Ministre de l’Économie, 22 octobre 2003, n° ECOC0500059Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Delachaux
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 29 août 2003, vous avez notifié l'acquisition par la société Delachaux SA (ci-après " Delachaux ") de 100 % du capital de la société Pandrol Holding Limited, société holding du groupe Pandrol (ci-après " Pandrol "), actif dans le secteur des attaches et des systèmes de fixation de rails. Cette opération s'est concrétisée par un accord de cession de la totalité du capital social de Pandrol, conclu entre Delachaux et les porteurs d'actions de la société Pandrol (principalement des membres de l'équipe de direction et le fonds d'investissement Candover Partners Limited).
I. - LES PARTIES À L'OPÉRATION
Delachaux, société acquérante, est contrôlée par la famille Delachaux qui, directement et indirectement via la société SOGREPAR, détient 66,7 % de son capital (le reste étant réparti dans le public).
Cette société, qui a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total de 279,8 millions d'euro dans le monde (dont [...] millions d'euro dans l'Union européenne et 62,5 millions en France), est à la tête d'un groupe composé de 30 sociétés actives dans six secteurs différents : (i) la conductique ; (ii) le magnétisme ; (iii) les aciers spéciaux ; (iv) les métaux ; (v) les systèmes d'injection ; (vi) le secteur du transport ferroviaire. Au titre du secteur ferroviaire, Delachaux conçoit, fabrique et commercialise, à travers la société Railtech International, filiale à 100 %, les composants et systèmes nécessaires à la construction et à la maintenance des voies (dont notamment des soudures de rails, des systèmes d'attaches et de fixation de rails et des systèmes d'alimentation électrique).
S'agissant plus particulièrement du secteur des attaches de rails (1), le groupe conçoit, fabrique et commercialise une large gamme d'attaches élastiques (plates vissées, rondes non vissées, rondes vissées prémontables sur traverse en béton, rondes vissées sur traverses en bois et attaches atténuant les vibrations), ainsi que des ancrages en tôle.
Pandrol, entité cible de droit anglais, est principalement active dans la conception, la fabrication et la vente de systèmes de fixation de rails et de composants associés pour le secteur ferroviaire urbain et interurbain. Le groupe Pandrol, qui a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total de 175,9 millions d'euro dans le monde (dont plus de [....] millions en Union européenne et [>15] millions d'euro en France) propose une large gamme d'attaches de rail (dont notamment les attaches dénommées " Fastclip ", attaches souples rondes non vissées pouvant être assemblées sur des traverses en béton, mais également d'autres types d'attaches vissées et non vissées, des systèmes de fixation atténuant le bruit et les vibrations...) et de systèmes d'ancrages. Cette société développe en France son activité, principalement par l'intermédiaire de ses filiales Promorail SA (acquise en 1993) et ARS Industries (acquise en 2002).
L'opération, en ce qu'elle emporte un contrôle exclusif de la part de Delachaux sur Pandrol, constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, réalisés par les groupes Delachaux et Pandrol, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
L'opération a également été notifiée en Espagne et au Royaume-Uni, pays dans lesquelles elle a été autorisée, et a fait l'objet de la procédure d'information mutuelle sur les notifications multiples de l'Association des autorités de concurrence européenne (ECA).
II. - LA DÉFINITION DES MARCHÉS
A. - Les marchés de produits
L'opération concerne principalement le secteur de la conception, de la fabrication et de la vente d'attaches et de systèmes de fixation de rails pour le secteur ferroviaire et le transport urbain, secteur sur lequel la concentration entraîne des chevauchements d'activité très significatifs.
La partie notifiante propose de définir un marché global des systèmes complets de fixation de rails, comprenant les attaches de rails, élément central du système autour duquel les autres composants sont adaptés, et ces autres composants associés (un système d'ancrage, les tire-fonds, une butée isolante et une semelle installée sous le rail).
Du côté de la demande, la partie notifiante constate que les divers types d'attaches et de systèmes de fixation de rails " visent tous à satisfaire un même besoin du client [les entités gestionnaires des réseaux ferroviaires ou les entreprises de voies] (2) et sont destinés à un usage globalement identique ", assurer la fixation du rail sur la traverse. La partie notifiante souligne ainsi que, concrètement, les clients peuvent choisir entre commander les différents éléments de manière séparée ou décider de les commander de manière assemblée.
Du côté de l'offre, la partie notifiante soutient que les principaux opérateurs du marché fournissent les systèmes de fixation dans leur ensemble et que, quoi qu'il en soit, les fabricants des différents types d'attaches peuvent facilement diversifier leur offre et fabriquer l'ensemble des attaches, bien qu'historiquement ils se soient spécialisés dans la fabrication de certains types seulement. Les parties soutiennent en outre que les principaux concurrents - c'est-à-dire les parties à l'opération et Vossloh - disposent d'une gamme de produits équivalente.
Lors de l'examen de deux opérations relatives au secteur concerné par la présente opération, la Commission européenne d'une part (3) et le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie d'autre part (4), ont laissé ouverte la question de la délimitation exacte des marchés relatifs aux systèmes de fixation.
L'instruction menée à l'occasion de la présente opération et les résultats du test de marché ont cependant permis de conclure, compte tenu de différents éléments relevés du côté de l'offre et de la demande, que la vente d'attaches de rail, segment sur lequel l'opération donnait lieu aux chevauchements les plus significatifs et qui constitue le cour de métier des parties à l'opération (5), devait être analysée séparément du reste des éléments constituant le système de fixation.
Les parties constatent ainsi elles-mêmes que " les attaches et les composants associés peuvent être vendus de manière dissociée en fonction des besoins des utilisateurs ". Les clients peuvent lancer des appels d'offres pour l'ensemble des éléments ou réaliser des appels d'offres distincts (6). Ce ne sont finalement que les pratiques commerciales relatives aux systèmes d'attaches sous brevets des fabricants d'attaches qui poussent les clients à acheter des systèmes complets de fixation de rail auprès d'eux, du moins lors de l'appel d'offre initial. Les différents composants sont en effet issus de différents métiers (caoutchouc, plastique, acier...) (7).
Il ressort du test de marché que des distinctions plus fines, en fonction notamment du type d'attaches (8) ou de la technique de fixation (9) ne seraient pas fondées en l'espèce, compte tenu de la substituabilité constatée lors de l'instruction entre ces différents types d'attaches. En effet, même s'il existe des différences notables entre les différents types d'attaches (au niveau des brevets, de la durée de vie, du prix, des modalités de pose et d'entretien) et que les possibilités pour passer de l'une à l'autre sont relativement limitées (10), il convient de souligner que ces différents types d'attaches composent l'ensemble de la gamme d'attaches offerte aux clients, qui procèdent à des arbitrages entre ces différents types d'attaches en fonction de la qualité des produits, du coût de la pose, de l'entretien, de l'acquisition de l'outillage...
Il n'est pas non plus nécessaire de segmenter le marché en distinguant les attaches destinées au transport ferroviaire de celles destinées au transport urbain ou en distinguant en fonction de la nature du demandeur, selon que la demande émane des gestionnaires des infrastructures ferroviaires, des exploitants de lignes de transport urbain, des " entreprises de voies ", ou encore des fabricants de traverses. En effet, le fait que ces différents opérateurs jouissent, en raison notamment des quantités d'attaches commandées, d'un pouvoir de négociation variable, n'est pas de nature à justifier une segmentation plus fine du marché.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et du fait notamment que l'opération donne lieu à des chevauchements d'activité essentiellement sur la vente d'attaches seules, l'analyse concurrentielle portera principalement sur cette activité, sans qu'il soit besoin, pour les besoins de la présente analyse, de trancher de manière définitive la question de savoir si les attaches de rails constituent ou non un marché distinct.
B. - Les marchés géographiques
Les parties estiment que le marché relatif aux attaches de rails et autres composants de systèmes de fixation est de dimension mondiale, en insistant notamment sur le fait que la nationalité ou la localisation du fournisseur n'ont pas d'influence décisive dans le choix du demandeur (le choix s'opérant essentiellement en fonction des caractéristiques techniques du produit, de sa conformité aux critères de qualité et de sécurité établis et de son prix). Les parties soulignent qu'au niveau de l'offre, les opérateurs sont de dimension internationale, et qu'il existe un nombre important de fournisseurs d'attaches et de systèmes implantés en dehors de l'EEE. Les parties ajoutent que les coûts de transport sont, pour ce type de produits, relativement faibles (ils représenteraient, selon les parties, entre 2 % et 3 % du prix final).
Les conclusions de l'instruction menée à l'occasion de la présente opération et le test de marché réalisé auprès des différents opérateurs tendent à démontrer que le marché relatif aux attaches de rails est, au plus, de dimension européenne (11). En effet, il convient de souligner que les opérateurs actifs en Europe ne sont - mis à part la société Kumar - que des opérateurs implantés sur le territoire de l'Union européenne et qu'aucun opérateur n'est parvenu à pénétrer de manière significative le territoire européen ces dernières années (12). Les clients ont d'ailleurs confirmé qu'il accepteraient difficilement de confier, à court ou à moyen terme, un marché à des opérateurs non implanté sur le territoire de l'EEE, comte tenu notamment des exigences qu'ils formulent en termes de qualité des produits, de conditions de livraison et de contrôle qualité. Une certification est également requise au niveau communautaire, afin que ces attaches puissent être commercialisées sur le territoire de l'Union.
Compte tenu du fonctionnement très spécifique de ce marché, on peut enfin s'interroger sur une délimitation encore plus étroite, circonscrite au territoire national (13). On peut en effet noter, ainsi que l'ont souligné les parties, que la demande émanant des clients situés en France présente certaines spécificités, notamment pour les attaches plates vissées de type Nabla (le réseau ferroviaire en France est historiquement constitué de ce type d'attaches), que les fournisseurs actuellement présents en France possèdent tous des usines implantées sur le territoire français, et qu'il existe en France un système d'homologation par client et par type d'attache.
Dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées, que l'on adopte une dimension nationale ou européenne, il n'est pas nécessaire de trancher de manière définitive la délimitation géographique du marché en cause. En conséquence, l'analyse portera, de manière alternative, sur ces deux marchés.
III. - L'ANALYSE CONCURRENTIELLE
Si l'on retient comme délimitation du marché pertinent un marché européen des attaches de rail, l'analyse du marché se décline de la façon suivante.
Du côté de l'évolution de l'offre, le rachat de Pandrol par Delachaux se traduit par la réduction de 3 à 2 des principaux opérateurs sur le marché. En effet, Delachaux, Pandrol et Vossloh, seul opérateur d'envergure internationale alternatif aux parties, représentent plus de [80-90] % du marché européen. La nouvelle entité détiendra [50-60] % des parts de marché. Les deux sociétés se caractérisent par une forte puissance financière et commerciale, une avance technologique importante et par une implantation globale leur permettant de répondre aux appels d'offre partout en Europe.
Le marché européen des attaches de rail présente des barrières à l'entrée relativement fortes.
D'une part, les attaches les plus innovantes, dites pré-montables, fabriquées uniquement par Pandrol et Vossloh, sont protégées par des brevets. Une évolution de l'attache classique de type Nabla, couverte par un brevet dit " système C8 ", qui n'est pas techniquement aussi aboutie que l'attache pré-montable, est fabriquée par Delachaux. Les concurrents résiduels ne fabriquent que des attaches dites " génériques " (non pré-montables).
D'autre part, l'acquisition du savoir-faire technique au regard des exigences en matière de qualité et de sécurité pour obtenir une homologation et l'acquisition d'une taille critique permettant de proposer des prix compétitifs constituent deux autres barrières qui viennent renforcer la principale.
Dans ce cadre, et en tenant compte de la disparition du principal concurrent potentiel susceptible d'assurer un développement des attaches pré-montables (à savoir Delachaux, qui complète sa gamme d'attaches via le rachat de Pandrol et ne devrait par conséquent plus avoir d'intérêt à poursuivre le développement des attaches sous brevet C8), il apparaît que l'entrée d'un concurrent potentiel sur le marché et/ou le développement des concurrents résiduels sur le segment des attaches pré-montables paraît peu probable à court terme.
Le passage de trois opérateurs à deux sur un marché d'appel d'offres caractérisé par de fortes barrières à l'entrée, c'est-à-dire par une faible probabilité d'entrée d'un nouveau concurrent, fait peser le risque d'un relèvement marqué des prix, en conséquence d'une hausse du pouvoir de marché. En effet, sur ce type de marché, la concurrence est animée par le nombre de soumissionnaires crédibles, susceptibles de répondre à une demande en partie captive. Il s'en conclut que l'opération est de nature à restreindre de manière significative la concurrence sur ce marché.
Dans ce contexte, Delachaux SA s'est engagé dans un courrier en date du 1er octobre, annexé à la présente décision et qui en fait partie intégrante, à :
- accorder, dans un délai de 12 mois à compter de la notification de la décision ministérielle, une licence sans limitation de durée et exclusive d'exploitation d'un brevet portant sur un dispositif de fixation de chemin de fer pré-montable dénommé " système C8 " enregistré à l'INPI sous le numéro 94 00642, déposé le 21 janvier 1994 et délivré le 12 avril 1998.
- à défaut de réalisation de l'engagement dans le délai précité, à cesser de payer les redevances annuelles de maintien en vigueur dudit brevet afin de faire tomber dans le domaine public le brevet dans un délai maximum de 9 mois supplémentaires.
La cession de la licence C8, ou le fait qu'elle tombe dans le domaine public, sera de nature à accélérer l'accès des concurrents potentiels à la technologie pré-montable, et par conséquent à favoriser le développement de concurrents potentiels sur l'ensemble de la gamme à horizon de 5 ans.
Le développement d'une concurrence potentielle pourrait en outre être stimulé par les gestionnaires de réseaux nationaux, qui représentent une partie substantielle de la demande d'attaches de rail. Par leur puissance d'achat, ceux-ci sont probablement susceptibles de maintenir une pression concurrentielle ou de faire naître une offre alternative sur le segment des attaches brevetées, à partir du moment où la barrière à l'entrée constituée par le brevet tombe. Par exemple, la SNCF a obtenu de Pandrol que ce dernier accorde gracieusement une licence à un tiers, après [...] millions d'unités livrées.
En conclusion, la concurrence potentielle stimulée par l'engagement de Delachaux SA et par la puissance de la demande permet d'écarter le risque de relèvement des prix sur un marché oligopolistique non collusif.
Le risque de création d'une position dominante collective entre Vossloh et la nouvelle entité peut également être écarté. Tout d'abord, le système des appels d'offre ne permet pas un monitoring précis des conditions offertes par les concurrents et les offres reposent sur des systèmes de remise de volume complexes. Les produits sur le marché sont relativement différenciés, entre les attaches plates, les attaches filaires, les attaches classiques et les attaches prémontables. Chacune de ces attaches présente des coûts unitaires différents, mais aussi, par la suite, des coûts de pose et de maintenance différents. Le client effectue un arbitrage entre ces différentes attaches en prenant en compte l'ensemble de ces paramètres. Cette relative hétérogénéité des produits contribue également à rendre le monitoring du marché délicat et ne permet pas de détecter aisément une déviation d'un membre de l'oligopole de l'équilibre collusif.
Ensuite, pour qu'un oligopole collusif puisse fonctionner, il convient d'être en mesure d'exercer des rétorsions efficaces contre un membre de l'oligopole qui dévierait de l'équilibre. Ces rétorsions sont d'autant plus efficaces qu'elles sont susceptibles d'intervenir rapidement, compte tenu de la moindre valorisation d'une perte future par rapport à la perspective d'un gain immédiat. Or, les marchés se caractérisent par une relative inertie, les contrats portant en général sur des durées assez longues, de l'ordre de cinq ans. Cette circonstance rend la probabilité de pouvoir exercer des représailles efficaces plus faible.
Enfin, les opérateurs non membres de l'oligopole, clients ou concurrents, ne doivent pas être en mesure de remettre en cause l'équilibre collusif prévalant au sein de celui-ci. Il ressort de l'instruction du dossier que les gestionnaires de réseaux ferroviaires nationaux disposent d'une puissance de négociation non négligeable. On relève à cet égard que, confrontée à un monopole en France dans les années 80, la SNCF a fait émerger un nouvel opérateur, Promorail (racheté par la suite par Pandrol), qui a connu une croissance très rapide.
On peut certes faire valoir que les exigences de sécurité sont très élevées et que chaque fournisseur d'attache doit être agréé, à l'issue de tests sur voie, pour pouvoir fournir un opérateur ferroviaire. Mais cette barrière n'apparaît pas dirimante, à tout le moins pour un opérateur européen disposant déjà de références sérieuses (14). Le test de marché a confirmé ce point, plusieurs opérateurs implantés en Europe mais non en France ayant indiqué qu'ils n'auraient pas de difficultés à répondre à une demande émanant d'opérateurs français, à partir du moment où les volumes demandés sont suffisamment significatifs. De même, un opérateur actif sur le marché des ressorts pour automobiles, techniquement proche du marché des attaches de rails, a indiqué qu'il serait susceptible d'entrer sur le marché, à la condition toutefois d'être assuré de disposer des volumes suffisants pour garantir son retour sur investissement.
Il s'en conclut que, aucune des trois conditions cumulatives posées par la jurisprudence n'étant remplie, l'opération n'est pas susceptible de créer une position dominante collective sur le marché des attaches de rails, quelle que soit la dimension géographique retenue.
Toutefois, compte tenu des spécificités susmentionnées de la demande émanant des clients français, notamment concernant les attaches de rail de type NABLA, il n'a pu être exclu, à l'issue de la première phase d'instruction, qu'il existe un marché français des attaches de type NABLA. Dans une telle hypothèse, l'opération aurait pour conséquence la constitution d'un monopole, les parties étant les deux seuls opérateurs fournissant ce type d'attache en France. Il ressort des éléments d'analyse développés ci-dessus que cette situation monopolistique ne serait pas contestable, au moins à court terme, et ce en dépit de l'engagement souscrit par les parties le 1er octobre 2003, relatif à la licence du système C8. Dès lors, SNCF/RFF serait le seul client français des parties à disposer d'un pouvoir de négociation à même de compenser l'accroissement de pouvoir de marché de la nouvelle entité à la suite de l'opération, les autres clients français ne disposant pas d'une puissance d'achat suffisante.
Pour remédier à ce problème, les parties ont souscrit, par télécopie en date du 22 octobre 2003, un engagement de non-discrimination, visant à faire bénéficier les clients français des parties, pour les attaches de rail de type NABLA, du pouvoir de négociation de SNCF/RFF pour les [...] années à venir.
Un tel engagement comportemental, dont les modalités sont décrites dans la télécopie en date du 22 octobre 2003, annexée à la présente décision et qui en fait partie intégrante apparaît adapté au cas très particulier de l'espèce, et est comparable au dispositif retenu, dans une configuration de marché similaire (15), par la Commission européenne.
Enfin, à horizon temporel de [...], comme cela a été développé supra, l'évolution de la structure de l'offre au niveau européen sera de nature à remettre en question la position monopolistique de la nouvelle entité sur un éventuel marché français des attaches de rail de type NABLA.
En conclusion, considérant les engagements pris par les parties qui sont annexés à la présente décision et en constituent partie intégrante, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe par conséquent que j'autorise cette opération.
(1) Secteur sur lequel Delachaux est présent via, notamment, ses filiales STEDEF (France), SUFRETA/TRANOSA (Espagne), CSA (Italie) et Railtech STEDEF International (Thaïlande).
(2) Telles que la SNCF en France (pour son compte, ou au nom et pour le compte de RFF) ou les entreprises de voies au Royaume-Uni telles que Balfour Beatty, Jarvis et Carillion par délégation de Network Rail au Royaume-Uni.
(3) Dans sa décision du 6 octobre 1998 n° M.1259 Voest Alpine Stahl / Vossloh / VAE.
(4) Dans sa décision du 11 septembre 2002 Vossloh AG / Cogifer (publiée au BOCCRF du 31 mars 2003).
(5) A titre d'illustration, la vente d'attaches seules représente près de [...] % du chiffre d'affaires réalisé dans l'EEE par Delachaux.
(6) Les parties soulignent ainsi " qu'il faut préciser que la SNCF achète généralement séparément les différents produits composant le système de fixation des rails (attaches, tire-fond, butée...) auprès de fournisseurs différents et procède elle-même à leur assemblage. Les opérateurs d'autres réseaux ferroviaires nationaux tant dans l'EEE qu'en dehors de l'EEE font de même et procèdent à des achats directs de composants auprès des fabricants, sans passer nécessairement par les fabricants d'attaches ".
(7) Les parties à l'opération, qui ne maîtrisent pas ces différents métiers, ne fabriquent pas l'ensemble des éléments composant le système de fixation.
(8) On trouve en effet sur le marché (i) des attaches rigides et (ii) des attaches souples (apparues plus récemment). Au sein des attaches souples, il existe également les attaches plates (ou à lames) et les attaches rondes (ou à fil). La partie notifiante souligne d'ailleurs que les entités gestionnaires des réseaux ferrés des différents pays européens n'utilisent pas tous les mêmes produits, la SNCF serait ainsi la seule à utiliser des attaches à lames.
(9) On trouve essentiellement des attaches vissées, qui composent les systèmes génériques (ces attaches sont majoritairement non brevetées ou leur brevet est tombé dans le domaine public) et des attaches clipsées (non vissées), brevetées, et présentant l'avantage d'être pré-montables, qui sont apparues sur le marché depuis environ une quinzaine d'années. Ces dernières permettent de fixer l'attache sur la traverse dans l'usine avant la livraison, ce qui simplifie la pose et réduit les coûts de main-d'ouvre sur voie.
(10) Ainsi, lors de l'entretien des voies, il convient de remplacer une attache par une autre du même type.
(11) L'autorité espagnole estime ainsi que les conditions de concurrence sont homogènes au niveau européen : " el áambito geográfico donde las condiciones de competencia son más homogéneas es el EEE ya que todavía existen diferencias con respecto a la calidad de los productos ofrecidos por los países terceros ". La Commission européenne, pour sa part, n'a pas tranché cette question de manière définitive.
(12) Parmi les différents concurrents implantés hors de l'EEE, aucun n'est entré mis à part Kumar, un concurrent indien (au Royaume-Uni), qui ne détient, à ce jour, qu'une proportion très infime du marché.
(13) On peut noter à cet égard que l'autorité britannique ne tranche pas de manière définitive la question de la délimitation géographique du marché : " the relevant geographic focus is narrower than global although n° firm conclusion has been reached on whether the relevant frame of reference in this case is the EEA or UK. The impact of the merger on the relevant geographic areas is considered under the horizontal issues section of this paper ".
(14) Cette barrière est vraisemblablement plus importante pour un opérateur non communautaire, même si on relève l'entrée récente d'un opérateur indien en Grande-Bretagne.
(15) Cf. décision de la Commission du 25 novembre 1998 dans l'affaire M. 1225 - Enso/Stora.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
ENGAGEMENTS SOUSCRITS DANS LE CADRE DE L'OPÉRATION DE CONCENTRATION DELACHAUX/PANDROL
Licence d'un brevet portant sur l'exploitation d'un dispositif de fixation pour rail de chemin de fer pré-montable
1. Périmètre de l'engagement
Afin de garantir une concurrence effective sur le marché relatif aux attaches de rails en Europe, Delachaux SA s'engage à accorder une licence exclusive d'exploitation d'un brevet portant sur un dispositif de fixation pour rail de chemin de fer pré-montable dénommé " système C 8 " enregistré à l'INPI sous le numéro 94 00642 déposé le 21 janvier 1994 et délivré le 12 avril 1998.
2. Conditions de l'engagement
Le licencié devra être une société juridiquement et économiquement indépendante de Delachaux SA et du groupe auquel elle appartient, viable, capable d'exploiter durablement et de développer ledit système. Le licencié disposera notamment des ressources financières suffisantes pour développer le système sous licence en Europe et devra être actif sur le marché relatif aux attaches de rail en Europe ou potentiellement capable d'y entrer, pour lui permettre d'exercer une concurrence active, effective et rapide sur ledit marché. L'octroi de la licence à cet opérateur ne devra pas soulever un nouveau problème de concurrence.
Le licencié sera libre du choix et des modalités de son approvisionnement pour l'ensemble des produits composant le système concerné par la licence.
La licence sera accordée pour la durée du brevet.
Le projet global de concession de licence sera soumis à l'accord préalable du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
Ce projet comprendra notamment l'identité du licencié, les informations nécessaires pour permettre au ministre de vérifier que l'opérateur proposé remplit les conditions susmentionnées, ainsi que le projet de contrat de licence d'exploitation qu'il entend conclure avec celui-ci afin que le ministre puisse en vérifier la compatibilité avec les conditions d'indépendance et de concurrence effective exigées.
En cas de changement de contrôle du licencié au bénéfice d'une société ou d'un groupe dans lequel une société a une activité dans le domaine des dispositifs de fixation de rails pour chemin de fer pré-montables, la licence sera résiliable au choix de Delachaux SA. Delachaux SA s'engage à en informer le ministre et à proposer, dans les meilleurs délais, à son agrément un nouveau licencié.
Delachaux SA s'engage à accorder une licence d'exploitation du brevet portant sur le dispositif de fixation pour rail de chemin de fer pré-montable dénommé " système C 8 " dans le délai de 12 mois à compter de la notification de la décision d'autorisation de l'opération. A défaut de réalisation de l'engagement dans le délai précité, Delachaux SA s'engage à cesser de payer les redevances annuelles de maintien en vigueur dudit brevet et à en justifier auprès des services compétents de la DGCCRF, afin de faire tomber dans le domaine public le brevet dans un délai de 9 mois supplémentaires.
Delachaux SA rendra compte aux services compétents de la DGCCRF de la mise en œuvre de l'ensemble du dispositif d'engagement sur une base trimestrielle à compter de la notification de la décision d'autorisation.
Engagement de non-discrimination
Delachaux prend l'engagement ci-après afin que l'opération soit approuvée.
Avant le 31 décembre 2003, Delachaux enverra une lettre à chacun des clients qui sont actuellement les " Clients Concernés " tels que définis ci-dessous, qui comportera les éléments ci-dessous.
Lettre d'engagement
1. Cet engagement a pour objet de lier Delachaux et de créer à sa charge des obligations vis-à-vis des clients situés en France autres que le client le plus important (ci-après les " clients concernés ").
2. Cet engagement n'affecte pas les droits contractuels existants dont le client concerné peut se prévaloir.
3. Cet engagement n'a pas pour effet d'imposer des obligations à la charge du client concerné.
4. Cet engagement n'affecte pas les autres aspects de la relation commerciale que Delachaux SA et le client concerné seront libres de négocier entre eux.
5. Cet engagement est pris par anticipation et est conditionné à la réalisation de l'acquisition par Delachaux du groupe Pandrol ; il liera la nouvelle entité.
6. Les attaches de rails couvertes par l'engagement sont les attaches de rails de type Nabla achetées par des clients situés en France.
7. Dans le cadre du présent engagement, le terme " réduction de prix " couvre toute réduction du prix moyen par unité résultant soit d'une réduction du prix unitaire, soit d'une augmentation du taux de remise, soit d'une diminution du taux de majoration, soit d'une variation du volume d'attaches à partir duquel un client a droit à une remise donnée ou supporte une majoration.
De même, le terme " augmentation de prix " couvre toute augmentation de prix moyen par unité résultant soit d'une augmentation du prix unitaire, soit d'un abaissement du taux de remise, soit d'une hausse du taux de majoration, soit d'une augmentation du volume d'attaches à partir duquel un client a droit à une remise donnée ou supporte une majoration.
Le " client le plus important " est le client situé en France qui, au cours d'une année civile, achète la plus grande quantité d'attaches de rails (vendues séparément ou au sein d'un système de fixation) auprès de la nouvelle entité.
8. Sous réserve de ce qui précède, Delachaux prend l'engagement suivant :
a) Pendant une période de [...] ans à compter de la date d'autorisation de l'opération, en l'absence de justifications objectives de coûts variables (ci-après : " justifications objectives ") et/ou sous réserve d'une marge de tolérance déterminée ci-dessous :
i) Toute augmentation de prix, en pourcentage, appliquée au client concerné par rapport au prix pratiqué à son égard l'année civile précédente en ce qui concerne les attaches de rails de type Nabla n'excédera pas l'augmentation de prix, en pourcentage, appliquée au client le plus important pour l'ensemble des attaches achetées auprès de la nouvelle entité par rapport au prix pratiqué à son égard l'année civile précédente ;
ii) Toute réduction de prix, en pourcentage, appliquée au client concerné par rapport au prix pratiqué à son égard l'année civile précédente en ce qui concerne les attaches de rails de type Nabla ne sera pas inférieure à la réduction de prix, en pourcentage, appliquée au client le plus important pour l'ensemble des attaches achetées auprès de la nouvelle entité par rapport au prix pratiqué l'année civile précédente.
b) L'engagement figurant au a concerne le prix moyen par unité.
c) A l'issue de chaque année civile, un commissaire aux comptes indépendant agréé par le ministre vérifiera que la nouvelle entité s'est pleinement conformée aux obligations stipulées au a ci-dessus en ce qui concerne les prix pratiqués à l'égard des clients concernés. Cette vérification sera faite sur la base du texte complet de l'engagement souscrit auprès du ministre de l'Economie. Le client concerné recevra le 31 mai de chaque année une copie des conclusions du rapport du commissaire aux comptes pour ce qui concerne les prix pratiqués à son égard.
Le premier rapport du commissaire aux comptes couvrira la période allant de la date de la décision d'autorisation de l'opération du ministre de l'Economie au 31 décembre 2004 ; le client concerné recevra, le 31 mai 2005, une copie des conclusions de ce premier rapport pour ce qui concerne les prix pratiqués à son égard.
d) Dans l'hypothèse où le commissaire aux comptes constaterait que les prix pratiqués à l'égard du client concerné au cours d'une année donnée ont été plus élevés que ce qui est permis conformément au a ci-dessus, Delachaux devra restituer le montant concerné au client concerné dans le délai d'un mois.
e) Tout différend relatif à l'exécution de ces obligations devra être réglé par un arbitre indépendant désigné d'un commun accord par Delachaux et le client concerné.