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Décisions

Conseil Conc., 22 juin 2005, n° 05-D-32

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société Royal Canin et son réseau de distribution

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de M. Lerner, par Mme Perrot, vice-présidente, présidant la séance, MM. Flichy, Gauron, Honorat, Robin, , Mme Renard-Payen, membres.

Conseil Conc. n° 05-D-32

22 juin 2005

Le Conseil de la concurrence (Section II),

Vu la lettre enregistrée le 29 décembre 2000, sous le numéro F 1282, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Royal Canin et son réseau de distribution ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Royal Canin, Idéal Canin Valdoie, Gamm Vert, Jardins de Pacy, Univert Bourges, Loisirs et Jardins, Fapac-Tivadis, Galetou-Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Ferrat Distribution, Garibaldi, Canidis, Apex, Truffaut, Mille Amis, Sodiamal, Cocipa, Normandie Loir Distribution, Tripode, Delbard et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Royal Canin, Idéal Canin, Gamm Vert, Univert Bourges, Fapac Tivadis, Galetou-Sodegal, J & B Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Ferrat Distribution, Garibaldi, Canidis, Apex, Truffaut, Mille Amis, Sodiamal, Cocipa, Normandie Loir Distribution, Delbard et Tripode Jardiland entendus lors de la séance du 19 avril 2005, les sociétés Idéal Canin, Loisirs et Jardins, Idéal Canin Valdoie, Jardins de Pacy et Normandie Loir Distribution, ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR DES ALIMENTS POUR CHIENS

1. LES PRODUITS

1. En France, sur la période en cause, qui couvre les années 1998 à 2000, les produits industriels et les restes de table ou préparations ménagères se partagent de manière à peu près égale le volume de l'alimentation pour chiens.

2. Les aliments industriels comprennent :

* les aliments secs ou croquettes, extrudés ou floconnés, dont le processus de fabrication est comparable à celui des céréales pour petit déjeuner ;

* les aliments humides, contenant de 70 à 80 % d'eau, vendus en conserve et produits à partir de sous-produits des filières viandes et poissons ;

* les biscuits et friandises destinés à être consommés par l'animal en dehors des repas et utilisés comme récompense ou consolation.

3. Sur le long terme, on observe une baisse régulière de l'alimentation ménagère au profit de l'alimentation industrielle et, au sein de cette dernière, une progression des produits secs dont le prix de revient par repas est deux à trois fois inférieur à celui des produits humides. On observe également le développement de gammes de produits secs conçus en fonction des caractéristiques physiologiques de l'animal : taille, âge, activité, race. Ces produits adaptés aux différents types de chiens sont dits nutritionnels, par opposition aux produits standard qui conviennent à tous les chiens. Les produits nutritionnels sont également réputés être de meilleure qualité. Celle-ci s'apprécie selon la digestibilité de l'aliment, sa composition, en viande fraîche notamment, et son appétence.

2. LA TAILLE DU MARCHÉ

4. La France comptait, en 1998, environ 8 millions de chiens. Les propriétaires dépensaient en moyenne 670 francs, par animal et par an, en aliments préparés.

5. Les estimations du marché des aliments industriels diffèrent selon les études. Une enquête de la Secodip valorise le marché des aliments secs pour chiens à 1,669 Md de francs en 1998 ; la chambre syndicale des fabricants d'aliments pour chiens, chats et oiseaux (FACCO) évalue le chiffre d'affaires des fabricants et importateurs de produits secs pour chien à 2,360 Mds francs en 1998 et à 2,530 Mds francs en 1999. Enfin, la société Masterfoods chiffre à 4,1 Mds de francs en 1999 le marché français des aliments secs pour chien dans le dossier de concentration qu'elle a déposé auprès de la Commission européenne à l'occasion du rachat de Royal Canin en 2001. Ces différences s'expliquent notamment par le fait que la FACCO publie des données valorisées au prix de vente des fabricants, alors que celles du dossier Masterfoods le sont au prix d'achat consommateur. Le tableau suivant récapitule les estimations de la FACCO et de Masterfoods pour le marché français des produits secs pour chiens, en millions de francs et milliers de tonnes :

<emplacement tableau>

3. LES INTERVENANTS

6. Certains intervenants sont présents sur les deux segments de l'alimentation industrielle pour chiens, les produits humides et les produits secs, mais Royal Canin n'est, en revanche, présent que sur ce dernier segment.

7. Depuis 1995, de nombreuses concentrations sont intervenues sur le marché de l'alimentation des animaux de compagnie. Les " majors " de l'industrie agro-alimentaire et des produits de grande consommation ont acquis les principaux fabricants et les marques leaders. Il subsiste, toutefois, quelques fabricants régionaux ou limités à la production pour des marques de distributeur.

8. Quatre opérations de concentration ont été récemment soumises à l'autorisation de la Commission européenne : le rachat par Dalgety de la division Europe " nourriture pour animaux de compagnie " de la société Quaker Oats en 1995, les rachats par Nestlé de la division " nourriture pour animaux de compagnie " de Dalgety en 1998 et de la société Ralston Purina en 2001, et enfin le rachat par Masterfoods (groupe Mars) de Royal Canin en 2002.

9. Le groupe Nestlé a également racheté Alpo Petfoods en 1994, Jupiter Petfoods en 1998 et Mac'Ani en 2000. Nestlé est ainsi devenu le numéro deux en Europe derrière le groupe leader Mars. En 1997, Ralston Purina a acquis Edward Baker Petfoods ; en avril 1998, la société hollandaise Provimi a acquis la société Top Number ; en août 1999 Procter & Gamble a acquis Iams ; en juillet 2000, Royal Canin a acquis James Wellbeloved. Depuis 1996, Doanes, société leader en marques de distributeur, a acquis Effeffe en Italie, Ipes Iberica en Espagne et Arovit au Danemark. Toutes ces acquisitions n'ont pas eu un impact sur le marché français mais elles reflètent l'évolution rapide du secteur.

4. LES CANAUX DE DISTRIBUTION

10. Les produits sont vendus, d'une part, dans les grandes surfaces alimentaires (GSA) et, d'autre part, dans les commerces spécialisés : animaleries, jardineries, LISA (libresservices agricoles), coopératives agricoles et, dans une moindre mesure, grainetiers, magasins de bricolage ainsi que par les éleveurs et les vétérinaires.

11. En 1999, les circuits spécialisés ont réalisé entre 50 et 60 % des ventes de produits secs. Ce canal de distribution comprend environ 40 % de commerces indépendants et 60 % d'affiliés à des groupes ou des franchises. Les enseignes les plus importantes sont :

* Gamm Vert : réseau de franchise qui regroupe environ 530 magasins multispécialistes du " loisir vert ". Chaque société ou coopérative agricole adhérente gère plusieurs points de vente. La société Univert Bourges, par exemple, possède 15 établissements répartis sur les départements de l' Indre, de la Nièvre, du Cher et du Loiret.

* Truffaut : société du groupe Cora qui exploite directement 24 jardineries intégrées et qui a conclu des contrats d'enseigne avec 5 établissements indépendants. Le groupe Cora développe également une chaîne d'animaleries à l'enseigne Animalis, dont la centrale d'achat est Centrapa ; deux établissements étaient ouverts en mars 1999 ;

* Jardiland : Tripode est la centrale de référencement des réseaux de franchise Jardiland, qui comptent 74 établissements franchisés et 19 avec un contrat d'affiliation ;

* " Vive le Jardin " : Semaphor est la centrale d'achat de cette enseigne, qui regroupe 102 points de vente ;

* " Points verts " : Apex est la centrale de référencement du réseau de franchise des magasins aux enseignes " Point vert " (LISA, à l'origine destinés aux agriculteurs) et de l'enseigne " Magasin vert " (jardineries) qui regroupe 394 points de vente en mars 1999. Les franchisés sont parfois rattachés à des " Master Franchisés " régionaux comme la société Vert Expansion en Bretagne ;

* Mille amis : chaîne intégrée d'animalerie qui compte quatorze points de vente en mars 1999 ;

* Bricorama et Bricomarché, enseignes nationales de bricolage, qui ont développé des linéaires pour l'animalerie.

12. Enfin, les vétérinaires, les éleveurs et les clubs canins commercialisent des aliments pour chien. Ils jouent également un rôle important pour la prescription des produits. Les vétérinaires sont regroupés en centrales d'achat (Vetarvor, Centralvet ...).

5. LA RÉPARTITION DES PRODUITS SELON LES CANAUX DE DISTRIBUTION

13. Les produits humides et les produits secs " premier prix " sont essentiellement distribués en grandes surfaces alimentaires tandis que les produits nutritionnels le sont principalement dans les circuits spécialisés. Les quantités vendues en GSA sont restées stables alors que celles des commerces spécialisés ont bénéficié de l'augmentation du nombre de points de ventes et du développement des gammes nutritionnelles. Ces commerces sont, en effet, plus à même de conseiller les consommateurs confrontés à une technicité et à une diversité accrues des produits et ils permettent une meilleure promotion des produits sur les lieux de vente.

14. Concernant plus particulièrement les produits secs, les fabricants ont multiplié les marques et les gammes afin d'être présents sur les différents segments et dans tous les réseaux de distribution. Une même marque peut être déclinée sous différentes formes et qualités (gammes Pedigree d'Unisabi) ou, à l'inverse, être positionnée sur un seul segment qualitatif du marché (Friskies Pro, Fidèle, Fido de Nestlé) ou sur un seul canal de distribution (marques Optimum et CNM de Ralston Purina, destinées respectivement aux éleveurs et aux vétérinaires). Par ailleurs, les produits peuvent être commercialisés sous le seul nom de la marque ou sous le double label de la marque et du fabricant. Enfin, la grande distribution alimentaire et certains réseaux de franchise ont leurs propres marques : CAF APPRO/ CANICAF pour la centrale Gamm Vert, YOCK pour la centrale Apex... Ces marques de distributeur se retrouvent essentiellement sur le segment du marché dit " économique " ou " standard ".

15. En 1998/1999, les principales marques des fournisseurs sur le marché français des aliments secs pour chiens se positionnent schématiquement de la manière suivante :

<emplacement tableau>

16. Il ressort de la lecture de ce tableau que certains fabricants, dont Royal Canin, ont différencié leurs produits en fonction du circuit auquel ils les destinent. S'agissant de Royal Canin, les produits haute et moyenne gammes (comme la marque RCCI SIZE) ne sont distribuées que dans le circuit de la distribution spécialisée, tandis que la marque Royal Chien, à vocation plus économique, n'est commercialisée qu'en grandes surfaces alimentaires.

6. LES PARTS DE MARCHÉ

17. Les parts du marché des aliments secs pour chien sont différentes selon que l'on prend en compte les tonnages vendus, les ventes de la distribution ou celles des fabricants. Pour 1999, les données communiquées par la société Masterfoods à la Commission européenne évaluent la part de marché de Royal Canin à 29 % en valeur (15 % dans la grande distribution et 40 % dans la distribution spécialisée). Viennent ensuite Nestlé avec 13 %, Mars/Unisabi avec 12 % et Ralston Purina avec 7 %. Les autres concurrents, notamment Hill's, du groupe Colgate Palmolive (distribué en France par la société Oxadis), et Iams, du groupe Procter et Gamble, ne représentent respectivement que 3 et 2 % du marché. Enfin, les marques de distributeur totalisent 17 % de part de marché.

18. Selon les chiffres de la FACCO, Royal Canin détient 26,5 % du marché en 1998 et 26,9 % en 1999, suivi par Masterfoods, avec 22,4 % en 1998 et 21,9 % en 1999, puis par Nestlé/Friskies, avec 8,7 % en 1998 et 15,5 % en 1999.

19. Selon une étude réalisée par Nielsen sur la période juillet/octobre 1998 et diffusée par Royal Canin, ce producteur occupe 40 % des ventes du circuit spécialisé et 63 % du marché des aliments secs haut de gamme distribués dans ces mêmes circuits. Sur le segment des vétérinaires, la marque leader est Hill's avec 48,5 % de part de marché, suivie par Iams 19,5 %, Royal Canin n'ayant qu'une part de 3,6 % sur ce canal de distribution.

B. LE GROUPE ROYAL CANIN

1. L'ORGANISATION DU GROUPE

20. Au 1er janvier 1999, l'organigramme se présente de la manière suivante :

<emplacement tableau>

21. Le circuit de la distribution des produits Royal Canin via la grande distribution est totalement distinct du circuit de la distribution spécialisée de ces produits.

22. Un service spécialisé de la SA Royal Canin gère directement la logistique et la vente dans le circuit de la grande distribution alimentaire.

23. S'agissant de la distribution spécialisée, c'est une filiale de Royal Canin SA, Royal Canin Distribution, qui gère les ventes de la distribution spécialisée : magasins spécialisés, vétérinaires et éleveurs. Les fonctions logistiques et commerciales de ce circuit sont confiées à des grossistes-distributeurs qui vendent les produits Royal Canin aux commerces indépendants détaillants et aux centrales d'achat et de référencement des groupes ou franchises, (cf paragraphe 10).

24. Tous les grossistes-distributeurs assurent les mêmes fonctions commerciales et logistiques et ont les mêmes obligations contractuelles, quelle que soit leur structure juridique. Ils se répartissent en :

* 7 établissements de la société Royal Canin Distribution : Royal Canin Distribution Ile de France, Nord, Est, Aquitaine, Languedoc, Bretagne, Poitou ;

* 5 sociétés dans lesquelles Royal Canin détient une participation minoritaire au 31.12.1999 : Fapac Tivadis détenue à 15,63 %, Normandie Loir Distribution à 34 %, Canidis à 11,96 %, Alpadis à 33 ,6 %, Rhonaldis dans laquelle la participation est passée de 33 à 50 % au 31 décembre 2000 ;

* 6 sociétés indépendantes sans participation de Royal Canin : Cazenave, Sodegal, Sodiamal, Cocipa, Ferrat, Garibaldi. La société Cocipa a cessé son activité de distributeur de la société Royal Canin le 31 décembre 1999, la société Sodiamal à la fin de l'année 2000, la société Garibaldi à la fin de l'année 2002.

25. Jusqu'au 31 décembre 1998, un grossiste indépendant, la société Alsace Agriculture distribuait les produits Royal Canin sur les départements du Bas Rhin et du Haut Rhin. Ces deux départements ont ensuite été repris par Royal Canin Distribution Est mais Alsace Agriculture a continué à assurer le stockage et la livraison des produits moyennant une rémunération au kilo. Avant 1999, il avait également été mis fin aux accords avec la société Difac, distributeur grossiste sur les départements de Meurthe et Moselle, Meuse et Moselle.

26. Les principales marques de la société Royal Canin sont Rcci Size, Premium, Sélection, Canistar, Vet Size, Club, Play Dog et Voyou, vendues en circuits spécialisés, et Royal Chien, vendue en grandes surfaces alimentaires (GSA) :

* la marque Rcci Size recouvre des aliments secs nutritionnels vendus en circuits spécialisés. Elle a remplacé en 1997 RCCI (Royal Canin Cynotechnique International) lancée en 1990 et a été, à son tour, remplacée en 2000 par Size Nutrition. La composition des produits prend en compte l'âge, l'activité et la taille du chien. Les conditionnements vont de trois à quinze kilogrammes. Le chiffre d'affaires 1998 est de 135 MF ;

* la marque Prémium concerne des aliments nutritionnels vendus en circuits spécialisés, avec 37 MF de chiffre d'affaires en 1998 ;

* Sélection est une gamme standard pour chiens et chats vendue en circuits spécialisés, 121 MF de chiffre d'affaires en 1998 ;

* Canistar et Vet Size sont des gammes commercialisées par le circuit des vétérinaires ;

* Club réalise 41 MF de chiffre d'affaires en 1998, et Size Pro, 12 MF de chiffre d'affaires en 1998 ; il s'agit de gammes commercialisées auprès des éleveurs ;

* la marque Play Dog (41 MF de chiffre d'affaires en 1998), et Voyou (9 MF) recouvre des gammes économiques vendues en circuits spécialisés et qui ne sont pas commercialisées sous le label Royal Canin ;

* Royal Chien recouvre des produits généralistes pour tous les types de chiens, vendus en GSA ; le chiffre d'affaires réalisé en 1998 est de156 MF.

27. Cette énumération montre que les produits Royal Canin vendus par GSA et en circuits spécialisés ne sont pas les mêmes, les marques commercialisées dans les deux réseaux étant tout à fait différentes.

2. LA POLITIQUE COMMERCIALE

28. La politique commerciale de l'entreprise Royal Canin sépare de façon parfaitement étanche le circuit de la distribution dans les grandes surfaces du circuit de la distribution spécialisée.

29. S'agissant du circuit de la grande distribution, la société Royal Canin SA gère au niveau national les ventes aux grandes surfaces alimentaires et négocie avec les centrales d'achat de la grande distribution.

30. S'agissant du circuit de la distribution spécialisée, il faut distinguer trois niveaux :

* Au niveau national, la société Royal Canin SA définit la stratégie commerciale et la politique de prix. Elle négocie directement les prix avec les centrales d'achat et de référencement des groupes ou franchises ;

* Au niveau régional, les grossistes-distributeurs, encadrés par les directions régionales de Royal Canin Distribution, mettent en place la politique commerciale et remplissent, pour les réseaux spécialisés, les fonctions commerciale et logistique ; ils vendent aux centrales d'achat et de référencement des groupes ou franchises, bien que les prix soient négociés par Royal Canin SA au niveau national, et aux détaillants indépendants avec lesquels ils négocient les prix ;

* Au niveau local, les détaillants des réseaux spécialisés (détaillants indépendants ou détaillants faisant partie d'un groupe ou d'une franchise) appliquent les " fondamentaux " définis nationalement et mis en place régionalement. Royal Canin met à leur disposition trois types de configuration de rayon avec balisage et signalétique publicitaire et leur fournit plaquettes promotionnelles, fiches techniques, réglettes et étiquettes de prix.

C. LES PRATIQUES RELEVEES

31. Les pratiques relevées concernent exclusivement le circuit de la distribution spécialisée. Affectant le stade des grossistes, des centrales d'achat et des détaillants, elles concernent d'une part, diverses clauses des contrats conclus entre Royal Canin et ses partenaires (exclusivité, remises), d'autre part, la politique tarifaire de Royal Canin.

1. LES RELATIONS DE ROYAL CANIN AVEC SES GROSSISTES-DISTRIBUTEURS

a) Les relations d'exclusivité

32. Des contrats intitulés " ALLIANCE SERVICE " définissent le cadre des relations de Royal Canin SA avec ses grossistes-distributeurs. Finalisés en juillet 1996, ils n'ont pas été formellement signés, à l'exception de celui de la société Rhonaldis, les parties étant, selon le directeur général de la société Royal Canin, " implicitement d'accord sur le fond ". La lettre d'envoi du contrat ALLIANCE SERVICE aux grossistes-distributeurs en date du 2 juillet 1996 explique :

" Vous trouverez ci-joint la version définitive du contrat ALLIANCE SERVICE après plus de deux ans de concertation avec vous. Vous constaterez à sa lecture que quelques modifications ont été apportées par rapport à la première version qui vous avait été remise en janvier 1995. Ces modifications résultent pour la plupart des discussions et des remarques du comité mixte, qui a effectué un important travail pour faire de ce contrat un véritable instrument de partenariat ".

33. Le dirigeant de l'entreprise Canidis a expliqué la mise en place du contrat concernant sa société en ces termes : " Je partage les principes inscrits dans les différents articles de ce contrat mais d'une part il ne m'a pas été demandé de signature quant à ce contrat et de plus, les parties devant être définies précisément par la société Canidis n'ont pas fait l'objet de mentions personnalisées (cf. territoire concédé, circuit de distribution (vétérinaire)). En outre, je n'ai pas exprimé le souhait de signer ce contrat. "

34. Le chapitre 11 " Domaines d'action du distributeur " des contrats Alliance Service liste cinq composantes essentielles du " Partenariat distribution Royal Canin " :

* Les gammes confiées ;

* Les clients servis ;

* Le territoire géographique concédé ;

* L'exclusivité ;

* Les objectifs de vente.

35. Concernant les clients servis, il est indiqué :

" ROYAL CANIN attend, de ses distributeurs, une action dynamique et continue auprès :

* de la distribution spécialisée, notamment (liste indicative) :

- Les circuits agricoles

- Les jardineries et animaleries

- Les grandes surfaces de bricolage

- Les spécialistes de proximité

* des éleveurs professionnels, des clubs canins et félins, des milieux cynophiles et félinophiles ;

* des vétérinaires canins et autres prescripteurs. "

36. Concernant le territoire géographique, il est précisé :

" Le partenariat distribution s'exerce sur un territoire d'activité privilégié... Au delà de ce territoire, le distributeur s'interdit d'effectuer une démarche de prospection active ou de commercialisation régulière des produits Royal Canin afin de garantir le service rendu et de témoigner d'un esprit de solidarité au sein du réseau de distribution Royal Canin ".

37. Les territoires géographiques concédés ne sont pas précisément définis dans les contrats. Toutefois, ils apparaissent sur les différents documents, cartes et plaquettes promotionnelles, distribués aux détaillants et aux consommateurs et le directeur général de Royal Canin a précisé qu'il existe " une carte et des documents de travail internes illustrant la répartition des zones ". Les modifications de territoire donnent lieu au versement de " droits d'entrée ". La société Rhonaldis a versé 120 786,80 francs, en 1995, en échange de l'attribution du réseau Gamm Vert et des points de vente du réseau Agri-Sud- Est sur le département Haute-Loire et 92 000 francs, en 1996, pour l'ouest du département de la Saône-et-Loire. Quand elle a repris, en 1996, le secteur constitué par les départements de l'Eure, de la Seine-Maritime, du Calvados et de la Manche précédemment exploité par M. T., la société Normandie Loir Distribution l'a inscrit au bilan en immobilisations incorporelles. Royal Canin a indemnisé ses grossistes-distributeurs, Alsace-Agriculture et Difac, après avoir mis fin à leurs relations commerciales.

38. Concernant l'exclusivité, il est indiqué : " Le partenariat de distribution comporte un caractère d'exclusivité réciproque :

* Royal Canin s'interdit, sous réserve de toute réglementation en vigueur, de nommer tout autre distributeur sur le territoire pendant la durée du contrat ;

* Le distributeur s'interdit expressément, à titre de disposition déterminante de l'engagement de Royal Canin, de fabriquer, vendre ou représenter directement ou indirectement des aliments secs pour chiens et chats concurrents ou de s'y intéresser... ".

39. Les contrats ALLIANCE SERVICE précisent au chapitre " les modes de fonctionnement " : " Le distributeur achète et vend en son nom, pour son compte de commerçant indépendant aussi bien vis-à-vis de Royal Canin que de ses clients. Il n'est donc pas le mandataire de Royal Canin ... Il fixe librement les prix de vente des produits dans le cadre des lois et règlements en vigueur ". Toutefois, une exception est prévue pour le " CAS PARTICULIER DES ACCORDS CENTRALES ... Royal Canin assure directement la négociation auprès des Centrales et Enseignes ".

40. En pratique, les clauses d'exclusivité et de restriction territoriale sont strictement respectées. Le grossiste Canidis a, ainsi, indiqué lors de l'enquête : " En ce qui concerne le circuit vétérinaire, je ne vends pas de produits à ces professionnels car les centrales vétérinaires géographiquement compétentes ne sont pas situées sur mon secteur d'exclusivité. En revanche, un de mes commerciaux assure la présence de Canidis en informant les vétérinaires sur les produits Royal Canin et en les approvisionnant en échantillons, documents et divers supports publicitaires ", ce qui a été confirmé lors de l'audience.

41. Une autre illustration de ces pratiques d'exclusivité et de restriction territoriale peut être trouvée dans les mentions figurant dans une lettre adressée, le 14 avril 1997, par Royal Canin à son grossiste Cocipa et jointe au mémoire de celui-ci : " ta dernière communication sur " TOP HEBDO " Montpellier... dilue l'image de Royal Canin dans une nébuleuse de marques différentes énoncées sans aucun discernement pour le consommateur ". Les parties ont indiqué lors de la séance que Royal Canin avait mis fin à ses relations avec Cocipa en 1999 parce que ce grossiste avait une filiale, la société Agriflor, qui distribuait des marques concurrentes de Royal Canin.

b) Les remises destinées aux grossistes

42. En complément des contrats " ALLIANCE SERVICE ", des contrats annuels d'objectifs sont négociés et formellement signés par les parties. Ils définissent les priorités d'action et les conditions de versement de primes pour la réalisation d'objectifs annuels. Les grossistes ont des objectifs quantitatifs en produit haut de gamme et pour l'ensemble de la marque Royal Canin. Le taux plancher de remise de 1 % correspond à une progression, variant selon les grossistes-distributeurs, de 3 à 5 % du tonnage total et de 15 à 40 % du tonnage haut de gamme ; le taux " normal " de 1,6 % correspond à des progressions majorées de 10 % à 20 %, selon les grossistes, par rapport au seuil plancher. Au-delà de deux fois cette majoration, il existe une " surprime " au taux de 5 %. Le cumul des deux familles haut de gamme + standard n'est pris en compte pour le calcul de la prime que si l'objectif plancher haut de gamme est réalisé.

43. Aux objectifs quantitatifs s'ajoutent des objectifs qualitatifs qui portent notamment sur la remontée d'informations sur les clients, le balisage des points de vente, la formation des revendeurs, l'animation des lieux de vente, les relations avec les vétérinaires et les éleveurs, la conquête de nouveaux points de vente. Ainsi, les objectifs du grossiste FAPAC TIVADIS pour 1999 incluent, en particulier, le " balisage-respect PVC " (prix de vente aux consommateurs). Les primes correspondant à la réalisation de ces objectifs ne sont versées que si l'objectif quantitatif plancher sur le cumul de la marque Royal Canin est atteint. Sinon elles sont calculées sur le chiffre d'affaires des familles de produits pour lesquelles l'objectif quantitatif est atteint.

44. La transmission mensuelle par les grossistes-distributeurs à la SA Royal Canin de l'intégralité des données concernant leur activité (fichier clients et fichier statistiques de ventes) fait partie des objectifs qualitatifs annuels. Ils reçoivent en retour des comparatifs régionaux. Les modalités de transmission sont précisément définies afin de permettre l'analyse des données par un logiciel informatique dédié.

45. Enfin, Royal Canin a mis en place une concertation institutionnelle avec ses grossistes-distributeurs.

Une réunion annuelle permet aux dirigeants de la société Royal Canin SA d'exposer à tous les grossistes-distributeurs les résultats de l'année écoulée et les " fondamentaux " de l'année à venir. Deux fois par an, les responsables régionaux de la société Royal Canin rencontrent les grossistes-distributeurs de leur zone. Enfin, un comité mixte national réunit deux fois par an les dirigeants de Royal Canin SA et des représentants des grossistes-distributeurs. La préparation des actions commerciales et promotionnelles destinées aux circuits spécialisés mais aussi, le cas échéant, les prix d'achat et de vente des revendeurs, hors accords centrale d'achat, font l'objet de discussions au sein du comité mixte.

2. LES RELATIONS DE ROYAL CANIN AVEC LES CENTRALES ET LES CHAÎNES INTÉGRÉES

a) Les remises

46. Les conditions de vente négociées directement par Royal Canin avec les centrales sont formalisées dans des contrats annuels de collaboration commerciale. Les mêmes types de remises et de ristournes se retrouvent dans la plupart de ces contrats, mais les seuils, les taux et les montants varient. Ils incluent généralement :

* une remise sur facture, application du tarif T0 (tarif de vente des grossistes-distributeurs aux revendeurs, cf. § 48), en fonction du tonnage annuel estimé ou réalisé pour l'année n-1 à laquelle s'ajoute, le cas échéant, une remise complémentaire pour livraison par camion complet ou pour des fonctions d'entrepôt et de redistribution ;

* un budget de participation promotionnelle ;

* des remises de gamme ou de référencement ;

* une ristourne annuelle pour le maintien du tonnage ou du chiffre d'affaires ;

* une ristourne annuelle de progression de tonnage ou de chiffre d'affaires.

47. En 1999, les principales dispositions des contrats de collaboration commerciale conclus avec les grandes centrales d'achat sont les suivantes :

* Centrale Gamm Vert

- Pour les coopératives, une ristourne de fin d'année pouvant varier de 0,50 % à 3,10 % selon un barème quantitatif à laquelle s'ajoute une ristourne de progression variant de 0,5 à 1 % si le volume 1999 est au moins supérieur de 8 % au volume 1998.

- Pour la centrale, une ristourne de 3 % du CA net si le tonnage ou le CA se maintient pour les activités " analyses marché, services communication, services informations, service référencement et actions commerciales, collaboration merchandising " et une ristourne de progression de tonnage ou de CA net HT, variant de 0,2 % à 0,7 %, si le tonnage ou le C.A. 1999 est au moins supérieur de 4 % à celui de 1998.

* Centrale Apex, enseignes Point vert, Magasin vert

- Pour les coopératives, une ristourne de fin d'année pouvant varier de 0,50 % à 2,50 % selon le volume ou la progression de tonnage réalisée.

- Pour la centrale, une ristourne de 3 % du CA net à la centrale si le tonnage ou le CA se maintient et une ristourne de progression de tonnage ou de CA net HT, variant de 0,2 % à 0,5 %, si le tonnage ou le CA 1999 est au moins supérieur de 10 % à 1998 auxquelles s'ajoute une ristourne de progression pour les gammes RCCI Size-Premium-RCFI, si leur tonnage 1999 est au moins supérieur de 20 % à celui de 1998, variant de 0,3 à 1 % du total du chiffre d'affaires net marque Royal Canin.

* Centrale Tripode (enseigne Jardiland) - Semaphor

- Pour les magasins, une ristourne de fin d'année pouvant varier de 0,50 %, en cas de maintien du volume, à 2 % pour une progression en volume de 5 %.

- Pour la centrale, une ristourne de 2 % du CA net en cas de maintien du tonnage et une ristourne de progression variant de 0,5 % à 2 % en fonction du chiffre d'affaires atteint.

* Truffaut

- Une ristourne de 2 % si le tonnage se maintient sur la globalité du CA magasins.

* Société Mille Amis

- Une ristourne de progression de tonnage ou CA net HT si le tonnage ou le CA 1999 est au moins supérieur de 10 % à celui de 1998 variant de 0,4 % à 2 %.

3. LA POLITIQUE TARIFAIRE

48. Les pratiques tarifaires concernent trois segments de marché : un segment amont confrontant Royal Canin et ses grossistes, un marché intermédiaire où se rencontrent ces grossistes et les détaillants et enfin un marché aval où les détaillants offrent les produits Royal Canin aux consommateurs finals.

49. Les services commerciaux de la SA Royal Canin établissent trois tarifs :

* les prix d'achat " Alliance service " des grossistes-distributeurs (segment amont) ;

* les prix de vente des grossistes-distributeurs aux revendeurs appelés " tarifs T0 " (segment intermédiaire). Ce tarif comprend, en fait, plusieurs tranches, la tranche T0 prix de base pour les commandes de 300 à 499 kg, la tranche T1, prix T0-2 %, pour les commandes de 500 à 749 kg, la tranche T2, prix T0-4 % pour les commandes de 750 à 999 kg. Le barème de chaque revendeur est en principe déterminé en début d'année sur la base des quantités achetées lors des douze mois précédents ;

* les Prix Publics Indicatifs, " prix de vente consommateur ", édités et diffusés par la SA Royal Canin (segment aval). Chaque changement du tarif distributeur " T0 " est accompagné de l'édition d'une nouvelle grille de prix publics indicatifs. 50. L'analyse des tarifs montre la constance des marges aux différents stades de la distribution, pour la gamme RCCI Size en sacs de 15 kg, à savoir un coefficient de 1,42 au stade de gros et un coefficient de 1,71 au stade du détail. Cette stabilité des marges est un des objectifs de la nouvelle tarification 1999 présentée aux grossistes-distributeurs lors d'une réunion le 27 novembre 1998 : Pas d'augmentation de prix Pas d'évolution de prix de vente pour nos clients en 1999 consommateurs en 1999 Cette stratégie établit donc un lien strict entre les prix pratiqués aux stades amont et aval de la distribution.

a) La fixation par Royal Canin des prix de revente des grossistes-distributeurs aux détaillants sur le segment intermédiaire

51. Il ressort des pièces du dossier que les tarifs de vente établis et publiés par Royal Canin (tarifs T0, T1, T2...) sont appliqués par les grossistes-distributeurs aux revendeurs suivant le barème correspondant à leur volume d'achat. Pour les revendeurs, dont le poids moyen de commande est inférieur à la première tranche du tarif, 300 kg, plusieurs grossistes-distributeurs ont établi des tarifs complémentaires qui leur sont propres.

52. Le directeur général de la société Royal Canin SA décrit ainsi la mise en place des tarifs : " En début d'année, en principe au mois de mars, les tarifs Royal Canin sont modifiés. Les distributeurs reçoivent leur barème de prix d'achat, après information et échanges préalables. Les prix de vente de ces distributeurs sont, s'ils le souhaitent, édités pour leur compte et pour application. A l'usage, seule la société Rhonaldis ne nous demande pas une telle impression. Ces prix sont édités pour application dans le domaine centralisé et peuvent l'être pour l'ensemble de leur clientèle dans la mesure où ils souhaitent l'appliquer. Ce tarif s'appelle le "T0". Il a été édité et personnalisé au nom de chaque centre de distribution à leur demande... Les prix de ce tarif T0 sont élaborés par le service commercial de la SA Royal Canin. De même il est édité une grille de "Prix Publics Indicatifs" à chaque changement de tarif ".

53. Le PDG de la société Canidis a indiqué : " Nous recevons aussi, en principe par envoi séparé, nos tarifs de vente Canidis et les "prix publics indicatifs" par voie postale. Nos prix de vente société Canidis pour les produits Royal Canin sont ceux que cette société nous adresse effectivement en même temps que ses propres tarifs de vente. Nous respectons ces prix car ils nous semblent pratiques, la grille est déjà établie ; ce sont les services commerciaux de Royal Canin qui procèdent à l'impression de mes tarifs de vente avec, en particulier, l'en-tête Canidis et les coordonnées de l'entreprise ".

54. Le gérant de la société Rhonaldis explique : " La société Royal Canin nous envoie par courrier ses tarifs en début d'année, qui ne donnent pas lieu à négociation. Ces tarifs d'achat, pour la société Rhonaldis sont suivis de peu par l'envoi des tarifs de vente des produits Royal Canin applicables à nos clients ".

b) La diffusion des prix publics indicatifs et la surveillance des prix aux consommateurs (marché aval)

55. Les prix publics indicatifs, c'est-à-dire ceux destinés à être appliqués aux consommateurs finals par les détaillants, sont déterminés par Royal Canin puis adressés aux centrales de référencement et aux grossistes-revendeurs pour être diffusés à l'ensemble des distributeurs. Ils ont été envoyés, le 19 janvier 1998, pour les prix applicables le 1er mars 1998 et dès le 12 janvier 1999, pour les prix applicables le 15 mars 1999.

56. De manière générale, tarifs d'achat T0 et prix publics indicatifs sont adressés par le même courrier. La communication des prix publics indicatifs est systématiquement accompagnée de l'indication : " ce document ne constitue en aucune façon une liste de prix imposés et ne doit pas être interprété en ce sens, il n'est communiqué qu'à titre indicatif, pour vous aider à déterminer votre politique commerciale ". Un exemplaire de cette liste diffusé en mars 1999 auprès des détaillants de Bretagne comporte également la mention : " En vigueur à compter du 15 mars 1999 date de livraison ".

Les remontées d'informations

57. Les prix de détail pratiqués par la distribution sont relevés et transmis à Royal Canin par les équipes de vente des grossistes-distributeurs. Le gérant de la SARL Normandie Loir Distribution a ainsi expliqué : " ... en ce qui concerne les informations sur les prix (Prix de Vente Consommateur), elles sont demandées depuis deux années ... La société NLD assure une prestation au niveau des prix de vente pratiqués constatés par les points de vente. Cette prestation est exécutée par les commerciaux (5) à l'occasion de leurs visites de magasin. Chaque semestre, il est procédé à une synthèse de ces informations ... Nous adressons par télécopie les prix relevés et les coordonnées de l'établissement concerné à la Direction Régionale dont je dépends. Un rapport de synthèse régional nous est adressé en retour ".

58. De même, le gérant de la société Alpadis a déclaré : " Une ou deux fois par an nous relevons les prix de vente pour les produits Royal Canin chez les revendeurs qui sont nos clients ".

59. Royal Canin établit ensuite des tableaux comparatifs qui sont transmis aux grossistes-distributeurs. Ainsi, un comparatif de novembre 1998 des prix de vente moyens aux consommateurs sur la région Paris Nord Est analyse les prix de 641 points de vente des secteurs Paris Ile de France, Est, Normandie-Loir, Nord et Alsace pour onze produits des gammes RCCI Size et Premium. Les prix relevés et les moyennes calculées par Royal Canin permettent de constater l'alignement, à quelques minimes différences près, des distributeurs sur les prix publics indicatifs Royal Canin (annexe D21 au rapport).

Les interventions sur les points de vente

60. Les comptes-rendus de visite des représentants font état d'interventions dans les points de vente pour marquer le prix des produits ou pour demander un ajustement du prix de vente sur le prix public indicatif.

On relève par exemple :

61. Comptes-rendus de l'équipe de vente Royal Canin Distribution Ile de France : Semaine 18, représentant Gaëtan francs, pour les clients Jardiland la Queue en Brie et Lieusaint " Point sur ventes et actions, relevé d'informations : OK mais peu d'espoir pour nous, OK ai fait nécessaire concernant les hausses de tarif ", Semaine 25, représentant Emmanuel C. chez Bricomarché Combs la Ville " relance chgt PVC ; relance PVC car les Adlt 2 sont + chers que Adlt 1 ".

62. Equipe de vente Canidis : Semaine du 18 janvier au 23 janvier secteur Hervé M., client Zabéo " remise à niveau des prix de vente ".

63. Equipe de vente Alpadis : Semaine 16 représentant Nicolas M., client Bricomarché Digne " vu pour mettre en place le changement de tarif "au bon prix" !!!! ", Semaine 6 représentant Nicolas M., client Jardileclerc " relevé de prix et intervention auprès de M. R... ".

64. Compte-rendu du 12.06.1997, représentant Sylvie, client Martel " PV non respecté vu avec Mme P... pour ?ª au tarif, va voir si les autres magasins sont au tarif, je lui ai imposé le respect des prix de vente, je repasse la semaine prochaine pour vérifier " ; client Bricograins " râle car Castelli Nice vend le SU 15 K à 139 Frs + 14 K offert ! je lui ai fait ?ª les PV RCCI Size ".

65. Équipe de vente Rhonaldis : Semaine du 12.04 au 16.04.1999, représentant Thierry M., Client M. Bricolage Vienne " Mise en place nouveau tarif - Rayon RAS ", Semaine du 8.03. au 12.03.1999, représentant Thierry M., Client Aquaflore Villars : " Rappel de la politique commerciale au niveau des prix car quelques anomalies trouvées - à suivre ".

66. Les déclarations des revendeurs mentionnent également des interventions en vue de faire respecter les prix publics indicatifs :

67. Jardins Loisirs, à Chartres : " En ce qui concerne les prix des produits RCCI, les prix sont imposés par le grossiste fournisseur...Comme nous respectons les prix imposés par Normandie Loir, il n'y a jamais eu de conflit. Les prix sont fixés et nous ne pouvons prendre aucune initiative tant à la baisse qu'à la hausse. Je précise que cette pratique est généralisée pour tous les professionnels distributeurs de produits Royal Canin approvisionnés par la société Normandie Loir. Les prix de vente à respecter nous sont communiqués en principe chaque année par la société Normandie Loir ... ".

68. Jardinerie du Bois Paris, à Nogent de la Phaye : " Notre établissement fait l'objet d'une visite du commercial de la société Darnet (Soc. Normandie Loir Distribution). Cette visite n'intervenant pas à périodicité régulière. De mémoire, au mois de mars 1997, cette personne avait demandé à ce que nos prix soient remontés ".

69. Jardinerie du Plateau, au Neubourg : " Elle (la société Normandie Loir Distribution) nous communique son tarif de prix de vente, le dernier en date du 22 février 1999 ainsi qu'un tableau de "prix publics indicatifs" correspondant à des prix de vente consommateur que nous sommes tenus d'appliquer. Par le passé, il m'est arrivé de faire l'objet d'une visite du représentant de la société Normandie Loir Distribution qui m'a demandé de remonter mes prix de façon à ce qu'ils soient sensiblement au même niveau que la grille de "prix publics indicatifs" précitée. Cette personne a inscrit les prix à respecter sur mes fiches de gestion personnelles. Depuis cet incident survenu, il y a deux années environ, et qui avait pour origine une information d'un concurrent communiquée au grossiste distributeur, je respecte le tarif consommateur préconisé ... ".

70. Société Alpagri, enseigne Gamm Vert, à Gap : " Ces derniers (les commerciaux Alpadis) ... examinent les prix pratiqués. Il est arrivé ponctuellement par le passé, qu'ils me fassent part de leurs observations sur le niveau de mes prix consommateurs. Ils souhaitaient en ces occasions une modification de nos prix sur le niveau de leurs prix conseillés ".

71. Société Les Jardinades, à Rueil Malmaison : " En ce qui concerne le prix du Maxi Adult 2 en 15 kg, je vous indique que nous avions procédé au mois de décembre 1998 à une promotion se traduisant par un alignement du prix du maxi adult 2 15 kg sur le maxi adult 1 15 kg (316,50F). C'est donc la représentante Royal Canin qui a barré l'étiquette du maxi Adult 2 15 kg 348 francs pour la remplacer par un nouveau prix à 316,50 francs sur le sac. Cette initiative Royal Canin n'a pas été concluante pour le développement des ventes Adult 2 ".

72. Mille Amis, à Plaisir : " Les services commerciaux de Royal Canin nous communiquent leurs prix indicatifs de vente consommateur et vérifient régulièrement la conformité de ces prix avec nos prix pratiqués dans le magasin. J'ai eu ainsi une fois une observation du représentant Royal Canin pour n'avoir pas intégré la hausse de prix consécutive à une hausse des prix Royal Canin ".

73. Vilmorin-Montbard Jardin, à Fain les Montbard : " Courant 99, j'ai fait une publicité dans un journal gratuit "Le local 21" avec mise en avant de 4 produits dont la gamme RCCI Royal Canin ... Sur le produit Royal Canin nous annoncions un rabais de 15 % par rapport au prix conseillé. Durant l'opération, la plate-forme (ou le représentant Royal Canin) a téléphoné à ma vendeuse pour lui signifier que nous devions cesser cette pratique. Je me suis renseigné auprès du responsable de notre plate-forme Système V (VILMORIN)... qui m'a répondu qu'en théorie nous avions cette possibilité mais qu'en pratique nous ne le faisions jamais. J'ai néanmoins continué ma promo. Royal Canin m'a appelé trois jours consécutifs pour m'inciter à renoncer à cette publicité. Royal Canin avait été informé par un concurrent (SEMUR ?). J'ai mené l'opération jusqu'à son terme (1 semaine) tout en décidant d'arrêter les commandes. Je me suis aperçu alors, après avoir laissé passer 2 commandes, qu'il m'était impossible de ne pas distribuer la marque. Les consommateurs sont fidèles ... Royal Canin ne m'a pas tenu rigueur de mon entêtement, je n'ai cependant pas l'intention de renouveler ce genre d'opération ".

74. Les Jardins de Lucie (58) : " En 1998, lors de l'ouverture de notre jardinerie "les Jardins de Lucie" nous avons souhaité mettre en place une politique de prix plus agressive correspondant à la politique commerciale de Bricomarché. Nous avons décidé d'appliquer en moyenne une remise de 10 % par rapport au prix public diffusé par Royal Canin. A plusieurs reprises, notre ancien responsable de l'animalerie a été contacté sur le point de vente par... (le) représentant de la SA FAPAC TIVADIS, distributeur Royal Canin, afin de nous conseiller de suivre les prix de vente publics diffusés par la société. J'ai mis en place, pour les produits Royal Canin un relevé des prix pratiqués par la concurrence ... et je me suis aligné sur eux. Aujourd'hui, je suis les prix publics indicatifs diffusés par Royal Canin. Vu la notoriété des produits Royal Canin, nous ne pouvons pour le public nous passer de cette marque. Il serait préférable pour nous d'avoir une plus grande liberté sur le choix de nos prix de vente ".

75. Ces interventions sont reconnues par les dirigeants des grossistes-distributeurs qui en relativisent cependant l'importance et la portée. Le gérant de la société Normandie Loir Distribution déclare : " Il est vrai qu'il nous arrive d'intervenir auprès des professionnels qui offrent à la vente des produits à un niveau nettement inférieur au tarif indicatif. Ces interventions sont faites exclusivement lorsque les clients se plaignent de prix de leur concurrent qu'ils estiment "bradés". En principe, ces interventions menées pour faire remonter les prix "dissidents" sont effectuées par les commerciaux mais je considère que cette mission ne relève pas de leurs attributions. A leur décharge, il leur est difficile de résister à la demande de leurs clients, surtout s'il s'agit de clients importants ".

76. Le gérant de la société Alpadis indique : " En ce qui concerne des pratiques de prix imposés je ne donne pas de consignes à mes commerciaux d'imposer à mes clients les prix conseillés Royal Canin. Je ne conteste pas que, dans certains cas, mes collaborateurs aient demandé à certains responsables de magasin de remonter leurs prix de vente consommateurs pour les produits Royal Canin. Il en a été ainsi pour les établissements Martel (Mme B...) en juin 1997, pour le Jardileclerc à Romans en février 1999, pour le Bricomarché Digne en mars 1999... A l'occasion du changement de tarif de 1999, certains de nos clients avaient tardé à répercuter la baisse de tarifs sur leurs prix de vente consommateurs. Nos commerciaux ont donc demandé (M. M...) aux professionnels concernés de rectifier leurs prix de vente consommateurs ... ".

77. Deux refus de vente intervenus en 1997, bien que prescrits à la date de la saisine, éclairent les faits de l'espèce.

78. Le premier concerne la société Despujols à Langon (33210) dont le responsable explique : " ...Les produits sur lesquels nous avons été en désaccord avec la société Royal Canin appartiennent à la gamme RCCI SIZE...La nécessité de pratiquer les prix indiqués par Royal Canin porte chez nous sur six produits de cette gamme ... en sacs de 15 kgs ... Alors que nous pratiquions sur ces produits une marge TTC de 25 % ...Royal Canin par M. P... nous a demandé de les remonter au niveau du prix conseillé, soit une marge de 45 % environ. Devant mon refus, il a dit qu'il pourrait avoir tous les moyens de nous priver de ce produit par des retards de livraison, des ruptures de stocks, voire même en vidant son entrepôt de Floirac. Il a demandé que les prix soient remontés avec l'octroi à chaque client d'un sac correspondant au volume le plus faible existant dans la gamme. Un sac de 3 ou 4 kg est ainsi offert jusqu'à la fin de l'année 1997 à tout acheteur d'un sac de 15 kg de la gamme RCCI Medium ou Maxi ...Les sacs de la gamme Medium et Maxi RCCI que nous offrons à la clientèle à la demande du fournisseur nous sont facturés à prix zéro ".

79. Le second concerne la société Aquaflore dont le responsable indique : " ... au cours de cette année 1997, il avait été décidé de baisser les prix des produits (Royal Canin) de façon à les rendre plus accessibles à la clientèle ... Jusqu'à cette année, les prix conseillés par le fournisseur avaient été respectés par l'établissement. Chaque mois, lors de son passage, le commercial Royal Canin me demandait de remonter mes prix. Au mois de juin 1997 ou mai, Mlle F... D... de cette société a autoritairement changé les étiquettes et apposé les siennes avec les prix consommateurs conseillés... Nous avons réétiqueté nos produits, ce qui a de nouveau provoqué la colère des dirigeants de Royal Canin. Dans le courant du mois d'octobre 1997, nous n'avons plus été livrés. Après plusieurs demandes d'explications restées sans réponse il a été décidé de faire procéder à une action en justice sur la base d'un référé (art.36 ord.86). Le jugement du tribunal d'instance de Pontoise nous ayant donné raison, les livraisons ont repris immédiatement ... ".

c) Les pratiques des centrales et des chaînes intégrées

80. Les centrales, en dehors de leur mission de référencement, interviennent également directement ou indirectement pour que leurs affiliés pratiquent les prix publics indicatifs de Royal Canin. Ainsi, alors qu'elles ne vendent pas directement aux consommateurs, elles reçoivent, avant leurs adhérents, les prix publics indicatifs adressés par Royal Canin SA.

81. Regroupés par enseigne, les éléments suivants figurent au dossier :

Apex

82. Par courrier du 12 janvier 1999, la société Royal Canin a fait parvenir à la centrale Apex sa nouvelle structure tarifaire 1999 applicable à compter du 15 mars 1999. A ce courrier étaient joints le tarif T0 et les prix publics indicatifs. Il ressort du compte rendu de la " commission téléphonique pet food " du 8 février 1999 que la centrale transmet les conditions commerciales et les tarifs 1999 à son réseau. Cette commission a également défini la page animalerie du catalogue PVA2 pour le 1er semestre 1999. Les produits Royal Canin sont offerts du 1er au 20 avril 1999 soit avec un sac de voyage, soit avec une quantité gratuite, le RCCI Size Médium junior 15 kg au prix de 365 francs (PPI 369,50 francs), le RCCI Size Maxi Junior 15 kg au prix de 369 francs (PPI 374,50 francs), le Premium Adult Croc 15 kg au prix de 259 francs (PPI 259 francs).

83. Le responsable animalerie de la société Coopagri, à Dinan, enseigne Magasin Vert, a déclaré: " notre centrale (Apex) nous communique un tableau, le libellé, les codes, les prix de vente TTC et HT à appliquer en magasin ... Nous n'avons aucune marge de manœuvre concernant la fixation des prix de vente au public ". Le chef de la branche distribution de la société Coopagri précise, par lettre, le 24 septembre 1999 : " Sur tous les bons de commande nous faisons apparaître les prix de vente TTC, pour faciliter la mise en rayon lors de la réception... ".

Gamm Vert

84. Le chef de produit alimentation pour animaux familiers de l'entreprise a déclaré : " Je reconnais qu'il existe des prix de vente consommateur Royal Canin identiques ou très proches dans les points de vente Gamm Vert et concurrents. Ces prix étant proches aux tarifs Royal Canin diffusés. J'indique que le respect des prix de vente consommateur ne fait en aucun cas l'objet de négociations commerciales. En ce qui concerne les prix de vente pratiqués par les établissements, je n'ai pas autorité pour les imposer ".

85. La centrale transmet à son réseau des taux de marque et des coefficients multiplicateurs ventilés par famille de produits et applicables à tous les articles indépendamment de leur marque, ceux de la famille aliments secs pour chien étant de 25-30 pour le taux de marque et de 1,4513-1,6943 pour le coefficient multiplicateur. Elle conçoit également les dépliants des promotions commerciales nationales organisées deux fois par an pour l'ensemble des établissements affiliés. Les prix de la promotion nationale de septembre 1999 font ressortir une marge de 33 % sur la gamme RCCI Size.

86. Les coopératives adhérentes ont apporté les précisions suivantes : Déclarations du responsable de la société CECAB, à Ambon (56190), enseigne Gamm Vert : " Les prix de vente consommateur sont fixés au siège à Theix. Nous pouvons consulter ces prix dans le cadre de notre réseau informatique mais ces prix à l'écran sont en lecture seule et l'impression des étiquettes est assurée au niveau de ce service informatique à Theix ... Nous ne discutons pas ou très peu des prix consommateurs dans la mesure où nous n'avons aucune initiative en la matière au niveau du magasin et que nous appliquons les prix conseillés ".

87. Déclarations de la société SICA Gamm Vert, de St Méloir des Ondes (35350) : " Concernant la fixation des prix de vente au public, nous utilisons un listing de marges à appliquer que nous envoie notre centrale Gamm Vert SA (83 avenue de la Grande Armée 75782 Cedex 16). De plus, nous recevons de notre fournisseur Royal Canin Distribution des tarifs de vente ... ainsi que des tableaux de prix publics indicatifs ".

88. Déclarations de la société Loiragri (42110), enseigne Gamm Vert : " La SICA LOIRAGRI exploite quatorze établissements à l'enseigne Gamm Vert sur les départements du Rhône et de la Loire ... Sur la gamme RCCI, nos établissements pratiquent un coefficient de 1,86 (prix de vente TTC sur prix d'achat HT). Ce coefficient ne nous est pas formellement imposé par Royal Canin mais nous est communiqué à titre indicatif par leurs services commerciaux ... je vous précise, enfin, que mon service effectue la saisie informatique des tarifs prix de vente qui sont appliqués uniformément dans tous les établissements Gamm Vert de la société ".

89. Déclarations du responsable du magasin Gamm Vert, à Dinan : " Tous nos produits d'alimentation chiens et chats sont référencés par notre centrale de référencement SA GAMM VERT basée à Paris ... La centrale SA GAMM VERT nous envoie des fiches de référencement sur lesquelles sont mentionnés la désignation des produits, les prix d'achat facturés par la centrale, les opérations promotionnelles, les prix de vente TTC utilisés dans les courriers promotionnels ... ".

90. La société Normandie Loir Distribution a produit, en annexe à ses observations, une lettre du 3 octobre 2001 de la société Cap Seine, franchisée Gamm Vert, qui, bien que postérieure à la période en cause, éclaire les faits de l'espèce : " Le magasin d'Aubevoye a informé à plusieurs reprises votre commerciale des différences de tarif avec Bricomarché. Notre responsable de magasin a fait un relevé de prix qui fait apparaître des différences significatives... Nous avons toujours été respectueux des tarifs conseillés. Je vous prie d'intervenir rapidement et vigoureusement auprès de la centrale concernée. Dans le cas où aucune évolution positive ne sera constatée par l'ensemble de notre réseau, nous nous verrons dans l'obligation de revoir notre tarif afin d'être concurrentiel ", copie de ce courrier est adressée au chef de produit pet food-animalerie de la centrale Gamm Vert. L'entreprise Normandie Loir Distribution produit également la réponse dans laquelle elle refuse d'intervenir.

Tripode

91. Le directeur des achats et du marketing a expliqué : " Les conditions de l'accord (avec Royal Canin) sont communiquées dans le réseau Jardiland sous forme de disquette qui comprend un tableau récapitulatif avec une ligne pour chaque produit référencé ... Le prix de vente ttc indiqué est le prix de vente consommateur proposé. Ces prix sont établis à partir des "Prix Publics Indicatifs Royal Canin". La règle est de pouvoir générer un taux de marge compris entre 30 et 35 % sur ce type de produit. Il est procédé au niveau de Tripode à des relevés de prix réguliers, un ou deux établissements concurrents par mois en moyenne... ".

92. Ces explications sont complétées par les responsables des points de vente : Jardiland, à Botans (90400) : " Les tarifs sont préconisés en ce qui concerne nos prix de vente par notre centrale d'achat en accord avec Royal Canin. Nous respectons strictement ces prix de vente préconisés... Par le passé, nous nous fournissions auprès du grossiste PFISTER Distribution qui pratiquait des prix inférieurs aux tarifs conseillés. Nous étions donc obligés de vendre en dessous des tarifs, ce grossiste ayant lui-même une clientèle directe de clubs canins etc. ... Aujourd'hui, ce grossiste a pris sa retraite et Royal Canin vend directement par l'intermédiaire de sa plate-forme d'Héricourt, peut-être pour éviter ce genre de problème... ".

93. Jardiland, à St Berthevin (53940) : " Les prix de vente que nous pratiquons pour les produits Royal Canin sont ceux préconisés par notre centrale Tripode dans un document que nous recevons une fois par an ".

94. Sté Alpine de Jardinage (enseigne Jardiland), à Gap : " Notre centrale d'achat Tripode nous communique par envoi d'une disquette informatique les prix de vente que nous pratiquons en magasin ... Nous avons la possibilité de modifier les prix de vente que nous envoie la centrale d'achat, cependant nous ne le faisons pas pour les produits Royal Canin ".

95. Sté Florosny (enseigne Jardiland), à Rosny sur Seine : " Les prix de vente consommateurs sont ceux établis par la centrale Tripode, comme pour l'ensemble des articles vendus dans l'établissement. Je n'établis pas mes prix de vente, sauf cas particuliers d'alignement sur la concurrence locale et d'approvisionnements faits auprès de fournisseurs non référencés par la centrale ".

96. Par courrier du 12 janvier 1999, la société Royal Canin a fait parvenir à la centrale Tripode sa nouvelle structure tarifaire 1999 applicable à compter du 15 mars 1999 ; à ce courrier étaient joints le tarif T0 et les prix publics indicatifs. Une édition du fichier articles de l'entreprise a été remise à l'enquêteur qui fait apparaître pour les produits des gammes Premium et RCCI Size des prix de vente très proches ou identiques à ceux conseillés par Royal Canin. Par ailleurs, aux termes de l'article 8 du cahier des charges des franchisés Jardiland, ces derniers utilisent obligatoirement le logiciel informatique créé par le franchiseur.

Truffaut

97. Le responsable qualité et le directeur marketing animalerie des établissements horticoles

G. Truffaut ont déclaré : " Nous communiquons un prix de vente conseillé aux responsables de secteur Truffaut. Ces prix de vente sont identiques aux tarifs diffusés par Royal Canin car nous pensons que ces derniers correspondent aux prix normaux du marché. Nous ne disposons pas de moyens pour contrôler le respect de ces prix de vente consommateur conseillés. Dans le cadre de notre réseau informatique national, chaque établissement a accès à la "fiche de référencement article". Sur cette fiche qui comprend une colonne "prix de vente pratiqué", le responsable de secteur introduit le prix de vente correspondant de l'établissement. Par défaut, le prix de vente conseillé est celui qui s'inscrit, après sélection du produit, dans la colonne "prix de vente pratiqué". Au niveau du siège, nous n'avons pas accès à la lecture de cette colonne "Prix de vente pratiqué". Les établissements exploités indépendamment en franchise sont aussi destinataires du "prix de vente conseillé" sur un tableau adressé sur support papier ". Les fiches de référencement, remises le 10 mars 1999 à l'enquêteur, sont jointes à ces déclarations. Ces fiches ont été éditées le 28 janvier 1999 ; elles portent la mention manuelle " 15/03/1999 " au-dessus de la date d'application ; les prix conseillés sont raturés et remplacés à la main par les prix publics indicatifs de Royal Canin applicables à compter du 15 mars 1999.

98. Ces déclarations sont confirmées par celles recueillies dans les points de vente : Truffaut Sainte Apolline : " La centrale nous communique les prix d'achat des marchandises ainsi que les prix de vente consommateur. Nous devons appliquer ces prix comme l'ensemble des établissements Truffaut en France ... Notre établissement fait l'objet d'une visite du représentant Royal Canin toutes les trois semaines environ. Il nous présente les promotions à venir, il vérifie les prix affichés pour vérifier leur conformité avec les prix conseillés par notre centrale. Il dispose de notre fichier référencement central, y compris les tarifs de vente consommateurs ... " ; Truffaut Rennes : " Nous appliquons les prix conseillés par notre centrale de référencement ".

Mille Amis

99. Le 12 janvier 1999 la direction générale puis, sur la première quinzaine de février, les directions régionales de la société Royal Canin ont fait parvenir au siège de la société Mille Amis la nouvelle structure tarifaire 1999 applicable à compter du 15 mars 1999. A ces courriers étaient joints le tarif T0 et les prix publics indicatifs.

100. Le directeur général de la société Mille Amis a indiqué " Au sujet des prix de vente consommateur, les services de Royal Canin nous communiquent leur "Prix Publics Indicatifs" de prix de vente consommateur. Ces "prix publics" nous sont en principe adressés exclusivement ici au siège de la société. Après réception de ces tarifs, nous les examinons et nous les intégrons dans notre fichier informatique national utilisé par chaque établissement. La procédure d'utilisation de ce fichier est que les responsables doivent appliquer les prix de vente consommateur intégrés dans ce fichier. Il est possible de déroger à ces prix en fonction de la concurrence locale. A cet effet, les responsables doivent procéder à des relevés de prix tous les quinze jours. S'il s'avère un différentiel supérieur à 30 % à la baisse, l'alignement est subordonné à une autorisation du siège. De mémoire, ce cas a dû se réaliser cinq ou six fois dans l'année à Chennevières (77), St Brice sous Forêt (95) et Noisy le Grand (94). Dans le premier cas, il s'agissait d'un alignement sur un établissement Décathlon, dans le deuxième, un Truffaut et Aquaflore, et le dernier Décathlon (même établissement que dans le premier cas). Ces cas concernent des produits Royal Canin. Nous avons reçu récemment la nouvelle grille 1999 Royal Canin que ma collaboratrice Mme G... a traité et introduit dans notre fichier le 15 mars 1999 ... ".

101. Le directeur général adjoint a précisé : " Pour l'année 1999, je peux cependant vous indiquer que nous avons reçu la nouvelle grille tarifaire 1999 Royal Canin par courrier du 12 janvier 1999, cette grille comprenant les "Prix Publics Indicatifs". Notre grille a été modifiée le 15 mars 1999... ".

102. Une liste du fichier " Articles " a été remise à l'enquêteur. Cette liste a été éditée le 1er février 1999 ; elle porte la mention manuscrite " 15 mars " et les prix publics indicatifs de Royal Canin applicables à compter du 15 mars 1999 ont été reportés manuellement en marge de la colonne prix de vente.

103. Ces déclarations sont confirmées par les responsables locaux : Mille Amis, Plaisir : " Les prix de vente consommateur sont ceux indiqués par notre siège. Nous n'avons aucune liberté en la matière. Tous les établissements Mille Amis pratiquent les mêmes prix. Exceptionnellement, je peux prendre l'initiative d'une modification de prix de vente consommateur après alignement sur la concurrence mais le nouveau prix doit être validé par les services du siège social à Paris ". Mille Amis, à Quetigny : " En matière de politique tarifaire, nous ne disposons localement d'aucune marge de manœuvre. Les prix de vente sont diffusés automatiquement par le siège sur le système informatique. Ils correspondent aux prix conseillés qui sont d'ailleurs appliqués par tous les revendeurs spécialisés ... ".

Delbard

104. Le chef de produit animalerie de la chaîne a déclaré : " Royal Canin nous communique un barème "prix moyens indicatifs de vente", prix de vente consommateur ttc. Ce barème est intégré dans notre "fichier articles animalerie-fournisseur Royal Canin" sous la rubrique "Prix de vente directeur". Les responsables de magasin n'ont pas de consignes écrites pour respecter ces prix mais ils sont tenus moralement de les appliquer ".

105. Ces indications sont confirmées par le responsable de l'établissement Delbard à Flins sur Seine : " Les prix consommateurs sont fixés par la centrale. Chaque établissement est tenu d'appliquer ces prix, toutefois des modifications peuvent être apportées sur décision du chef de secteur, responsable de plusieurs établissements après approbation du directeur d'établissement concerné ".

106. Le fichier " Articles " communiqué à l'enquêteur et mis à jour le 19 février 1999, fait apparaître dans la colonne prix de vente directeurs, pour les articles des gammes RCCI Size et Premium de Royal Canin des prix similaires ou très proches des prix publics indicatifs Royal Canin en vigueur à compter du 15 mars 1999.

GMJ enseigne Amis verts

107. Une liste de prix pratiqués dans la région de Rouen, inférieurs aux prix publics indicatifs Royal Canin et relevés par un adhérent " Amis Verts " adressée à sa centrale GMJ puis par celle-ci au directeur régional Royal Canin et enfin au grossiste Normandie Loir Distribution a été communiquée à l'enquêteur. Le directeur de Royal Canin a ajouté " Merci de donner suite ". Le grossiste souligne avoir répondu que les clients étaient libres de fixer leurs prix de vente.

d) Les pratiques relevées chez les revendeurs

108. Certains détaillants participent de manière active à la surveillance et à l'uniformisation des prix, notamment en signalant d'éventuelles déviations aux représentants de Royal Canin.

109. Déclarations du directeur des " Jardins de Pacy ", à Pacy sur Eure : " ... un tarif de prix de vente au consommateur conseillés nous est également communiqué chaque année. Nous suivons ces tarifs car tous mes principaux concurrents l'appliquent. Il m'arrive personnellement de vérifier les prix affichés par les établissements concurrents. Si je constate un prix "bradé", je le signale au commercial de la marque concernée. J'ai constaté une seule fois en dix ans un prix trop bas, hors action promotionnelle programmée. Mes confrères agissent de la même façon ".

110. Déclarations du responsable de l'établissement Gamm Vert, de Mantes la Jolie : " Nous recevons les tarifs indicatifs prix de vente consommateur Royal Canin, que nous suivons, dans la mesure où la concurrence les observe aussi... Les services commerciaux de Royal Canin maîtrisent bien leurs prix de vente consommateurs et les revendeurs, comme nous, apprécient l'absence de guerre des prix ".

111. Déclarations du directeur du magasin " Espace Animal's ", à Quetigny (21800) : " Les représentants sont très sensibles au respect des prix conseillés. Pour notre part, nous effectuons également des relevés de prix auprès de nos concurrents de l'agglo (Botanic, Mille Amis et Bricostore). Nous pratiquons tous les prix conseillés, éventuellement arrondis aux 10 centimes supérieurs ou inférieurs. Je signale toute différence de prix à ma direction générale ".

112. Déclarations du responsable de la société Idéal Canin, à Valdoie (90) : " Royal Canin a une volonté de maintenir une pratique des prix indicatifs au plan national par les différents réseaux de distribution. Il s'agit de tarifs imposés avec la possibilité de se situer jusqu'à +5 % ou -5 % par rapport aux prix de vente préconisés. Pour ma part, j'applique strictement les prix conseillés et lorsque je constate la pratique de prix inférieurs par certains concurrents, je n'hésite pas à appeler Royal Canin pour qu'ils interviennent. Ce cas de figure s'est produit pour Jardiland à Botans, l'essentiel à mon sens étant une similitude des prix d'affichage ".

113. Déclarations du responsable du magasin Gamm Vert, à Dinan : " Nous appliquons les prix conseillés par nos fournisseurs et en particulier Royal Canin. J'estime que ces prix sont ceux qui conviennent à notre position sur le marché. A mon avis, nous appliquons d'une façon beaucoup trop suivie les tarifs publics indicatifs de vente de la société Royal Canin ; cependant, nous n'avons que peu de marge de manœuvre, concernant la fixation des prix par rapport à nos concurrents. En début d'année, nous avons constaté que l'un de nos concurrents (M. Bricolage de Quévert) pratiquait des prix extrêmement bas sur quelques articles Royal Canin haut de gamme en conditionnement de 15 kg. Nous avons donc prévenu la société Royal Canin de cet incident et nous lui avons demandé d'intervenir auprès de ce revendeur afin que ses prix soient plus en adéquation avec le marché. Quinze jours plus tard, Mr Bricolage revenait à ses prix antérieurs à l'incident (prix publics conseillés par Royal Canin) ".

114. Déclarations du responsable du magasin Loisirs et Jardins, à Montbrison (42600) " ... la société Rhonaldis nous adresse aussi des tarifs "Prix Publics généralement observés". Il s'agit de prix de vente des produits Royal Canin que nous devons respecter comme les autres revendeurs. Le commercial Rhonaldis passe une fois par trimestre dans notre établissement. Il nous informe des nouveaux produits et en profite pour examiner les prix de vente consommateur que nous pratiquons, pour relever s'ils sont conformes au tarif " Prix publics généralement observés " précité. Il n'y a pas de problème car nous appliquons les prix de vente consommateurs préconisés par Rhonaldis ". Le procès-verbal indique : " Il a été procédé à un relevé de prix de produits offerts à la vente aux consommateurs dans l'établissement ... Après ce relevé, il a été constaté que le prix du Médium Junior AM 32 était de 360 francs, le prix a été rectifié et a été fixé à 366 francs, prix du tarif Rhonaldis. Cette modification a été faite à l'initiative de Mme B... ".

115. Déclarations du vendeur de la société Univert, à Cosne sur Loire " S'agissant de Bricomarché j'ai attiré l'attention de M. R... (Directeur de Tivadis) sur le fait que nous étions à 500 m l'un de l'autre " . Le dirigeant de la société exploitant l'enseigne Bricomarché confirme : " je commercialise actuellement la marque Purina, exclusivement du fait du refus du grossiste Tivadis de me livrer les produits Royal Canin. Ce refus était justifié par la présence de la concurrence qui ne souhaitait pas voir s'élargir la distribution des produits Royal Canin sur le secteur ". A l'époque des faits, Royal Canin n'était distribué sur le secteur que par Univert (Cosne), le magasin Vive le Jardin étant fermé pour travaux.

D. LES GRIEFS NOTIFIÉS

116. Les griefs suivants ont été notifiés :

1. A L'ENCONTRE DES SOCIÉTÉS ROYAL CANIN, FAPAC-TIVADIS, NORMANDIE LOIR DISTRIBUTION, SODIAMAL, SODEGAL, CAZENAVE, RHONALDIS, ALPADIS, CANIDIS, COCIPA, FERRAT, GARIBALDI

117. Avoir, de manière concertée, fixé des prix de vente imposés aux grossistes-distributeurs, restreint la clientèle à laquelle les grossistes-distributeurs peuvent vendre en la limitant aux réseaux spécialisés et aux réseaux de prescripteurs, mis en place un système de remontée d'informations permettant à la société Royal Canin de connaître et contrôler le détail de l'activité commerciale des grossistes-distributeurs.

2. A L'ENCONTRE DES SOCIÉTÉS ROYAL CANIN, FAPAC-TIVADIS, NORMANDIE LOIR DISTRIBUTION, SODIAMAL, SODEGAL, CAZENAVE, RHONALDIS, ALPADIS, CANIDIS, COCIPA, FERRAT, GARIBALDI, GAMM VERT, TRUFFAUT, APEX, TRIPODE, DELBARD, MILLE AMIS, UNIVERT BOURGES, JARDINS DE PACY, IDEAL CANIN VALDOIE, LOISIRS ET JARDIN

118. Avoir mis en œuvre de façon concertée des actions ayant pour objet la fixation, l'application, la surveillance et le respect de prix imposés de vente aux consommateurs.

3. A L'ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ ROYAL CANIN

119. Avoir exploité abusivement sa position dominante en instaurant une politique de remise fidélisante à l'égard de ses grossistes-distributeurs, des centrales d'achat et des revendeurs détaillants et en mettant en œuvre les pratiques décrites dans les griefs 1 et 2.

II. Discussion

A. SUR LA PRESCRIPTION

120. Aux termes des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ".

121. Les entreprises Cocipa, Sodiamal, Normandie Loir Distribution, Tripode (Jardiland), Gamm Vert, Delbard et Apex soutiennent que la demande d'information, adressée le 14 novembre 2003, à la seule société Royal Canin n'aurait pas interrompu la prescription à leur égard, cette demande d'information concernant les seules pratiques d'abus de position dominante reprochées à la société Royal Canin et non celles d'entente pour lesquelles elles sont poursuivies. Les faits retenus contre elles remontant à plus de trois ans et aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre la saisine du Conseil de la concurrence par le ministre de l'Economie, le 29 décembre 2000, et la notification de grief, le 1er avril 2004, l'action menée à leur encontre serait prescrite. Elles invoquent à l'appui de leur argumentation la décision du Conseil de la concurrence du 28 juin 2002 (n° 02-D-42), dans laquelle le Conseil aurait admis, selon elles, que les actes intervenus dans le cadre de l'instruction de saisines visant des pratiques d'entente ne sauraient interrompre la prescription dans des affaires traitant de pratiques discriminatoires.

122. Mais dans un arrêt du 29 juin 2004 concernant des pratiques mises en œuvre par le CNPA dans le secteur de la distribution automobile, la Cour d'appel de Paris a jugé que " le Conseil étant saisi in rem, dès lors qu'il est établi qu'un acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne qu'une des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant la période visée par la saisine, est intervenu avant le terme du délai légal de trois ans suivant le dernier acte interruptif, la prescription se trouve interrompue par l'effet de cet acte à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés dès lors que ces derniers présentent entre eux un lien de connexité ".

123. En l'espèce, la lettre de saisine du Conseil émanant du ministre chargé de l'Economie a été enregistrée le 29 décembre 2000, soit moins de trois ans avant les faits incriminés, qui se sont déroulés de 1998 à 2000, et la demande d'information adressée le 14 novembre 2003 par le rapporteur à la société Royal Canin a interrompu la prescription à l'égard de toutes les parties en cause et pour l'ensemble de leurs pratiques, le Conseil étant saisi " in rem ".

124. Il convient en conséquence d'écarter le moyen relatif à la prescription triennale prévue par les dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce alors en vigueur.

B. SUR LA PROCÉDURE

1. EN CE QUI CONCERNE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

125. Les sociétés défenderesses font valoir que les faits incriminés remontent à sept ans, que le délai excessivement long de traitement de l'affaire n'est pas justifié par l'ampleur et la complexité du dossier et que cette lenteur anormale de la procédure les prive d'un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elles demandent au Conseil de constater que l'exigence de délai raisonnable figurant à l'article 6-1 précité n'a pas été respectée et qu'au surplus, elles n'ont pas pu se défendre en produisant des documents comptables justificatifs, l'article 13 du décret du 30 avril 2002 disposant : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 441-3 du Code de commerce, les factures sont conservées pendant un délai de trois ans à compter de la vente ou de la prestation de service ".

126. Mais en premier lieu, les pratiques examinées remontent à une période comprise entre 1998 et 2000, le Conseil ayant été saisi par le ministre de l'Economie le 29 décembre 2000 et les griefs ayant été notifiés en avril 2004. Compte tenu des enjeux, de la difficulté du dossier et des nombreuses parties incriminées, la longueur de la procédure ne semble pas excessive.

127. En second lieu, les sociétés ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce pour arguer de l'impossibilité de produire leurs documents comptables. En effet, le deuxième alinéa de cet article, qui dispose : " Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation de service. L'acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l'acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire ", est inapplicable en l'espèce et le chapitre III du titre II du livre premier du Code de commerce relatif aux obligations générales des commerçants prévoit, à l'article L. 123-22, que " Les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans ".

128. En l'absence de démonstration établissant que la durée de l'instruction a irrémédiablement compromis l'exercice des droits de la défense, la procédure ne saurait être déclarée irrégulière du seul fait de sa durée. Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris a retenu, dans un arrêt du 8 septembre 1998, " qu'à supposer le délai excessif (...) la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable (...) n'est pas l'annulation ou la réformation de la décision mais la réparation du préjudice résultant de la durée excessive du procès ". Cette jurisprudence a été confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 juillet 2004, relatif à des pratiques constatées à l'occasion de grands travaux dans le secteur du génie civil.

129. Il convient donc d'écarter ce moyen.

2. EN CE QUI CONCERNE LE NON-RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE

130. En premier lieu, les entreprises Sodiamal, Cocipa, Fapac-Tivadis, Ferrat Distribution, Galetou-Sodegal, Cazenave et Garibaldi font valoir que, n'ayant pas été entendues au cours de l'enquête, et n'ayant pas été informées des pratiques anti-concurrentielles qui leur étaient reprochées antérieurement à la réception de la notification de griefs, elles n'ont pas bénéficié d'une procédure pleinement contradictoire.

131. Mais les représentants des sociétés, après avoir reçu la notification des griefs, ont pu consulter le dossier, présenter des observations et faire valoir leurs arguments au moyen de mémoires conformément aux dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce. Dès lors, l'instruction et la procédure ont respecté le principe du contradictoire ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêts du 6 octobre 1992 et du 15 juin 1999).

132. En deuxième lieu, les entreprises Cocipa et Sodiamal soutiennent que les autorités de concurrence ont disposé d'un délai de cinq ans pour constituer leur dossier alors qu'elles n'ont disposé que de trois mois pour présenter leurs observations.

133. Mais les sociétés ne démontrent pas en quoi ce délai, conforme aux dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce, aurait été insuffisant pour leur permettre de réunir les éléments au soutien de leur défense. Le seul fait que ce délai soit inférieur au délai de traitement du dossier ne saurait démontrer une atteinte au principe d'égalité des armes (Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2000, Société gazière de service et d'entretien). Le moyen doit donc être écarté.

134. En troisième lieu, les sociétés Mille Amis, Truffaut et Tripode exposent que l'instruction n'aurait été menée qu'à charge, que la notification de griefs cite de manière incomplète certaines déclarations recueillies et en a ainsi altéré le sens.

135. Mais dans un arrêt du 22 janvier 2002, statuant sur un recours introduit à l'encontre de la décision du Conseil n° 01-D-07 du 11 avril 2001 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la répartition pharmaceutique, la cour d'appel a rappelé que " le rapporteur instruit à charge et à décharge "; " à ce titre, il apprécie librement les enquêtes qui lui paraissent utiles, sans être tenu par les propositions éventuellement formulées par les mis en cause ". En l'espèce, les sociétés Mille Amis, Truffaut et Tripode ayant acquis la qualité de parties en cause à compter de la notification de griefs ont pu accéder à l'intégralité du dossier, notamment aux déclarations recueillies, et ont pu soumettre à l'examen du Conseil les moyens et les pièces qu'elles estimaient appropriés à la défense de leurs intérêts. Elles ne peuvent par suite utilement se prévaloir d'un prétendu manquement à l'impartialité qu'aurait commis le rapporteur.

136. En quatrième lieu, l'entreprise Tripode soutient que la DGCCRF, lors de son enquête, n'a pas avisé les personnes entendues que leurs propos pourraient être utilisés dans le cadre d'une procédure susceptible d'impliquer leur entreprise.

137. Mais dans la lettre du 9 mars 1999 qu'il a adressée à la société Tripode, préalablement à l'audition de ses représentants, l'enquêteur a indiqué être chargé " d'une enquête sur l'état de la concurrence dans le secteur de l'alimentation pour animaux familiers, ... en application des articles 45, 46 et 47 de l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 " dont il a joint une copie (annexe D38 du rapport). En outre, il a indiqué au directeur des achats et du marketing de l'entreprise, lors de son audition, que l'objet de l'enquête concernait la vérification du respect des dispositions des titres III et IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans le secteur de l'alimentation pour animaux familiers (annexe C4 du rapport), de sorte que ce responsable ne pouvait se méprendre sur la portée de ses déclarations (Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2000 et Cour de cassation, 20 novembre 2001, Bec frères). Le moyen manque en fait.

138. En cinquième lieu, les sociétés Truffaut et Mille Amis, qui précisent dans leur mémoire en date du 25 février 2005 que leur " représentant n'est pas venu consulter les pièces au Conseil de la concurrence mais seulement récupérer le CD Rom de ces pièces ", soutiennent que certaines pièces du dossier seraient illisibles.

139. Mais aux termes de l'article L. 463-2 du Code de commerce, les parties peuvent consulter le dossier dans un délai de deux mois suivant la notification des griefs. La remise éventuelle d'un CD Rom n'a pas pour objet de remplacer cette consultation et ne constitue qu'une facilité supplémentaire qu'offre le Conseil aux parties. Par suite, la circonstance que certains documents seraient difficilement lisibles sur ce CD Rom est sans incidence sur leur validité.

140. La société Univert Bourges invoque enfin la nullité du document en date du 26 octobre 1999 présentant l'état de stock de son établissement de Nevers qui n'est pas accompagné d'un procès-verbal de communication ou d'une copie de celui-ci.

141. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code du commerce que toutes les opérations effectuées par les enquêteurs en application de l'article 450-3 doivent être constatées par procès-verbal, qu'il s'agisse de la transcription des déclarations des personnes entendues, de la description des démarches effectuées au sein de l'entreprise ou des remises de documents, afin de permettre de contrôler que les enquêteurs n'ont pas excédé les limites de l'article L. 450-3 susvisé (Cour d'appel de Paris, 26 septembre 2000, Entreprise Jean Lefebvre). En conséquence, il y a lieu d'écarter du dossier l'état de stock dont l'origine et la communication régulière aux enquêteurs ne sont pas établies.

C. SUR LA DÉFINITION DU MARCHÉ PERTINENT

142. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que les aliments industriels secs pour chien ou croquettes sont par leur nature, leur mode de fabrication et l'espèce d'animaux à laquelle ils sont destinés, différents des autres aliments industriels pour animaux de compagnie.

143. La distribution des croquettes se répartit entre trois circuits distincts :

* la distribution en grandes surfaces alimentaires (GSA) ;

* la distribution en magasins spécialisés : animaleries, jardineries, libres services agricoles, magasins de bricolage ;

* les ventes directes par les vétérinaires et éleveurs.

144. Les ventes en GSA reculent régulièrement au profit des autres circuits de distribution.

145. Les GSA assurent une partie de la fonction logistique, notamment la fonction entrepôt, et sont livrées par camions complets alors que cette fonction est assurée de manière exceptionnelle par les magasins spécialisés. Les vétérinaires sont approvisionnés par l'intermédiaire de centrales d'achat régionales alors que les centrales auxquelles les magasins spécialisés adhèrent sont nationales et se définissent comme de simples centrales de référencement.

146. Les comportements d'achat du consommateur sont différents selon les circuits. L'acte d'achat est banalisé en GSA, les croquettes étant acquises en même temps et de la même manière que les autres produits de consommation courante. En revanche, l'acte d'achat est autonome lorsqu'il a lieu dans un magasin spécialisé où le consommateur se rend pour cette acquisition précise.

147. Les comportements de vente sont également différents, le produit étant simplement proposé à la vente en GSA alors qu'il fait l'objet d'une présentation et d'un balisage dans un magasin spécialisé. Royal Canin peut ainsi fournir à ses détaillants, trois configurations types ; la configuration n°1, la plus complète, est prévue pour un linéaire de trois fois 1,33 m avec une profondeur de 60 à 80 cm, les produits étant exposés sur trois niveaux.

148. Royal Canin a mis en place des structures commerciales et logistiques séparées et a conçu des gammes différentes, d'une part pour les magasins spécialisés, approvisionnés par des grossistes, et d'autre part pour les GSA, qu'il gère en direct. Ainsi, la plupart des produits vendus en magasins spécialisés ne sont disponibles que dans ce circuit, pour lequel ils ont été conçus (voir tableau paragraphe 15).

149. Le circuit de la distribution spécialisée est totalement étanche par rapport au circuit de la grande distribution et est organisé autour d'un réseau élaboré de grossistes couvrant l'intégralité du territoire et assumant des fonctions d'informations et de répercussion des directives de Royal Canin à ses distributeurs. Le contrat Alliance Service, décrit aux paragraphes 32 à 39 de la décision, conclu entre Royal Canin et ses grossistes, définit bien le cadre du partenariat et la spécificité de ce circuit de distribution, avec ses marques spécifiques.

150. Les gammes de croquettes et les marques sont différentes selon chaque circuit. Les producteurs ont mis en place des politiques marketing adaptées à chaque circuit. Ils commercialisent des gammes différentes selon les canaux de distribution, les gammes dites " nutritionnelles " avec des produits adaptés à la morphologie des animaux et à leur activité étant presque exclusivement commercialisées, sur la période en cause, dans les magasins spécialisés et par les vétérinaires et éleveurs (cf § 11). Dans ces circuits spécialisés, les argumentaires de vente insistent sur la technicité des produits conçus " sur mesure " pour répondre aux besoins particuliers de chaque animal. Un rôle de conseil est confié aux prescripteurs et aux revendeurs. Royal Canin distingue ainsi, dans sa stratégie de distribution, les consommateurs à sensibilité nutritionnelle forte dont le lieu d'achat est la distribution spécialisée, qui ont besoin de conseils et achètent le produit, l'aliment sec à haute valeur nutritionnelle, et les consommateurs à sensibilité nutritionnelle faible dont le lieu d'achat est la distribution alimentaire, et qui achètent des " produits prévendus ", des aliments humides ou secs standard.

151. Le directeur général de l'entreprise a indiqué : " Pour les points de vente relevant de la GMS, nous avons développé la gamme Royal Chien de Royal Canin. Cette gamme est vendue exclusivement en grande surface alimentaire... je précise qu'il s'agit de produits spécifiques différents des autres gammes tant au niveau de la composition des produits que des conditionnements. Les produits sont de formulation plus simple, généralistes, utilisables pour tous types de chiens...Les gammes doivent être simples et vendues sans conseil aux consommateurs ". La gamme Canistar a été conçue spécialement pour les vétérinaires, les gammes Club et Size Pro pour les éleveurs. Il existe une force de vente spécialisée dans la gamme Royal Chien et les marques de distributeurs. De même, les vétérinaires sont visités par des délégués qui ne se consacrent qu'à ce seul circuit. Les produits de la marque RCCI Size, positionnée sur le haut de gamme, sont, eux, exclusivement dédiés au circuit des magasins spécialisés. Les produits vendus en magasins spécialisés sont plus chers que les produits vendus en GMS et sont perçus différemment par les consommateurs, notamment grâce aux actions de publicité qui insistent sur le positionnement haut de gamme de cette offre.

152. Par ailleurs, les magasins spécialisés permettent aux producteurs de mettre en place de manière permanente, sur les lieux de vente, du matériel promotionnel et un balisage propre. Ces magasins ont des vendeurs affectés au rayon animalerie à qui les producteurs d'aliments proposent des stages de formation.

153. Mme X... et M. Y... (cotes 643 et s. du rapport), négociateurs chez Carrefour ont, dans leur audition du 19 octobre 1999, attesté l'absence des croquettes haut de gamme dans le circuit de la grande distribution : " A l'heure actuelle nous ne disposons pas dans nos magasins d'offre équivalente à celle proposée par les circuits spécialisés. Ces derniers proposent majoritairement des produits secs haut de gamme (Premium) avec des conditionnements beaucoup plus volumineux que ceux que nous vendons. (...). Nous sommes demandeurs de ces produits Premium mais cette demande n'est pas satisfaite à ce jour pour deux raisons principales. En premier lieu, les industriels anglo-saxons ne disposent pas de structures commerciales pour distribuer leurs produits en grande distribution. Ensuite, les sociétés Pal et Royal Canin ne veulent pas en l'état distribuer leur gamme premium en GMS. (...). Cette réponse ne nous satisfait pas car nous souhaitons initier ce marché du "Premium" avec les produits actuellement commercialisés en circuits spécialisés ".

154. Il résulte de ce qui précède que les deux circuits de la distribution spécialisée et alimentaire présentent, dans le domaine des croquettes pour chien, des caractéristiques très différentes :

* dans les surfaces spécialisées, les consommateurs trouvent plutôt des produits haut de gamme, dont les arguments commerciaux sont tournés vers les caractéristiques nutritionnelles, dont les noms commerciaux sont spécifiques, vendus dans des conditionnements spécifiques et dans des rayons dédiés au produit, accompagnés de conseils de vendeurs. L'acte d'achat des consommateurs est lui aussi dédié au produit ;

* les grandes surfaces alimentaires possèdent les caractéristiques inverses.

155. Si les prix des produits trouvés dans l'une des formes de distribution venait à s'élever considérablement, une partie des consommateurs se tournerait vraisemblablement vers l'autre forme de distribution.

156. Cependant au moment des faits, il existe un différentiel de prix persistant entre les deux formes de distribution. En outre, le fait que les producteurs, et en particulier Royal Canin, aient différencié les marques que l'on trouve dans les deux types de distribution rend ces deux canaux encore moins substituables aux yeux des consommateurs.

157. Même si des phénomènes de report vers la distribution alimentaire étaient susceptibles de se manifester en cas de hausse nette des prix dans les magasins spécialisés, tant la politique de vente que la nature des produits offerts dans ces magasins en font, pour les aliments secs pour chien, un circuit spécifique.

158. La vente de croquettes sèches pour chiens en magasins spécialisés, lieux de rencontre d'une offre et d'une demande spécifique avec des gammes de produits propres, constitue donc un marché pertinent. Cette distinction prévaut tant au niveau des marchés intermédiaires (où se rencontrent des vendeurs situés à différents niveaux de la chaîne verticale, comme les grossistes-distributeurs et les détaillants) qu'au niveau du détail, où les détaillants s'adressent aux consommateurs finals. Ce marché, organisé au plan national, est de dimension nationale, ce qui n'est pas contesté par les parties.

159. Les autorités de concurrence ont déjà admis que la délimitation du marché pertinent peut être fondée sur la différenciation des modes de distribution adoptée par les offreurs. La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 11 mars 1993, France Loisirs, a confirmé la décision du Conseil qui avait distingué un marché de la vente des livres par clubs (décision n° 89-D-41). De même, dans un avis n° 98-A-09, le Conseil a distingué le marché de la distribution des boissons gazeuses au goût de cola en grandes surfaces du marché de la distribution de ces boissons dans les cafés-hôtels-restaurants. Enfin, la prise en compte du mode de distribution des jeux de hasard pur a amené le Conseil à distinguer les jeux commercialisés exclusivement dans les salles de casino et les autres, commercialisés par la Française des jeux dans ses 40 000 points de vente (décision n° 00-D-50).

160. La société Royal Canin soutient que le marché pertinent serait celui des croquettes pour chien tel que l'aurait retenu la Commission dans les décisions rendues en matière de contrôle des concentrations Nestlé/Ralston Purina du 27 juillet 2001 et Masterfoods/Royal Canin du 15 février 2002 et que le Conseil ne saurait s'écarter de cette définition de marché, sous peine de violer le principe de primauté du droit communautaire.

161. Mais, en premier lieu, les analyses de marché en matière de contrôle des concentrations revêtent nécessairement un caractère prospectif, alors qu'en matière de pratiques anticoncurrentielles, elles s'attachent à décrire un marché existant. Il peut en résulter parfois des différences d'appréciation relatives à un même secteur, parfaitement admises par la jurisprudence.

162. En deuxième lieu, la Commission a, dans les décisions de concentration précitées, explicitement limité sa définition du marché pertinent aux seuls cas de concentration qui lui étaient soumis. Elle a indiqué tout aussi explicitement ne pas exclure la possibilité de distinguer différents marchés, selon les canaux de distribution ou entre les marques de distributeur et les marques de revendeur. Elle a d'ailleurs considéré que marques de producteurs et marques de distributeurs constituaient des marchés séparés au stade du gros.

163. Enfin, la primauté du droit communautaire sur le droit national, rappelée par la Cour européenne de justice dans l'arrêt C-344-98 du 14 décembre 2000, Masterfoods, et indiquée à l'article 3 du règlement 1/2003, s'applique à la répression des pratiques anticoncurrentielles pour laquelle les autorités communautaires et les autorités nationales de concurrence ont une compétence parallèle. Ce principe n'inclut pas les décisions rendues en matière de contrôle des concentrations qui relèvent de la compétence exclusive et alternative des autorités nationales ou communautaires, selon la dimension des opérations de concentration.

164. Il convient donc d'examiner le jeu de la concurrence sur le seul marché national de la vente des croquettes en magasins spécialisés, sans englober dans cette appréciation les ventes de produits secs pour chiens réalisées dans les circuits des GSA et des prescripteurs (vétérinaires et éleveurs).

165. Plus précisément, au cas d'espèce, trois segments de ce marché sont concernés par les pratiques :

* le segment amont du circuit spécialisé, sur lequel Royal Canin vend ses produits aux grossistes-distributeurs et aux centrales ;

* le segment intermédiaire, sur lequel les grossistes et les centrales vendent les produits Royal Canin aux détaillants ;

* le segment aval (final), sur lequel les détaillants vendent leurs produits aux consommateurs finals.

166. Le segment amont est, par construction et en raison de l'exclusivité réciproque entre Royal Canin et ses grossistes, délimité par les seuls produits Royal Canin.

167. Sur le segment intermédiaire tel qu'il a été cloisonné par l'organisation de Royal Canin, les seuls acheteurs sont les surfaces spécialisées et les vendeurs sont les grossistes distribuant exclusivement Royal Canin ainsi que des offreurs d'aliments secs pour chiens des concurrents de Royal Canin.

168. De nombreux arguments d'ordre qualitatif et quantitatif, comme on l'a vu plus haut, conduisent à voir dans le segment aval un segment limité aux détaillants spécialisés, l'acte d'achat, la nature des gammes de produits en cause, ainsi que leurs prix, différenciant nettement ce circuit de celui des GSA aux yeux des consommateurs finals.

D. SUR LA POSITION DE ROYAL CANIN SUR LE MARCHÉ PERTINENT

169. La part de marché de Royal Canin dans la distribution spécialisée (magasins spécialisés et prescripteurs) était, en valeur, de 39 % en 1998, 41 % en 1999 et 42 % en 2000. Le deuxième fabricant présent sur ce créneau, Ralston Purina, avec des parts de marché de respectivement 10 %, 12 % et 14 % pesait moins du tiers de Royal Canin et le troisième, Mars avec respectivement 8, 7 et 6 %, moins du quart (informations communiquées à l'occasion de l'opération de concentration entre Royal Canin et Masterfoods).

170. La répartition des ventes dans le circuit des seuls magasins spécialisés n'est pas disponible. Toutefois, compte tenu de la part de marché détenue par Royal Canin dans le circuit des vétérinaires, 3,6 % contre plus de 48 % pour Hill's, la part de marché de Royal Canin pour la distribution en magasins spécialisés est nécessairement sensiblement supérieure à celle qu'il détient dans l'ensemble de la distribution spécialisée, vétérinaires compris. Elle est donc supérieure à 40 %.

171. Royal Canin détient deux des trois premières marques dans le canal des magasins spécialisés, la marque leader "RCCI Size" et la troisième "Sélection".Ces marques sont incontournables, ainsi que l'ont souligné certains distributeurs (voir paragraphes 73 et 74 de la décision), comme le responsable du magasin Vilmorin à Fain (" (...) Je me suis aperçu alors, après avoir laissé passer 2 commandes, qu'il m'était impossible de ne pas distribuer la marque. Les consommateurs sont fidèles ... ") ou celui du magasin " Les Jardins de Lucie " ("Vu la notoriété des produits Royal Canin nous ne pouvons, pour le public, nous passer de cette marque ").

172. Le marché concerné est un marché de marques où les investissements élevés constituent des barrières à l'entrée pour lancer des marques concurrentes. Royal Canin investissait, sur la période en cause, 10 % de son chiffre d'affaires en communication, essentiellement au profit de ses marques nutritionnelles vendues dans les circuits de distribution spécialisés.

173. Royal Canin a, par ailleurs, une forte notoriété, en tant qu'opérateur historique, notamment sur le créneau phare des produits nutritionnels dont il a été le précurseur en France. Il détient ainsi 63 % de parts de marché des produits nutritionnels vendus en circuits spécialisés et bénéficie de son antériorité sur le marché.

174. Son réseau de 19 distributeurs couvrant le territoire et sa présence auprès de 13 000 lieux de vente spécialisés lui assure une présence incomparable sur le marché. Il bénéficie d'une présentation privilégiée auprès des grands magasins spécialisés, comme Gamm Vert.

175. Si Royal Canin utilise relativement peu le canal de distribution des vétérinaires et éleveurs, il mobilise fortement leur capacité de prescription à leurs clients des croquettes à haut profil nutritionnel. Royal Canin est en contact permanent avec 50 % des prescripteurs, lieux où se forment les préférences et les habitudes des consommateurs. Royal Canin propose aux éleveurs un partenariat dans le cadre de conventions d'élevage canin par lesquelles l'éleveur s'engage à assurer la promotion de la marque Royal Canin et à communiquer des informations sur les acheteurs de chiots. Les vétérinaires sont démarchés par des "délégués vétérinaires" Royal Canin, un ou deux pour le territoire de chaque grossiste, soit plus d'une vingtaine pour la France. Cette présence auprès des prescripteurs, conjuguée au fait qu'un changement d'aliments doit se faire progressivement durant une période de transition de deux semaines environ pour ne pas causer de troubles chez l'animal, contribue à renforcer la fidélité des consommateurs à la marque comme l'ont indiqué de nombreux distributeurs auditionnés.

176. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Royal Canin était, entre 1998 et 2000, en position dominante sur le marché des aliments secs pour chien vendus en magasins spécialisés.

E. SUR LE GRIEF D'ENTENTE ENTRE ROYAL CANIN ET LES GROSSISTES

1. EN CE QUI CONCERNE LA RESTRICTION DE CLIENTÈLE

177. Il existe des accords d'exclusivité réciproque entre Royal Canin et ses grossistes-distributeurs. Ces derniers bénéficient d'une exclusivité territoriale en contrepartie de laquelle ils s'interdisent de distribuer des marques et des produits concurrents. Ces accords à durée illimitée ont été formalisés dans les contrats Alliance Service (paragraphes 32 et suivants). Ils limitent également la clientèle servie à la distribution spécialisée, aux éleveurs professionnels et aux vétérinaires (cf § 35).

178. Ces exclusivités contractuelles sont scrupuleusement respectées, ainsi qu'il ressort des constatations opérées s'agissant de l'exclusivité de clientèle (voir par exemple § 40), et de l'exclusivité d'approvisionnement (voir par exemple § 41).

179. Il résulte de la combinaison de ces clauses une totale étanchéité des réseaux de distribution entre eux et une absence totale, à l'époque des faits, des croquettes haut de gamme Royal Canin dans la grande distribution.

180. Les déclarations de représentants de la grande distribution illustrent bien cet état de fait.

181. Il convient ainsi de se reporter aux déclarations de Mme X... et M. Y... mentionnées au paragraphe 153 de la décision.

182. M. J. Z..., président de la SCA Produits pour animaux, du groupe Intermarché a de même déclaré (cotes 651 et ss) le 26 octobre 1999 : " Nous ne vendons pas aujourd'hui ces produits mais nous serions intéressés de les introduire dans les linéaires des magasins compte tenu de leur succès actuel ".

183. La société Royal Canin allègue qu'une clause d'exclusivité de clientèle bénéficie de l'exemption automatique du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999, dès lors que l'opérateur détient une part de marché inférieure à 30 %.

184. Le Conseil s'inspire du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 et des lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (JOCE du 24/9/99) à titre de guide d'analyse utile pour apprécier les pratiques de restriction verticale en droit national. En l'espèce, la part de marché de Royal Canin excède les 30 % et la clause d'exclusivité de clientèle se combine avec une obligation d'achat exclusif et un accord de distribution exclusif, ce qui écarte la possibilité de l'exempter à l'issue d'un examen individuel (voir les paragraphes 161 et 179 des lignes directrices).

185. Les sociétés défenderesses font valoir que les contrats ALLIANCE SERVICE n'ont pas été formellement signés à l'exception de celui du grossiste-distributeur Rhonaldis et que les conditions particulières n'ont pas été complétées.

186. Il résulte toutefois de l'instruction que ces contrats ont fait l'objet d'une concertation approfondie durant plus de deux ans et ont fait l'objet d'un accord implicite. Leurs stipulations étaient effectivement appliquées et leur mise en œuvre a été formalisée pour chaque grossiste-distributeur dans un contrat d'objectifs annuels signé par les deux parties. Par ailleurs, les zones d'intervention des grossistes ont été définies dans différents documents commerciaux diffusés auprès des revendeurs et des consommateurs. Les modifications des territoires ou des clientèles concédés se faisaient par convention écrite et moyennant rémunération. La répartition des clientèles est très stricte et détaillée par client. Tous ces éléments caractérisent donc bien un accord de volonté, même si les contrats ALLIANCE SERVICE n'ont pas été formellement signés.

187. La Société Canidis a ainsi expliqué ne pas avoir le droit de vendre aux vétérinaires, même situés sur son secteur. Lorsque la société Rhonaldis a repris la distribution du réseau Gamm Vert sur le département 43 et les points de vente du réseau Agri-Sud-Est, au total 21 points de vente, elle a versé en contrepartie un droit d'entrée à Royal Canin de 120 786,80 francs HT. Ce découpage très précis élimine toute possibilité pour un détaillant de mettre en concurrence deux grossistes ou de s'approvisionner en dehors du grossiste sur le territoire duquel il est situé.

188. Les entreprises défenderesses font également valoir qu'il n'est fait état d'aucun refus de vente à des GSA.

189. Toutefois, il ressort clairement des contrats Alliance Service et des contrats d'objectifs annuels que les grossistes ne pouvaient pas vendre dans ce circuit que se réservait Royal Canin SA avec des marques dédiées, notamment Royal Chien. Par ailleurs, Royan Canin ne fait état d'aucun objectif d'efficacité particulier qui justifierait l'organisation de son circuit de distribution autour d'un principe d'exclusivité réciproque.

190. Il résulte de tout ce qui précède que Royal Canin et ses grossistes Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat et Garibaldi, ont mis en œuvre, sur la période en cause, des accords de restriction de clientèle ayant pour objet et pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence intra-marque sur les produits Royal Canin, sur le marché de gros, pratique contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

2. EN CE QUI CONCERNE L'EXISTENCE DE PRIX DE VENTE IMPOSÉS AUX GROSSISTES

191. Royal Canin édite, pour le compte de ses grossistes-distributeurs, à l'exception de Rhonaldis, les barèmes de prix de vente aux détaillants, dits " tarifs T0 " à leur en-tête. Bien que l'entreprise Rhonaldis n'utilise pas cette prestation, son tarif est identique à celui de ses confrères grossistes. De même, la date d'application des barèmes est identique pour tous. Il ressort des déclarations recueillies lors de l'enquête que ces tarifs font l'objet d'une concertation entre Royal Canin et ses grossistes-distributeurs. Le dirigeant de la société Normandie Loir Distribution a déclaré : " Je participe aux réunions du comité mixte Royal Canin national qui réunit un centre de distribution mixte, avec participation financière Royal Canin, ou un revendeur indépendant par Région Royal Canin ... Participent également le directeur commercial France, le directeur général France ... Ces réunions se tiennent à Aimargues deux fois par année en moyenne. Il n'y a pas de procès-verbal de ces réunions. Les prix d'achat et de vente des revendeurs, hors accords centrale d'achat, font l'objet le cas échéant de discussions... ".

192. Il ressort des constatations opérées au paragraphe 51 que ce tarif T0, élaboré par le service commercial de la SA Royal Canin, est effectivement appliqué par l'ensemble des grossistes.

193. Il ressort, en outre, des déclarations du PDG de Canidis (paragraphe 53) et du gérant de Rhonaldis (paragraphe 54) que les prix de gros imposés par Royal Canin étaient bien respectés par les grossistes-distributeurs.

194. Royal Canin négocie pour l'ensemble de ses grossistes les prix de vente aux centrales, franchises et magasins multisuccursalistes, soit 60 % des magasins spécialisés. Ceci est explicitement prévu par les contrats Alliance Service : " Royal Canin assure directement la négociation auprès des Centrales et des Enseignes ". La société Royal Canin précise dans le courrier d'envoi des différents tarifs aux grossistes-distributeurs, daté du 19 janvier 1998 : " Pour votre information, sachez que les tarifs hors taxes ont été envoyés le 31 décembre 1997 à toutes les Centrales... Par ailleurs, vous seront envoyées, au fur et à mesure des négociations, les dégradations par centrale, vous permettant d'intégrer à chaque Centrale une tranche tarifaire " (page 1077 des annexes au rapport).

195. Les entreprises font valoir qu'elles établissaient leur propre tarif pour les commandes inférieures à 300 kg. Mais cette circonstance ne saurait démontrer qu'il n'existait pas une entente sur l'application du tarif T0 lequel ne concerne que les commandes de plus de 300 kg.

196. Il résulte de ce qui précède qu'il existait, sur la période en cause une entente entre Royal Canin et ses grossistes Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat et Garibaldi, visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence au stade des ventes de gros. Une telle pratique est, elle aussi, contraire aussi aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

3. EN CE QUI CONCERNE LES REMONTÉES D'INFORMATIONS

197. Les grossistes-distributeurs communiquent à Royal Canin de manière détaillée toutes leurs ventes par client et par produit (paragraphes 42 à 45). Cette transmission des informations commerciales est prévue par les contrats annuels d'objectifs Alliance Service négociés avec les grossistes et elle est rémunérée par une prime de 0,10 % du chiffre d'affaires. Ces modalités ont été précisées dans une note transmise le 26 mars 1999 : " Royal Canin fournit aux distributeurs ses codifications internes suivantes : la codification des produits Royal Canin, la codification des types de clients, la codification des centrales d'achat... La transmission des fichiers du distributeur vers Royal Canin s'opère comme suit : ... le distributeur envoie ses fichiers par transmission modem dans le serveur Royal Canin prévu à cet effet, l'envoi des statistiques d'un mois donné doit être fait avant le sixième jour ouvré du mois suivant, ces statistiques doivent contenir toutes les ventes par client du distributeur en produits de la société Royal Canin, quel que soit le client ".

198. Les sociétés défenderesses soutiennent que ces statistiques auraient pour objet de calculer les remises de fin d'année versées aux centrales de référencement. Toutefois, un tel objet ne saurait justifier ni une communication mensuelle ni la transmission d'informations par produit, dès lors que les remises sont calculées sur le chiffre d'affaires global des adhérents d'une centrale, ni la transmission d'informations pour des clients qui ne sont pas affiliés à une centrale de référencement.

199. En l'espèce, la remontée des informations portant sur toutes les ventes réalisées par client et par produit permet à Royal Canin de contrôler que les grossistes-distributeurs respectent tant les prix que les limitations de clientèle imposés. Cette pratique, non anticoncurrentielle en soi au sein d'un réseau vertical, renforce les effets anticoncurrentiels des pratiques, décrites plus haut, de restriction de clientèle et de prix de gros imposés aux grossistes. Elle ne constitue pas un grief autonome mais vient renforcer les deux pratiques dénoncées, qui tendent par leur objet et leurs effets à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence et à répartir le marché entre les entreprises participantes.

200. Cet ensemble de pratiques sur le segment de marché intermédiaire empêche un détaillant, voulant s'approvisionner en produits Royal Canin, de faire jouer la concurrence entre offreurs. En effet, la juxtaposition de pratiques de territoires exclusifs et d'exclusivité bilatérale entre Royal Canin et les grossistes, avec l'imposition de prix de revente aux grossistes-distributeurs élimine toute concurrence intra-marque sur les produits Royal Canin. Les détaillants ou les centrales d'achat n'ont d'autre choix que de s'adresser au grossiste prescrit par Royal Canin et à s'approvisionner au prix unique imposé.

201. Cette absence de concurrence intra-marque renchérit les coûts d'approvisionnement des détaillants. Étant donné la part importante représentée par Royal Canin dans le circuit spécialisé, plus de 40 %, une part importante du segment du marché intermédiaire, et par conséquent, du segment des marchés avals est affectée par ces pratiques. Par ailleurs, certains produits, jugés incontournables, ne sont présents que dans ce circuit.

F. SUR L'ABUS DE POSITION DOMINANTE DE ROYAL CANIN DANS SES RELATIONS AVEC LES GROSSISTES

1. EN CE QUI CONCERNE LES PRATIQUES DE PRIX IMPOSÉS, DE RESTRICTIONS DE CLIENTÈLE ET DE REMONTÉES D'INFORMATION

202. Ces pratiques de prix imposés et de restriction de clientèle, mises en œuvre par Royal Canin, en position dominante sur le marché des croquettes vendues dans les magasins spécialisés, tendent à faire obstacle à la fixation des prix de gros par le libre jeu de la concurrence et à instaurer une séparation étanche entre les circuits de distribution. Elles constituent également un abus de position dominante de Royal Canin, contraire aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

2. EN CE QUI CONCERNE LA PRATIQUE DE REMISE FIDÉLISANTE

203. Dès lors qu'il existe une clause d'exclusivité réciproque entre Royal Canin et ses grossistes-distributeurs, les remises annuelles accordées à ces derniers, si elles ont un effet incitatif sur leurs ventes en volume, n'ont pas un caractère fidélisant, l'effet fidélisant découlant déjà de la relation verticale d'exclusivité d'approvisionnement entre Royal Canin et ses grossistes. La pratique de remises de gros fidélisantes notifiée à l'encontre de Royal Canin n'ajoute rien à la situation anticoncurrentielle résultant des exclusivités réciproques entre Royal Canin et ses grossistes-distributeurs. Le grief n'est donc pas retenu.

G. SUR LE GRIEF D'ENTENTE SUR LES PRIX DE DÉTAIL

204. Lors de l'enquête administrative au cours de laquelle plus de 1 000 prix ont été relevés, il a été constaté un alignement des prix de vente aux consommateurs finaux sur les gammes nutritionnelles RCCI Size et Premium de Royal Canin. Les prix pratiqués sont homogènes non seulement dans la zone de chalandise ou le territoire de chaque grossiste-distributeur mais pour l'ensemble de la France. Cette homogénéité ressort également du relevé exhaustif de prix effectué par les équipes commerciales de Royal Canin sur les régions Paris-Nord-Est en novembre 1998 (voir paragraphe 58 de la décision ; annexe D 21 au rapport).

205. Un tel alignement des prix peut s'expliquer de trois façons :

* par un parallélisme de comportement qui proviendrait d'une réaction identique des distributeurs placés dans des situations similaires, à la diffusion par Royal Canin des " prix publics indicatifs ", parallélisme de comportement qui ferait converger les prix ;

* par une entente horizontale directe sur les prix entre revendeurs ;

* par une série d'ententes verticales entre Royal Canin, ses grossistes-distributeurs et les revendeurs autour d'un prix de revente déterminé par Royal Canin.

206. En l'espèce, un simple parallélisme de comportement ne saurait être retenu pour expliquer qu'ils pratiquent les mêmes prix de vente au détail, dès lors que les distributeurs sont placés dans des conditions économiques différentes : d'une part, ils appartiennent à des zones de chalandise différentes ; d'autre part, ils bénéficient de remises sur facture variant de 0 à 10 %. Les différences dans les conditions d'achat sont encore plus fortes, si l'on tient compte des écarts de ristournes de fin d'année, les enseignes ayant les remises sur facture les plus élevées étant également celles dont les ristournes de fin d'année sont les plus importantes. Il est significatif que les marges effectivement pratiquées par les adhérents de la centrale Gamm Vert sur les gammes RCCI Size et Premium sont de 3 à 7 % supérieures au haut de la fourchette de taux de marge, de 25 à 30 %, conseillé par cette centrale sur la famille des produits secs pour chien.

207. En revanche, l'existence de prix publics indicatifs établis et diffusés par Royal Canin, les conditions de cette diffusion, le respect de ces prix publics par les revendeurs et la mise en place d'un système de contrôle des prix conduisent à constater la participation d'entreprises du réseau de distribution Royal Canin à une série d'ententes verticales pour l'imposition d'un prix de vente consommateur pour les gammes RCCI Size et Premium. Cette entente implique les grossistes-distributeurs, les centrales de franchisés, les détaillants et Royal Canin.

1. LES GROSSISTES

208. La participation des grossistes à l'entente sur les prix de détail Royal Canin ressort des relevés concernant les prix pratiqués par les détaillants effectués par les commerciaux des grossistes Normandie Loir Distribution (paragraphe 57 de la décision), Alpadis (paragraphe 58 de la décision), et des visites de contrôle auxquelles ces commerciaux ont procédé dans les points de vente, aboutissant à des injonctions de respect des " prix publics indicatifs " de Royal Canin adressées à Canidis (paragraphe 62), Alpadis (§ 63, 64, 70 et 76), Rhonaldis (§ 65), Normandie Loir Distribution (§ 67, 68, 69 et 75) et Fapac Tivadis (§ 74).

a) En ce qui concerne les entreprises Sodiamal, Cocipa, Garibaldi, Cazenave et Ferrat

209. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que les grossistes Sodiamal, Cocipa, Garibaldi, Cazenave et Ferrat sur les territoires desquels l'enquête menée par les services de la DGCCRF n'a pas porté, aient participé à une entente sur les prix pratiqués au niveau du détail dans la distribution en magasins spécialisés. Ce grief ne saurait être retenu à leur encontre.

b) En ce qui concerne le grossiste Normandie Loir Distribution

210. Il ressort des pièces du dossier que la société Normandie Loir Distribution a diffusé à la clientèle de son secteur, les prix publics Royal Canin et surveillé leur application (§ 67). Par ailleurs, plusieurs témoignages de détaillants (§ 68 et 69) font état d'interventions actives de la part des représentants de ce grossiste pour faire remonter leurs prix de vente.

211. Cette pratique a été reconnue par le gérant de Normandie Loir Distribution dans ses déclarations relatées au paragraphe 75 de la décision.

212. Ces indices démontrent la participation de Normandie Loir Distribution à l'entente sur les prix pratiqués au niveau du détail.

213. L'entreprise fait valoir qu'elle a refusé d'intervenir après qu'un adhérent de la centrale " Amis Verts ", relayé par la direction régionale de Royal Canin, a signalé des prix inférieurs aux prix publics indicatifs Royal Canin. Ce refus a été réitéré à l'occasion d'une demande écrite d'un adhérent de la centrale Gamm Vert qui, bien qu'intervenue postérieurement à la saisine du Conseil, permet d'éclairer les faits de l'espèce.

214. Toutefois, ces éléments isolés ne sauraient, à eux seuls, infirmer les conclusions ci-dessus.

c) En ce qui concerne le grossiste Rhonaldis

215. Le directeur général de la société a déclaré adresser à ses clients les " Prix Publics Indicatifs Royal Canin que nous intitulons Prix Publics généralement observés au 1er avril 1999 ... Il est exact que nous procédons pas (sic) à des relevés de prix et que la grille précitée 1999 a été adressée à nos clients alors que les nouveaux prix RCCI Size n'étaient pas encore en vigueur ".

216. Il ressort des pièces du dossier et notamment des comptes rendus hebdomadaires de l'équipe de vente (§ 65) que celle-ci surveillait l'application des prix publics. On relève ainsi dans le compte rendu de la semaine 18 du représentant M. pour le client B.C.M. " mise en vigueur des nouveaux tarifs ", pour le client l'Amazone " Tarif OK ", concernant le client ASE à St Martin d'Est " Rayon et Tarif OK ". Les revendeurs confirment cette surveillance, parmi lesquels le dirigeant de la société Loisirs et Jardins qui a déclaré : " Le commercial Rhonaldis passe une fois par trimestre dans notre établissement. Il nous informe des nouveaux produits et en profite pour examiner les prix de vente consommateur que nous pratiquons, pour relever s'ils sont conformes au tarif "Prix publics généralement observés précités" ".

217. L'équipe de vente a également mis en place les prix consommateurs dans les linéaires de certains distributeurs. Ainsi, en semaine 16, le représentant C. indique pour le client Botanic, " Mis à jour PVP, suivi linéaire ", pour le client Sepagri à Pusignan " mis en place nouveaux tarifs ", en semaine 15, celui du représentant M., pour le client M. Bricolage à Vienne " Mise en place nouveau tarif ".

218. Il apparaît également que la surveillance des prix de détail s'accompagnait d'interventions auprès des détaillants : en semaine 10 figure dans le compte rendu du représentant M. pour le client Aquafaune à Villars : " Rappel de la politique commerciale au niveau des prix car quelques anomalies trouvées à suivre ". Le dirigeant de la société Rhonaldis a déclaré lors de l'enquête : " Vous me faites part d'un litige relatif au Bricorama de Roanne. Je constate effectivement que cet établissement a fait l'objet d'une seule commande en 1998 lors de son ouverture... S'agissant de la visite de mon commercial ...dans cet établissement et de la demande au responsable du Bricorama de Roanne de remonter ses prix sur des produits RCCI Size, à la suite d'une plainte d'un autre magasin concurrent, je n'ai pas d'éléments à vous communiquer sur ces faits précis n'ayant pas été informé par mon commercial... ".

219. Il résulte enfin des constatations opérées au paragraphe 114 de la décision que Rhonaldis surveillait les prix pratiqués par les détaillants et agissait pour les aligner sur les prix publics indicatifs établis par Royal Canin.

220. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordants établissant la participation de l'entreprise Rhonaldis à l'entente visant à faire respecter les prix publics indicatifs de Royal Canin.

d) En ce qui concerne le grossiste Alpadis

221. L'entreprise a diffusé, dès le 18 février 1999, à ses clients les prix publics indicatifs Royal Canin qui prenaient effet le 15 mars 1999. Son dirigeant a déclaré " Nous envoyons une lettre circulaire à nos clients afin de les informer des changements de tarification. Cette lettre s'accompagne des "prix publics indicatifs" " de Royal Canin . Ces deux documents sont envoyés simultanément ".

222. Il ressort des déclarations de clients (cf § 58) et des comptes-rendus de visites des représentants que ces derniers surveillaient les prix de vente au détail pratiqués (§ 63) et intervenaient le cas échéant pour les faire remonter au niveau des prix publics indicatifs (cf § 63, 64 et 70). Interrogé à ce sujet, lors de l'enquête, le gérant de la société a expliqué relever une ou deux fois par an les prix de vente pour les produits Royal Canin chez les revendeurs clients et déclaré : " En ce qui concerne des pratiques de prix imposés, je ne donne pas de consignes à mes commerciaux d'imposer à mes clients les prix conseillés Royal Canin. Je ne conteste pas que dans certains cas mes collaborateurs aient demandé à certains responsables de magasin de remonter leurs prix de vente consommateurs pour les produits Royal Canin. Il en a été ainsi pour les établissements Martel en juin 1997, pour le Jardileclerc à Romans en février 1999, pour le Bricomarché Digne en mars 1999. Par ailleurs, il arrive régulièrement que mes commerciaux apposent les prix eux-mêmes sur les réglettes de prix que nous leur fournissons ".

223. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordants établissant la participation de l'entreprise Alpadis à l'entente visant à faire respecter les prix publics indicatifs de Royal Canin.

e) En ce qui concerne le grossiste Canidis

224. En 1998 et 1999, l'entreprise a, concomitamment, diffusé à ses clients les tarifs Achat et Vente de Royal Canin applicables respectivement à compter du 1er mars 1998 et du 15 mars 1999. Les commerciaux surveillaient les prix de ventes pratiqués et intervenaient ponctuellement pour les faire modifier (cf § 62). Le président directeur général de la société a déclaré lors de l'enquête : " Il n'est pas rare que des clients demandent à nos commerciaux de prendre en charge qui va du montage des gondoles jusqu'à la pose des prix de vente consommateur dans les linéaires (sic). C'est ainsi que M. M a procédé dans l'établissement Déco Center à Auch dans la semaine du 22 au 27 mars 1999 à une installation complète du rayon Royal Canin. Il a procédé à l'étiquetage des produits en apposant le "Prix Public Indicatif" Royal Canin ...De même, M.M est intervenu du 18 au 23 janvier dans le magasin Gamm Vert situé à Le Houga (32) pour procéder à une modification des prix de vente consommateur des produits offerts à la vente ".

225. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordants établissant la participation de l'entreprise Canidis à l'entente visant à faire respecter les prix publics indicatifs de Royal Canin.

f) En ce qui concerne le grossiste Fapac Tivadis

226. Les objectifs qualitatifs du contrat ALLIANCE SERVICE pour l'année 1999, signé par Royal Canin et la société Fapac Tivadis, incluent le respect des prix de vente consommateur et prévoient une prime de 0,10 % du chiffre d'affaires pour l'atteinte de cet objectif particulier. Par ailleurs, il ressort du témoignage du responsable du magasin Bricomarché de Cosne-sur-Loire que celui-ci a fait l'objet d'un refus de vente de la part du grossiste Fapac Tivadis pour n'avoir pas respecté les prix publics indicatifs.

227. Ces éléments précis, graves et concordants établissent la participation de la société Fapac Tivadis à l'entente visant au respect des prix publics indicatifs de Royal Canin.

2. LES CENTRALES

228. La responsabilité des centrales dans l'entente sur les prix de détail n'est pas engagée du fait qu'elles aient imposé des prix de vente identiques à leurs adhérents (franchisés ou non) qu'elles auraient elles-mêmes fixés mais du fait qu'elles ont, en réalité, imposé à ceux-ci d'appliquer les prix publics indicatifs de Royal Canin, en accord avec Royal Canin. A été retenue l'implication des centrales à l'encontre desquelles figuraient au dossier des indices suffisants démontrant qu'elles avaient diffusé auprès de leurs adhérents, en accord avec Royal Canin, les " prix publics indicatifs ", et démontrant que ces prix étaient en réalité présentés, compris, et appliqués par les adhérents comme des prix imposés. Cette diffusion était en effet réalisée sous forme de fichiers informatiques et les adhérents ont révélé, dans leurs déclarations, avoir compris les prix diffusés par leur centrale comme des prix imposés par Royal Canin en accord avec la centrale. Ces prix ont été, par la suite, effectivement respectés par les détaillants.

a) En ce qui concerne la société de franchise Tripode (Jardiland)

229. Le 12 janvier 1999, la société Royal Canin a fait parvenir à la centrale de référencement Tripode les prix publics indicatifs applicables à compter du 15 mars 1999. Par ailleurs, le reponsable des achats et du marketing de la société a déclaré : " Il est procédé au niveau de Tripode à des relevés de prix réguliers, un ou deux établissements concurrents par mois en moyenne ". Ces éléments montrent que la centrale n'avait pas, contrairement à ses allégations, uniquement un rôle de référencement mais qu'elle intervenait également dans la fixation et la surveillance des prix de vente.

230. Il résulte en effet de l'instruction que les adhérents de la centrale disposaient d'un système informatique commun. Les données du fichier " articles " de ce système, notamment celles relatives aux prix de vente, étaient renseignées par la centrale, puis envoyées aux adhérents sous forme de disquette. Le directeur des achats et du marketing a précisé " Le prix de vente ttc indiqué est le prix de vente consommateur proposé. Ces prix sont établis à partir des Prix Publics Indicatifs Royal Canin " (§ 91). Ce fichier " articles " a été communiqué à l'enquêteur. Il fait apparaître, au 15 mars 1999, des prix de vente comparables, à quelques minimes différences près, aux prix publics indicatifs Royal Canin.

231. Les relevés de prix, effectués au cours de l'enquête de la DGCCRF dans les Jardiland de Gap et de St Berthevin et par l'équipe de vente Normandie Loir Distribution dans 13 établissements Jardiland en novembre 1998, montrent que les prix publics indicatifs que Royal Canin a envoyés à la centrale Jardiland et que celle-ci a diffusés, notamment par l'intermédiaire de son fichier " Articles ", dans l'ensemble de son réseau, étaient effectivement respectés par les franchisés.

Prix relevés en novembre 1998 dans le réseau Jardiland

<emplacement tableau>

232. Le responsable de la section animalerie du magasin Jardiland à Botans a confirmé que " Les tarifs sont préconisés en ce qui concerne nos prix de vente par notre centrale d'achat en accord avec Royal Canin. Nous respectons strictement ces prix de vente préconisés " (§ 92).

233. En intégrant dans le fichier " Articles " commun à l'ensemble des franchisés les prix publics indicatifs que lui transmettait la société Royal Canin, prix considérés comme prix imposés par ses franchisés, la société Tripode a participé à l'entente en vue de l'application des prix publics indicatifs.

b) En ce qui concerne la société Truffaut

234. Le 12 janvier 1999, la société Royal Canin a fait parvenir à la société Truffaut ses prix publics applicables à compter du 15 mars 1999. Les fiches de référencement remises le 10 mars 1999 à l'enquêteur et éditées le 28 janvier 1999 portent, au dessus de la date d'application, la mention manuelle " 15/03/1999 ". Cette date correspond à la date d'entrée en vigueur des nouveaux Prix Publics Indicatifs Royal Canin. Les prix conseillés du fichier qui correspondent aux prix publics indicatifs en vigueur jusqu'au 15/03/1999, à l'arrondi des centimes près, sont raturés et remplacés à la main par les nouveaux prix publics indicatifs. Les relevés de prix effectués lors de l'enquête, en janvier 1999, dans le magasin de Plaisir et en juin 1999 dans le magasin de Rennes montrent que les prix effectivement pratiqués par les établissements Truffaut correspondent à ceux du fichier articles.

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235. Par ailleurs, les relevés effectués en novembre 1998 par l'équipe de vente de Normandie Loir Distribution dans les établissements Truffaut de Deauville, Gisors, St Gervais la Forêt et Le Mans sur neuf produits de la gamme RCCI Size et deux produits de la gamme Premium font apparaître des écarts maximum de 1 F, soit moins de 0,5 %, entre les prix pratiqués par les établissements Truffaut et les PPI de Royal Canin.

236. Enfin, il ressort des déclarations du responsable du magasin de Sainte Apolline (§ 98) que les prix étaient imposés et que le représentant Royal Canin vérifiait régulièrement les prix du point de vente et disposait pour cela du fichier de référencement central de l'entreprise.

237. En intégrant dans son fichier " Articles " pour les appliquer dès leur date d'entrée en vigueur, les prix publics indicatifs communiqués le 12 janvier 1999 par Royal Canin, prix considérés comme prix imposés par ses franchisés, la société Truffaut a participé à l'entente en vue de l'application des prix publics indicatifs.

c) En ce qui concerne la société Delbard

238. Le chef de produit animalerie de la société a déclaré " Royal Canin nous communique un barème "prix moyen indicatif de vente", prix de vente consommateur ttc. Ce barème est intégré dans notre fichier "Articles Animalerie - Fournisseur Royal Canin" sous la rubrique "Prix de vente directeur". Les responsables de magasin n'ont pas de consignes écrites pour respecter ces prix mais ils sont tenus moralement de les appliquer ". Dès le 19 février 1999, la centrale avait introduit dans le fichier les prix applicables au 15 mars 1999 et avait adressé ce fichier le 23 février à ses magasins. Elle les désignait dans la note d'accompagnement comme " les prix moyens indicatifs de vente établis d'après un relevé national ", alors que le 23 février 1999 il n'était pas possible d'établir un relevé national des prix pratiqués le 15 mars.

239. Par ailleurs, les prix relevés, lors de l'enquête, au magasin Delbard de Flins montrent que celui-ci respectait les prix publics Royal Canin, sous réserve d'ajustements et d'arrondis inférieurs à 3 %.

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240. Le respect des prix publics indicatifs par l'entreprise Delbard ressort également du relevé de prix effectué par les équipes de vente de la société Normandie Loir Distribution dans les jardineries de Benouville Vernouillet et Allones. <emplacement tableau>

241. En intégrant dans son fichier " Articles ", dès le 19 février 1999, les prix publics indicatifs applicables le 15 mars communiqués par Royal Canin, prix considérés comme prix imposés par ses franchisés, la société Delbard a participé à l'entente en vue de l'application des prix publics indicatifs.

d) En ce qui concerne l'entreprise franchiseur Gamm Vert

242. La centrale Gamm Vert soutient qu'elle n'intervenait pas auprès de ses adhérents pour imposer les prix publics indicatifs et qu'elle n'y avait, au demeurant, aucun intérêt, ne réalisant pas d'opération d'achat pour revente pour son propre compte. Toutefois, le contrat de coopération commerciale, conclu avec Royal Canin pour l'année 1999, prévoit le versement à la centrale Gamm Vert d'une ristourne de 3 % sur le chiffre d'affaires de ses adhérents pour " analyses marché, services communication, services informations, service référencement et actions commerciales, collaboration merchandising ". Or, une telle ristourne ne correspond ni par son montant ni par son objet à une fonction de référencement, mais suppose une intervention de la centrale au niveau de la vente au détail. Par ailleurs, la communication par le franchisé Cap Seine à la centrale Gamm Vert d'un relevé de prix d'un concurrent ne respectant pas les prix publics indicatifs Royal Canin est un indice du rôle joué par cette centrale auprès du fournisseur pour faire respecter lesdits prix publics indicatifs (§ 90). Enfin, la centrale a transmis aux adhérents des fourchettes de marge indicative et établi les prix de vente pratiqués par l'ensemble du réseau deux fois par an lors des opérations de promotion nationale.

243. Néanmoins, ces éléments ne suffisent pas à établir que la centrale Gamm Vert ait participé à l'entente visant à faire respecter les prix publics indicatifs sur les produits Royal Canin.

e) En ce qui concerne la société de franchise Apex

244. La réception des prix publics indicatifs Royal Canin par la centrale Apex qui les retransmettait à ses adhérents et sa participation à l'élaboration de campagnes de promotions nationales durant lesquelles les produits des gammes RCCI Size et Prémium étaient proposés à des prix proches mais cependant inférieurs aux prix publics indicatifs Royal Canin, ne constituent pas un faisceau d'indices permettant d'établir la participation de cette centrale à une entente en vue de faire respecter ces prix publics.

f) En ce qui concerne la société Mille Amis

245. Si les déclarations des dirigeants du siège et des points de vente font état d'un alignement systématique sur les prix publics Royal Canin et si les prix publics Royal Canin ont été intégrés dans le fichier " Articles " de la société diffusés dans ses magasins, antérieurement à leur date d'application, les prix relevés dans le magasin de Plaisir font apparaître que, localement, les points de vente pouvaient s'écarter tant à la hausse qu'à la baisse de ces prix publics. Dès lors, il n'existe pas un faisceau suffisant d'éléments concordants permettant de conclure à l'adhésion de la société Mille Amis aux prix publics indicatifs Royal Canin.

g) En ce qui concerne la société Univert Bourges

246. Il résulte des différents relevés de prix effectués dans les établissements de la société Univert Bourges que celle-ci respectait les prix publics indicatifs diffusés par Royal Canin.

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247. En septembre 1999, l'entreprise a réalisé une opération promotionnelle comportant l'impression et la distribution d'un dépliant où figurent les prix de tous les articles sauf ceux de la gamme RCCI Size de Royal Canin qui sont présentés avec l'indication " 1 mug offert ".

248. Par ailleurs, l'employé du magasin de Cosne sur Loire a déclaré : " S'agissant du Bricomarché, j'ai attiré l'attention de M. R. (Directeur Tivadis) sur le fait que nous étions à 500 m l'un de l'autre ". Toutefois, il n'est pas prouvé que cette intervention soit directement à l'origine de la rupture des approvisionnements du magasin Bricomarché par le grossiste Tivadis.

249. Dès lors, le seul respect des prix publics indicatifs par les points de vente Univert Bourges et l'absence de prix sur les produits Royal Canin à l'occasion d'une opération promotionnelle ne sauraient constituer un faisceau suffisant d'indices pour établir la participation de l'entreprise à une entente ayant pour objet l'application desdits prix publics.

3. LES DÉTAILLANTS INDÉPENDANTS

a) En ce qui concerne la société Jardins de Pacy

250. Le dirigeant de la société a déclaré (§ 109) appliquer les prix publics indicatifs, surveiller les prix pratiqués par la concurrence et signaler au commercial de la marque concernée les prix " bradés ". Il résulte de ces déclarations que l'entreprise Jardins de Pacy participait à l'entente tendant à l'application des prix publics indicatifs Royal Canin.

b) En ce qui concerne la société Idéal Canin

251. Le responsable de la société a déclaré (§ 112) appliquer strictement les prix conseillés par Royal Canin alors qu'il admettait avoir la possibilité de se situer entre + 5 et - 5 % par rapport aux prix préconisés. Il a également reconnu surveiller les prix pratiqués par la concurrence et appeler Royal Canin pour lui demander d'intervenir lorsqu'il constatait que celle-ci pratiquait des prix inférieurs aux prix préconisés. Dès lors, la société a participé à l'entente visant à imposer les prix publics indicatifs Royal Canin.

c) En ce qui concerne la société Loisirs et Jardins

252. La société a reconnu (§ 114) respecter les prix publics communiqués par la société Rhonaldis et elle a spontanément, en présence de l'inspecteur de la DGCCRF, modifié ses prix pour s'aligner sur ces prix indicatifs. Ces éléments constituent un faisceau d'indices permettant d'établir sa participation à l'entente.

4. LA SOCIÉTÉ ROYAL CANIN

253. L'entreprise Royal Canin a établi et diffusé dans l'ensemble de son réseau des prix publics indicatifs, organisé deux fois par an, par l'intermédiaire des équipes de vente de ses grossistes, un relevé exhaustif des prix publics pratiqués, ces prix étant ensuite collationnés et analysés par sa filiale Royal Canin Distribution.

254. Royal Canin est également intervenue, au travers de sa filiale Royal Canin Distribution et de ses sept établissements intégrés assurant une fonction de grossistes-distributeurs, auprès des détaillants pour faire appliquer ses prix publics indicatifs. Bien qu'antérieurs à la période couverte par la présente saisine, on peut citer, pour éclairer les faits de l'espèce, la note envoyée le 10 août 1996 par l'établissement Royal Canin Distribution d'Ile de France à ses clients (" Chers clients, en accord avec ROYAL CANIN, le magasin AQUAFLORE a dû augmenter les prix des produits de la gamme RCCI (M 25 et AGR 36), et ce dans le souci de respecter une politique tarifaire, tendant vers une harmonie des prix vis à vis de la concurrence " ; annexe C34 au rapport) et deux refus de vente intervenus en 1997, l'un de la part de l'établissement Royal Canin Distribution Aquitaine à l'encontre de la société Despujols à Langon et l'autre à l'encontre de la société Aquaflore précitée.

255. Au cours de l'enquête, divers détaillants ont fait état d'interventions de la part des équipes de vente de Royal Canin Distribution Est (cf § 73) et de Royal Canin Distribution Ile de France (cf § 71), interventions qui apparaissent également dans les comptes-rendus de visites des représentants de cet établissement (cf § 61).

256. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise Royal Canin a participé à une entente visant à l'application de prix de vente imposés aux consommateurs sur ses gammes RCCI Size et Premium.

H. SUR LE GRIEF D'ABUS DE POSITION DOMINANTE SUR L'OFFRE DE DÉTAIL

1. EN CE QUI CONCERNE LES PRIX IMPOSÉS

257. Royal Canin étant en position dominante sur le marché des croquettes vendues dans les circuits spécialisées, les pratiques relevées à son encontre aux paragraphes 253 à 256 constituent également un abus de cette position dominante.

2. EN CE QUI CONCERNE LES RISTOURNES ANNUELLES

258. Il résulte des constatations opérées au paragraphe 47 que Royal Canin octroie aux centrales principalement deux catégories de remises :

* des remises purement quantitatives calculées sur une période de référence d'un an et portant sur le chiffre d'affaires global réalisé ;

* des remises de progression calculées également sur le chiffre d'affaires global réalisé.

259. Les systèmes de remises, qui sont légitimes et représentent une pratique normale des affaires lorsqu'ils sont appliqués par une entreprise ne détenant pas une position dominante peuvent devenir abusifs lorsqu'ils sont mis en œuvre par une entreprise en position dominante. Les arrêts Hoffmann-La Roche de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 février 1979 et Michelin du tribunal de première instance du 30 septembre 2003 ont posé le principe général suivant lequel un fournisseur en position dominante peut octroyer des rabais en contrepartie de gains d'efficience, par exemple des rabais pour les grosses commandes qui permettent au fournisseur de produire des lots de produits importants, mais ne peut consentir de remises ni d'incitations pour s'assurer la fidélité de la clientèle, c'est-à-dire pour éviter que ses clients ne s'approvisionnent auprès d'un fournisseur concurrent. Un système de ristournes quantitatives, mis en place par une entreprise en position dominante, peut donc s'avérer anticoncurrentiel si ses critères d'octroi et ses modalités de calcul ne reposent pas sur une contrepartie économiquement justifiée mais tendent à restreindre la possibilité de choix de l'acheteur ou à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes.

260. Les remises purement quantitatives peuvent ainsi s'avérer fidélisantes lorsqu'elles sont calculées sur la totalité du chiffre d'affaires et ce caractère fidélisant s'aggrave avec la période de référence choisie (TPI, 30 septembre 2003, Michelin, § 85).

261. Les remises de progression, calculées non en fonction du volume des ventes réalisé en valeur absolue mais du taux de progression des ventes par rapport à l'année précédente sont aussi fidélisantes ainsi que la Commission européenne l'a rappelé dans l'affaire British Airways du 14 juillet 1999.

262. Les autorités de concurrence peuvent évaluer concrètement l'incitation à l'achat exclusif induite par ces systèmes de remise et il est possible de calculer combien un concurrent devrait consentir de remises pour neutraliser les effets des remises de l'opérateur en position dominante.

263. En l'espèce, les barèmes consentis par Royal Canin sont fortement incitatifs et ne peuvent être combattus par des concurrents qu'au prix d'efforts disproportionnés. On peut par exemple calculer, s'agissant des remises quantitatives appliquées à Gamm Vert que lorsque Gamm Vert passe à la tranche de 18 750 000 francs, un chiffre d'affaires supplémentaire de 1 francs réalisé avec Royal Canin lui permet d'obtenir une remise supplémentaire de 138 francs. S'agissant des remises de progression consenties à Gamm Vert, dans l'hypothèse où la progression du chiffre d'affaires de Gamm Vert réalisé avec Royal Canin passerait de 9 à 8 %, un concurrent de Royal Canin désireux de prendre l'équivalent de 1 % du chiffre d'affaires réalisé par Gamm Vert avec Royal Canin, devrait proposer une remise de 11,4 % pour être aussi attractif que Royal Canin, alors même que ce volume ne représenterait pas une quantité attractive pour le vendeur. Ce taux de remise qu'un concurrent devrait octroyer pour concurrencer Royal Canin croit rapidement avec la part de chiffre d'affaires qu'un concurrent voudrait fournir à un acheteur, en substitution de Royal Canin. Par ailleurs, le fait que les ristournes soient calculées sur la totalité du chiffre d'affaires et que la période de référence soit relativement longue, un an ou plus, sont des critères à prendre en compte pour déterminer le caractère fidélisant des ristournes.

264. Royal Canin octroyait des ristournes de fin d'année aux grandes enseignes et aux principaux détaillants, notamment aux centrales de référencement et aux entreprises multi-succursalistes, mais aussi à certains revendeurs indépendants, essentiellement en fonction de la progression annuelle de leur chiffre d'affaires ou de tonnage. Dès lors que Royal Canin accordait déjà à ses revendeurs des remises supplémentaires sur facture de 1 %, pour les commandes supérieures à 5 tonnes, de 1,5 % pour les livraisons par camion complet et de 3 % pour des fonctions entrepôt et redistribution, l'octroi de ristournes de fin d'année en fonction d'un chiffre d'affaires ou d'un tonnage ne reposait pas sur une contrepartie économiquement justifiée mais avait, en revanche, un effet de fidélisation de la clientèle et de forclusion de ses concurrents.

265. Par ailleurs, le caractère fidélisant des ristournes qui portent sur l'ensemble du chiffre d'affaires durant une année complète est accru par le nombre élevé de seuils prévus. Ainsi, l'accord de coopération commerciale signé pour 1999 avec l'enseigne Gamm Vert prévoit 6 seuils de progression et l'accord passé avec la société Mille Amis, 8 seuils de progression.

266. Le caractère potentiellement anticoncurrentiel des ristournes résulte également de leur personnalisation par société cliente et des discriminations opérées entre clients. Par exemple, la centrale Tripode bénéficie, en plus des ristournes de progression, d'une ristourne de 2 % pour maintien de tonnage qui n'est pas prévue dans les conditions de la centrale Apex. La centrale Gamm Vert bénéficie d'une remise de progression dès que son chiffre d'affaires ou son tonnage s'accroît de 4 % mais le seuil est fixé à 10 % pour la centrale Apex. Pour un accroissement de 10 % de l'un des deux, Gamm Vert perçoit 0,7 %, de ristourne, Apex 0,2 % et Tripode 0,5 %. (annexe D10 au rapport). Pour les revendeurs indépendants, les ristournes étaient versées sous forme de produits gratuits et n'étaient, par conséquent, ni comptabilisées, ni contrôlables (cf annexe D 12 au rapport). Leur caractère fidélisant et discriminatoire était de ce fait accru.

267. Ce caractère anticoncurrentiel est de même accentué par le fait que des ristournes sont versées aux centrales mais également aux coopératives dans le cas de Gamm Vert, aux Master Franchisés dans le cas d'Apex et aux magasins dans le cas de Tripode par exemple. Là encore le nombre de seuils est élevé, 25 pour les coopératives Gamm Vert, 15 pour les Maters Franchisés Apex et les conditions sont différentes. Pour des quantités annuelles vendues de 1 000 tonnes, un franchisé Apex perçoit 1,4 % de ristourne, un franchisé Gamm Vert 2,5 %. Les coopératives Gamm Vert perçoivent à la fois des ristournes selon un barème quantitatif et des ristournes de progression ; ce double système de ristournes pour les franchisés n'est pas prévu dans les autres accords d'enseigne.

268. Enfin, ces ristournes sont calculées sur une gamme variée de produits, ce qui peut, dans certains cas, empêcher les distributeurs de vendre des produits concurrents. Le responsable du magasin de Suresnes de Bricorama (page 252 du rapport d'enquête administrative) explique ainsi pourquoi seuls les produits Royal Canin sont vendus par Bricorama : " Nous nous tenons à Royal Canin car ces produits nécessitent beaucoup de surface et l'exiguïté de notre établissement ne nous permet pas de mettre conjointement plusieurs marques concurrentes ". " Le remplacement de Royal Canin par une autre marque ne génèrerait pas un chiffre d'affaires aussi important que celui enregistré actuellement du fait de la vente des produits Royal Canin ".

269. De la part d'une entreprise en position dominante, ce système de ristournes de fin d'année obligerait un concurrent voulant prendre des parts de marchés à Royal Canin à baisser considérablement ses prix et tend ainsi à barrer l'entrée sur le marché.

270. Pour toutes les raisons évoquées plus haut, la mise en place d'un tel système, qui fausse le jeu de la concurrence, constitue de la part de l'entreprise Royal Canin un abus de position dominante.

I. SUR LES SANCTIONS

271. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce ne leur sont pas applicables.

272. Aux termes des dispositions de l'article L. 464-2-II du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...). "

273. S'agissant de la gravité des faits, il y a lieu de rappeler que les pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et de favoriser artificiellement leur hausse sont particulièrement graves par nature, car elles ont pour conséquence de confisquer au profit des auteurs de l'infraction le bénéfice que le consommateur est en droit d'attendre d'un bon fonctionnement du marché. Il s'agit de pratiques injustifiables. Les remises de fidélité abusives sont aussi qualifiées de graves dans les lignes directrices de la Commission et dans la décision n° 04-D-13 du 8 avril 2004 du Conseil. Il convient toutefois d'en apprécier les effets sur le marché : en l'espèce, cumulées avec les autres pratiques de verrouillage du marché, ces remises ne font qu'empêcher un peu plus pour les acteurs de la chaîne verticale, de s'approvisionner en produits diversifiés et à des prix concurrentiels. Il convient aussi de souligner que les pratiques portent sur des " produits avec beaucoup d'investissement affectif " (cote 655) et qu'elles ont abouti à en élever le prix, alors que la demande est relativement inélastique aux prix.

274. La concurrence inter-marque est, elle aussi, limitée par les investissements en notoriété de Royal Canin ; bien entendu, ces investissements n'ont aucun caractère anti-concurrentiel en soi, mais ils conduisent les consommateurs à regarder les produits de cette marque comme très imparfaitement substituables aux autres et à se rendre, de plus en plus fréquemment au fil des années, dans les circuits spécialisés pour trouver ces produits qui ne sont disponibles que dans ces surfaces.

275. Par conséquent, le marché présente un grand nombre de freins à l'exercice de la concurrence, ce qui permet d'ailleurs le maintien durable de marges très élevées aux différents stades de la structure verticale. Les arguments parfois avancés pour justifier de structures verticales fortement intégrées tiennent justement à l'élimination de la " double marge " : des acteurs autonomes le long d'une filière verticale perçoivent chacun une marge par rapport aux prix amont ; ces marges additionnées disparaissent au contraire lors de l'intégration verticale ou bien lors de la mise en place de contrats qui reproduisent les conditions d'une intégration verticale. Dans le cas présent, les considérations précédentes soulignent au contraire l'existence de marges maintenues à un niveau très élevé aux différents stades de la structure verticale du fait de l'empilement de toutes ces pratiques (pratiques contractuelles limitatives de concurrence, pratiques tarifaires excluant toute concurrence en prix) qui diminuent fortement l'intensité concurrentielle.

276. S'agissant du dommage à l'économie, il peut être mesuré en proportion de la part représentée dans la consommation des ménages par les dépenses pour l'alimentation des animaux, supérieure à 1 % et par le surprofit réalisé par les membres de l'entente. Pour le mesurer, on peut relever que les prix pratiqués par les adhérents de la centrale Gamm Vert sur la gamme RCCI Size de Royal Canin permettent de dégager une marge de cinq points supérieure à celle que cette centrale considère comme normale sur cette famille de produits, et que des revendeurs ayant des écarts de 10 % de remises sur facture et de plus de 5 % dans les ristournes de fin d'année pratiquaient des prix identiques. Les effets des pratiques sont accrus par le fait qu'elles sont intervenues aux différents stades de la distribution, gros et détail.

277. Toutefois, il convient également de prendre en compte que les pratiques relevées, à l'exception des remises fidélisantes et des accords d'exclusivité qui atténuent l'intensité de la concurrence inter marque, ont porté essentiellement sur la concurrence intra marque.

278. Royal Canin a été l'organisateur des pratiques d'entente. L'entreprise établissait les tarifs appliqués aux différents stades de la distribution, gros, détail, consommateur. Elle contrôlait le respect des prix de vente par les grossistes-distributeurs et par les détaillants grâce aux informations qui lui étaient remontées. Elle était également directement acteur des pratiques au stade du marché de gros, au travers de ses sept centres de distribution régionaux intégrés et de sa filiale Royal Canin distribution qui supervisait la distribution dans l'ensemble des circuits spécialisés. Il convient également pour déterminer la sanction de prendre en compte la diversité et l'ampleur des pratiques prohibées mises en œuvre, de rappeler que l'entreprise avait été condamnée le 13 octobre 1998 par le tribunal de commerce de Pontoise pour son refus de vente à l'encontre de la société Aquaflore et ne pouvait donc ignorer le caractère anticoncurrentiel des pratiques qui ont perduré après cette date. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société est de 139 049 000 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 2 500 000 euro.

279. La société Normandie Loir Distribution a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros et à l'entente sur les prix au stade du marché aval de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 12 744 945 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 89 000 euro.

280. La société Sodiamal a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 188 495 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 1 000 euro.

281. La société Sodegal a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 4 858 512 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 24 000 euro.

282. La société J & B Cazenave a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 7 494 000 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 37 000 euro.

283. La société Cocipa a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société s'étant élevé à la somme de 1 025 euro, il n'y a pas lieu, en fonction des éléments généraux et individuels exposés, de lui appliquer une sanction pécuniaire.

284. La société Ferrat a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Ferrat s'est élevé à la somme de 14 100 000 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 71 000 euro.

285. La société Garibaldi a participé activement à l'entente entre les différents grossistes-distributeurs et Royal Canin en vue de restreindre la concurrence et d'imposer les prix au stade du marché de gros. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Garibaldi s'est élevé à la somme de 5 878 846 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 29 000 euro.

286. La société Fapac-Tivadis a pris une part active à l'entente sur les prix et sur la répartition de clientèle au niveau du marché de gros et à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Fapac-Tivadis s'est élevé à la somme de 4 858 512 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 34 000 euro.

287. La société Rhonaldis a pris une part active à l'entente sur les prix et sur la répartition de clientèle au niveau du marché de gros et à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Rhonaldis s'est élevé à la somme de 14 101 573 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 98 000 euro.

288. La société Alpadis a pris une part active à l'entente sur les prix et sur la répartition de clientèle au niveau du marché de gros et à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Alpadis s'est élevé à la somme de 8 694 431 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 60 000 euro.

289. La société Canidis a pris une part active à l'entente sur les prix et sur la répartition de clientèle au niveau du marché de gros et à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Canidis s'est élevé à la somme de 9 410 081 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 65 000 euro.

290. La société Tripode a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Truffaut s'est élevé à la somme de 42 130 079 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 210 000 euro

291. La société Truffaut a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Truffaut s'est élevé à la somme de 303 369 391 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 1 500 000 euro.

292. La société Delbard a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Delbard s'est élevé à la somme de 55 972 328 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 279 000 euro.

293. La société Jardins de Pacy a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Il convient de prendre toutefois en compte que la société était un détaillant indépendant d'une taille modeste sur le marché et donc en position de vulnérabilité face à un fournisseur en position dominante. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Les Jardins de Pacy s'est élevé à la somme de 1 957 392 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 4 000 euro.

294. La société Idéal Canin Valdoie a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Il convient de prendre toutefois en compte que la société était un détaillant indépendant d'une taille modeste sur le marché et donc en position de vulnérabilité face à un fournisseur en position dominante. Le chiffre d'affaires France du dernier exercice clos de la société Idéal Canin s'est élevé à la somme de 481 794 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 1 000 euro.

295. La société Loisirs et Jardins a pris une part active à l'entente sur les prix de vente imposés au stade du marché de détail. Il convient de prendre toutefois en compte que la société était un détaillant indépendant d'une taille modeste sur le marché et donc en position de vulnérabilité face à un fournisseur en position dominante. Par ailleurs, la société a déposé son bilan entre la notification de griefs et le rapport. Le dernier chiffre d'affaires France connu de la société Loisirs et Jardins s'est élevé à la somme de 60 860 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il n'y a pas lieu de lui appliquer de sanction pécuniaire.

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que les sociétés Gamm Vert, Apex, Mille Amis, Univert Bourges, Sodiamal, Cocipa, Garibaldi, J & B Cazenave et Ferrat aient participé à l'entente sur les prix de détail, et aient enfreint de ce chef les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il n'est pas établi que la société Royal Canin ait commis une pratique de remises abusive à l'égard de ses grossistes et ait enfreint de ce chef l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 3 : Il est établi que les sociétés Royal Canin, Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat, Garibaldi, Truffaut, Tripode, Delbard, Jardins de Pacy, Ideal Canin Valdoie et Loisirs et Jardins ont, en participant à une entente concernant soit les offres de gros, soit les offres de détail, enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 4 : Il est établi que la société Royal Canin, du fait d'une part de pratiques de prix imposés et de restrictions de clientèle, d'autre part de pratiques de remises de fidélité à l'égard des centrales d'achat, a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* à la société Royal Canin une sanction de 2 500 000 euro ;

* à la société Normandie Loir Distribution une sanction de 89 000 euro ;

* à la société Sodiamal une sanction de 1 000 euro ;

* à la société Sodegal une sanction de 24 000 euro ;

* à la société J & B Cazenave une sanction de 37 000 euro ;

* à la société Ferrat une sanction de 71 000 euro ;

* à la société Garibaldi une sanction de 29 000 euro ;

* à la société Fapac-Tivadis une sanction de 34 000 euro ;

* à la société Rhonaldis une sanction de 98 000 euro ;

* à la société Alpadis une sanction de 60 000 euro ;

* à la société Canidis une sanction de 65 000 euro ;

* à la société Tripode une sanction de 210 000 euro ;

* à la société Truffaut une sanction de 1 500 000 euro ;

* à la société Delbard une sanction de 279 000 euro ;

* à la société Les Jardins de Pacy une sanction de 4 000 euro ;

* à la société Idéal Canin Valdoie une sanction de 1 000 euro.