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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 11 janvier 2005, n° ECOC0500080X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association Architecture et commande publique, Conseil régional de l'ordre des architectes d'Aquitaine

Défendeur :

Soupre, Oxandabaratz, Atelier d'architecture Argia Oxandabaratz (EURL), Atelier d'architectes et d'économie Duhourceau-Vernet-Cillaire (Sté), Hébrard et Lacassagne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carré-Pierrat

Conseillers :

M. Le Dauphin, Mme Mouillard

Avoués :

Me Teytaud, SCP Bourdais-Virenque-Oudinot

Avocats :

Mes Laederich, Martin

CA Paris n° ECOC0500080X

11 janvier 2005

Par lettre du 4 juillet 2001, à laquelle était joint le rapport d'enquête relatif aux montants des honoraires d'architecte dans les marchés de maîtrise d'œuvre en Aquitaine établi le 24 novembre 2000 par la brigade interrégionale d'enquêtes de Bordeaux, le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le domaine des honoraires d'architecte lors de la passation de marchés de maîtrise d'œuvre en Aquitaine.

Il était indiqué, par ladite lettre, qu'il ressort de l'examen des pratiques relevées lors de l'enquête que le conseil régional de l'ordre des architectes d'Aquitaine (ci-après le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine) et l'association Architecture & commande publique, laquelle regroupe le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine, deux syndicats professionnels et des architectes indépendants, sont intervenus dans la presse professionnelle et ont exercé des pressions auprès des collectivités territoriales afin qu'elles renoncent à une mise en concurrence sur les honoraires et que ces actions ont eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence sur les marchés considérés.

Le 17 octobre 2003, il a été fait grief :

- au conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et à l'association Architecture & commande publique d'être intervenus directement ou indirectement auprès de maîtres d'ouvrage aux fins de modification de la procédure de passation des marchés de maîtrise d'œuvre, d'avoir, également, appelé à boycotter ces procédures en cas de mise en concurrence sur honoraires et d'avoir, en outre, mis en œuvre des actions directes de boycott de certaines de ces procédures ;

- à la SARL Atelier d'architectes et d'économie Duhourceau-Vernet-Cillaire et aux cabinets d'architecture Soupre et Hébrard et Lassagne ainsi qu'à l'atelier d'architecture Argia Oxandabaratz de s'être livrés à des pratiques de boycott, la notification des griefs précisant que, dans les deux cas, il s'agit de pratiques qui ont eu pour objet ou pour effet de fausser ou de limiter le jeu normal de la concurrence et qui sont constitutives d'une entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Par décision n° 04-D-25 du 23 juin, prononcée après que la Présidente du Conseil de la concurrence eut décidé, en application des dispositions de l'article L. 463-3 du Code de commerce, que l'affaire serait jugée sans l'établissement préalable d'un rapport, le Conseil de la concurrence a :

- dit qu'il n'est pas établi que la société atelier d'architectes et d'économie Duhourceau-Vernet-Cillaire, le cabinet d'architecture Olivier Soupre, l'atelier d'architecture Argia Oxandabaratz et le cabinet d'architecture Hébrard et Lacassagne ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

- dit qu'il est établi que le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture & commande publique ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

- infligé :

- une sanction pécuniaire de 10 000 euro au conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine ;

- une sanction pécuniaire de 2 000 euro à l'association Architecture & commande publique ;

- dit que dans un délai de trois mois à compter de sa notification, le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture & commande publique feront publier, aux frais du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine, la partie de la décision susvisée précisée au dispositif de ladite décision dans une édition de la revue Le Moniteur des travaux publics,

LA COUR :

Vu la déclaration de recours du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine en date du 11 mai 2004 ;

Vu la déclaration de recours de l'association Architecture & commande publique en date du 11 mai 2004 ;

Vu le recours incident en date du 16 août 2004 par lequel le ministre chargé de l'Economie demande à la cour de réformer la décision déférée en ce qu'elle écarte le grief d'entente notifié aux cabinets d'architectes Duhourceau-Vernet-Cillaire, Olivier Soupre, Argia Oxandabaratz et Hébrard et Lacassagne ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens, en date du 30 août 2004, par lequel le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine demande à la cour :

- à titre principal, d'annuler la décision déférée ;

- de dire qu'il n'y pas lieu de le sanctionner ;

- à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée ;

- de lui allouer la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens en date du 30 août 2004, par lequel l'association Architecture & commande publique demande à la cour :

- à titre principal, d'annuler la décision déférée ;

- de dire qu'il n'y pas lieu de la sanctionner ;

- à titre subsidiaire, de réformer la décision déférée ;

- de lui allouer la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance en date du 31 août 2004 par laquelle le magistrat délégué du premier Président de la Cour d'appel de Paris a ordonné la jonction des instances nées des recours susvisés ;

Vu les observations déposées le 15 juillet 2004 par le ministre chargé de l'Economie sur les recours du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et de l'association Architecture & commande publique, tendant au rejet desdits recours ;

Vu la lettre du 15 octobre 2004 par laquelle le président du Conseil de la concurrence a fait savoir que le conseil n'entendait pas user, en l'espèce, de la faculté de présenter des observations qui lui est ouverte par l'article 9 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 ;

Vu les mémoires en réplique déposés le 28 octobre 2004 par le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et par l'association Architecture & commande publique ;

Vu le mémoire en réplique au recours incident, déposé le 4 novembre 2004 par M. Olivier Soupre, tendant au rejet de ce recours et à la condamnation du ministre chargé de l'Economie au paiement de la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire en réplique au recours incident, déposé le 5 novembre 2004 par l'EURL Atelier d'architecture Argia Oxandabaratz et par Mme Argia Oxandabaratz, tendant au rejet de ce recours, à la mise hors de cause de Mme Oxandabaratz et à la condamnation du ministre chargé de l'Economie au paiement de la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire en réplique au recours incident, déposé le 8 novembre 2004 par la société Atelier d'architectes et d'économie Duhourceau-Vernet-Cillaire et par MM. Hébrard et Lacassagne, architectes, tendant au rejet de ce recours et à la condamnation solidaire du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et de l'Etat au paiement de la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du représentant du Ministère public, préalablement mises à la disposition des parties, tendant au rejet des recours, tant principal qu'incident, et les requérants ayant eu la parole en dernier ;

Sur ce :

Sur les recours principaux :

Considérant que selon les dispositions du Code des marchés publics, dans sa rédaction antérieure au 10 septembre 2001 (l'ancien Code des marchés publics), applicable aux pratiques en cause, lesquelles se rapportent à la période 1999-2000, les marchés de maîtrise d'œuvre - qui ont pour objet, selon l'article 107 du Code susvisé, "d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme défini par le maître de l'ouvrage"- sont, quel que soit le montant des honoraires alloués au maître d'œuvre, des marchés négociés, la procédure étant dite négociée, selon l'article 103, lorsque la personne responsable du marché engage librement les discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats de son choix et attribue le marché au candidat qu'elle a retenu ;

Considérant qu'aux termes des dispositions des alinéas 2, 3 et 4 des articles 108 bis et 314 bis de l'ancien Code des marchés publics, respectivement applicables aux marchés de l'Etat et à ceux des collectivités locales :

"Le marché est passé après mise en compétition sous réserve des dispositions de l'article 104. Il est précédé par un avis d'appel public à concurrence dans les conditions prévues à l'article 108.

"Lorsque le montant estimé du marché est inférieur ou égal à un premier seuil fixé par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'Economie et des Finances et du ministre chargé de l'Equipement, la mise en compétition des candidats peut être limitée à l'examen de leur compétence et des moyens dont ils disposent. Le marché est ensuite librement négocié.

"Lorsque le montant estimé du marché est supérieur à ce premier seuil et inférieur ou égal à un deuxième seuil fixé par l'arrêté prévu à l'alinéa précédent, la mise en compétition peut être limitée à l'examen des compétences des références et des moyens des candidats. Le candidat à retenir est choisi par la personne responsable du marché après avis d'une commission composée comme le jury prévu à l'article 108 ter (314 ter). Le marché est ensuite librement négocié.";

Considérant que le seuil fixé au troisième alinéa des articles 108 bis et 314 bis de l'ancien Code des marchés publics était de 450 000 F ; que le quatrième alinéa de ces textes visait les marchés dont le montant estimé se situait entre 450 000 F et 1 300 000 F ; que la commission prévue par cet alinéa comportait au moins un tiers de maîtres d'œuvre compétents eu égard à l'ouvrage à réaliser et à la nature des prestations à fournir au titre du marché de maîtrise d'œuvre ;

Considérant que lorsque le montant estimé du marché était supérieur à 1 300 000 F, les mêmes textes organisaient une compétition appelée concours d'architecture et d'ingénierie, comportant une remise des prestations ;

Considérant qu'ainsi que le relève exactement la décision déférée, il résulte de ces dispositions que si l'acheteur public pouvait, s'agissant des marchés d'un montant estimé inférieur ou égal à 450 000 F et de ceux d'un montant estimé compris entre 450 000 F et 1 300 000 F, limiter son examen à la compétence des soumissionnaires et à leurs moyens dans le premier cas, à leur compétence, leurs références et leurs moyens dans le second cas, il ne s'agissait que d'une faculté visant à simplifier l'appel d'offres ; qu'il était loisible au maître d'ouvrage de se faire remettre des propositions d'honoraires par des candidats dont il aurait arrêté la liste ou de recourir à d'autres critères au stade de la sélection des candidats ;

Considérant cependant que le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine a, en octobre 1999, diffusé auprès de ses membres un document intitulé "La profession d'architecte refuse les consultations "sur honoraires" (marché publics de maîtrise d'œuvre)", où, après avoir rappelé que la pratique des consultations sur honoraires se développait pour les marchés publics de maîtrise d'œuvre inférieurs à 1,3 MF HT, le maître d'ouvrage demandant aux candidats, en plus des références, des compétences et des moyens, de fournir une proposition d'honoraires dont il faisait, la plupart du temps, un critère de sélection, le conseil de l'ordre écrivait, en caractères gras : "Les architectes ne refusent pas d'être mis en concurrence. Ils refusent la mise en compétition à partir des propositions de rémunération. Ils sont déjà mis en concurrence sur compétences, références et moyens.";

Que, dans un document concomitant ou postérieur au mois d'août 1999 émanant du conseil d'administration de l'association Architecture & commande publique, intitulé "Note aux architectes jurés confrontés à la sélection sur honoraires", il est dit : "La proposition de rémunération ne doit plus être demandée à ce stade [celui de la sélection des candidats], et si elle l'est encore, il faut intervenir pour qu'elle ne constitue plus un critère de sélection. Aux maîtres d'ouvrage qui la souhaitent "à titre indicatif", il faut exiger que la proposition d'honoraires ne soit ouverte qu'après le choix de la commission", la note se terminant par ces mots : "Nous comptons sur vous";

Que, dans le numéro 22, daté du mois de mars 2000 du journal des architectes d'Aquitaine, on lit sous le titre Architecture & commande publique et le sous-titre "Note à l'intention des architectes jurés", la directive suivante, relative aux marchés de maîtrise d'œuvre sans concours d'architecture : "Si le maître d'ouvrage campe sur une position extrême (consultation sur honoraires), et insiste pour retenir 3 candidats pour une négociation sur honoraires : les architectes jurés ne participent pas à la fin de la commission, mais doivent rester présents, ne signent pas le PV de réunion, afin de marquer leur désaccord avec cette procédure.";

Considérant que ces documents ont aussi été diffusés auprès des maîtres d'ouvrage publics, comme l'indiquent les requérants (exposé des moyens, p. 3) et comme en témoigne la remise de la note établie en octobre 1999 par le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine à M. Trichet, représentant le Port autonome de Bordeaux, par M. Verneau, coprésident de l'association Architecture & commande publique, à l'issue d'une réunion organisée à la demande de ce dernier le 28 mars 2000 (cote 59 à 61) ;

Considérant que le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture & commande publique se sont, en d'autres occasions, directement prévalus auprès des donneurs d'ordre des collectivités publiques du caractère à leurs yeux illégal de l'inclusion des propositions d'honoraires parmi les critères de choix des architectes candidats à l'attribution d'un marché de maîtrise d'œuvre, la question du montant des honoraires ne devant, selon eux, être abordée que lors de la phase de négociation conduite par le responsable du marché avec le candidat retenu ;

Que c'est ainsi que l'un des coprésidents de l'association Architecture et commande publique a écrit le 7 février 2000 au président de l'office public d'HLM des Pyrénées-Atlantiques organisateur de la procédure de maîtrise d'œuvre pour la construction de logements locatifs à Saint-Pierre-d'Irube, qu'il était "illégal de demander, à ce stade de la consultation, des propositions de taux d'honoraires" (cote 137) et que, lors de la procédure relative au marché de maîtrise d'œuvre pour la réalisation de deux hôpitaux de jour, à Cadillac et à Lormont, la chargée du service juridique du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine est intervenue en février 2000 pour signaler à la personne responsable que la procédure "n'était pas légale" parce que le maître d'ouvrage demandait le montant des honoraires à chacun des architectes retenus (cote 116) ;

Considérant que l'élaboration et la diffusion à l'initiative d'organismes professionnels, représentant la collectivité de leurs membres, de documents destinés à l'ensemble de ceux-ci constitue une action concertée ;

Considérant qu'en l'espèce, loin de se borner à émettre des réserves quant à l'opportunité de la méthode suivie par les collectivités publiques locales lors de la passation des marchés de maîtrise d'œuvre privée, les organismes requérants ont agi sur la base d'une interprétation des textes du Code des marchés publics qui leur est propre, contraire à leur lettre même, dès lors que celle-ci, si elle ne l'impose pas, ouvre à l'acheteur public, ainsi qu'il a été dit, la faculté de recourir à la consultation sur honoraires - en vue de convaincre faussement tant les maîtres d'ouvrage que les architectes, sur lesquels ils ont exercé des pressions allant jusqu'à la diffusion d'une consigne de refus de signature des procès-verbaux de la commission visée au quatrième alinéa des articles 108 bis et 314 bis du Code précité, de l'irrégularité de la prise en considération des propositions de rémunération au stade de la sélection des candidats à l'attribution d'un marché de maîtrise d'œuvre privée d'un montant inférieur à 1,3 MF (HT) ;

Considérant que ces pratiques avaient pour objet de diminuer l'intensité de la concurrence entre les architectes dès lors qu'elles tendaient à obtenir des maîtres d'ouvrage que le critère fondé sur le prix, même estimé, du service rendu soit écarté de la phase de mise en compétition du processus d'attribution des marchés de maîtrise d'œuvre considérés ;

Considérant qu'il est vainement allégué que lesdites pratiques entrent dans les prévisions de l'article L. 420-4 du Code de commerce dès lors, d'une part, qu'elles ne résultent pas de l'application des dispositions réglementaires ci-dessus mentionnées mais prennent au contraire appui sur une interprétation erronée de ces textes et, d'autre part, que leurs auteurs ne rapportent pas la preuve qu'elles satisfont aux conditions visées au 2° du texte précité ; qu'en particulier, il n'est pas justifié que la limitation de la concurrence par les prix entre les cabinets d'architectes à laquelle conduit l'analyse défendue par le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture et commande publique a, en ce domaine, pour effet d'assurer un progrès économique ;

Considérant que le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il n'a pas excédé les limites de sa mission légale en exposant son interprétation des articles 108 bis et 314 bis du Code des marchés publics dès lors qu'il a usé de mesures ayant pour objectif, contre la réglementation en vigueur, de dissuader les membres de la profession qu'il représente d'accepter la remise d'une proposition d'honoraires au stade de la sélection des candidats et qu'il est ainsi sorti des limites de la mission dont il est investi ; que, par identité de motifs, l'association Architecture et commande publique ne saurait utilement faire valoir que l'action qui lui est reprochée est demeurée dans les limites de sa mission statutaire de contribution à l'amélioration des prestations et des procédures de dévolution de la commande publique et para-publique en matière d'architecture ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil de la concurrence a, sans méconnaître les dispositions de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, exactement décidé que l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture et commande publique avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant que les requérants n'articulent aucun moyen visant spécifiquement les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence, conformément au principe de proportionnalité qui leur applicable, en application des dispositions des articles L. 464-2 et L. 464-5 du Code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Considérant qu'il y a lieu de relever, à cet égard, la gravité des pratiques anticoncurrentielles ci-dessus décrites, mises en œuvre par des instances professionnelles dotées de l'autorité morale que confère, au moins en ce qui concerne l'ordre des architectes, l'exercice d'une mission d'intérêt général ;

Qu'au surplus, il résulte des éléments du dossier, et plus spécialement des déclarations du président de l'office départemental d'HLM des Pyrénées-Atlantiques (cotes 139 à 143) et de celles du directeur adjoint des services logistiques du centre hospitalier spécialisé de Cadillac (cotes 116 et 117) que les interventions des requérants ont conduit certains maîtres d'ouvrage publics à reconsidérer la procédure initialement adoptée dans le sens voulu par les organismes professionnels, si même la méthode finalement retenue n'a pas été en tous points conforme à celle préconisée par ceux-ci ;

Considérant, encore, que le conseil de la concurrence a pertinemment estimé qu'il y avait lieu, pour renforcer l'efficacité de la concurrence dans les marchés de maîtrise d'œuvre en Aquitaine, d'ordonner la publication d'une partie de sa décision selon les modalités ci-dessus rappelées ;

Sur le recours incident :

Considérant que le ministre chargé de l'Economie sollicite la réformation de la décision déférée en ce qu'elle n'a pas retenu le grief d'entente notifié à la société Atelier d'architectes et d'économie Duhourceau-Vemet-Cillaire, à MM. Hébrard et Lacassagne, architectes, à M. Soupre, architecte, et à la société Atelier d'architecture Argia Oxandabaratz ;

Que, pour conclure au prononcé de sanctions pécuniaires à l'encontre de ces parties, le ministre chargé de l'Economie fait valoir qu'il résulte des éléments de l'enquête que ces parties ont adhéré et contribué à l'application des instructions de l'ordre des architectes d'Aquitaine et de l'association Architecture & commande publique visant à écarter le critère des honoraires de la procédure de sélection sur le marché que constituait l'appel d'offres émis par la trésorerie principale de Bayonne en vue de l'attribution du marché de maîtrise d'œuvre pour la réinstallation de la trésorerie principale de Bayonne dans le bâtiment de la cité administrative ;

Considérant, sur la procédure, que le Conseil de la concurrence a écarté, comme dénuée de fondement, par des motifs pertinents que la cour fait siens, l'argumentation de M. Olivier Soupre tendant à faire déclarer irrégulière la saisine du conseil par le ministre chargé de l'Economie et irrecevable la notification des griefs adressée au"cabinet d'architecture Soupre"; qu'est par ailleurs sans objet la demande de mise hors de cause de Mlle Argia Oxandabaratz, qui n'était pas partie en cause devant le conseil de la concurrence et qui n'est pas visée par le recours incident du ministre, lequel est dirigé contre la personne morale dont Mlle Oxandabaratz est la gérante ;

Considérant, sur le fond, que la preuve n'est pas rapportée que les entreprises ci-dessus mentionnées ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter d'une manière déterminée sur le marché considéré ;

Considérant, en effet, d'abord, que ce n'est qu'après avoir reçu copie, à l'initiative de l'association Architecture et commande publique, de la lettre adressée le 5 juillet 2000 par celle-ci au directeur de la trésorerie générale des Pyrénées-Atlantiques dans le but d'obtenir du maître d'ouvrage public qu'il renonce à demander une proposition de rémunération aux quatre cabinets d'architectes présélectionnés, que ceux-ci ont, à leur tour, en se référant à ladite lettre, écrit à l'administration, les 24 ou 25 juillet 2000, pour lui demander de bien vouloir procéder au choix de l'un d'eux sur des critères autres qu'une offre chiffrée, ensuite, que la trésorerie générale ayant, en réponse à ces lettres, réaffirmé par télécopie le caractère réglementaire de sa position, les quatre cabinets d'architectes ont fait parvenir leurs propositions d'honoraires dans les jours qui ont suivi ;

Considérant, au demeurant, que le ministre, après avoir relevé, aux termes de ses observations écrites sur les recours principaux, que le comportement de l'ordre n'a pas consisté en de simples recommandations faites aux architectes sur la base de raisons objectives mais bien en de multiples mesures dissuasives mises en œuvre tant auprès des maîtres d'ouvrage que des architectes, s'approprie les motifs par lesquels le conseil de la concurrence relève que trois des architectes mis en cause à l'occasion du marché de la trésorerie principale de Bayonne ont indiqué que "c'est sous la pression de l'association Architecture et commande publique, émanation de l'ordre des architectes d Aquitaine et qui bénéficie à ce titre d'une autorité morale certaine que les quatre architectes dont la candidature a été retenue sont intervenus auprès du maître d'ouvrage public pour lui demander de modifier la procédure d'attribution du marché de maîtrise d'œuvre";

Considérant, en conséquence, que le recours incident ne peut qu'être rejeté ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant qu'il n'y pas lieu de faire application, au titre de la présente instance, des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que les demandes présentées sur ce fondement sont en conséquence rejetées ;

Par ces motifs : Rejette les recours du conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et de l'association Architecture et commande publique ; Rejette le recours incident du ministre chargé de l'Economie ; Rejette les demandes présentées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne le conseil de l'ordre des architectes d'Aquitaine et l'association Architecture et commande publique aux dépens.