CJCE, 8 juillet 1975, n° 4-75
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Rewe-Zentralfinanz eGmbH
Défendeur :
Landwirtschaftskammer.
LA COUR,
1. Attendu que, par ordonnance du 24 octobre 1974, parvenue au greffe de la Cour le 13 janvier 1975, le Verwaltungsgericht de Cologne a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, des questions relatives à l'interpretation des articles 30 et 36 du traité instituant la communauté économique européenne, relatifs à la libre circulation des marchandises ;
Que ces questions ont été soulevées, au cours d'un litige porté devant cette juridiction, au sujet de l'admissibilité au regard du traité CEE de contrôles phytosanitaires à la frontière appliqués par un Etat membre aux importations de pommes provenant d'un autre Etat membre ;
2. Attendu que, par la première question, il est demandé si les contrôles phytosanitaires à la frontière, auxquels sont obligatoirement assujetties les importations de produits végétaux, telles les pommes, en provenance d'un autre Etat membre, sont à considérer comme des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation, au sens de l'article 30 du traité CEE ;
Que les deuxième et troisième questions tendent essentiellement à savoir si de tels contrôles peuvent se justifier en vertu de l'article 36 du traité CEE, après la mise en application de la directive 69-466 du conseil du 8 décembre 1969, concernant la lutte contre le pou de San- José, et si, en ce qui concerne notamment les importations de pommes, ils constituent " un moyen de discrimination arbitraire ", au sens de l'article 36 précité, du fait que les produits nationaux similaires ne sont pas soumis à des contrôles obligatoires aux fins de leur mise en circulation à l'intérieur du pays ; qu'en raison des liens existant entre ces questions, il convient de les examiner conjointement ;
3. Attendu que l'article 30 du traité prohibe les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent entre Etats membres ; qu'aux fins de cette interdiction, il suffit que les mesures en question soient aptes à entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations entre Etats membres ;
Que, conformément à l'article 2, paragraphe 2, de la directive 70-50-CEE de la commission du 22 décembre 1969 (JO 1970, n° l 13, p. 29), relèvent des mesures d'effet équivalent celles qui subordonnent l'importation à une condition requise pour les seuls produits importés ou à une condition différente et plus difficile à satisfaire que celle requise pour les produits nationaux ;
4. Qu'il ressort des questions posées que les contrôles phytosanitaires dont il s'agit ne portent que sur les importations de produits végétaux, les produits nationaux similaires, tels que les pommes, n'étant pas obligatoirement soumis à des contrôles comparables, aux fins de leur mise en circulation ; que ces contrôles se traduisent donc par une condition réservée aux seuls produits importés, au sens de l'article 2, paragraphe 2, de la directive précitée ; qu'en outre, en raison notamment des délais inhérents aux opérations de contrôle et des frais de transport supplémentaires qui peuvent en découler pour l'importateur, les contrôles en question sont susceptibles de rendre les importations plus difficiles ou plus onéreuses ;
5. Qu'il s'ensuit que les contrôles phytosanitaires à la frontière auxquels sont soumis obligatoirement les produits végétaux, tels que les pommes, provenant d'un autre Etat membre, constituent des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives au sens de l'article 30 du traité, interdites par cette disposition, sous réserve des exceptions prévues par le droit communautaire ;
6. Attendu qu'en vertu de l'article 36, première phrase du traité, les dispositions des articles 30 à 34 du traité ne font pas obstacle aux restrictions d'importation et, par conséquent, aux mesures d'effet équivalent, justifiées par des raisons de préservation des végétaux ;
Que la directive 69-466-CEE du conseil du 8 décembre 1969 (JO 1969, n° l 323, p. 5), concernant le pou de San-José, arrête un ensemble de dispositions communes à tous les Etats membres de la communauté ; que le but de cette directive est d'instituer des mesures minimales communes à tous les Etats membres, permettant de combattre " simultanément et méthodiquement " certains organismes nuisibles dans l'ensemble de la communauté et d'éviter leur propagation ; qu'en même temps, la directive, prise en vertu des articles 43 et 100 du traité, s'inscrit dans les mesures destinées à éliminer les obstacles à la libre circulation des produits agricoles à l'intérieur de la communauté ;
7. Qu'il ressort, cependant, de son 4e considérant, que les mesures prescrites tendent à compléter, et non à remplacer, les mesures de protection contre l'introduction d'organismes nuisibles dans chaque Etat membre ; que l'article 11, en autorisant ces états à arrêter, dans la mesure nécessaire, des dispositions supplémentaires concernant la lutte contre le pou de San- José ou la prévention de sa propagation, leur réserve la faculté de maintenir de telles mesures, pour autant que nécessaire ; qu'au stade actuel de la réglementation communautaire en la matière, le contrôle phytosanitaire exercé par un Etat membre lors de l'importation de produits végétaux appartient, en principe, aux restrictions d'importation qui sont justifiées au regard de l'article 36, première phrase, du traité ;
8. Attendu, cependant, qu'une restriction à l'importation visée par la première phrase de l'article 36 ne saurait être admise, en vertu de la deuxième phrase de cet article, si elle constitue un moyen de discrimination arbitraire ;
Que le fait de soumettre les produits végétaux importés d'un autre Etat membre à un contrôle phytosanitaire, dès lors que les produits nationaux ne sont pas soumis à un contrôle équivalent, en cas d'expédition à l'intérieur de l'Etat membre, pourrait constituer une discrimination arbitraire au sens de la disposition précitée ; qu'ainsi l'application de contrôles phytosanitaires aux produits importés, dont il serait établi qu'ils proviennent de zones autres que celles indiquées par l'article 3 de la directive 69-466-CEE du conseil, peut constituer une mesure supplémentaire ou plus rigoureuse non justifiée par l'article 11 de cette directive et devrait être considérée comme une mesure de discrimination arbitraire au sens de l'article 36, deuxième phrase, du traité ; qu'un traitement différentiel des produits importés et nationaux, motivé par la nécessité de prévenir la propagation de l'organisme nuisible, ne saurait, cependant, être considéré comme une discrimination arbitraire, si des mesures efficaces sont prises pour prévenir la mise en circulation de produits nationaux contaminés, et s'il y a des raisons de croire, notamment sur la base de l'expérience acquise, qu'un risque de propagation de l'organisme nuisible existe en l'absence de contrôles à l'importation ;
9. Attendu qu'il y a donc lieu de répondre aux questions posées que l'obligation de soumettre les importations de produits végétaux, tels que les pommes, provenant d'un autre Etat membre, à un contrôle phytosanitaire à la frontière, visant à établir si ces produits sont porteurs de certains organismes nuisibles aux plantes, constitue une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, au sens de l'article 30 du traité, interdites par cette disposition, sous réserve des dérogations prévues à l'article 36 du traité ;
Que les dispositions supplémentaires ou plus rigoureuses nécessaires, au sens de l'article 11 de la directive 69-466-CEE du conseil du 8 décembre 1969, pour la lutte et la prévention contre le pou de San-José, permettent aux Etats membres d'effectuer des contrôles phytosanitaires sur les produits importés si des mesures efficaces sont prises pour prévenir la mise en circulation de produits nationaux contaminés, et s'il y a des raisons de croire, notamment sur la base de l'expérience acquise, qu'un risque de propagation de l'organisme nuisible existe en l'absence de contrôles à l'importation ;
Sur les dépens
10. Attendu que les frais exposés par la République Fédérale d'Allemagne et par la commission des CE, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement ;
Que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant sur la question à elle soumise par le Verwaltungsgericht de Cologne par ordonnance du 24 octobre 1974, dit pour droit :
1°) l'obligation de soumettre les importations de produits végétaux, tels que les pommes, provenant d'un autre Etat membre, à un contrôle phytosanitaire à la frontière, visant à établir si ces produits sont porteurs de certains organismes nuisibles aux plantes, constitue une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, au sens de l'article 30 du traité, interdites par cette disposition, sous réserve des dérogations prévues à l'article 36 du traité ;
2°) les dispositions supplémentaires ou plus rigoureuses nécessaires, au sens de l'article 11 de la directive 69-466-CEE du conseil du 8 décembre 1969, pour la lutte et la prévention contre le pou de San-José, permettent aux Etats membres d'effectuer des contrôles phytosanitaires sur les produits importés si des mesures efficaces sont prises pour prévenir la mise en circulation de produits nationaux contaminés, et s'il y a des raisons de croire, notamment sur la base de l'expérience acquise, qu'un risque de propagation de l'organisme nuisible existe en l'absence de contrôles à l'importation.