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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 3 juillet 2001, n° 1999-12345

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chardonnal

Défendeur :

Pichon (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deslaugiers-Wlache

Conseillers :

Mmes Dintilhac, Timsit

Avoués :

SCP Mira-Bettan, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Choisez, Sarcia Roche

TGI Paris, 1re ch., du 1er févr. 1999

1 février 1999

LA COUR, statue sur l'appel relevé par M. Hervé Chardonnal du jugement prononcé le 1er février 1999 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté ses demandes et l'a condamné à verser à M. et Mme Pichon la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelant, M. Chardonnal poursuit l'infirmation de cette décision et demande, vu l'article L. 121-1 du Code de la consommation et l'article 1116 du Code civil, de condamner les époux Pichon à lui payer la somme de 154 789 F avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation et celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait valoir

- que les époux Pichon sont responsables de la rédaction et de la diffusion d'une publicité mensongère ou trompeuse, ayant fait passer une annonce mentionnant pour l'appartement qu'ils voulaient vendre une surface de 60 m2 alors que celle-ci, selon le certificat de M. de Quenetain, géomètre expert, est de 52,57 m2,

- que l'article L. 121-1 du Code de la consommation n'exige ni preuve de la mauvaise foi ni démonstration du caractère déterminant dans l'acte d'achat de l'information frauduleusement communiquée,

- que de surcroît, à l'évidence, en matière d'acquisition de bien immobilier, la surface du bien est déterminante et essentielle d'autant qu'il recherchait un appartement d'au moins 60 m2 ayant occupé jusqu'alors des logements d'une surface supérieure,

- qu'en toute hypothèse les époux Pichon ont commis un mensonge dolosif leur mauvaise foi étant démontrée par leurs déclarations auprès de l'administration fiscale et par leur possession du plan de l'appartement qui mentionne 55,55 m2,

- que la surface de l'appartement était à l'évidence pour lui un élément déterminant compte tenu du prix annoncé, la clause de non contenance lui étant inopposable s'agissant d'un dol.

Intimés, M. et Mme Pichon sollicitent, vu les articles 1116 et 1146 et suivants et 1382 du Code civil la confirmation de la décision déférée.

Ils demandent également de condamner M. Chardonnal à leur payer une somme de 7 000 F à titre d'indemnité pour leurs frais irrépétibles et de constater qu'il n'y avait lieu pour eux de déférer à la sommation de communiquer de l'appelant portant sur l'acte de vente du 21 mai 1992 et le règlement de copropriété qui étaient en sa possession.

Ils allèguent

- que M. Chardonnal ne démontre pas que l'indication de 60 m2 dans l'annonce ait été l'élément déterminant de son achat ni qu'il existe un lien de causalité entre la faute prétendument commise et le préjudice qui en serait résulté,

- qu'ils n'ont commis aucune mensonge dolosif, ni en dissimulant une information qu'ils ne possédaient pas ni en empêchant M. Chardonnal d'obtenir lui-même cette information,

- que celui-ci sur ce fondement ne démontre pas davantage qu'il n'aurait pas acheté l'appartement sans l'indication donnée dans l'annonce.

Ceci exposé, LA COUR,

Considérant que M. Chardonnal a visité l'appartement mis en vente par les époux Pichon au vu d'une annonce parue dans le journal "De Particulier à Particulier" ainsi rédigée "15ème Javel ou Boucicaut - Petite copropriété 4 étages de 1988, au 2ème, palier privatif, 3 pièces 60 m2 : séjour, 2 chambres sur square, cuisine haut de gamme intégrée en coin repas, salle de bains équipée, wc séparés. Exposition Est-Ouest. Lumineux et calme. Parfait état. 1 295 000 F" ;

Qu'il a signé le 13 novembre 1996 une promesse unilatérale de vente par acte sous seing privé ne mentionnant aucune référence à la surface de l'appartement ;

Que l'acte de vente a été dressé le 2 janvier 1997 par Me Giray, notaire associé à Paris, lequel ne précise pas non plus sa surface mais contient une clause selon laquelle toute différence de contenance en plus ou en moins, s'il en existe, et excédât elle-même un vingtième, doit faire le profit ou la perte de l'acquéreur ;

Considérant que M. de Quenetain, géomètre-expert, a établi le 16 décembre 1997 une certification de la superficie privative laquelle s'élève à 52,57 m2 ;

Considérant que le délit de publicité trompeuse prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation est ainsi constitué, en raison d'une fausse indication sur la surface dans l'annonce parue ;

Que la publicité trompeuse est sanctionnée qu'elle ait été faite de bonne ou mauvaise foi;

Considérant cependant que les premiers juges ont à bon droit énoncé que M. Chardonnal devait, au soutien de son action, démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice qu'il allègue ;

Considérant qu'il ne justifie pas avoir axé ses recherches sur des appartements d'au moins 60 m2, le fait qu'il ait occupé à Dieppe et à Lyon des appartements de 79 et 68 m2 étant insuffisants à le démontrer, s'agissant d'appartements en location, alors qu'à Paris il poursuivait un projet d'acquisition ;

Considérant que la promesse de vente qui ne contient aucune indication de surface, précise que le bénéficiaire déclare bien connaître les biens en cause pour les avoir vus, mesurés et visités, dispensant le promettant d'une plus ample désignation, lequel s'engage à permettre au bénéficiaire et à toutes personnes qu'il désignerait de procéder à toute les vérifications nécessaires avant l'entrée en jouissance ;

Considérant que M. Chardonnal, si la surface de l'appartement avait été pour lui un élément déterminant, n'aurait pas manqué de le mesurer lui-même ou de le faire mesurer s'il n'en avait pas la possibilité et de faire mentionner cette surface dans l'acte de vente en faisant supprimer la clause de non garantie qu'il a au contraire acceptée sans faire d'observation ;

Qu'il en résulte qu'il a été séduit par l'appartement qu'il visitait et sur lequel a porté son choix, ses autres aspects attractifs mentionnés dans l'annonce ne faisant pas l'objet de contestation;

Considérant ainsi qu'il n'est pas démontré que l'indication d'une surface de 60 m2 ait été déterminante dans sa décision d'acquérir et que sa demande de dommages-intérêts a été à juste titre rejetée sur le fondement de la publicité trompeuse ;

Considérant que le dol, pour être constitué, exige que Les manœuvres pratiquées par l'une des parties soient telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Que les manœuvres ou mensonges doivent ainsi avoir été déterminants ;

Que comme il est exposé ci-dessus il n'est pas établi que M. Chardonnal n'aurait pas décidé d'acquérir si la surface réelle lui avait été indiquée, qu'il suffit de ce seul élément pour que les demandes de M. Chardonnal fondées sur l'article 1116 du Code civil ne soient pas accueillies ;

Considérant qu'il n'est pas davantage démontré que M. et Mme Pichon aient su que la surface de l'appartement ait été très inférieure à 60 m2 et indiqué délibérément une fausse superficie

Considérant que ceux-ci l'avaient acquis par acte dressé le 27 mai 1992 par Me Drouault, notaire associé à Paris de Mme Lefebvre laquelle l'avait elle-même acquis en l'état futur d'achèvement par acte du 19 novembre 1986 ;

Que l'acte du 27 mai 1992 précise que le permis de construire délivré le 24 décembre 1985 a été remis par le vendeur à l'acquéreur, que le plan du 3ème étage mentionne en effet pour l'appartement en cause une surface de 55,55 m2 mais qu'il n'est pas établi que le plan lui-même ait été également remis et non pas seulement l'arrêté du 24 décembre 1985 délivrant le permis de construire ;

Considérant à cet égard que l'attestation délivrée par M. Tunco, promoteur et constructeur de l'immeuble n'est pas probante;

Que le plan de l'appartement a été certainement joint à l'acte portant acquisition par Mme Lefebvre mais que M. Tunco ne peut affirmer qu'il était joint à la revente Lefebvre-Pichon à laquelle il ne participait pas;

Considérant, en ce qui concerne le règlement de copropriété, que les acquéreurs déclaraient en avoir parfaite connaissance et que les parties déclarent dans l'acte du 2 janvier 1997 que l'acquéreur en a eu connaissance par la lecture que ce dernier en a faite lui-même préalablement à la signature ainsi qu'il le reconnaît, reconnaissant également qu'une copie lui en est remise ;

Qu'il n'est pas établi que l'une ou l'autre partie ait été en possession des plans annexés à ce règlement,

Considérant que le tribunal a à juste titre souligné que le document fiscal sur lequel figure une surface de 55 m2 est daté du 18 février 1998 et porte l'indication "nature et réalisation du changement 01/01/1985 "soit une date antérieure à celle de l'acquisition en état futur d'achèvement par Mme Lefebvre le 19 novembre 1986, l'immeuble ayant été achevé en mai 1987 et l'appartement vendu aux époux Pichon, sans précision de surface, le 27 mai 1992 ;

Qu'il n'est donc pas démontré que les époux Pichon aient connu la surface réelle de l'appartement ;

Considérant dans ces conditions que le tribunal doit être également approuvé d'avoir rejeté les demandes de M. Chardonnal sur le fondement de l'article 1116 du Code civil ;

Considérant qu'il sera condamné aux dépens et à verser une somme de 5 000 F aux intimés à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Condamne M. Chardonnal aux dépens et à payer une somme de 5 000 F à M. et Mme Pichon sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Admet la SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.