CJCE, 6e ch., 26 juin 2001, n° C-70/99
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République portugaise
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Gulmann
Avocat général :
M. Alber
Juges :
MM. Skouris, Puissochet, Schintgen, Mme Colneric
LA COUR (sixième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 février 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en maintenant la disposition de l'article 10 du Decreto Regulamentar (décret réglementaire) n° 38-91, du 29 juillet 1991 (Diário da República I, série B, n° 172, du 29 juillet 1991), prévoyant que les vols au départ du Portugal et à destination d'autres États membres sont soumis à une taxe de service aux passagers plus élevée que celle appliquée aux vols nationaux, ainsi que la disposition du Decreto-Lei (décret-loi) n° 102-91, du 8 mars 1991 (Diário da República I, série A, n° 56, du 8 mars 1991), telle qu'exécutée par les arrêtés d'application ultérieurs, prévoyant que les vols au départ du Portugal et à destination d'autres États membres sont soumis à une taxe de sécurité plus élevée que celle appliquée à certains vols nationaux (ci-après les "dispositions litigieuses"), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2408-92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8).
La réglementation communautaire
2 L'article 59, premier alinéa, du traité consacre la libre prestation des services dans les États membres de la Communauté.
3 Le règlement n° 2408-92, pris sur le fondement de l'article 84, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 80, paragraphe 2, CE), fait partie du troisième "paquet" de mesures arrêtées par le Conseil en vue d'établir progressivement le marché intérieur du transport aérien au cours de la période expirant le 31 décembre 1992. Ce règlement prévoit, notamment, le libre accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.
4 Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de ce règlement, "[s]ous réserve du présent règlement, les transporteurs aériens communautaires sont autorisés par le ou les États membres concernés à exercer des droits de trafic sur des liaisons intracommunautaires". Le même règlement comporte des dispositions dérogatoires concernant, notamment, la possibilité, accordée aux États membres, d'imposer aux transporteurs aériens des obligations de service public.
La réglementation nationale
5 L'article 10 du décret n° 38-91 a institué une taxe de service aux passagers dont le taux est fonction de la destination nationale ou internationale du service aérien auquel elle s'applique. Des arrêtés du ministre responsable du secteur des transports fixent le montant de ces taxes aéroportuaires, d'une part, pour les vols au départ de Lisbonne, de Porto et de Faro, d'autre part, pour ceux au départ des Açores. Ils prévoient, dans les deux cas, un tarif différent pour les vols nationaux et pour les vols internationaux.
6 Le décret-loi n° 102-91 a instauré une taxe de sécurité à percevoir sur chaque titre de transport émis au départ d'un aéroport national. Dans un premier temps, la réglementation prise pour son application prévoyait un tarif différent selon que le vol était à destination d'un aéroport national ou d'un aéroport international. Depuis la Portaria (arrêté ministériel) n° 240-98 du ministre chargé des transports, du 16 avril 1998 (Diário da República I, série B, n° 89, du 16 avril 1998), le montant de cette taxe varie selon que le vol est régional, intracommunautaire ou international. La liste des vols régionaux, fixée par arrêté ministériel, comprend les vols reliant les aéroports des Açores et de Madère à un autre aéroport national.
La procédure précontentieuse
7 Considérant que les dispositions litigieuses, en tant qu'elles imposent, au départ des aéroports nationaux, un montant de taxes plus élevé pour les vols intracommunautaires que pour les vols nationaux, s'agissant de la taxe de service aux passagers, ou que pour certains vols nationaux - qualifiés de vols régionaux -, s'agissant de la taxe de sécurité, étaient incompatibles avec le principe de la libre prestation des services consacré par les articles 59 du traité et 62 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), au regard desquels devait, selon elle, être interprété l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2408-92, concernant la liberté d'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, la Commission a, le 11 décembre 1996, adressé au gouvernement portugais une lettre de mise en demeure lui demandant de présenter ses observations à ce sujet, en application de l'article 169 du traité.
8 Dans sa réponse du 17 mars 1997, dans laquelle il ne faisait aucune distinction entre la taxe de service aux passagers et la taxe de sécurité, le gouvernement portugais a soutenu, d'une part, que les prestations exigées pour les vols internationaux sont plus importantes que celles fournies pour les vols nationaux; il a fait valoir, d'autre part, que le traitement spécial dont bénéficient les passagers à destination ou en provenance des régions autonomes des Açores et de Madère est justifié par l'obligation de service public que constitue la desserte de ces régions et par des raisons de politique sociale, compte tenu de la nécessité pour la population de ces régions de pouvoir se déplacer sur le territoire national à des conditions financières acceptables.
9 Par lettre du 30 juin 1998, la Commission a adressé à la République portugaise l'avis motivé prévu par l'article 169 du traité, concluant au manquement de cet État membre à ses obligations et l'invitant à prendre les mesures de régularisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis. La Commission y affirmait à nouveau que le libre accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, assuré par le règlement n° 2408-92, devait être interprété conformément au principe de la libre prestation des services consacré par l'article 59 du traité.
10 Les autorités portugaises n'ayant pas répondu à l'avis motivé et n'ayant pas informé la Commission de l'adoption de mesures destinées à s'y conformer, celle-ci a introduit le présent recours.
Le manquement allégué et l'appréciation de la Cour
11 La Commission soutient que l'application par la République portugaise de taxes aéroportuaires plus importantes pour les vols intracommunautaires que pour les vols nationaux ou régionaux est incompatible avec la libre prestation des services de transport aérien définie à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2408-92, article qui doit, selon elle, être interprété conformément aux principes généraux découlant de l'article 59 du traité. La libre prestation des transports aériens au sein de la Communauté aurait été consacrée par l'adoption par le Conseil, le 23 juillet 1992, du troisième "paquet" de mesures visant à garantir les principes posés par l'article 59 du traité, dont le règlement n° 2408-92 constituerait un élément fondamental.
12 Transposant la jurisprudence de la Cour concernant la tarification des services portuaires, notamment les arrêts du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18-93, Rec. p. I-1783), et du 5 octobre 1994, Commission/France (C-381-93, Rec. p. I-5145), la Commission estime qu'une réglementation nationale qui établit une distinction entre les vols intérieurs et les vols à destination des autres États membres en assurant un avantage particulier aux transports internes constitue une restriction à la libre prestation des services de transport aérien. Dans l'arrêt Commission/France, précité, la Cour aurait souligné que, dans l'optique d'un marché unique, et pour permettre de réaliser les objectifs de celui-ci, la libre prestation des services s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre.
13 Ainsi, dès lors qu'elles ne sont pas justifiées, selon la Commission, par une raison d'intérêt général, les dispositions litigieuses devraient être regardées comme constitutives d'un manquement de la République portugaise aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2408-92.
Sur la régularité de la procédure
14 Le gouvernement portugais fait valoir que, en engageant l'action en manquement prévue par l'article 169 du traité, la Commission a suivi une procédure irrégulière. Selon ce gouvernement, dès lors que, en matière de taxes aéroportuaires, il n'existe aucune harmonisation communautaire et que la distinction entre trafic intérieur et trafic international est prévue dans la majorité des réglementations nationales des États membres, la Commission aurait dû suivre la procédure prévue à l'article 90 du traité (devenu article 86 CE) et adopter une directive d'harmonisation.
15 En effet, seule l'adoption d'une telle directive constituerait la mesure nécessaire, adéquate et proportionnée. En revanche, une adaptation de la réglementation d'un seul État membre par le biais d'une procédure en manquement risquerait de fausser la concurrence entre les transporteurs aériens communautaires. À cet égard, le gouvernement portugais reproche à la Commission de ne pas l'avoir informé des actions éventuellement engagées pour le même motif contre d'autres États membres.
16 En outre, la Commission ayant déjà utilisé la procédure prévue à l'article 90 du traité dans une affaire concernant les redevances d'atterrissage (voir arrêt du 29 mars 2001, Portugal/Commission, C-163-99, non encore publié au Recueil), elle aurait dû, dans un souci de cohérence de son activité contentieuse et pour privilégier sa fonction normative, recourir à la même procédure s'agissant des autres taxes aéroportuaires.
17 Il convient, à cet égard, de rappeler que, nonobstant les autres pouvoirs qu'elle tient du traité pour faire respecter le droit communautaire par les États membres, la Commission apprécie librement l'opportunité d'engager ou non une action en manquement sans devoir justifier son choix, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l'action (voir notamment, en ce sens, arrêts du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247-87, Rec. p. 291, points 11 et 12, et du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35-96, Rec. p. I-3851, point 27). La Cour est seulement tenue de vérifier si la procédure adoptée peut, dans son principe, être employée contre l'infraction alléguée.
18 Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que l'infraction reprochée à la République portugaise peut, si son existence est avérée, être analysée comme un manquement. La présente procédure en manquement est, en conséquence, régulière. Dès lors, les arguments du gouvernement portugais selon lesquels la Commission aurait dû adopter une directive d'harmonisation ou aurait dû engager des procédures analogues au présent recours contre d'autres États membres apparaissent dépourvus de pertinence.
Sur le champ d'application du règlement n° 2408-92
19 Le gouvernement portugais soutient que l'objet des dispositions litigieuses n'entre pas dans le champ d'application du règlement n° 2408-92. Il estime, en effet, que, si ce règlement interdit aux États membres toute réglementation ou pratique restreignant l'accès aux liaisons aériennes intracommunautaires, il ne régit pas les conditions d'exercice de l'activité de transport aérien. Or, la taxe de service aux passagers et la taxe de sécurité relèveraient des conditions d'exercice de l'activité de transport aérien.
20 Une telle distinction ne saurait être retenue. Le montant des taxes aéroportuaires affectant directement et de manière mécanique le prix du trajet, une différenciation dans les taxes supportées par les passagers est automatiquement répercutée sur le coût du transport, privilégiant, en l'espèce, l'accès aux vols nationaux ou régionaux par rapport à l'accès aux vols intracommunautaires. La Cour a d'ailleurs eu l'occasion de juger que l'application de taux de taxes portuaires différents selon que le trajet est national ou intracommunautaire constitue une atteinte au principe de la libre prestation des services, c'est-à-dire une restriction de l'accès à la liaison maritime (voir arrêt Commission/France, précité, notamment points 10 et 14).
21 Or, le règlement n° 2408-92 a précisément pour objet, ainsi qu'il ressort de ses deux premiers considérants, d'éliminer, en ce qui concerne le transport aérien, les restrictions à la libre prestation des services dans le cadre de la politique commune des transports définie aux articles 74 du traité CE (devenu article 70 CE) et 75 du traité CE (devenu, après modification, article 71 CE) et en application de l'article 84, paragraphe 2, du traité qui confie au Conseil le soin d'adopter les mesures appropriées pour la navigation aérienne.
22 Ainsi, la réglementation portugaise en matière de taxes aéroportuaires doit respecter les dispositions du règlement n° 2408-92, tel qu'interprété à la lumière du principe de la libre prestation des services consacré par l'article 59 du traité. Ce règlement a, en effet, également pour objet de définir dans le secteur du transport aérien les conditions d'application de ce principe afin que l'ensemble des questions relatives à l'accès au marché soient couvertes par un seul et même règlement (arrêt du 18 janvier 2001, Italie/Commission, C-361-98, Rec. p. I-385, point 32).
Sur les restrictions à la libre prestation des services
23 Le gouvernement portugais, alors même qu'il dénie la possibilité d'appliquer le règlement n° 2408-92 en l'espèce, admet que la réglementation nationale doit respecter le principe de la libre prestation des services consacré par l'article 59 du traité.
24 Il soutient, à cet égard, d'une part, que les dispositions litigieuses respectent ce principe au motif qu'elles n'instaurent aucune discrimination fondée sur la nationalité des opérateurs. Il fait valoir, d'autre part, que, en admettant même que les dispositions litigieuses constituent une restriction à la libre prestation des services, les mesures qu'elles édictent seraient justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, nécessaires et proportionnées. Il souligne que le principe d'une telle possibilité de justification objective dans une situation analogue a été expressément admis par la Cour au point 16 de l'arrêt Commission/France, précité, sans cependant avoir été retenu dans cette affaire.
25 Concernant l'absence de discrimination fondée sur la nationalité des opérateurs, il y a lieu de constater que la Commission n'allègue pas une telle violation du principe de la libre prestation des services, de sorte que l'argumentation du gouvernement portugais selon laquelle les dispositions litigieuses traitent de la même manière tous les transporteurs aériens établis dans la Communauté est inopérante.
26 La Commission reproche, en effet, à la République portugaise d'avoir, par l'article 10 du décret n° 38-91 et par le décret-loi n° 102-91, rendu la prestation de services de transport aérien entre États membres plus difficile que la prestation de services de transport aérien interne à un État membre, critique sans rapport avec une discrimination qui serait fondée sur la nationalité des opérateurs aériens ou des passagers.
27 Concernant cette critique, il n'est pas contesté que les dispositions litigieuses, bien qu'applicables sans discrimination à tous les transporteurs aériens, établissent une distinction entre les vols internes ou régionaux, d'une part, et les vols à destination des autres États membres, d'autre part. Aux termes de ces dispositions, la taxe de service aux passagers et la taxe de sécurité représentent, pour les vols intracommunautaires, la première, le triple de ce qu'elle est pour les vols nationaux et, la seconde, le double de ce qu'elle est pour les vols régionaux. Or l'article 59 du traité s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d'exercer effectivement la liberté de prestation des services ainsi que, dans l'optique d'un marché unique, à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (arrêt Commission/France, précité, points 16 et 17).
28 En outre, la Cour a eu l'occasion de retenir une restriction à la libre prestation des services lorsque la mesure litigieuse rend les prestations transfrontalières plus onéreuses que les prestations nationales comparables (voir arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne, 205-84, Rec. p. 3755, point 28). En l'espèce, les dispositions litigieuses rendent la prestation transfrontalière - par exemple le vol de Lisbonne à Madrid - plus onéreuse que la prestation interne comparable - par exemple le vol de Lisbonne à Porto - et constituent donc une violation du principe de la libre prestation des services, à moins qu'elles n'apparaissent justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général et à la condition que les mesures qu'elles édictent soient nécessaires et proportionnées.
29 Concernant, en premier lieu, la taxe de service aux passagers, le gouvernement portugais justifie le traitement différencié des vols nationaux et des vols intracommunautaires par les services plus importants et d'une nature différente offerts aux passagers des vols intracommunautaires et des autres vols internationaux. Il précise, à cet égard, que la jurisprudence de la Cour concernant le transport maritime n'est pas transposable, compte tenu des sujétions propres au transport aérien.
30 Mais le gouvernement portugais, qui se borne à énumérer les services aux passagers dans les aéroports, ne démontre pas qu'ils sont fondamentalement différents de ceux offerts dans les ports. Il n'établit pas davantage en quoi la différence entre les services rendus aux passagers des vols intracommunautaires et ceux rendus aux voyageurs qui se déplacent entre deux aéroports situés au Portugal constituerait une raison impérieuse d'intérêt général justifiant le triplement de la taxe de service aux passagers pour les vols intracommunautaires par rapport aux vols nationaux, ni en quoi une telle différence de taxation serait nécessaire et proportionnée.
31 Concernant, en second lieu, la taxe de sécurité, le taux réduit applicable aux vols régionaux serait, selon le gouvernement portugais, justifié par la nécessité de favoriser un objectif de développement régional et de soutien spécifique aux régions ultrapériphériques pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution que le transport aérien. Les autorités portugaises visent essentiellement les régions autonomes des Açores et de Madère.
32 À cet égard, il convient tout d'abord de souligner que la région autonome des Açores a, conformément à l'article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2408-92, été exemptée de l'application de ce règlement jusqu'au 30 juin 1998 inclus. Ce n'est que lorsqu'il est apparu que les modifications de la législation portugaise requises à partir du 1er juillet 1998 n'avaient pas été effectuées que la Commission a émis un avis motivé. Aux termes du neuvième considérant du règlement n° 2408-92, l'exemption était justifiée par le développement inadéquat du système de trafic aérien dans les Açores à la date de l'adoption dudit règlement. Ainsi, ce règlement prévoyait expressément une mesure de promotion régionale dérogatoire et provisoire, qui devait permettre une adaptation progressive dans les régions dans lesquelles des sujétions particulières interdisaient une application immédiate et brutale des dispositions communautaires.
33 Ensuite, l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2408-92 prévoit la possibilité de promouvoir le développement de certaines régions. Aux termes du point a) de cette disposition, un État membre peut "imposer des obligations de service public sur des services aériens réguliers vers un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire". Aux termes du point h) de ladite disposition, de telles obligations peuvent donner lieu au versement d'une compensation.
34 Mais si le règlement n° 2408-92 permet, dans certaines conditions, d'imposer aux transporteurs aériens de telles obligations de service public qui peuvent être compensées financièrement, encore faut-il que ces obligations soient préalablement définies et que les contreparties financières puissent être individualisées comme étant la compensation spécifique de ces obligations.
35 Il est constant, d'une part, que la différence dans le montant des taxes de sécurité entre les vols régionaux et les vols intracommunautaires ne peut entrer dans le cadre des obligations de service public pouvant bénéficier aux régions autonomes. En effet, si le gouvernement portugais fait état de la nécessité d'apporter une aide économique et sociale aux régions autonomes des Açores et de Madère, il ne démontre ni même n'allègue avoir imposé une quelconque obligation de service public aux compagnies aériennes qui desservent ces régions et, surtout, il ne conteste pas que l'avantage accordé n'est pas limité aux vols à destination des régions autonomes dont la situation le justifierait peut-être, mais bénéficie ou peut bénéficier à d'autres vols régionaux dont la liste est fixée par un arrêté ministériel et est susceptible d'évoluer en fonction de critères qui ne sont pas déterminés.
36 D'autre part, le gouvernement portugais ne démontre pas, par son argumentation, qu'une raison impérieuse d'intérêt général justifie la restriction à la libre prestation des services que constitue un taux de la taxe de sécurité environ deux fois moins élevé pour les vols régionaux que pour les vols intracommunautaires.
37 Enfin, la circonstance, invoquée par le gouvernement portugais, que l'application aux vols régionaux du taux de taxe auquel sont soumis les vols intracommunautaires pèserait d'une manière excessive sur le prix total des premiers est sans aucune incidence sur le bien-fondé du recours en manquement, dès lors, notamment, qu'une harmonisation des taux des taxes aéroportuaires n'implique pas obligatoirement le relèvement du taux le plus bas.
38 Il y a donc lieu de constater que, en instituant, d'une part, par l'article 10 du décret n° 38-91 une taxe de service aux passagers d'un montant plus élevé pour les vols intracommunautaires que pour les vols nationaux et, d'autre part, par le décret-loi n° 102-91 et les arrêtés pris pour son application, une taxe de sécurité d'un montant plus élevé pour les vols intracommunautaires que pour certains vols nationaux, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 59 du traité et 3, paragraphe 1, du règlement n° 2408-92.
Sur les dépens
39 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République portugaise et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) En instituant, d'une part, par l'article 10 du Decreto Regulamentar (décret réglementaire) n° 38-91, du 29 juillet 1991, une taxe de service aux passagers d'un montant plus élevé pour les vols intracommunautaires que pour les vols nationaux et, d'autre part, par le Decreto-Lei (décret-loi) n° 102-91, du 8 mars 1991, et les arrêtés pris pour son application, une taxe de sécurité d'un montant plus élevé pour les vols intracommunautaires que pour certains vols nationaux, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2408-92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.
2) La République portugaise est condamnée aux dépens.