CJCE, 5e ch., 17 septembre 1997, n° C-347/95
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fazenda Pública
Défendeur :
União das Cooperativas Abastecedoras de Leite de Lisboa, UCRL
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Moitinho de Almeida
Avocat général :
M. Tesauro
Juges :
MM. Sevón, Edward, Jann, Wathelet
Avocat :
Me Moreira
LA COUR,
Par arrêt du 11 octobre 1995, parvenu à la Cour le 13 novembre suivant, le Supremo Tribunal Administrativo a posé, en application de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CE ainsi que de l'article 33 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").
Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la Fazenda Pública (ministère des Finances portugais) à l'União das Cooperativas Abastecedoras de Leite de Lisboa, UCRL (Union des coopératives laitières de Lisbonne, ci-après l'"UCAL"), à propos du non-paiement par celle-ci des taxes de commercialisation des produits laitiers prévues par l'article 1er du décret-loi n° 309-86, du 23 septembre 1986.
Aux termes de cette disposition, "les taxes qui frappent les produits laitiers d'origine nationale ou importés, destinés à la consommation humaine, s'appliquent désormais aux taux suivants:
Beurre: 4 ESC/kg
...
Laits aromatisés et chocolatés: 1 ESC/litre.
A l'origine, le produit de ces taxes revenait à la Junta Nacional dos Produtos Pecuários (Office national des produits de l'élevage), un organisme de coordination économique créé en 1939.
A la suite de l'adhésion de la République portugaise aux Communautés européennes, tous les droits et toutes les compétences de cet organisme ont été transférés, par le décret-loi n° 15-87, à un organisme public nouvellement créé, l'Instituto Regulador e Orientador dos Mercados Agrícolas (Institut de régularisation et d'orientation des marchés agricoles, ci-après l'"IROMA").
L'article 3, paragraphe 4, du décret-loi n° 15-87 a chargé l'IROMA, organisme doté de la personnalité juridique et de l'autonomie patrimoniale et administrative, de la gestion et de la coordination des marchés des produits agricoles et de l'élevage. Plus précisément, il s'est vu confier les tâches suivantes: la constitution des garanties institutionnelles prévues pour ces produits par les systèmes nationaux et communautaires d'intervention, de prix et d'attribution de primes, d'aides et de subventions (point b); la gestion des mécanismes financiers établis au niveau national ou communautaire pour soutenir les actions d'intervention, de régularisation, d'orientation et d'organisation des marchés en cause (point c); le suivi de l'évolution et du fonctionnement des marchés agricoles et de l'élevage au Portugal et dans les autres États membres (point d); la réglementation et la régularisation du commerce extérieur des produits agricoles et des produits de l'élevage (point e); la participation nationale à la gestion des marchés communautaires de ces produits (point f); la collaboration avec l'administration nationale et avec les services compétents de la Commission, notamment pour la collecte et la diffusion d'informations sur le fonctionnement de ces marchés (point g); la collaboration avec les organismes représentatifs des opérateurs intéressés au fonctionnement des marchés en cause (point h); l'information et la formation des producteurs, industriels, commerçants et consommateurs du secteur (point i); l'initiative législative en matière de régularisation, d'orientation et d'organisation des marchés concernés (point j) et, enfin, la gestion des abattoirs (point l).
Par l'adoption du décret-loi n° 282-88 du 12 août 1988, toutes ces compétences, excepté la gestion des abattoirs, ont été transférées à un nouvel organisme, l'Instituto Nacional de Intervenção e Garantia Agrícola (ci-après l'"INGA"), lequel a été adjoint à l'IROMA.
Ce dernier continuait toutefois de percevoir la moitié du produit des taxes faisant l'objet du litige au principal, l'autre moitié étant attribuée à l'INGA.
Le décret-loi n° 56-90, du 13 février 1990, a ensuite institué une nouvelle direction spécialisée auprès du ministère de l'Agriculture, la Direcção-Geral dos Mercados Agrícolas e da Indústria Agro-Alimentar (ci-après la "DGMAIAA"). Par ce même décret, toutes les compétences précédemment attribuées à l'IROMA et à l'INGA (article 6), ainsi que de nombreuses autres compétences spécifiques dans la gestion et la régularisation des marchés des produits agricoles et de l'élevage, ont été transférées à la DGMAIAA (article 2).
Ainsi, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, du décret-loi n° 56-90,
"La DGMAIAA est en particulier chargée de:
...
f) assurer l'encadrement institutionnel des organisations représentatives des opérateurs économiques concernés, de façon à garantir leur collaboration au fonctionnement et à la gestion des marchés agricoles et de l'élevage, ainsi qu'à la définition de la stratégie de développement de l'industrie et de la distribution agro alimentaires;
...
i) élaborer des programmes et des plans visant à appliquer à l'industrie et à la distribution agro alimentaires les régimes d'aides et les mesures d'incitation financières et fiscales, nationales et communautaires;
..."
Ultérieurement, lors de l'entrée en vigueur du décret-loi n° 284-91, du 9 août 1991, une partie du produit des taxes en question a été affectée, à concurrence de 15 %, à la DGMAIAA. Le produit global de ces taxes a donc, à partir de cette année-là, été réparti entre la DGMAIAA, l'INGA et l'IROMA.
Les taxes litigieuses ont disparu de l'ordre juridique portugais le 23 octobre 1993, date d'entrée en vigueur du décret-loi n° 365-93, du 22 octobre 1993.
L'IROMA a intenté contre l'UCAL une procédure fiscale d'exécution pour un montant de 16 810 ESC, correspondant au non-paiement des taxes de commercialisation des produits laitiers dues pour le mois d'août 1991.
L'UCAL a fait opposition à l'injonction résultant de cette procédure devant le Tribunal Tributário de Lisboa, en arguant de l'inconstitutionnalité des taxes en question. Le juge de première instance y a fait droit, mais en déclarant que ces dernières étaient incompatibles avec les articles 9 et 12 du traité.
La Fazenda Pública a interjeté appel de cette décision devant le Supremo Tribunal Administrativo, qui a décidé de surseoir à statuer pour poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Les 'taxes' litigieuses présentant les caractéristiques propres à un impôt, indiquées ci-dessus, sont-elles contraires à l'article 95 du traité de Rome?
2) Ces impositions peuvent-elles être considérées comme des taxes d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, interdites par les articles 9 et 12 du même traité?
3) Ces impositions doivent-elles être considérées comme des taxes sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive, sous réserve, éventuellement, de l'application des dispositions de l'article 378 de l'acte d'adhésion du Portugal ou de tout autre texte légal communautaire?"
Sur les première et deuxième questions
Par ses deux premières questions, le juge national cherche à savoir en substance si des taxes telles que celles en cause sont susceptibles de constituer des taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation au sens des articles 9 et 12 du traité ou des impositions intérieures discriminatoires prohibées par l'article 95 du traité.
Il convient de rappeler d'abord que les dispositions relatives aux taxes d'effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne sont pas applicables cumulativement, de sorte qu'une même imposition ne saurait, dans le système du traité, appartenir simultanément à ces deux catégories (arrêts du 8 juillet 1965, Deutschmann, 10-65, Rec. p. 601, 607; du 16 juin 1966, Lütticke, 57-65, Rec. p. 293, 303, et du 2 août 1993, Celbi, C-266-91, Rec. p. I-4337, point 9).
Selon une jurisprudence constante, toute charge pécuniaire unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 9, 12, 13 et 16 du traité, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'État (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, Commission/Danemark, 158-82, Rec. p. 3573, point 18).
Les charges pécuniaires résultant d'un système général d'impositions intérieures s'appliquant systématiquement, selon les mêmes critères, aux produits nationaux comme aux produits importés relèvent par contre des articles 95 et suivants du traité (arrêt Celbi, précité, point 11). Ceux-ci interdisent qu'un État membre frappe, directement ou indirectement, les produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires ou de nature à protéger d'autres productions nationales, le critère d'application de l'article 95 étant, par conséquent, le caractère discriminatoire ou protecteur desdites impositions (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 1992, Lornoy e.a., C-17-91, Rec. p. I-6523, point 19).
Il convient toutefois de rappeler que, aux fins de la qualification juridique d'une taxe qui frappe les produits nationaux et importés sur la base de critères identiques, il peut être nécessaire de tenir compte de la destination du produit de l'imposition.
Ainsi, lorsque le produit d'une telle imposition est destiné à alimenter des activités qui profitent spécialement aux produits nationaux imposés, il peut en résulter que la contribution prélevée selon les mêmes critères constitue néanmoins une taxation discriminatoire, dans la mesure où la charge fiscale grevant les produits nationaux est neutralisée par des avantages qu'elle sert à financer, tandis que celle grevant les produits importés représente une charge nette (arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, 73-79, Rec. p. 1533, point 15, et du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., C-78-90 à C-83-90, Rec. p. I-1847, point 26).
A cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., précité, point 27; Lornoy e.a., précité, point 21, et du 27 octobre 1993, Scharbatke, C-72-92, Rec. p. I-5509, point 10) que, si les avantages résultant de l'affectation du produit d'une taxe, relevant d'un régime général d'impositions intérieures et frappant systématiquement les produits nationaux et les produits importés, compensent intégralement la charge supportée par le produit national lors de sa mise dans le commerce, cette imposition constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, contraire aux articles 9 et 12 du traité. En revanche, une telle taxe constituerait une violation de l'interdiction de discrimination édictée à l'article 95 du traité si les avantages que comporte l'affectation de la recette de l'imposition pour les produits nationaux imposés ne compensaient que partiellement la charge supportée par ceux-ci.
Dans l'hypothèse où les avantages pour la production nationale compensent en totalité la charge supportée par elle, la taxe perçue sur le produit devra, en tant que taxe d'effet équivalant à un droit de douane, être considérée comme illégale dans son intégralité; dans l'hypothèse où, au contraire, les avantages compensent en partie la charge grevant la production nationale, la taxe perçue sur le produit importé, en principe légale, devra simplement faire l'objet d'une réduction proportionnelle (arrêts du 18 juin 1975, IGAV, 94-74, Rec. p. 699, point 13, et Compagnie commerciale de l'Ouest, précité, point 27).
Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que l'application du principe de la compensation implique qu'il y ait identité entre le produit taxé et le produit national bénéficiaire (arrêts du 25 mai 1977, Cucchi, 77-76, Rec. p. 987, point 19, et Interzuccheri, 105-76, Rec. p. 1029, point 12).
D'autre part, pour être utilement et correctement appliqué, le critère de la compensation suppose que soit vérifiée, au cours d'une période de référence, l'équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux au titre de la taxe considérée et les avantages dont ces produits bénéficient à titre exclusif. Tout autre paramètre, comme la nature, l'importance ou le caractère indispensable desdits avantages, ne fournirait pas une base suffisamment objective pour évaluer la compatibilité d'une mesure fiscale nationale avec les dispositions du traité (arrêt Celbi, précité, point 18).
En l'espèce au principal, il appartiendra donc au juge national, en application des principes qui viennent d'être rappelés, de vérifier si la production nationale ne tire pas, de facto, un profit exclusif ou proportionnellement plus important que les produits importés des prestations des organismes destinataires des taxes, susceptible de compenser totalement ou partiellement la charge que constituent lesdites taxes.
A cet égard, le juge national prendra en compte le rôle assumé par l'IROMA puis par la DGMAIAA dans le cadre de la discipline et de la régularisation du commerce extérieur des produits agricoles et du bétail, en vertu de l'article 3, paragraphe 4, sous e), du décret-loi n° 15-87. Si l'expression "commerce extérieur" vise non seulement le commerce des produits concernés avec les pays tiers, mais également le commerce intracommunautaire, cette activité est, en effet, susceptible de profiter aux seuls produits nationaux.
Dans le même ordre d'idées, le juge national examinera également si les tâches confiées à la DGMAIAA en vue d'assurer l'encadrement institutionnel des organisations représentatives des opérateurs économiques concernés [article 2, paragraphe 2, sous f), du décret-loi n° 56-90] et d'élaborer des programmes et des plans visant à appliquer à l'industrie et à la distribution agro alimentaires les régimes d'aides et les mesures d'incitation financières et fiscales, nationales et communautaires [article 2, paragraphe 2, sous i), du décret-loi n° 56-90] ne profitent pas exclusivement à la production nationale ou, à tout le moins, si elles ne lui profitent pas proportionnellement davantage qu'aux produits importés.
Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deux premières questions préjudicielles:
1) a) Une taxe perçue indistinctement sur les produits nationaux et sur les produits importés constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, interdite par les articles 9 et 12 du traité, si son produit est destiné à financer des activités dont bénéficient les seuls produits nationaux imposés et si les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge qui pèse sur eux; si ces avantages ne compensent qu'une partie de la charge grevant les produits nationaux, elle constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l'article 95 du traité, et doit faire l'objet d'une réduction proportionnelle.
b) Lorsque les activités financées par la taxe profitent aux produits nationaux et aux produits importés imposés, mais que les premiers en tirent un profit proportionnellement plus important, la taxe constitue dans cette mesure une taxe d'effet équivalant à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire, selon que l'avantage retiré par les produits nationaux imposés compense intégralement ou seulement pour partie la charge qui les grève.
2) Il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires aux fins de déterminer la qualification juridique de la contribution en cause. Dans ce cadre, le juge national examinera
a) si le produit de la taxe est affecté à la régularisation du seul commerce avec les autres États membres des produits frappés par la taxe;
b) si l'encadrement institutionnel des organisations représentatives des opérateurs économiques concernés ainsi que la mise en œuvre des régimes d'aides et des mesures d'incitation financières et fiscales, nationales et communautaires, en faveur de l'industrie et de la distribution agro alimentaires, auxquelles une partie du produit des taxes en cause est affectée, profitent exclusivement à la production nationale ou s'ils lui profitent proportionnellement davantage qu'aux produits importés.
Sur la troisième question
Par sa troisième question, le juge national demande en substance si des taxes telles que celles qui font l'objet du litige au principal doivent être considérées comme des taxes sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive.
Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler tout d'abord que l'article 33 de la sixième directive du Conseil prévoit:
"Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires."
Il ressort de son libellé que cette disposition interdit aux États membres d'introduire ou de maintenir des impôts, droits et taxes qui ont le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires (arrêts du 3 mars 1988, Bergandi, 252-86, Rec. p. 1343, points 10 et 11; du 13 juillet 1989, Wisselink e.a., 93-88 et 94-88, Rec. p. 2671, points 13 et 14, et du 31 mars 1992, Dansk Denkavit et Poulsen Trading, C-200-90, Rec. p. I-2217, point 10).
Comme la Cour l'a indiqué dans les arrêts précités ainsi que dans l'arrêt du 27 novembre 1985, Rousseau Wilmot (295-84, Rec. p. 3759, point 16), l'objet de l'article 33 de la sixième directive est d'éviter que soient instaurés des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèveraient la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la TVA, compromettraient le fonctionnement du système commun de cette dernière. Doivent, en tout cas, être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la TVA les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA (arrêt Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité, point 11).
Ainsi que la Cour l'a précisé dans les arrêts précités, ces caractéristiques sont les suivantes: la TVA s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services; elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution; enfin, elle s'applique sur la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente.
Or, des contributions telles que celles en cause au principal, qui ne présentent aucune de ces caractéristiques, ne grèvent pas la circulation des biens et des services de manière comparable à la TVA.
En premier lieu, elles ne s'appliquent pas de manière générale, mais uniquement à certains produits; en deuxième lieu, elles ne sont pas proportionnelles au prix de ces produits; en troisième lieu, elles ne sont pas perçues à chaque stade du processus de production et de distribution; enfin, elles ne s'appliquent pas sur la valeur ajoutée des produits, de sorte que la partie d'imposition payée lors de la transaction en amont n'est pas déductible.
Il convient dès lors de répondre à la troisième question du juge national qu'une taxe perçue uniquement sur certains produits, qui n'est ni proportionnelle au prix desdits produits ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, et qui ne s'applique pas sur la valeur ajoutée des produits, n'a pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive.
Sur les dépens
Les frais exposés par le Gouvernement portugais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par le Supremo Tribunal Administrativo, par arrêt du 11 octobre 1995, dit pour droit:
1) a) Une taxe perçue indistinctement sur les produits nationaux et sur les produits importés constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, interdite par les articles 9 et 12 du traité CE, si son produit est destiné à financer des activités dont bénéficient les seuls produits nationaux imposés et si les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge qui pèse sur eux; si ces avantages ne compensent qu'une partie de la charge grevant les produits nationaux, elle constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l'article 95 du traité CE, et doit faire l'objet d'une réduction proportionnelle.
b) Lorsque les activités financées par la taxe profitent aux produits nationaux et aux produits importés imposés, mais que les premiers en tirent un profit proportionnellement plus important, la taxe constitue dans cette mesure une taxe d'effet équivalant à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire, selon que l'avantage retiré par les produits nationaux imposés compense intégralement ou seulement pour partie la charge qui les grève.
2) Il appartient au juge national de procéder aux vérifications nécessaires aux fins de déterminer la qualification juridique de la contribution en cause. Dans ce cadre, le juge national examinera
a) si le produit de la taxe est affecté à la régularisation du seul commerce avec les autres États membres des produits frappés par la taxe;
b) si l'encadrement institutionnel des organisations représentatives des opérateurs économiques concernés ainsi que la mise en œuvre des régimes d'aides et des mesures d'incitation financières et fiscales, nationales et communautaires, en faveur de l'industrie et de la distribution agro alimentaires, auxquelles une partie du produit des taxes en cause est affectée, profitent exclusivement à la production nationale ou s'ils lui profitent proportionnellement davantage qu'aux produits importés.
3) Une taxe perçue uniquement sur certains produits, qui n'est ni proportionnelle au prix desdits produits ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, et qui ne s'applique pas sur la valeur ajoutée des produits, n'a pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.