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Décisions

CJCE, 25 mai 1993, n° C-228/91

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kakouris (faisant fonction)

Présidents de chambre :

MM. Zuleeg, Murray

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Mancini, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Grévisse, Díez de Velasco, Kapteyn

CJCE n° C-228/91

25 mai 1993

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 septembre 1991, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République italienne, en interdisant de fait, sur la base d'une réglementation nationale indistinctement applicable et des actes administratifs spécifiques qui s'y rapportent et en ont permis l'application, l'importation de lots de poissons en provenance des autres États membres et du Royaume de Norvège, au seul motif qu'ils contenaient des larves de nématodes, et en imposant des contrôles systématiques sur ces mêmes lots, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 30 et 36 du traité, en tant que partie intégrante du règlement (CEE) n° 3796-81 du Conseil, du 29 décembre 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche (JO L 379, p. 1), tel que modifié, de la directive 83-643-CEE du Conseil, du 1er décembre 1983, relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres (JO L 359, p. 8), telle que modifiée, et du règlement (CEE) n° 1691-73 du Conseil, du 25 juin 1973, portant conclusion d'un accord entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Norvège et arrêtant des dispositions pour son application (JO L 171, p. 1).

2 La loi italienne n 283 du 30 avril 1962 (GURI n 139, p. 2194), telle que modifiée par la suite, prévoit qu'il est interdit, sous peine de sanctions pénales, d'utiliser pour la préparation d'aliments, de vendre, de détenir en vue de la vente, de fournir, de distribuer pour la consommation ou d'introduire sur le territoire de la République italienne des produits destinés à l'alimentation qui sont "dépourvus, même en partie, de leurs éléments nutritifs, mélangés à des substances de moindre qualité, souillés, infestés de parasites, altérés ou nocifs ou qui ont subi un traitement destiné à masquer un état d'altération précédent". Conformément à cette loi, les autorités sanitaires peuvent procéder à tout moment à des inspections et des prélèvements d'échantillons de denrées alimentaires et ordonner le séquestre, ainsi que la destruction des marchandises, lorsque les vérifications effectuées en font apparaître la nécessité pour la protection de la santé publique.

3 L'arrêté ministériel n 454 du 8 octobre 1988 (GURI n 253, p. 7), modifié par l'arrêté ministériel n 47 du 15 février 1990 (GURI n 61, p. 3), dispose que, pour les produits comestibles d'origine animale, le pourcentage des lots à soumettre au contrôle sanitaire ne doit pas être inférieur à 10 % des lots présentés ou dont on prévoit l'arrivée dans la semaine. Ces pourcentages "sont majorés lorsqu'il subsiste des doutes ou qu'il convient de prendre des précautions aux fins de la protection de la santé publique ou animale, de l'avis du vétérinaire des frontières ou du ministère de la Santé".

4 Sur la base de la loi n 283 de 1962, précitée, le ministère italien de la Santé a envoyé, à partir du mois de juillet 1987, aux services vétérinaires des frontières plusieurs télégrammes instituant un contrôle systématique à l'importation de certaines espèces de poissons, au motif qu'un nombre croissant de lots de poissons infestés de larves de nématodes aurait été constaté. Un télégramme ultérieur a étendu ce contrôle aux produits italiens de la pêche.

5 A la suite de plaintes de la part du Danemark, de la Norvège ainsi que d'opérateurs économiques exportant des poissons vers l'Italie, la Commission a constaté qu'à partir de juillet 1987 les autorités italiennes ont appliqué de nouvelles mesures de contrôle aux frontières, frappant essentiellement les importations de maquereaux, de harengs, de saumons et de morues en provenance des autres États membres et de pays tiers. Ainsi, ces poissons auraient fait l'objet de contrôles sanitaires systématiques, même si les lots avaient déjà été contrôlés dans l'État d'expédition et étaient accompagnés d'un certificat sanitaire en règle, et auraient été refoulés à la frontière, voire détruits, dès que les autorités italiennes auraient constaté la présence d'une seule larve, même dévitalisée.

6 A l'appui de son recours, la Commission a soutenu, en substance, que les restrictions italiennes à l'importation de poissons dépassaient les exigences d'une protection efficace de la santé publique.

7 Ainsi, la présence de larves de nématodes dans les produits de la pêche constituerait un phénomène naturel touchant les poissons capturés dans toutes les eaux communautaires et seule la consommation de poissons infestés de larves vivantes serait dangereuse pour la santé humaine, tandis que les résultats de la recherche scientifique internationale auraient confirmé que l'absorption de poissons contenant des nématodes morts ou dévitalisés, même à hautes doses, ne constitue aucun facteur de risque pour la santé.

8 Puisque seuls les poissons consommés crus seraient susceptibles de contenir des larves à l'état vivant et que ces parasites pourraient être dévitalisés par différents procédés simples, peu coûteux et largement répandus, comme la cuisson ou la congélation, les autorités italiennes auraient pu protéger de façon efficace la santé publique par des mesures moins restrictives des échanges, en interdisant la consommation du poisson à l'état cru, cette habitude alimentaire étant d'ailleurs tout à fait marginale en Italie, en imposant un traitement adéquat destiné à dévitaliser les larves et en informant le consommateur au moyen d'un étiquetage approprié classant le poisson infesté de nématodes désactivés dans une catégorie de fraîcheur inférieure à la normale.

9 Le Gouvernement italien a, en revanche, fait valoir que la seule présence de larves de nématodes, même dévitalisées, dans le poisson rend celui-ci impropre à la consommation humaine. De plus, les mesures alternatives, proposées par la Commission, seraient inefficaces. Dans ces conditions, les mesures litigieuses seraient indispensables à la protection efficace de la santé humaine.

10 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du cadre normatif, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur les articles 30 et 36 du traité

11 Afin d'apprécier le bien-fondé de ce grief, il convient de relever d'abord que même si les dispositions du règlement n° 3796-81, précité, n'énoncent pas expressément l'interdiction des restrictions quantitatives à l'importation ainsi que des mesures d'effet équivalent en ce qui concerne les échanges intracommunautaires, il résulte cependant des dispositions combinées des articles 38 à 46 et 8, paragraphe 7, du traité que cette interdiction découle, au plus tard depuis l'expiration de la période de transition, de plein droit des dispositions du traité, ainsi qu'il a d'ailleurs été souligné au trentième considérant du règlement n° 3796-81 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1976, Kramer, points 53 et 54, 3-76, 4-76 et 6-76, Rec. p. 1279).

12 Il y a lieu de constater ensuite que les mesures litigieuses tombent sous l'interdiction de l'article 30 du traité. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir, en premier lieu, arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, point 5, 8-74, Rec. p. 837), l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, au sens de l'article 30 du traité, englobe toute réglementation commerciale des États membres susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire.

13 Il convient toutefois de vérifier si, comme le soutient le Gouvernement italien, les restrictions en cause sont susceptibles d'être justifiées, au titre de l'article 36 du traité, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes.

14 A cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que la directive 91-493-CEE du Conseil, du 22 juillet 1991, fixant les règles sanitaires régissant la production et la mise sur le marché des produits de la pêche (JO L 268, p. 15), a été adoptée postérieurement à l'avis motivé, émis par la Commission dans la présente affaire, et que son délai de transposition dans le droit des États membres n'est venu à échéance que le 31 décembre 1992.

15 Ainsi la Communauté ne disposait pas encore de règles communes ou harmonisées en matière de contrôle sanitaire du poisson au moment où l'objet du présent litige a été défini par la procédure précontentieuse.

16 Dans ces conditions, il appartenait aux États membres de décider du niveau auquel ils entendaient assurer la protection de la santé et de la vie des personnes dans ce domaine, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté (voir, notamment, arrêt du 19 mars 1991, Commission/Grèce, point 8, C-205-89, Rec. p. I-1361).

17 Or, il n'est pas contesté que les mesures nationales en cause ont pour objet de protéger la santé publique, de sorte qu'elles relèvent, dans leur principe, de l'exception prévue par l'article 36 du traité.

18 Il convient toutefois de rappeler, en second lieu, qu'une réglementation restrictive des échanges intracommunautaires n'est compatible avec le traité que pour autant qu'elle est nécessaire aux fins d'une protection efficace de la santé et de la vie des personnes et ne bénéficie donc pas de la dérogation de l'article 36 lorsque la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires (voir, notamment, arrêt du 20 mai 1976, de Peijper, points 16 et 17, 104-75, Rec. p. 613).

19 Il convient donc d'examiner si les restrictions italiennes litigieuses répondent au principe de proportionnalité ainsi exprimé.

20 A cet égard, la Cour a déjà jugé à plusieurs reprises qu'un double contrôle à l'importation de produits, consistant, d'une part, dans l'exigence d'une attestation de l'autorité compétente de l'État d'expédition attestant que la marchandise a subi un traitement destiné à éliminer certains parasites et, d'autre part, dans un contrôle systématique à la frontière en vertu duquel l'importation n'est autorisée qu'après que les autorités sanitaires de l'État de destination ont constaté que la marchandise est exempte de ces mêmes parasites, dépasse ce que l'article 36 du traité permet (voir arrêts du 8 novembre 1979, Denkavit, 251-78, Rec. p. 3369, du 7 avril 1981, United Foods, 132-80, Rec. p. 995, du 17 décembre 1981, Biologische Producten, 272-80, Rec. p. 3277 et du 8 février 1983, Commission/Royaume-Uni, 124-81, Rec. p. 203).

21 Il est ainsi de jurisprudence que, au cas où le produit concerné a déjà fait l'objet, dans l'État d'expédition, d'un contrôle sanitaire offrant des garanties équivalentes à celles résultant du contrôle à l'importation, ce dernier ne saurait faire double emploi avec le contrôle effectué dans l'État membre d'expédition et doit, dès lors, en tout cas être limité aux mesures destinées à parer aux risques du transport ou découlant d'éventuelles manipulations postérieures au contrôle opéré au départ (voir arrêt United Foods, précité, point 29).

22 De même, la Cour a jugé que, lorsqu'une collaboration entre les autorités des États membres permet de faciliter et d'alléger les contrôles aux frontières, les autorités chargées des contrôles sanitaires doivent examiner si les documents de preuve, délivrés dans le cadre d'une telle collaboration, ne créent pas une présomption de conformité des marchandises importées avec les exigences de la législation sanitaire nationale, permettant un allégement des contrôles opérés à l'occasion des importations (voir, entre autres, arrêt Denkavit, précité, point 23 et arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 30).

23 Ainsi, l'exigence, par l'État de destination, d'un contrôle sanitaire de marchandises qui ont déjà fait l'objet d'un tel contrôle dans l'État d'expédition et qui sont accompagnées d'un certificat sanitaire, délivré par les autorités compétentes de ce dernier État, attestant que les produits en cause ne sont pas dangereux pour la santé, dépasse les exigences d'une protection efficace de la santé publique, de sorte que les autorités de l'État de destination de ces produits ne sont pas en droit d'effectuer des contrôles autres que par sondage, afin de s'assurer de la conformité des documents établis par les autorités de l'État d'expédition, de prévenir les fraudes et de s'opposer à l'entrée des lots reconnus non conformes.

24 Il s'ensuit que les autorités d'un État membre ne peuvent pas, sans méconnaître le principe de proportionnalité à la base de l'article 36 du traité, soumettre à des contrôles sanitaires systématiques les produits, en provenance des autres États membres, qui sont dûment accompagnés d'un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes de l'État membre d'expédition et attestant que le produit en cause ne présente aucun risque pour la santé publique.

25 A cet égard, le Gouvernement italien a fait valoir que, d'une part, les contrôles litigieux ne revêtaient pas un caractère systématique et, d'autre part, la consommation de poissons présentant des larves de nématodes mêmes dévitalisées constituait un risque pour la santé humaine.

26 S'agissant du premier argument, il suffit de relever que les télégrammes, envoyés les 18 juillet et 4 septembre 1987 par le ministère italien de la Santé aux services vétérinaires des frontières, prévoient le contrôle systématique à l'importation des maquereaux, harengs, saumons et morues, sans distinguer selon que le poisson était accompagné ou non d'un certificat sanitaire établi par les autorités compétentes de l'État d'expédition du produit.

27 S'agissant du second point, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir, entre autres, arrêt du 30 novembre 1983, van Bennekom, point 40, 227-82, Rec. 3883), il incombe aux États membres d'établir, dans chaque cas d'espèce, que leur réglementation est nécessaire pour protéger effectivement les intérêts visés à l'article 36 du traité et, notamment, que la commercialisation du produit en question présente un risque sérieux pour la santé publique.

28 Or, d'une part, le Gouvernement italien est resté en défaut d'établir que la consommation de poissons contenant des larves de nématodes mortes ou dévitalisées à la suite d'un traitement adéquat est dangereuse pour la santé humaine. En effet, le Gouvernement défendeur s'est borné à alléguer que, compte tenu non seulement de leur caractère anti-hygiénique, mais également de leur toxicité non négligeable, les produits de la pêche présentant des larves désactivées doivent être exclus de la commercialisation pour la consommation humaine. Ce Gouvernement n'a ainsi avancé aucun élément concret de nature à infirmer la thèse de la Commission, selon laquelle les résultats de la recherche scientifique internationale confirment que l'absorption de larves de nématodes mortes ou dévitalisées ne constitue nullement un facteur de risque pour la santé.

29 D'autre part, ainsi que l'avocat général l'a relevé au point 29 de ses conclusions, l'avis du Conseil supérieur de la Santé italien, dont le Gouvernement défendeur a fait état dans sa réponse du 13 mars 1989 à la demande d'observations de la Commission, constate la nécessité d'un certificat attestant que le poisson "est indemne de parasites ou a subi les traitements nécessaires à l'inactivation du parasite", ce qui présuppose que la présence de larves mortes dans le poisson n'affecte pas la santé publique.

30 De même, il ressort de la circulaire n 10, adoptée le 11 mars 1992 par le ministère italien de la Santé (GURI n 62) et qui a pour objet d'assouplir les modalités du contrôle sanitaire du poisson, que les larves mortes ne constituent pas un danger pour la santé publique.

31 Dans ces conditions, le Gouvernement italien n'a, en l'espèce, pas établi qu'un contrôle sanitaire systématique de lots de poissons importés d'autres États membres et dûment accompagnés d'un certificat attestant que les produits ne sont pas infestés de larves vivantes était indispensable pour protéger la santé publique.

32 Il convient, dès lors, de constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 30 et 36 du traité, en imposant des contrôles sanitaires systématiques sur des lots de poissons importés, dûment accompagnés d'un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes de l'État membre d'expédition des produits et attestant que ceux-ci étaient exempts de larves de nématodes vivantes.

33 S'agissant, en revanche, des importations de produits de la pêche non accompagnés d'un tel certificat, il y a lieu de reconnaître que les autorités italiennes étaient fondées à soumettre ces produits à des contrôles sanitaires en vue de vérifier si la marchandise ne présentait aucun risque pour la santé publique. Le grief de la Commission doit, dès lors, être rejeté dans la mesure où il vise les contrôles effectués par les autorités italiennes sur des produits importés dans ces conditions.

34 Lorsqu'il s'avérait, au terme de ce contrôle, que le poisson importé ne contenait que des larves de nématodes mortes ou dévitalisées à la suite d'un traitement préalable, les autorités italiennes ne pouvaient pas, sans violer le droit communautaire, interdire l'importation de ces produits, ni ordonner leur refoulement ou leur destruction. En effet, il résulte des points 28 à 31 ci-avant que le Gouvernement italien n'a, en l'espèce, pas prouvé que de telles entraves à l'importation de poissons présentant des larves de nématodes désactivées étaient indispensables pour protéger la santé publique.

35 En revanche, lorsque les contrôles effectués sur des lots de poissons importés, non accompagnés d'un certificat sanitaire de l'État membre d'expédition, révélaient la présence de larves de nématodes vivantes, les autorités italiennes étaient en droit d'interdire l'importation de ces produits.

36 Il n'est, en effet, pas contesté que la consommation de poissons infestés de larves non dévitalisées entraîne des dangers pour la santé publique. En outre, ainsi que le Gouvernement italien l'a souligné, les mesures moins restrictives des échanges, proposées par la Commission, ne sont pas de nature à garantir une protection efficace de la santé publique. Ainsi, l'étiquetage destiné à informer les consommateurs de la présence de nématodes vivants dans le poisson ne représente pas une solution satisfaisante lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un produit qui constitue un facteur de risque pour la santé des personnes. L'interdiction de consommer du poisson cru ne constitue pas davantage une mesure de protection efficace de la santé publique, son observation ne pouvant être assurée dans la pratique. Il en est de même de l'obligation, imposée aux destinataires des produits en cause, de faire subir aux poissons infestés de nématodes un traitement adéquat assurant la dévitalisation des larves.

37 Dans ces conditions, la République italienne a également violé les articles 30 et 36 du traité dans la mesure où ses autorités ont interdit l'importation de lots de poissons non accompagnés d'un certificat sanitaire de l'État membre d'expédition et pour lesquels les contrôles effectués par les autorités italiennes n'ont décelé que la présence de larves de nématodes mortes ou dévitalisées.

38 Le grief de la Commission est, en revanche, mal fondé en ce qui concerne l'interdiction d'importation de poissons non accompagnés d'un certificat sanitaire de l'État membre d'expédition et infestés de parasites vivants.

Sur la directive 83-643

39 La directive 83-643, précitée, a pour objet d'édicter certaines règles pour l'accomplissement des contrôles physiques des marchandises et des formalités administratives lors du passage d'une frontière, en vue, d'après ses considérants, de réduire le temps d'attente aux frontières et d'assurer une plus grande fluidité des transports de marchandises entre les États membres (voir arrêt du 20 septembre 1988, Moormann, point 26, 190-87, Rec. p. 4689).

40 A cet effet, l'article 2 de cette directive prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les contrôles et formalités aient lieu avec le minimum nécessaire de délai et que les contrôles soient effectués par sondage, sauf dans des circonstances dûment justifiées.

41 Il en résulte que des mesures de contrôle à l'importation de marchandises en provenance d'autres États membres ne sauraient dépasser les contrôles par sondage que pour autant qu'elles sont justifiées par un intérêt général comme la nécessité de la sauvegarde de la santé et de la vie des personnes et ne vont pas au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre l'objectif visé.

42 Or, il découle des points 28 à 31 du présent arrêt que le Gouvernement italien est resté en défaut d'établir qu'un contrôle sanitaire systématique de lots de poissons importés d'autres États membres et dûment accompagnés d'un certificat attestant que les produits ne sont pas infestés de larves vivantes était indispensable pour protéger la santé publique.

43 Dans ces conditions, il convient de constater que la République italienne a également manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 83-643, précitée, en imposant des contrôles sanitaires systématiques sur des lots de poissons importés, dûment accompagnés d'un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes de l'État membre d'expédition des produits et attestant que ceux-ci étaient exempts de larves de nématodes vivantes.

44 Le grief de la Commission doit, en revanche, être rejeté pour le surplus, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 33 ci-avant.

Sur l'accord entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Norvège

45 L'article 15, paragraphe 2, de l'accord entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Norvège, annexé au règlement n° 1691-73, précité, dispose que

"En matière vétérinaire, sanitaire et phytosanitaire, les parties contractantes appliquent leurs réglementations d'une manière non discriminatoire et s'abstiennent d'introduire de nouvelles mesures ayant pour effet d'entraver indûment les échanges."

46 Aux termes de l'article 20 de cet accord,

"l'accord ne fait pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale ni aux réglementations en matière d'or et d'argent. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les parties contractantes."

47 Il en résulte que cet accord interdit l'adoption, par les parties contractantes, de nouvelles mesures restrictives des échanges entre les États membres et le Royaume de Norvège, pour autant que ces entraves ne soient pas indispensables pour des raisons tenant notamment à la protection de la santé publique.

48 Ainsi, cet accord comporte, en ce qui concerne les échanges entre les parties contractantes, des règles identiques à celles des articles 30 et 36 du traité et il n'existe, en l'espèce, pas de raisons pour interpréter ces règles différemment que lesdits articles du traité.

49 Or, il ressort des points 32, 37 et 43 du présent arrêt que la République italienne a violé le principe de proportionnalité en soumettant à des contrôles sanitaires systématiques des lots de poissons, en provenance des autres États membres, dûment contrôlés dans l'État d'expédition et accompagnés d'un certificat sanitaire des autorités compétentes de cet État attestant que les produits étaient exempts de larves de nématodes vivantes, ainsi qu'en interdisant l'importation de lots de poissons non accompagnés d'un certificat de l'État d'expédition, mais pour lesquels les contrôles effectués dans l'État de destination de la marchandise n'avaient révélé que la présence de larves de nématodes mortes ou dévitalisées.

50 Le principe de proportionnalité étant également à la base des dispositions susmentionnées de l'accord annexé au règlement n° 1691-73, précité, il s'ensuit que la République italienne a encore manqué, pour des motifs identiques à ceux indiqués ci-avant, aux obligations qui lui incombent en vertu de ce règlement, en soumettant à des contrôles systématiques des lots de poissons déjà contrôlés en Norvège et accompagnés d'un certificat sanitaire, délivré dans ce pays, attestant que le poisson était exempt de larves de nématodes vivantes, ainsi qu'en interdisant l'importation de lots de poissons, en provenance de la Norvège, non accompagnés d'un certificat sanitaire, mais ne contenant que des larves de nématodes désactivées.

51 En revanche, pour des motifs identiques à ceux figurant aux points 33, 38 et 44 ci-avant, les griefs de la Commission ne sont pas fondés en ce qui concerne les contrôles pratiqués par les autorités italiennes sur les produits norvégiens de la pêche non accompagnés d'un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes de la Norvège, ainsi que les interdictions d'importation de tels produits, lorsque les contrôles en Italie avaient révélé la présence de larves de nématodes vivantes.

52 Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que la République italienne, en imposant des contrôles systématiques sur des lots de poissons, en provenance des autres États membres et du Royaume de Norvège, dûment accompagnés d'un certificat sanitaire de l'État d'expédition attestant que le produit était exempt de larves de nématodes vivantes, ainsi qu'en interdisant l'importation de lots de poissons, en provenance des autres États membres et du Royaume de Norvège, non accompagnés d'un certificat de l'État d'expédition, lorsque les contrôles effectués dans l'État de destination n'avaient pas révélé la présence de larves de nématodes vivantes, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 30 et 36 du traité, de la directive 83-643, précitée, et du règlement n° 1691-73, précité.

Sur les dépens

53 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

54 La Commission n'ayant obtenu que partiellement gain de cause, il y a lieu de faire supporter à chacune des parties ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête:

1) La République italienne, en imposant des contrôles systématiques sur des lots de poissons, en provenance des autres États membres et du Royaume de Norvège, dûment accompagnés d'un certificat sanitaire de l'État d'expédition attestant que le produit était exempt de larves de nématodes vivantes, ainsi qu'en interdisant l'importation de lots de poissons, en provenance des autres États membres et du Royaume de Norvège, non accompagnés d'un certificat de l'État d'expédition, lorsque les contrôles effectués dans l'État de destination n'avaient pas révélé la présence de larves de nématodes vivantes, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 30 et 36 du traité CEE, de la directive 83-643-CEE du Conseil, du 1er décembre 1983, relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres, et du règlement (CEE) n° 1691-73 du Conseil, du 25 juin 1973, portant conclusion d'un accord entre la Communauté économique européenne et le Royaume de Norvège et arrêtant des dispositions pour son application.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supporte ses propres dépens.