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Décisions

CJCE, 31 janvier 1984, n° 286-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Luisi, Carbone

Défendeur :

Ministero del Tesoro

CJCE n° 286-82

31 janvier 1984

LA COUR,

1. Par ordonnances des 12 juillet et 22 novembre 1982, parvenues à la Cour respectivement le 27 octobre 1982 et le 21 février 1983, le Tribunal de Gênes a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 106 du traité, en vue d'apprécier la compatibilité, avec cette disposition, de la législation italienne sur les transferts de devises.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de procédures en opposition formées par deux résidents italiens contre des décrets du ministre du Trésor leur infligeant des amendes pour avoir acquis diverses devises étrangères, en vue de leur utilisation à l'étranger, pour une contre-valeur en lires italiennes d'un montant dépassant le maximum permis par la législation italienne, qui était à l'époque de 500 000 lires par année pour l'exportation de devises effectuée par des résidents à des fins de tourisme, d'affaires, d'études et de soins médicaux.

3. Devant la juridiction nationale, les deux opposants ont contesté la validité des dispositions de la législation italienne sur lesquelles les amendes étaient fondées, ces dispositions étant, à leur avis, incompatibles avec le droit communautaire. Dans l'affaire 286-82, la demanderesse au principal, Mme Luisi, a affirmé qu'elle avait exporté les devises en question en vue de divers séjours touristiques en France et en République fédérale d'Allemagne et dans le but de se soumettre dans ce dernier pays à des soins médicaux. Dans l'affaire 26-83, le demandeur au principal, M. Carbone, a indiqué que les devises étrangères achetées par lui avaient été utilisées pour un séjour touristique de trois mois en République fédérale d'Allemagne. Les deux parties ont fait valoir que les restrictions à l'exportation de moyens de paiement en devises étrangères dans un but de tourisme ou de soins médicaux étaient contraires aux dispositions du traité CEE en matière de paiements courants et de circulation de capitaux.

4. Dans sa première ordonnance, en date du 12 juillet 1982 (affaire 286-82), le Tribunal de Gênes constate que les opérations pour lesquelles la législation italienne prévoit un plafond aux transferts de devises, à savoir le tourisme, les voyages d'affaires et d'études et les soins médicaux, font partie des transactions invisibles figurant à l'annexe III du traité. Les paiements y afférents relèveraient dès lors du premier alinéa du paragraphe 3 de l'article 106 du traité qui fait obligation aux Etats membres de ne pas introduire entre eux de nouvelles restrictions alors que la législation italienne contestée a été adoptée en 1974. Il apparaîtrait cependant opportun de déterminer la portée exacte de ces dispositions par rapport à celles régissant les mouvements de capitaux dans la mesure, notamment, où celles-ci s'appliquent aux transferts matériels de billets de banque.

5. Afin d'être renseigné sur ce point, le tribunal pose à la Cour la question préjudicielle suivante : " En cas d'exportation par des voyageurs résidents, se rendant à l'étranger dans un but de tourisme, d'affaires, d'études ou de soins médicaux, de billets d'un Etat ou d'une banque étrangère ainsi que de titres de crédit en une devise étrangère, les sujets de l'ordre juridique communautaire bénéficient-ils de droits que les Etats membres sont tenus de respecter en application des règles de " standstill " énoncées à l'article 106, paragraphe 3, premier alinéa du traité, étant entendu que cette opération fait partie des transactions invisibles énumérées à l'annexe III audit traité,

Ou bien, eu égard au renvoi opéré par l'article 106, paragraphe 3, deuxième alinéa du traité, le cas décrit précédemment qui constitue d'un point de vue objectif un transfert de devises au comptant, fait-il partie des mouvements de capitaux qui, en raison des dispositions des articles 67 en 68 du traité et des directives correspondantes adoptées par le Conseil les 11 mai 1960 et 18 décembre 1962, ne doivent pas être obligatoirement libéralisés, d'où la légalité dans ces secteurs de mesures de contrôle et de sanctions, en l'espèce administratives, décidées par l'Etat membre ? "

6. Dans sa seconde ordonnance, en date du 22 novembre 1982 (affaire 26-83), le tribunal limite son examen aux transferts de devises à des fins de tourisme. Il se demande si le tourisme, bien que constituant une transaction invisible au sens de l'article 106, paragraphe 3, du traité, ne doit pas en même temps être considéré comme relevant des échanges de services, et partant être régi par les dispositions de l'article 106, paragraphe 1, relatives à la libéralisation des paiements afférents aux prestations de services.

7. Pour cette raison, le tribunal pose donc à la Cour une nouvelle question ainsi libellée :

" Lorsque des voyageurs résidents qui se rendent à l'étranger à des fins touristiques exportent des billets d'Etats ou de banques étrangers, ainsi que des titres de crédit libellés en devises étrangères, jouissent-ils, en tant que sujets de l'ordre communautaire, des droits que les Etats membres sont tenus de respecter en application des dispositions directement applicables de l'article 106, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où il y a lieu d'envisager les voyages touristiques dans le cadre de la circulation des services et de voir dans les transferts de devises visant à faire face aux dépenses qu'ils entraînent des paiements courants qui doivent donc être considérés comme libérés au même titre que les services auxquels ils donnent accès ; ou bien, l'opération en question faisant partie des transactions invisibles énumérées à l'annexe III du traité et ladite opération représentant un transfert effectif de devises au comptant, par effet du renvoi opéré par l'article 106, paragraphe 3, deuxième alinéa, cette opération relève-t-elle des mouvements de capitaux qui, en application des dispositions des articles 67 et 68 du traité et des directives y relatives adoptées par le Conseil le 11 mai 1960 et le 18 décembre 1962, ne doivent pas être obligatoirement libérées, de sorte que l'adoption dans de tels secteurs de mesures de contrôle et de sanctions administratives de la part d'un Etat membre est légale ? "

8. Il résulte du libellé des questions préjudicielles et de la motivation des deux ordonnances de renvoi que les problèmes d'interprétation du droit communautaire soulevés par les présentes affaires sont de savoir :

a) Si le tourisme, le voyage d'affaires, le voyage d'études et les soins médicaux relèvent des prestations de services ou des transactions invisibles au sens de l'article 106, paragraphe 3, du traité ou de ces deux catégories a la fois ;

b) Si le transfert de devises pour ces quatre objectifs doit être considéré comme paiement courant ou comme mouvement de capital, notamment lorsqu'il s'effectue par le transfert matériel de billets de banque ;

c) Quel est le degré de libéralisation des paiements afférents à ces quatre objectifs tel qu'il est prévu par l'article 106 du traité ;

d) Quelles sont les mesures de contrôle des transferts de devises que les Etats membres sont éventuellement en droit d'effectuer à l'égard des paiements ainsi libérés.

a) Sur les notions " prestations de services " et " transactions invisibles "

9. D'après l'article 60 du traité, sont à considérer comme " services " au sens du traité les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Dans le cadre du titre III de la deuxième partie du traité (" la libre circulation des personnes, des services et des capitaux "), la libre circulation des personnes englobe le mouvement des travailleurs à l'intérieur de la Communauté et la liberté d'établissement sur le territoire des Etats membres.

10. En vertu de l'article 59 du traité, les restrictions à la libre prestation des ces services sont supprimées à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. Afin de permettre l'exécution de la prestation de services, il peut y avoir un déplacement soit du prestataire qui se rend dans l'Etat membre où le destinataire est établi soit du destinataire qui se rend dans l'Etat d'établissement du prestataire. Alors que le premier de ces cas est expressément mentionné dans l'article 60, troisième alinéa, qui admet l'exercice, à titre temporaire, de l'activité du prestataire de service dans l'Etat membre où la prestation est fournie, le deuxième cas en constitue le complément nécessaire, qui répond à l'objectif de libérer toute activité rémunérée et non couverte par la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux.

11. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, le titre II du programme général pour la suppression des restrictions à la libre prestation des services qui a, en vertu de l'article 63 du traité, été fixé par le Conseil le 18 décembre 1961 (JO 1962, p. 32) prévoit, entre autres, la suppression des dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant, à des fins économiques, dans chacun des Etats membres l'entrée, la sortie et le séjour des ressortissants des Etats membres, dans la mesure où elles ne sont pas justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique et sont de nature à gêner la prestation de services par ces ressortissants.

12. La directive 64-221 du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, p. 850) vise, d'après son article 1, entre autres les ressortissants d'une Etat membre qui se rendent dans un autre Etat membre " en qualité de destinataires de services ". La directive 73-148 du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des Etats membres à l'intérieur de la Communauté en matière d'établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14) assure un droit de séjour correspondant à la durée de la prestation d'un service aussi bien au prestataire qu'au destinataire de ce service.

13. En fondant le programme général pour la suppression des restrictions à la libre prestation des services également sur l'article 106 du traité, les auteurs du programme général se sont montrés conscients de l'effet de la libération des services sur celle des paiements. En effet, le premier paragraphe de cette disposition prévoit que les paiements afférents aux échanges de marchandises et de services seront libérés dans la mesure où la circulation des marchandises et des services est libérée entre les Etats membres.

14. Parmi les restrictions à la libre prestation des services qui doivent être supprimées, le programme général mentionne, sous le titre III, paragraphe c, également les gênes aux paiements de la prestation, et ceci notamment, selon le titre III, paragraphe d et conformément au paragraphe 2 de l'article 106, lorsque les échanges de services ne sont limités que par des restrictions aux paiements y afférents. Ces restrictions devaient être éliminées, selon le titre V paragraphe b du programme général, avant l'expiration de la première étape de la période transitoire, sous réserve, éventuellement, pendant cette période, des " allocations de devises aux touristes ". Ces dispositions ont été mises en œuvre par la directive 63-340 du Conseil, du 31 mai 1963, tendant à supprimer toute prohibition ou toute gêne au paiement de la prestation lorsque les échanges de services ne sont limités que par des restrictions aux paiements y afférents (JO 1963, p. 1609), dont l'article 3 fait également référence à l'allocation de devises aux touristes.

15. Toutefois, le programme général ainsi que la directive précitée réservent aux Etats membres le droit de vérifier la nature et la réalité des transferts de moyens financiers et des paiements et de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et réglementations, " notamment en matière de délivrance de devises aux touristes ".

16. Il s'ensuit que la liberté de prestation des services inclut la liberté des destinataires des services de se rendre dans un autre Etat membre pour y bénéficier d'un service, sans être gênés par des restrictions, même en matière de paiements, et que les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux et ceux qui effectuent des voyages d'études ou des voyages d'affaires sont à considérer comme des destinataires de services.

17. Le troisième paragraphe de l'article 106 vise la suppression progressive des restrictions aux transferts afférents aux " transactions invisibles " énumérées à la liste faisant l'objet de l'annexe III du traité. Comme la juridiction nationale l'a constaté à juste titre, cette liste comprend, entre autres, les voyages d'affaires, le tourisme, les voyages et séjours de caractère personnel pour études et les voyages et séjours de caractère personnel nécessités par des raisons de santé.

18. Toutefois, ce paragraphe étant purement subsidiaire aux paragraphes 1 et 2 de l'article 106 ainsi qu'il découle de son deuxième alinéa, il ne peut être appliqué aux quatre opérations en cause.

b) Sur les notions " paiements courants " et " mouvements des capitaux "

19. La juridiction nationale a signalé que le transfert matériel de billets de banque figure à la liste d des annexes aux deux directives que le Conseil a adoptées en application de l'article 69 du traité en matière de mouvements de capitaux (JO 1960, p. 921 et 1963, p. 62). Cette liste d énumère les mouvements de capitaux pour lesquels les directives n'imposent aux Etats membres aucune mesure de libéralisation. La question se pose donc de savoir si la référence, sur cette liste, aux transferts matériels de billets de banque implique que ceux-ci constituent par eux-mêmes un mouvement de capital.

20. Le traité ne définit pas ce qu'il faut entendre par mouvement de capitaux. Toutefois, les deux directives susvisées comportent, dans leurs annexes, une énumération des différents mouvements de capitaux accompagnée d'une nomenclature. Si le transfert matériel de valeurs, en particulier des billets de banque, fait partie de cette énumération, il n'en résulte cependant pas qu'un tel transfert doit en toutes circonstances être considéré comme un mouvement de capital.

21. Le système général du traité fait en effet apparaître et une comparaison entre les articles 67 et 106 confirme que les paiements courants sont des transferts de devises qui constituent une contre-prestation dans le cadre d'une transaction sous-jacente, alors que les mouvements de capitaux sont des opérations financières qui visent essentiellement le placement ou l'investissement du montant en cause et non la rémunération d'une prestation. C'est pour cette raison que les mouvements de capitaux peuvent eux-mêmes constituer la cause de paiements courants, comme l'impliquent les articles 67, paragraphe 2, et 106, paragraphe 1.

22. Le transfert matériel de billets de banque ne peut donc être qualifié de mouvement de capital lorsque le transfert en question correspond à une obligation de payer découlant d'une transaction dans le domaine des échanges de marchandises ou de services.

23. Il en résulte que les paiements à des fins de tourisme, de voyages d'affaires ou d'études et de soins médicaux ne sauraient être qualifiés de mouvements de capitaux, même lorsqu'ils sont effectués par le transfert matériel de billets de banque.

c) Sur le degré de libéralisation des paiements prévus par l'article 106 du traité

24. En ce qui concerne les échanges de services, le paragraphe 1 de l'article 106 prévoit que les paiements y afférents doivent être libérés dans la mesure où la circulation des services elle-même est libérée entre les Etats membres en application du traité. D'après l'article 59 du traité, les restrictions à la libre prestation de services à l'intérieur de la Communauté sont supprimées au cours de la période de transition. Depuis la fin de cette période, les restrictions aux paiements afférents aux prestations de service doivent donc être éliminées.

25. Il en ressort que les paiements afférents au tourisme, aux voyages d'affaires ou d'études et aux soins médicaux sont libérés depuis la fin de la période de transition.

26. Cette interprétation trouve confirmation dans l'article 54 de l'acte d'adhésion de 1979, d'après lequel la République hellénique est autorisée à maintenir des restrictions aux transferts afférents au tourisme, mais seulement dans certaines limites et pour une période qui ne s'étend pas au-delà du 31 décembre 1985. Cet article implique que sans cette dérogation ces transferts auraient du être immédiatement libérés.

d) Sur les mesures de contrôle des transferts de devises

27. Le dernier aspect du problème soulevé par les présentes affaires concerne la question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, les Etats membres ont conservé le pouvoir de soumettre les transferts et paiements libérés à des mesures de contrôle applicables aux transferts de devises.

28. A cet égard, il y a lieu de préciser d'abord que la libéralisation des paiements prévue par l'article 106 oblige les Etats membres à autoriser les paiements visés par cette disposition dans la monnaie de l'Etat membre dans lequel réside le créancier ou le bénéficiaire. Les paiements effectués dans la monnaie d'un pays tiers ne sont donc pas couverts par cette disposition.

29. Il convient de relever ensuite que la directive 63-340, précitée, précise, dans son article 2, que les mesures de libéralisation qu'elle prévoit ne limitent pas le droit des Etats membres de " vérifier la nature et la réalité des paiements ". Cette réserve parait inspirée par la circonstance que, à l'époque, les paiements afférents aux échanges de marchandises et aux services et les mouvements de capitaux n'étaient pas encore entièrement libérés.

30. Toutefois, même après la fin de la période de transition, cette libéralisation n'est pas encore entièrement réalisée. Les directives du Conseil prévues par l'article 69 du traité en vue de la réalisation de la liberté des mouvements de capitaux n'ont en effet pas encore supprimé toutes les restrictions dans ce domaine, alors que l'article 67 qui prévoit cette liberté doit, comme la Cour l'a déclaré dans son arrêt du 11 novembre 1981 affaire 203-80, Casati, Recueil, p. 2595), être interprété en ce sens que même après l'expiration de la période de transition les restrictions à l'exportation de devises ne peuvent pas être considérées comme supprimées indépendamment du contenu des directives arrêtées en application de l'article 69.

31. Dans ces conditions, les Etats membres ont conservé le pouvoir de soumettre les transferts de devises à des contrôles en vue de vérifier s'il ne s'agit pas en réalité de mouvements de capitaux non libérés. Ce pouvoir est d'autant plus important qu'il est lié à la responsabilité qu'ont les Etats membres, conformément aux articles 104 et 107 du traité, dans le domaine monétaire, responsabilité qui implique la possibilité de prendre les mesures appropriées pour empêcher des fuites de capitaux ou d'autres spéculations semblables contre leur monnaie.

32. Pour le cas de difficultés ou de menace grave de difficultés dans la balance de paiements d'un Etat membre, le traité prévoit, dans ses articles 108 et 109, les mesures à prendre et les procédures à suivre. Ces dispositions, qui conservent leurs fonctions même après la réalisation de la liberté complète des mouvements de capitaux, ne concernent cependant que des périodes de crise.

33. En dehors des périodes de crise, et jusqu'à la réalisation totale du libre mouvement des capitaux, il faut, dès lors, reconnaître aux Etats membres la compétence pour contrôler si des transferts de devises prétendument affectés à des paiements libérés ne sont pas détournés de ce but pour être utilisés aux fins de mouvements de capitaux non autorisés. A cet effet, les Etats membres sont en droit de vérifier la nature et la réalité des transactions ou des transferts en cause.

34. De tels contrôles doivent cependant respecter les limites que pose le droit communautaire, et notamment celles qui découlent de la liberté de prestations de services et des paiements y afférents. Ils ne peuvent par conséquent avoir pour effet de limiter les paiements et transferts afférents aux prestations de services à un certain montant par transaction ou par période, étant donné qu'ils constitueraient dans ce cas une entrave aux libertés reconnues par le traité. Ces contrôles ne sauraient non plus, et pour la même raison, être effectués de telle façon qu'ils reviendraient à rendre illusoires ces libertés ou à soumettre l'exercice de celles-ci à la discrétion de l'Administration.

35. Ces constatations ne s'opposent pas à la fixation, par un Etat membre, de limites forfaitaires au-dessous desquelles aucun contrôle n'est effectué alors que, pour les dépenses au-dessus de ces limites, la réalité de l'affectation aux échanges de services doit être justifiée, à condition cependant que le forfait ne soit pas établi de façon à compromettre le courant normal des échanges de services.

36. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, dans chaque cas d'espèce, si les contrôles de transferts de devises qui sont en cause dans un litige dont elle est saisie respectent les limites ainsi précisées.

37. L'ensemble des considérations qui précédent permet de répondre aux questions préjudicielles que l'article 106 du traité doit être interprété en ce sens que :

- Les transferts à des fins de tourisme, de voyages d'affaires ou d'études et de soins médicaux constituent des paiements et non des mouvements de capitaux, même lorsqu'ils sont effectués par le transfert matériel de billets de banque ;

- Les restrictions à ces paiements sont supprimées depuis la fin de la période de transition ;

- Les Etats membres conservent le pouvoir de contrôler si des transferts de devises prétendument affectés à des paiements libérés ne sont pas en réalité utilisés aux fins de mouvements de capitaux non autorisés ;

- Ces contrôles ne sauraient avoir pour effet de limiter les paiements et transferts afférents aux prestations de services à un certain montant par transaction ou par période, ni de rendre illusoires les libertés reconnues par le traité, ni de soumettre l'exercice de celles-ci à la discrétion de l'Administration ;

- Ces contrôles peuvent comporter la fixation de limites forfaitaires au-dessous desquelles aucun contrôle n'est effectué alors que, pour les dépenses au-dessus de ces limites, la réalité de l'affectation aux échanges de services doit être justifiée, à condition cependant que le forfait ne soit pas établi de façon à compromettre le courant normal des échanges de services.

Sur les dépens

38. Les frais exposés par le Gouvernement belge, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement français, le Gouvernement italien, le Gouvernement néerlandais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ; la procédure revêtant, à l'égard des parties aux procédures au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal de Gênes, par ordonnances des 12 juillet et 22 novembre 1982, dit pour droit :

L'article 106 du traité doit être interprété en ce sens que :

- Les transferts à des fins de tourisme, de voyages d'affaires ou d'études et de soins médicaux constituent des paiements et non des mouvements de capitaux, même lorsqu'ils sont effectués par le transfert matériel de billets de banque ;

- Les restrictions à ces paiements sont supprimées depuis la fin de la période de transition ;

- Les Etats membres conservent le pouvoir de contrôler si des transferts de devises prétendument affectés à des paiements libérés ne sont pas en réalité utilisés aux fins de mouvements de capitaux non autorisés ;

- Ces contrôles ne sauraient avoir pour effet de limiter les paiements et transferts afférents aux prestations de services à un certain montant par transaction ou par période, ni de rendre illusoires les libertés reconnues par le traité, ni de soumettre l'exercice de celles-ci à la discrétion de l'Administration ;

- Ces contrôles peuvent comporter la fixation de limites forfaitaires au-dessous desquelles aucun contrôle n'est effectué alors que, pour les dépenses au-dessus de ces limites, la réalité de l'affectation aux échanges de services doit être justifiée, à condition cependant que le forfait ne soit pas établi de façon à compromettre le courant normal des échanges de services.