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Décisions

CJCE, 3e ch., 12 juin 1986, n° 50-85

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Schloh

Défendeur :

SPRL Auto contôle technique (Sté)

CJCE n° 50-85

12 juin 1986

LA COUR,

1. Par jugement du 1er février 1985, parvenu à la Cour le 21 février suivant, le juge de paix du troisième canton de Schaerbeek a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 13 du traité, eu égard aux modalités d'admission et d'immatriculation des véhicules importés fixées par la règlementation belge.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige qui oppose M. Schloh, fonctionnaire du Conseil des Communautés européennes à Bruxelles, à la Sprl auto contrôle technique de Schaerbeek, ci-après la société de contrôle.

3. En janvier 1979, M. Schloh a acheté, en republique fédérale d'Allemagne, une voiture de marque Ford, modèle Granada, type break ; au regard de la règlementation belge, cette voiture est considérée comme une voiture " mixte ", c'est-à-dire conçue pour le transport des personnes et des choses.

4. Apres avoir obtenu un certificat de conformité du véhicule aux types de véhicules agrées en Belgique, délivré le 13 février 1979 par le concessionnaire Ford d'Anvers, M. Schloh présenta, le 20 mars suivant, sa voiture à la société de contrôle, aux fins de faire vérifier, avant l'immatriculation du véhicule, comme l'exige l'article 23, paragraphe 2, point 1, sous c), de l'arrêté royal du 15 mars 1968, modifié, si l'état de ce véhicule correspond aux normes de sécurité et d'entretien. Le véhicule en question a été immatriculé deux jours après le contrôle, soit le 22 mars 1979 ; M. Schloh paya alors une première redevance de 500 bfr.

5. Par lettre du 26 mars 1979, la société de contrôle invita M. Schloh a présenter sa voiture le 5 avril suivant aux fins d'un nouveau contrôle technique exigé en application de l'article 23, paragraphe 2, point 1, sous e), de l'arrêté royal du 15 mars 1968, modifié. En réponse à une question posée par la Cour, le Gouvernement belge a précisé que le second contrôle visait à faire établir, par le détenteur du véhicule, une déclaration écrite établissant que l'utilisation de ce véhicule permettait de le dispenser d'un contrôle technique annuel pendant les quatre premières années.

6. Par lettre du 2 avril 1979, M. Schloh a adresse une déclaration d'utilisation du véhicule à la société de contrôle en précisant que le second contrôle exige lui semblait abusif car non requis par les textes. Toutefois, aux fins d'obtenir le certificat de visite, dont tout véhicule circulant sous plaque belge doit être muni, M. Schloh présenta sa voiture le 11 juin 1979 et paya à nouveau une redevance de 500 bfr.

7. Apres un échange de courrier avec le ministre des communications, qui estima régulière la procédure ainsi suivie et deux autres actions rejetées pour des raisons procédurales, M. Schloh demanda, par citation du 12 avril 1983 devant le juge de paix du troisième canton de Schaerbeek, le remboursement des redevances perçues par la société de contrôle qui s'élèvent au total à 1 000 bfr.

8. Le juge ainsi saisi a décidé de poser les questions préjudicielles suivantes :

'1) Les articles 30 et/ou 13 du traité instituant la communauté économique européenne sont-ils a interpréter d'une façon telle :

- Qu'une disposition du droit d'un Etat membre exigeant qu'une nouvelle voiture du type " voiture mixte ", construite et importée d'un autre Etat membre et mise en libre circulation, et qui a subi une vérification/contrôle technique sera soumise quelques jours plus tard à une nouvelle vérification/contrôle technique parce qu'il s'agit d'une voiture mixte est une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation (article 30);

- Que la même disposition du droit d'un Etat membre exigeant pour les deux vérifications/contrôles techniques le paiement de deux fois une certaine somme est une taxe d'effet équivalant à des droits de douane (article 13);

(problème du " double contrôle technique ", ce contrôle étant le troisième contrôle systématique avant la mise en libre circulation d'une nouvelle voiture mixte, construite dans un autre Etat membre, dans un Etat membre.)

2) Les articles 30 et/ou 13 du traité instituant la communauté économique européenne sont-ils à interpréter d'une façon telle :

- Qu'une disposition du droit d'un Etat membre exigeant qu'une nouvelle voiture (du type " voiture mixte "ou non) construite et importée d'un autre Etat membre et mise en libre circulation et dotée d'un certificat de conformité doit subir une vérification/contrôle technique est une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation (article 30) et/ou

- Que la même disposition du droit d'un Etat membre exigeant pour cette vérification/contrôle technique le paiement d'une certaine somme est une taxe d'effet équivalant à des droits de douane (article 13)?

(problème du premier contrôle technique, ce contrôle étant le deuxième contrôle systématique avant la mise en libre circulation d'une nouvelle voiture mixte, construite dans un autre Etat membre, dans un Etat membre.) "

9. Il résulte des termes de ces questions préjudicielles que la Cour est interrogée en substance sur les points de savoir :

- En premier lieu, si l'article 30 du traité permet de soumettre une voiture, importée d'un autre Etat membre et munie d'un certificat de conformité aux types de véhicules agrées dans l'Etat membre d'importation, à un contrôle technique aux fins d'immatriculation dans cet état ;

- En deuxième lieu, si l'article 30 du traité permet de soumettre cette même voiture à un second contrôle technique, imposé quelques jours après le premier contrôle ;

- En troisième lieu, si l'article 13 du traité autorise la perception d'une redevance lors de chaque contrôle technique.

Sur le premier contrôle technique

10. Le Gouvernement danois et la Commission estiment que des mesures nationales qui soumettent à un contrôle technique un véhicule neuf importé alors que celui-ci est muni d'un certificat de conformité aux normes de sécurité de l'état d'importation constituent des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, interdites par l'article 30 du traité et non justifiées par une des exigences impératives consacrées par la jurisprudence de la Cour ou par l'une des raisons énumérées par l'article 36 du traité. Le Gouvernement danois fait valoir que si, par contre, le véhicule est importé à l'état usage, le contrôle technique peut être justifié par la nécessité de vérifier notamment son état d'entretien.

11. Il convient de relever en premier lieu que si la directive 77-143 du Conseil, du 29 décembre 1976 (JO L 47, p. 47), a édicté différentes mesures pour harmoniser le contrôle technique des véhicules a moteur, ce texte n'est pas, aux termes de son annexe I, applicable aux véhicules de la catégorie de celui faisant l'objet du litige au principal. Il en resulte qu'au stade actuel de l'évolution du droit communautaire, et pour les véhicules de cette catégorie, il appartient aux Etats membres, en vue d'assurer la sécurité routière, de règlementer le contrôle technique, sous réserve du respect des dispositions du traité.

12. Aux termes de l'article 30 du traité, sont interdites dans le commerce entre Etats membres les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent. Les contrôles techniques constituent des formalités qui rendent plus difficile et plus onéreuse l'immatriculation des véhicules importes et revêtent, en conséquence, le caractère de mesures d'effet équivalant à une restriction quantitative.

13. Toutefois, l'article 36 peut justifier de telles formalités, pour des raisons tenant à la protection de la santé et de la vie des personnes, dès lors qu'il est établi, d'une part, que le contrôle technique en cause est nécessaire pour atteindre l'objectif visé et, d'autre part, qu'il ne constitue ni une discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres.

14. Eu égard à la première condition, il convient de reconnaître qu'un contrôle technique exige avant l'immatriculation d'un véhicule importé, même muni d'un certificat de conformité aux types de véhicules agrées dans l'Etat membre d'importation, peut être regardé comme nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes lorsque le véhicule en cause a été mis antérieurement en circulation. En effet, le contrôle technique présente alors l'utilité de vérifier que ce véhicule n'a pas été accidenté et se trouve en bon état d'entretien. En revanche, cette justification disparaît lorsque le contrôle porte sur un véhicule importé, muni d'un certificat de conformité et qui n'a pas été mis en circulation avant son immatriculation dans l'Etat membre d'importation.

15. Eu égard à la seconde condition, il y a lieu de souligner que le contrôle technique des véhicules importés ne saurait néanmoins être justifié au titre de l'article 36, deuxième phrase, du traité, s'il est établi que ce contrôle n'est pas imposé aux véhicules d'origine nationale présentés dans les mêmes conditions à l'immatriculation. Une telle situation ferait apparaître, en effet, que la mesure litigieuse n'est pas réellement inspirée par un souci de protection de la santé et de la vie des personnes, mais qu'elle constitue en réalité une discrimination arbitraire dans le commerce entre Etats membres. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier que ce traitement non discriminatoire se trouve effectivement assuré.

16. Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation une mesure nationale qui subordonne l'immatriculation d'un véhicule importé muni d'un certificat de conformité aux types de véhicules agrées dans l'Etat membre d'importation à un contrôle technique. Une telle mesure est néanmoins justifiée au titre de l'article 36 du traité dans la mesure où elle porte sur des véhicules mis en circulation avant cette immatriculation et où elle s'applique sans opérer de distinction selon l'origine nationale ou importée des véhicules concernes.

Sur le second contrôle technique

17. La Commission, qui, seule, a présenté des observations sur ce point, estime que ce contrôle imposé aux fins d'obtenir l'exemption du contrôle périodique annuel jusqu'a ce que le véhicule ait quatre ans d'age, constitue une mesure d'effet équivalent interdite par l'article 30 du traité et non justifiée par l'article 36 du traité. La Commission fait valoir à cet égard que l'exemption du contrôle périodique annuel pouvait être obtenue sur simple déclaration relative à l'utilisation du véhicule, effectuée lors du premier contrôle technique.

18. Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une règlementation nationale ne bénéficie pas de la dérogation de l'article 36 du traité lorsque l'objectif vise par celle-ci peut être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.

19. Il convient d'admettre, en conséquence, que l'article 36 ne permet pas de justifier un contrôle technique qui vise à obtenir du détenteur du véhicule importé une déclaration écrite attestant que l'utilisation de ce véhicule permet de le dispenser d'un contrôle annuel. Le but recherche peut, en effet, être atteint par la simple exigence de cette déclaration écrite de la part du détenteur, en l'absence de toute présentation du véhicule à un organisme d'inspection automobile agrée à cet effet.

20. Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés en ce sens que le contrôle technique d'un véhicule importé visant a obtenir une déclaration écrite du détenteur de ce véhicule constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation interdite par le traité.

Sur la redevance perçue à l'occasion de chaque contrôle technique

21. La Commission estime que la redevance perçue à l'occasion du premier contrôle technique constitue une taxe d'effet équivalent interdite par l'article 13 du traité au motif qu'elle est imposée en raison du franchissement de la frontière. La redevance perçue à l'occasion du second contrôle technique relèverait par contre d'un régime général de redevances intérieures appréhendant systématiquement les produits nationaux et les produits importés ; cette redevance serait des lors conforme aux règles de l'article 95 du traité dans la mesure où le contrôle correspondant est compatible avec le droit communautaire.

22. Il convient de relever, en premier lieu, que lorsqu'un contrôle technique est prohibé par les articles 30 et suivants du traité, la charge pécuniaire imposée à l'occasion d'un tel contrôle est elle-même, par voie de conséquence, contraire au traité.

23. En revanche, dans l'hypothèse où le contrôle technique préalable à l'immatriculation serait reconnu comme justifié par l'article 36, la redevance perçue sur un véhicule importé constituerait une imposition intérieure conforme à l'article 95, dès lors que son taux ne serait pas supérieur à celui de la redevance frappant, dans les mêmes circonstances, un véhicule de provenance nationale.

24. Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que :

- la redevance perçue à l'occasion d'un contrôle technique contraire au traité est elle-même contraire au traité par voie de conséquence ;

- la redevance perçue à l'occasion d'un contrôle technique préalable à l'immatriculation, justifie au regard de l'article 36, est conformé au traité des lors que son taux n'est pas supérieur à celui de la redevance frappant, dans les mêmes circonstances, un véhicule de provenance nationale.

Sur les dépens

25. Les frais exposés par le Gouvernement danois et la Commission des communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant une juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le juge de paix du troisième canton de Schaerbeek, par jugement du 1er février 1985, dit pour droit :

1) L'article 30 du traité doit être interprété en ce sens que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation une mesure nationale qui subordonne l'immatriculation d'un véhicule importé muni d'un certificat de conformité aux types de véhicules agrées dans l'Etat membre d'importation à un contrôle technique. Une telle mesure est néanmoins justifiée au titre de l'article 36 du traité dans la mesure où elle porte sur des véhicules mis en circulation avant cette immatriculation et où elle s'applique sans opérer de distinction selon l'origine nationale ou importée des véhicules concernés.

2) Les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés en ce sens que le contrôle technique d'un véhicule importé visant à obtenir une déclaration écrite du détenteur de ce véhicule constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation interdite par le traité.

3) - la redevance perçue à l'occasion d'un contrôle technique contraire au traité est elle-même contraire au traité par voie de conséquence.

- la redevance perçue à l'occasion d'un contrôle technique préalable à l'immatriculation, justifie au regard de l'article 36, est conforme au traité des lors que son taux n'est pas supérieur à celui de la redevance frappant, dans les mêmes circonstances, un véhicule de provenance nationale.