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Décisions

CJCE, 17 décembre 1981, n° 272-80

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Frans-Nederlandse Maatschappij voor Biologische Producten BV

CJCE n° 272-80

17 décembre 1981

LA COUR,

1. Par arrêt du 29 octobre 1980, parvenu à la Cour le 10 décembre 1980, le Gerechtshof de La Haye a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question relative à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE en vue d'être mis en mesure d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de la législation néerlandaise en matière d'homologation des produits désinfectants.

2. Cette question a été soulevée au cours d'une procédure d'appel interjeté contre la condamnation, en première instance, de la société Frans-Nederlandse Maatschappij voor Biologische Produkten BV à une amende pour infraction à l'article 2, paragraphe premier, de la " bestrijdingsmiddelenwet " (loi relative aux désinfectants) de 1962, qui interdit la vente, l'entreposage ou l'utilisation d'un produit désinfectant qui n'est pas agrée conformément à la loi.

3. La société concernée avait importé, vendu ou livre aux Pays-Bas une certaine quantité d'un désinfectant, dénommé Fumicot Fumispore, contenant comme substance active un produit toxique, le parahydroxyphenil-salicylamide, lequel désinfectant avait été légalement commercialisé en France mais n'avait pas fait l'objet de l'agréation exigée aux Pays-Bas, conformément à la loi précitée.

4. Le système d'agréation en vigueur aux Pays-Bas a été instauré par la loi de 1962 dans le but de protéger la santé publique. Ce système interdit en principe l'utilisation de tels produits sauf autorisation préalable. Les conditions requises pour l'autorisation portent sur la composition, l'efficacité et l'innocuité de ces produits ainsi que sur les informations pour les consommateurs contenues dans leur emballage. Les frais afférents aux examens de laboratoire étaient, sous la législation en vigueur à l'époque des faits litigieux, à la charge du demandeur.

5. La société concernée a fait valoir que le système en question était incompatible avec les dispositions du droit communautaire interdisant les restrictions quantitatives à l'importation et les mesures d'effet équivalent et qu'il ne saurait, de ce fait, constituer la base légale des poursuites engagées contre elle.

6. C'est en vue de trancher cette contestation que le Gerechtshof a posé à la Cour la question suivante:

" Le système de la loi néerlandaise de 1962 relative aux désinfectants est-il compatible avec l'article 30 du traité CEE, dans la mesure ou cette loi interdit la libre commercialisation aux Pays-Bas d'un produit originaire d'un autre état membre ou ce produit a été commercialisé légalement et ou il satisfait aux exigences légales qui protégent les mêmes impératifs de santé publique que la loi néerlandaise précitée de 1962? "

7. La Commission fait valoir qu'aussi longtemps qu'une reconnaissance des agréations dans le domaine des désinfectants n'aura pas été instaurée au niveau communautaire, les états membres sont libres d'interdire, dans l'intérêt de la santé publique, l'importation et la commercialisation de tels produits originaires d'un autre état membre dans lequel ils sont légalement commercialisés.

8. Les Gouvernements danois, italien, néerlandais et britannique soulignent les dangers que ces produits sont susceptibles de créer pour la santé et l'environnement en général et attirent l'attention sur les particularités du contrôle qui résultent notamment de la diversité des conditions climatiques. Sans nier les entraves aux échanges intracommunautaires que peuvent constituer de telles réglementations nationales, les quatre Gouvernements fondent la légalité de ce type de réglementation sur l'exception de l'article 36 du traité CEE qui vise les impératifs de protection de la santé publique.

9. S'il n'appartient pas a la Cour de se prononcer, dans le cadre d'une procédure introduite en vertu de l'article 177 du traité CEE, sur la compatibilité de règles de droit interne avec des dispositions de droit communautaire, elle est par contre compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire et permettant à cette juridiction de juger de la compatibilité de ces normes avec la règle communautaire évoquée. Il y a lieu, partant, de considérer la question posée comme tendant à savoir, en substance, si et dans quelle mesure le système et les modalités d'agréation des produits désinfectants sont justifiés au regard des exigences des articles 30 et 36 du traité CEE.

10. Bien que la question posée concerne seulement l'interprétation de l'article 30 du traité, il y a, en effet, lieu pour y répondre de tenir compte du système résultant de la combinaison de la règle générale édictée par ledit article et de l'exception qu'y apporte l'article 36 du traité.

11. Aux termes de l'article 30 du traité CEE, les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les états membres. Cette règle générale comporte cependant un renvoi, notamment à l'article 36, aux termes duquel les dispositions des article 30 a 34 inclus ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation justifiées, entre autres, pour des raisons " de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ". La dernière phrase de l'article 36 précise toutefois que 'ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les états membres'.

12. Il convient de relever qu'il n'existait pas, à l'époque des faits litigieux, de règles communes ou harmonisées en matière de production et de commercialisation des produits désinfectants. A défaut d'harmonisation, il appartenait donc aux états membres de décider du niveau auquel ils entendaient assurer la protection de la santé et de la vie des personnes, en particuliers du degré de sévérité des contrôles à effectuer (arrêt du 20 mai 1976 de Peijper, 104-75, Recueil p. 635), tout en tenant compte du fait que leur action est elle-même limitée par le traité.

13. A ce propos, il n'est pas contesté que la réglementation nationale en cause a pour objet de protéger la santé publique et qu'elle relève dès lors de l'exception prévue par l'article 36. Les mesures de contrôle appliquées par les autorités néerlandaises, notamment en ce qui concerne l'agréation du produit, ne peuvent donc pas être contestées dans leur principe. Cette constatation laisse cependant ouverte la question de savoir si les modalités d'agréation signalées par la juridiction nationale peuvent éventuellement constituer une restriction déguisée au sens de la dernière phrase de l'article 36, dans le commerce entre les états membres, compte tenu a la fois, d'une part, du caractère dangereux du produit, et, d'autre part, de la circonstance qu'il a fait l'objet d'une procédure d'agréation dans l'état membre ou il a été légalement commercialisé.

14. Si un état membre est libre de soumettre un produit du type de celui en cause ayant déjà fait l'objet d'une agréation dans un autre état membre à une nouvelle procédure d'examen et d'agréation, les autorités des états membres sont néanmoins tenues de contribuer à un allégement des contrôles dans le commerce intracommunautaire. Il en résulte qu'elles ne sont pas en droit d'exiger sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais de laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans un autre état membre et que leurs résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent sur leur demande être mis à leur disposition.

15. Pour ces mêmes raisons, l'état membre qui procède à une agréation doit veiller à ne pas provoquer de frais de contrôle inutiles si les résultats du contrôle opère dans l'état membre d'origine satisfont aux besoins de protection de la santé dans l'état membre importateur. En revanche, la seule circonstance que ces frais pèsent plus lourdement sur un opérateur commercialisant des petites quantités d'un produit agrée que sur son concurrent, qui en commercialisé des quantités beaucoup plus importantes, ne justifie pas la conclusion que ces frais constitueraient une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au sens de l'article 36.

16. Il y a donc lieu de répondre à la question posée qu'il résulte de la combinaison des articles 30 et 36 du traité qu'il n'est pas interdit à un état membre d'exiger une agréation préalable des produits désinfectants, même si ces produits ont déjà fait l'objet d'une agréation dans un autre état membre. Les autorités de l'état importateur ne sont toutefois pas en droit d'exiger sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais de laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans un autre état membre et que leurs résultats sont a la dispositions de ces autorités ou peuvent sur leur demande être mises à leur disposition.

17. Il incombe à la juridiction nationale d'examiner, à la lumière des considérations qui précèdent si, et dans quelle mesure, les modalités d'agréation prévues par la législation nationale sont justifiées au sens de l'article 36.

18. Les frais exposés par le Gouvernement du Danemark, le Gouvernement d'Italie, le Gouvernement des Pays-Bas, le Gouvernement du Royaume-Uni et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure, revêtant à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Statuant sur la question a elle soumise par le Gerechtshof de La Haye par arrêt du 29 octobre 1980, enregistré à la Cour le 10 décembre 1980, dit pour droit:

Il résulte de la combinaison des articles 30 et 36 du traité qu'il n'est pas interdit à un état membre d'exiger une agréation préalable des produits désinfectants, même si ces produits ont déjà fait l'objet d'une agréation dans un autre état membre. Les autorités de l'état importateur ne sont toutefois pas en droit d'exiger sans nécessité des analyses techniques ou chimiques ou des essais de laboratoire lorsque les mêmes analyses et essais ont déjà été effectués dans un autre état membre et que leurs résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent sur leur demande être mis à leur disposition.