqué.

69 Le cinquième moyen est dès lors dépourvu de fondement.

Sur le sixième moyen

70 Les requérantes soutiennent, dans leur sixième moyen, que le Tribunal a méconnu le droit communautaire en jugeant, au point 207 de l'arrêt attaqué, que, nonobstant le dommage qu'elles ont subi du fait de la première décision, la responsabilité de la Communauté ne saurait, en tout état de cause, être engagée en raison de la prévisibilité de celui-ci.

71 Il importe de rappeler que, ainsi que cela ressort clairement du point 207 lui-même, le Tribunal n'a abordé la question de la prévisibilité du dommage qu'en tant que moyen subsidiaire pour étayer la conclusion à laquelle il était déjà arrivé, et que, dès lors, un tel moyen n'est nullement décisif dans le cadre de son raisonnement.

72 En effet, le Tribunal a conclu, aux points 204 et 205 de l'arrêt attaqué, qu'il n'était pas démontré que le dommage allégué par les requérantes avait été engendré par la décision litigieuse et, au point 206, qu'il n'était même pas évident que les requérantes aient subi des effets préjudiciables à leurs intérêts économiques compte tenu de l'amélioration des conditions du marché.

73 Les requérantes n'ayant pas formulé de moyen à l'encontre de la motivation principale contenue dans les points 204 à 206 de l'arrêt attaqué, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen par lequel elles contestent la motivation subsidiaire figurant au point 207 de cet arrêt.

74 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi formé par les requérantes doit être rejeté.

Sur les dépens

75 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le paragraphe 4 du même article dispose en sa première phrase que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation, il y a lieu de les condamner aux dépens. La République française et la République italienne supportent chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

Déclare et arrête:

76 Le pourvoi est rejeté.

77 Antillean Rice Mills NV, European Rice Brokers AVV et Guyana Investments AVV sont condamnées aux dépens.

3) La République française et la République italienne supportent chacune leurs propres dépens.