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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 9 mai 1997, n° 95-00002671

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vilbert

Défendeur :

CCF (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sempere

Conseillers :

Mmes Simonnot, Prager Bouyala

Avoués :

SCP Lambert Debray Chemin, SCP Fievet Rochette Lafon

Avocats :

Mes Vilbert, Brunois.

TGI Versailles, 1re ch., 1re sect., du 2…

25 janvier 1995

Faits et procédure

Monsieur Patrick Vilbert, avocat, a ouvert, en février 1988, un compte courant personnel n° 041/0415934 et souscrit un crédit révolving Libertel d'un montant de 70 000 F au Crédit commercial de France.

En décembre 1988, il a ouvert, à la même agence bancaire, un compte courant professionnel 041/0429484.

A compter du 7 juin 1989, la Banque lui a consenti un découvert de 40 000 F, sans que l'offre préalable d'ouverture de crédit mentionne à quel compte s'appliquait ce découvert.

Les deux comptes étant débiteurs de manière permanente, un accord a été conclu entre les parties le 30 avril 1991 selon lequel Monsieur Vilbert s'engageait à apurer, par versements mensuels de 10 000 F, le solde de son compte personnel.

En mai et juin 1991, six chèques sur les deux comptes de Monsieur Vilbert devaient être refusés par le CCF.

Par lettre recommandée du 11 septembre 1991, la Banque a mis en demeure Monsieur Vilbert d'avoir à régler, sous huitaine, la somme de 32 716,93 F (compte n° 041/0429484) et celle de 164 103,33 F (compte n° 041/0415934) représentant les soldes débiteurs de ces deux comptes.

Le 6 mars 1992, le CCF a dénoncé la convention de comptes courants signée en 1988.

Par acte du 12 octobre 1992, le CCF a fait assigner Monsieur Vilbert en paiement desdites sommes. Le Tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 6 octobre 1993, au vu de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile, a renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Versailles.

Le Tribunal de grande instance de Versailles, par jugement du 25 janvier 1995, après s'être déclaré compétent, a condamné Monsieur Patrick Vilbert à verser au CCF la somme de 277 941,36 F sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Monsieur Patrick Vilbert a relevé appel de cette décision en concluant à son infirmation.

Il demande à la cour de renvoyer "le cas échéant" le CCF à mieux se pourvoir devant le Tribunal d'instance de Versailles, seul compétent pour apprécier le fond de ce litige par application des dispositions de la loi du 10 janvier 1978.

Par conclusions déposées ultérieurement le 30 janvier 1997, Monsieur Patrick Vilbert a conclu au fond en soutenant que le litige est soumis aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978, en invoquant la forclusion de l'action introduite par la Banque au regard de l'article L. 311-37 du Code de la consommation et en soutenant que l'engagement unilatéral qu'il a souscrit le 30 avril 1991 se trouve nul et privé de tout effet pour erreur et dol au sens de l'article 1109 du Code civil.

Subsidiairement, il a fait valoir que le CCF a rompu brutalement et sans préavis, par inobservation de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, les concours à durée indéterminée à lui consentis depuis l'année 1988, que le CCF a commis des fautes dont la réparation ne saurait être évaluée à un montant inférieur à 300 000 F.

Il demande, en conséquence, la compensation entre cette somme et les sommes qu'il doit au CCF suivant compte arrêté au 15 mai 1991. Il demande également de déclarer le CCF irrecevable en ses demandes, y compris celles relatives au paiement d'intérêts dont il doit être déchu par application de l'article 23 de la loi du 10 janvier 1978.

Il soutient

- que l'ensemble du contentieux né entre les parties relève de l'application de la loi du 10 janvier 1978 et que la seule opération pouvant éventuellement revêtir un caractère professionnel étant celle applicable au découvert du compte cabinet ouvert par lui sous le n° 041/429484 représentant un solde débiteur limité à 35 816,70 F,

- que seul le tribunal d'instance de Versailles était compétent pour connaître de ce litige,

- que le jugement déféré est nul pour avoir écarté son exception d'incompétence et statué au fond dans un seul et même jugement sans qu'il ait été invité à conclure au fond,

- que le litige soumis à la loi du 10 janvier 1978 l'action engagée par la Banque par assignation du 28 octobre 1992 encourt la forclusion prévue par l'article L. 311-37 du Code de la consommation pour avoir été formée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé,

- que la Banque a commis une faute engageant sa responsabilité, en rompant sans préavis ses relations contractuelles alors qu'il venait de signer un engagement unilatéral d'apurement de son compte.

Le Crédit commercial de France a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

Il expose :

- que le Tribunal de grande instance de Versailles était compétent en vertu des dispositions de l'article 3 alinéa 3 de la loi du 10 janvier 1978 qui exclut de son champ d'application les prêts destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle,

- que les prêts, dont le montant est supérieur à 140 000 F, sont exclus du champ d'application de la loi du 10 janvier 1978,

- que devant le Tribunal de grande instance de Versailles, juridiction de renvoi, Monsieur Vilbert avait conclu au fond, la juridiction de renvoi étant saisie par les conclusions déposées devant le Tribunal de grande instance de Paris,

- que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit statuer sur l'ensemble du litige,

- que le délai de forclusion ne commence à courir que du jour où le solde débiteur est devenu exigible,

- que l'accord intervenu le 30 avril 1991 impliquait que Monsieur Vilbert provisionne suffisamment son compte professionnel, d'une part, pour assurer le remboursement mensuel de 10 000 F du compte professionnel au compte personnel et, d'autre part, pour assurer le paiement de tout chèque émis sur l'un de ces deux comptes.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 1997.

Discussion et motifs de la décision

- Sur la nullité du jugement déféré

Attendu que, contrairement à ce que soutient Monsieur Patrick Vilbert, celui-ci, devant les premiers juges, avait conclu au fond, cette mention étant expressément indiquée dans les motifs de la décision du Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 octobre 1993 qui, au vu de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile, a transmis le dossier au Tribunal de grande instance Versailles

Que la demande de nullité du jugement formée par Monsieur Vilbert sera écartée

Attendu que Monsieur Vilbert, ayant conclu au fond, la cour saisie sur la compétence et sur le fond est, en conséquence, investie de la plénitude de juridiction en raison de l'effet dévolutif de l'appel;

- Sur l'application de la loi du 10 janvier 1918

Attendu que sont exclus du champ d'application de la loi du 10 janvier 1978 les prêts qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public ;

Attendu que si Monsieur Patrick Vilbert a, le 24 février 1988, ouvert un compte personnel auprès du CCF sous le n° 041/0415934 et souscrit le 24 février 1988 un prêt Libertel pour la somme de 70 000 F au taux de 14,15 %, il est toutefois constant qu'il a ouvert, le 1er décembre 1988, un compte professionnel en sa qualité d'avocat auprès de la même agence du CCF sous le n° 041/0429484 ;

Attendu que le compte professionnel n° 041/0429484 ouvert en décembre 1988 a fonctionné de manière permanente avec un solde débiteur ; que c'est, à juste titre, que les premiers juges ont relevé que ce compte qui s'apparente à une ouverture de crédit était expressément réservé à l'activité professionnelle de Monsieur Vilbert et que la demande en paiement formée par le CCP, concernant ce compte, ne relève pas des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 ;

Attendu qu'il est constant que tant les sommes de 70 000 F, versées sur le prêt Libertel, souscrit en février 1988, que la somme de 40 000 F, objet du découvert, du 07 juin 1989, ont bien été utilisées par l'emprunteur pour les besoins de sa profession ;

Qu'enfin il est établi que des transferts de fonds ont eu lieu entre le compte personnel et le compte professionnel, qu'ainsi il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté l'application des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 les prêts accordés ayant servis indistinctement à satisfaire les besoins personnels et professionnels de Monsieur Vilbert ;

- Sur la faute de la Banque

Attendu que, par lettres des 21 janvier et 25 avril 1991, le CCF a attiré l'attention de Monsieur Patrick Vilbert sur les découverts de ses comptes personnel et professionnel et V a invité, d'une part, en ce qui concerne le compte professionnel, de faire fonctionner celui-ci dans la limite de l'autorisation de découvert de 40 000 F et, d'autre part, en ce qui concerne le compte personnel qui présentait un solde débiteur de 139 301,80 F, de leur faire parvenir, au plus tard pour le 30 avril 1991, une proposition de plan d'amortissement qui ne devra pas excéder une durée de 10 mois ;

Attendu que c'est ainsi que, par lettre du 30 avril 1991, Monsieur Vilbert a pris l'engagement de verser une mensualité de 10 000 F le 15 de chaque mois pour procéder à la régularisation de son compte personnel ;

Attendu que Monsieur Vilbert n'a pas respecté son engagement, qu'il s'est abstenu de tout règlement en faveur du CCP, que six chèques ont été refusés par le CCP, trois émis sur le compte personnel et trois émis sur le compte professionnel; que le CCF a dès lors dénoncé la convention de compte courant, signée le 1er février 1988, par lettre en date du 6 mars 1992 ;

Attendu que dans ces conditions il ne peut être reproché à la Banque une brusque rupture de crédit dans la mesure où elle a, à plusieurs reprises, indiqué à son client qu'il devait régulariser sa situation, qu'elle a accepté une proposition de règlement que Monsieur Vilbert n'a malheureusement pas respecté;

Attendu que Monsieur Vilbert invoque également, à l'encontre de la Banque, un dol sans s'expliquer en quoi celle-ci aurait commis des actes dolosifs ; qu'il fait état également d'un vice de son consentement alors qu'avocat, spécialisé dans le monde des affaires, il ne pouvait ignorer la portée de son engagement et les conséquences du non-respect de celui-ci à l'égard d'une banque qui, par de très nombreux courriers, a insisté sur la nécessité de procéder à la régularisation de ses comptes personnel et professionnel ;

Attendu que la décision des premiers juges sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a jugé qu'en raison des soldes débiteurs persistants des comptes de Monsieur Vilbert, du non-respect par celui-ci de l'engagement formulé en avril 1991, l'organisme bancaire pouvait, à bon droit, considérer que les dispositions de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 devaient s'appliquer ;

Attendu qu'il sera alloué au CCP partie du remboursement de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit Monsieur Vilbert en son appel, L'en déboute, Confirme la décision entreprise, Condamne Monsieur Vilbert à payer au Crédit commercial de France la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Vilbert aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fievet-Rochette-Lafon, Avoués, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.