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Décisions

CJCE, 13 décembre 1973, n° 37-73

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders

Défendeur :

NV Indiamex, Association de fait de Belder

CJCE n° 37-73

13 décembre 1973

LA COUR,

1. Attendu que, par jugements du 23 février 1973, parvenus au greffe de la Cour le 7 mars 1973, le Tribunal du travail d'Anvers a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions tendant à obtenir l'interprétation de certaines dispositions du traité et du règlement n° 950-68 du Conseil du 28 juin 1968 (JO 1968, n° L 172) relatif à l'établissement du tarif douanier commun;

2. Qu'il résulte des dossiers que ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige portant sur la perception d'une taxe à l'importation sur les diamants bruts provenant directement de pays tiers, affectée à des fins d'ordre social;

3. Que les questions posées ont essentiellement pour objet de faire préciser si, et dans quelle mesure, les Etats membres peuvent instituer ou maintenir, après le 1er juillet 1968, des taxes d'effet équivalant aux droits de douane, perçues à l'importation de produits provenant directement de pays tiers, et dans quelles conditions ils sont éventuellement tenus de les supprimer;

4. Attendu que l'application de telles taxes relève en l'espèce du régime d'échanges avec les pays tiers, institué à l'article 3, b, du traité, et notamment des principes régissant l'Union douanière, tels ceux énoncés à l'article 9;

5. Attendu que l'Union douanière, qui s'inscrit dans les fondements de la communauté, comporte d'une part l'élimination des droits de douane entre les Etats membres et de toute taxe d'effet équivalent;

6. Que cette élimination vise à instituer la libre circulation des produits à l'intérieur de la Communauté;

7. Qu'elle doit donc être si complète que toute entrave quelconque, pécuniaire, administrative ou autre, soit écartée afin de réaliser l'unité de marché entre les Etats membres;

8. Attendu que l'Union douanière comporte d'autre part l'établissement d'un tarif douanier unique pour l'ensemble de la Communauté, tel qu'il est prévu aux articles 18 à 29 du traité;

9. Que cette communauté de tarif vise à réaliser l'égalisation des charges douanières que supportent aux frontières de la Communauté les produits importés des pays tiers, en vue d'éviter tout détournement de trafic dans les rapports avec ces pays et toute distorsion dans la libre circulation interne, ou dans les conditions de concurrence;

10. Que si, à la différence de la section première du chapitre relatif à l'Union douanière (articles 12 à 17) du traité, la section 2 du même chapitre (articles 18 à 29) ne mentionne pas les "taxes d'effet équivalant aux droits de douane", l'absence de cette mention ne signifie pas que de telles taxes puissent être maintenues et, à plus forte raison, instituées;

11. Que la question relative à l'application de ces taxes dans les échanges avec les pays tiers doit être résolue en tenant compte, à la fois, des exigences impliquées par l'établissement du tarif douanier commun, et de celles découlant d'une politique commerciale commune, au sens des articles 110 à 116 du traité, qui, aux termes de l'article 3, b, précité, conditionne le régime d'échanges avec les pays tiers;

12. Attendu que le tarif douanier commun a été mis en place, pour la Communauté dans sa composition originaire, par le règlement n° 950-68 du Conseil, entré en vigueur le 1er juillet 1968;

13. Que, si ce règlement ne prévoit pas expressément la suppression ou l'égalisation de taxes autres que les droits de douane proprement dits, il ressort cependant de sa finalité qu'il interdit aux Etats membres de modifier, par le biais d'impositions s'ajoutant à ces droits, le niveau de la protection définie par le tarif douanier commun;

14. Que, même à défaut de caractère protecteur, l'existence de pareilles taxes peut être inconciliable avec les nécessités d'une politique commerciale commune;

15. Qu'aux termes de l'article 113, paragraphe 1, du traité, la politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d'accords tarifaires et commerciaux, l'uniformisation des mesures de libération, la politique d'exportation ainsi que les mesures de défense commerciale;

16. Que la définition de ces principes uniformes implique, comme le tarif commun lui-même, la suppression des disparités nationales, fiscales et commerciales affectant les échanges avec les pays tiers;

17. Que l'appréciation de ces exigences tant au regard de l'établissement du tarif douanier commun que de la politique commerciale appartient, dans chaque cas, à la Commission ou au Conseil;

18. Qu'il en résulte dès lors qu'à partir de la mise en place du tarif douanier commun il est interdit à tout Etat membre d'introduire unilatéralement de nouvelles taxes ou de relever le niveau de celles déjà en vigueur;

19. Qu'en ce qui concerne les taxes existantes, la constatation de leur incompatibilité avec le traité et l'obligation de les éliminer dépendent de l'appréciation préalable des autorités communautaires;

20. Qu'il s'ensuit que de telles taxes ne peuvent être considérées comme étant incompatibles avec le droit communautaire que par l'effet de dispositions prises par la Communauté;

21. Qu'ainsi une interdiction de taxes de telle nature résulte notamment des dispositions, hors de cause en l'espèce, adoptées an matière de politique agricole commune, d'accords commerciaux conclus par la Communauté et des régimes d'association existant entre la Communauté et certains Etats;

22. Attendu qu'il y a donc lieu de répondre aux questions posées que les Etats membres ne peuvent, à partir de la mise en place du tarif douanier commun, introduire unilatéralement de nouvelles taxes sur les importations en provenance directe de pays tiers ou relever le niveau de celles existant à cette date;

23. Qu'en ce qui concerne les taxes existantes, la mise en place de la politique commerciale commune doit entraîner la suppression de toutes les disparités fiscales et commerciales nationales conditionnant les échanges avec les pays tiers;

24. Que, la réalisation d'une telle politique commerciale commune étant du ressort exclusif de la Communauté, l'égalisation des impositions autres que les droits de douane proprement dits pour tous les Etats membres ou leur suppression suppose une intervention de la Communauté;

25. Qu'en conséquence la réduction ou la suppression des taxes existantes sur les importations en provenance directe de pays tiers relèvent des institutions de la Communauté;

26. Attendu que les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement et que, la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal dans chaque affaire, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens;

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal du travail d'Anvers conformément aux jugements rendus par cette juridiction le 23 février 1973, dit pour droit:

1) Les Etats membres ne peuvent, à partir de la mise en place du tarif douanier commun, introduire unilatéralement de nouvelles taxes sur les importations en provenance directe de pays tiers ou relever le niveau de celles existant à cette date.

2) La réduction ou la suppression des taxes existantes sur les importations en provenance directe de pays tiers relèvent des institutions de la Communauté.