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Décisions

CJCE, 5e ch., 15 juin 1999, n° C-421/97

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Yves Tarantik

Défendeur :

Direction des services fiscaux de Seine-et-Marne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Puissochet

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Moitinho de Almeida, Gulmann, Sevón, Wathelet

Avocats :

Mes Le Glaunec, Naïm

CJCE n° C-421/97

15 juin 1999

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par jugement du 13 novembre 1997, parvenu à la Cour le 11 décembre suivant, le Tribunal de grande instance de Meaux a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 95 du traité CE (devenu, après modification, article 90 CE).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant M. Tarantik à la direction des services fiscaux de Seine-et-Marne au sujet de l'avis de mise en recouvrement émis par l'administration des impôts pour défaut de paiement par M. Tarantik de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur pour l'année 1995/1996.

3 En France, une taxe différentielle sur les véhicules à moteur est instituée par les articles 1599 C à 1599 J du code général des impôts. Des tranches d'imposition comportant plusieurs puissances fiscales sont établies par voie législative; à chacune d'elles correspond un coefficient. Le montant de la taxe différentielle résulte de la multiplication d'un tarif de base, voté annuellement par les conseillers généraux des divers départements, par les coefficients correspondant à la tranche d'imposition concernée.

4 Le système français de taxation des véhicules à moteur repose donc sur la détermination de la puissance administrative des voitures particulières. Le système applicable aux moments des faits au principal peut être présenté comme suit, étant précisé que les modifications apportées par la circulaire n° 98-58, du 3 juillet 1998, laquelle réglemente le calcul de la puissance fiscale des véhicules neufs vendus à compter du 1er juillet 1998, sont postérieures aux faits du litige au principal et ne seront donc pas examinées.

5 A l'époque des faits au principal, le mode de calcul de la puissance fiscale était régi pour l'essentiel par la circulaire du 28 décembre 1956 (JORF du 22 janvier 1957, p. 910, ci-après la "circulaire de 1956") et la circulaire n° 77-191, du 23 décembre 1977 (JORF du 8 février 1978, p. 1052), telle que modifiée par les circulaires n° 87-56, du 24 juin 1987, et n° 88-04, du 12 janvier 1988 (ci-après la "circulaire de 1977"). Ces circulaires ont fait l'objet d'une validation législative, avec effet rétroactif, en application de l'article 35 de la loi de finance rectificative pour 1993 (loi n° 93-859, du 22 juin 1993, JORF du 23 juin 1993, p. 8815).

6 La formule de calcul de la puissance administrative résultant de la circulaire de 1956 repose sur la seule cylindrée du véhicule.

7 La circulaire de 1977 a introduit, à compter du 1er janvier 1978, une nouvelle formule de calcul de la puissance administrative des véhicules à moteur intégrant plusieurs paramètres outre la cylindrée, notamment la circonférence des pneus et la démultiplication des différents rapports de boîtes mécaniques à 4 et 5 vitesses et des boîtes automatiques à 3 et 4 vitesses. La formule a été modifiée par la circulaire n° 88-04, du 12 janvier 1988, qui a supprimé le plafonnement d'un paramètre entrant dans le calcul de la puissance administrative, mais il résulte de la circulaire n° 91-71, du 20 septembre 1991 (ci-après la "circulaire de 1991"), que l'ancienne formule continue de s'appliquer à certains véhicules réceptionnés à titre isolé.

8 Il convient d'indiquer que, selon la Commission, qui n'a pas été contredite sur ce point, l'application de la formule résultant de la circulaire de 1977 a en général pour résultat de conférer une puissance fiscale inférieure de 2 CV environ à celle qui découle de l'application de la formule résultant de la circulaire de 1956. Cette différence a des incidences sur le montant de la taxe différentielle ainsi que, comme l'a souligné la Commission lors de l'audience, sans être davantage contredite, sur celui des primes d'assurances, celles-ci étant calculées sur la base de la puissance administrative des véhicules.

9 Le mode de réception des véhicules constitue l'un des critères qui déterminent la réglementation applicable.

10 Ainsi, en règle générale, la circulaire de 1956 s'applique à tous les véhicules à moteur réceptionnés avant le 1er janvier 1978, qu'ils l'aient été par type ou à titre isolé. Elle s'applique également à tous les véhicules réceptionnés à titre isolé entre le 1er janvier 1978 et le 23 juin 1987, ainsi qu'aux véhicules réceptionnés à titre isolé à compter du 24 juin 1987 qui ne sont pas conformes à un type réceptionné ou reconnus comme équivalents, au plan de la puissance administrative, à un type réceptionné dont la puissance administrative a été calculée conformément à la circulaire de 1977.

11 Il convient d'ajouter qu'il est apparu, lors de l'audience, que la formule résultant de la circulaire de 1956 s'appliquerait aussi pour les véhicules particuliers réceptionnés par type à partir du 1er janvier 1978 lorsqu'un modèle comparable a été réceptionné avant le 1er janvier 1978.

12 S'agissant de la circulaire de 1977, elle s'applique, en principe, aux voitures particulières réceptionnées par type à compter du 1er janvier 1978, ainsi qu'aux voitures particulières réceptionnées à titre isolé à compter du 24 juin 1987 et conformes à un type réceptionné ou considérées comme équivalentes, au plan de la puissance administrative, à un type réceptionné dont la puissance administrative a été calculée conformément à la circulaire de 1977. A cet égard, il convient de relever que le gouvernement français n'a pas été en mesure d'indiquer à la Cour les critères permettant de reconnaître cette équivalence.

13 Il apparaît donc que le système de taxation français est caractérisé par la coexistence de deux modes principaux et distincts de calcul de la puissance administrative des voitures particulières.

14 M. Tarantik est propriétaire d'un véhicule de marque Jaguar, de type XJ 6 4L2, qui a été mis en circulation pour la première fois le 11 avril 1979. L'administration fiscale a établi la puissance fiscale de ce véhicule à 24 CV, en application du mode de calcul défini par la circulaire de 1956.

15 M. Tarantik a été verbalisé, le 6 février 1996, pour défaut d'apposition de la vignette fiscale concernant l'année 1995/1996, qu'il avait refusé d'acheter. Le 9 mai 1996, le receveur principal de Bussy Saint-Georges a adressé à M. Tarantik un avis de mise en recouvrement pour un montant de 19 325 FF, soit 6 569 FF de droits simples et 12 756 FF de pénalité, que M. Tarantik a contesté auprès de l'administration fiscale.

16 Sa demande ayant été rejetée, M. Tarantik a assigné la direction des services fiscaux de Seine-et-Marne devant le Tribunal de grande instance de Meaux. Il a soutenu que les dispositions fiscales relatives à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur avaient été jugées, à plusieurs reprises, incompatibles avec le droit communautaire par la Cour, que, malgré les modifications qui y avaient été apportées depuis, elles étaient demeurées discriminatoires au regard du droit communautaire et que, dès lors, elles devaient être déclarées inapplicables.

17 La direction des services fiscaux de Seine-et-Marne a demandé au tribunal de grande instance de rejeter la demande de M. Tarantik au motif que les dispositions fiscales précitées étaient conformes au droit communautaire.

18 Dans ces conditions, le tribunal de grande instance a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante:

"En considération de la date de réception du véhicule Jaguar du demandeur, d'une puissance fiscale de 24 CV, immatriculé 197 AT 77 et mis en circulation le 11 avril 1979, eu égard aux représentations graphiques et évolutions de la taxation présentées par le demandeur, d'une part, et aux observations de l'administration fiscale française, d'autre part, le système de taxation appliqué correspond-t-il à des critères objectifs exempts de tout effet discriminatoire prohibé par l'article 95 du traité CEE, et notamment:

- le coefficient de progressivité existant entre la tranche dont relève un véhicule importé de plus de 18 CV et la tranche dont relève un véhicule similaire de 15-16 CV est-il ou non discriminatoire?

- les circulaires du 28 décembre 1956, du 23 décembre 1977, du 24 juin 1987, du 12 janvier 1988 et du 20 septembre 1991, telles que validées rétroactivement par l'article 35 de la loi des finances rectificative du 22 juin 1993, ont-elles pour effet de rendre la taxe discriminatoire à l'égard des propriétaires d'un véhicule non homologué en France, c'est-à-dire réceptionné à titre isolé?

- dans l'affirmative, le propriétaire d'un véhicule type d'une puissance excédant 100 kW pourrait-il s'en prévaloir pour soutenir, par application des principes généraux du droit communautaire tels que l'égalité devant les charges publiques et les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et de ses protocoles, que la taxe est indue puisque discriminatoire et inégalitaire?"

19 Cette question se subdivise en trois parties qu'il convient d'examiner séparément.

Sur la première partie de la question préjudicielle

20 Par la première partie de sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si un système tel que le système de taxation en cause dans l'affaire au principal présente des effets discriminatoires à l'égard des véhicules importés ou protecteurs à l'égard des véhicules de fabrication nationale similaires, incompatibles avec l'article 95, premier alinéa, du traité, en raison de l'augmentation du coefficient de progressivité de la taxe, notamment s'agissant de celle qui existe entre la tranche d'imposition de 15-16 CV, d'une part, et les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, dont seuls relèvent des véhicules importés, d'autre part.

21 Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans l'arrêt du 30 novembre 1995, Casarin (C-113-94, Rec. p. I-4203), la Cour a déjà été appelée à statuer à titre préjudiciel sur la compatibilité avec l'article 95 du traité d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur, telle que la réglementation française, qui prévoit, pour les tranches d'imposition à partir de 19 CV, dont aucun véhicule de fabrication nationale ne relève, une augmentation de la taxe dont la progressivité serait plus forte que celle afférente aux tranches d'imposition allant de 15-16 CV à 17-18 CV, qui comprennent des véhicules de fabrication nationale susceptibles d'être considérés comme des produits similaires aux véhicules importés de plus de 19 CV.

22 La Cour a précisé, au point 22 de l'arrêt Casarin, précité, que, afin de déterminer si l'augmentation du coefficient de progressivité de la taxe différentielle au-delà du seuil de 18 CV produit un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du traité, il convient de rechercher si cette augmentation est de nature à détourner le consommateur de l'achat de véhicules d'une puissance fiscale supérieure à 18 CV, qui sont tous de fabrication étrangère, au profit de véhicules de fabrication nationale.

23 A cet égard, aux points 23 à 25 de l'arrêt Casarin, précité, la Cour a relevé que, à supposer que l'augmentation du coefficient utilisé pour les véhicules d'une puissance fiscale supérieure à 18 CV détourne effectivement certains consommateurs de l'achat de tels véhicules, ces consommateurs choisiront un modèle dans la tranche d'imposition immédiatement inférieure, de 17-18 CV, voire dans la tranche de 15-16 CV. Or, à l'époque des faits ayant donné lieu à l'affaire Casarin, ces deux tranches comprenaient à la fois des véhicules importés et des véhicules de fabrication nationale, les véhicules compris dans la tranche de 17-18 CV étant toutefois en très grande majorité de fabrication étrangère et ceux compris dans la tranche de 15-16 CV en majorité de fabrication nationale.

24 La Cour a également constaté, dans le même arrêt, d'une part, que les consommateurs disposaient, dans la tranche de 15-16 CV, d'un large choix de véhicules importés et que, d'autre part, le coefficient de progressivité entre la tranche de 12-14 CV et celle de 15-16 CV était identique en chiffres arrondis à celui séparant la tranche de 15-16 CV de celle de 17-18 CV, en sorte que les consommateurs qui recherchaient un véhicule haut de gamme n'étaient pas incités de ce fait à acquérir un véhicule relevant de la tranche de 15-16 CV. Elle en a conclu que, dans un système tel que celui résultant, à l'époque des faits ayant donné lieu à l'affaire Casarin, précitée, de la réglementation française relative à la taxe sur les véhicules à moteur, l'augmentation du coefficient de progressivité pour les tranches supérieures à 18 CV n'avait pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale.

25 En conséquence, la Cour a jugé, dans l'affaire Casarin, précitée, que l'article 95 du traité ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité du type de celle instaurée par la réglementation française en la matière, dès lors que cette augmentation n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres États membres.

26 Alors que, dans l'arrêt Casarin, précité, était analysée la progressivité de l'augmentation de la taxe entre, d'une part, les tranches de 15-16 CV et 17-18 CV et, d'autre part, les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, dans la présente affaire, la première partie de la question préjudicielle porte spécifiquement sur la progressivité de l'augmentation de la taxe entre, d'une part, la seule tranche de 15-16 CV et, d'autre part, les tranches supérieures à 18 CV (à savoir les tranches de 19-20 CV, 21-22 CV et 23 CV et plus).

27 Dans ces conditions, aux fins de l'appréciation du caractère discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du traité du système de taxation en cause au principal, il appartient au juge national de déterminer quels sont les véhicules relevant de la tranche de 15-16 CV qui peuvent être considérés comme similaires, au sens de l'article 95, premier alinéa, du traité, aux véhicules importés d'autres États membres qui relèvent d'une tranche supérieure à 18 CV, et plus particulièrement aux véhicules, tels que celui du demandeur au principal, dont la puissance fiscale est de 24 CV.

28 A cet égard, il convient de rappeler qu'il ressort du point 15 de l'arrêt Casarin, précité, qui fait référence au point 20 des conclusions de M. l'avocat général, que des produits tels que les voitures sont similaires au sens de l'article 95, premier alinéa, du traité si leurs propriétés et les besoins auxquels ils répondent les placent dans une relation de concurrence. Ainsi qu'il résulte du point 18 des conclusions de M. l'avocat général dans la même affaire, s'agissant de véhicules automobiles, le degré de concurrence entre deux modèles dépend de la mesure dans laquelle ils répondent à diverses exigences, notamment en matière de prix, de dimensions, de confort, de performances, de consommation, de longévité, de fiabilité.

29 Il importe de souligner que les véhicules de forte cylindrée, c'est-à-dire d'une puissance fiscale supérieure à 18 CV, qui sont frappés d'une taxe plus élevée que celle qui s'applique aux véhicules de fabrication nationale ou étrangère relevant de la tranche de 15-16 CV, sont, en règle générale, d'un prix largement supérieur à celui des véhicules de la tranche de 15-16 CV. En conséquence, tous les véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV ne constituent pas nécessairement des produits similaires, au sens de l'article 95, premier alinéa, du traité, aux véhicules relevant des tranches supérieures à 18 CV, la comparaison devant plus particulièrement être établie entre les véhicules relevant de la tranche de 15-16 CV et ceux relevant de la tranche de 23 CV et plus.

30 Il convient ensuite de préciser que, contrairement à la tranche de 15-16 CV, les tranches supérieures à 18 CV regroupent exclusivement des véhicules importés. En effet, il ressort des observations du demandeur au principal, qui n'ont pas été contredites sur ce point, qu'il n'existe aucun véhicule de fabrication nationale relevant de ces tranches.

31 Dès lors que certains des véhicules relevant de la tranche de 15-16 CV pourraient être considérés comme similaires aux véhicules relevant des tranches supérieures à 18 CV et plus particulièrement de celle de 23 CV et plus, il appartiendra au juge de renvoi de rechercher si, parmi ces véhicules de la tranche de 15-16 CV considérés comme similaires, les consommateurs disposent d'un large choix de véhicules importés, en sorte que l'augmentation du coefficient de progressivité entre la tranche de 15-16 CV et les tranches supérieures à 18 CV, et plus particulièrement celle de 23 CV et plus, n'aurait pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale.

32 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première partie de la question préjudicielle qu'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur, telle que celle en cause au principal, ne présente pas, en raison de l'augmentation du coefficient de progressivité de la taxe entre la tranche d'imposition de 15-16 CV, d'une part, et les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, dont ne relèvent que des véhicules importés, d'autre part, des effets discriminatoires ou protecteurs, incompatibles avec l'article 95, premier alinéa, du traité, dès lors que:

- soit les véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV ne peuvent pas être considérés comme des produits similaires, au sens de la disposition précitée, aux véhicules relevant des tranches d'imposition supérieures à 18 CV et, plus particulièrement, aux véhicules relevant de la tranche de 23 CV et plus, tels que celui du demandeur au principal,

- soit, si certains des véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV peuvent être considérés comme des produits similaires aux véhicules relevant des tranches d'imposition supérieures à 18 CV et, plus particulièrement, à ceux relevant de la tranche de 23 CV et plus, les consommateurs disposent, parmi ceux de ces véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV qui sont importés, d'un choix tel que l'augmentation du coefficient de progressivité entre la tranche d'imposition de 15-16 CV et les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, et plus particulièrement celle de 23 CV et plus, n'est pas de nature à favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale.

Sur les deuxième et troisième parties de la question préjudicielle

33 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, notamment, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415-93, Rec. p. I-4921, point 59). Néanmoins, la Cour a estimé ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation ou l'appréciation de la validité d'une règle communautaire, demandées par la juridiction nationale, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui sont posées (voir, notamment, arrêt Bosman, précité, point 61).

34 En l'occurrence, par la deuxième partie de sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l'application d'un système de taxation tel que celui résultant des circulaires de 1956, 1977 et 1991 produit des effets discriminatoires à l'égard des véhicules importés qui ont fait l'objet en France d'une réception à titre isolé. Par la troisième partie de sa question, elle demande si, dans l'hypothèse où la taxe serait jugée contraire à l'article 95 du traité, le propriétaire d'un véhicule dont la puissance excède 100 kW a la possibilité de ne pas s'acquitter de la taxe.

35 Il convient tout d'abord de relever qu'il ressort clairement du libellé même de la deuxième partie de la question préjudicielle que la réponse ne présente d'intérêt pour la solution du litige au principal que si et dans la mesure où le véhicule du demandeur au principal a fait l'objet d'une réception à titre isolé. Or, dans sa réponse aux questions écrites de la Cour, M. Tarantik a informé la Cour que son véhicule avait fait l'objet d'une réception par type.

36 Quant à la troisième partie de la question préjudicielle, il convient de relever, ainsi que l'a souligné M. l'avocat général au point 66 de ses conclusions, que le seuil de 100 kW n'a de signification que pour certains véhicules dont la puissance réelle excède ce seuil et dont la puissance fiscale est calculée conformément aux dispositions de la circulaire de 1977. Or, la puissance fiscale du véhicule de M. Tarantik a été calculée en application des dispositions de la circulaire de 1956, ainsi que le demandeur au principal l'a précisé, compte tenu du fait que ce véhicule est d'un modèle qui a été réceptionné en France le 24 novembre 1976 suivant les explications non contestées du gouvernement français. Dans la mesure où la puissance fiscale du véhicule du demandeur au principal n'a pas été calculée en application des dispositions de la circulaire de 1977, la réponse à la question de savoir si, dans l'hypothèse où la taxe serait jugée contraire à l'article 95 du traité, le propriétaire d'un véhicule dont la puissance excède 100 kW a la possibilité de ne pas s'acquitter de la taxe, est dénuée de pertinence pour la solution du litige au principal.

37 Il n'y a pas lieu, en conséquence, de répondre aux deuxième et troisième parties de la question préjudicielle.

Sur les dépens

38 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur la question à elle soumise par le Tribunal de grande instance de Meaux, par jugement du 13 novembre 1997, dit pour droit:

Une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur, telle que celle en cause au principal, ne présente pas, en raison de l'augmentation du coefficient de progressivité de la taxe entre la tranche d'imposition de 15-16 CV, d'une part, et les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, dont ne relèvent que des véhicules importés, d'autre part, des effets discriminatoires ou protecteurs, incompatibles avec l'article 95, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 90, premier alinéa, CE), dès lors que:

- soit les véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV ne peuvent pas être considérés comme des produits similaires, au sens de la disposition précitée, aux véhicules relevant des tranches d'imposition supérieures à 18 CV et, plus particulièrement, aux véhicules relevant de la tranche de 23 CV et plus, tels que celui du demandeur au principal,

- soit, si certains des véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV peuvent être considérés comme des produits similaires aux véhicules relevant des tranches d'imposition supérieures à 18 CV et, plus particulièrement, à ceux relevant de la tranche de 23 CV et plus, les consommateurs disposent, parmi ceux de ces véhicules relevant de la tranche d'imposition de 15-16 CV qui sont importés, d'un choix tel que l'augmentation du coefficient de progressivité entre la tranche d'imposition de 15-16 CV et les tranches d'imposition supérieures à 18 CV, et plus particulièrement celle de 23 CV et plus, n'est pas de nature à favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale.