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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 26 novembre 1993, n° 91-9018

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jean Charles Automobiles (SA)

Défendeur :

Guellati

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salzmann

Conseillers :

Mme Jaubert, M. Betch

Avoués :

Me Blin, SCP Bernabe Ricard

Avocats :

Mes Bazin, Blaisse

TGI Paris, 4e ch., 1re sect., du 12 févr…

12 février 1991

M. Guellati a acquis (238 259 F) le 24 mai 1989 un véhicule Opel Senator présenté par le vendeur, la société Jean-Charles Automobiles, comme étant un modèle 1990.

Après avoir constaté quelques défaillances persistantes dans le système de fermeture automatique des portières et des vitres, M. Guellati a appris, incidemment, le 13 juin 1990, que le véhicule vendu était en fait une Opel Senator année modèle 1989.

A la suite de cet état de fait, le Tribunal de grande instance de Paris a le 12 janvier 1991, par jugement réputé contradictoire :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule (au lieu de l'annulation réclamée) aux torts exclusifs de la société Jean-Charles Automobiles,

- condamné cette société à payer à titre de restitution à M. Guellati la somme de 238 259 F avec à titre de dommages-intérêts, les intérêts de ladite somme au taux légal à compter du 19 mai 1990 outre 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

La société Jean-Charles Automobiles a interjeté appel de cette décision. Elle soutient qu'il ne peut y avoir d'erreur sur le véhicule acquis puisque M. Guellati a sollicité un crédit pour le financement de celui-ci dès avant le 1er juillet 1989 et qu'avec la date d'acquisition et de livraison de la voiture, au 24 mai 1989, aucune équivoque ne pouvait naître sur le millésime 1989 de celle-ci.

La société Jean-Charles Automobiles ajoute que l'intimé n'établit pas les manœuvres dolosives dont il aurait été victime et l'amenant à faire l'acquisition du véhicule litigieux payé en outre à sa demande à un prix promotionnel particulièrement avantageux.

Elle souligne que les dysfonctionnements dénoncés par M. Guellati sont restés véniels et n'ont jamais rendu l'Opel Senator de celui-ci non conforme à sa destination.

La société Jean-Charles Automobiles conclut à l'infirmation de la décision déférée et au rejet des demandes présentées à son encontre par M. Guellati. Elle réclame enfin l'attribution des sommes de 15 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

M. Guellati s'oppose à ces demandes en invoquant le caractère délibérément mensonger de la mention, sur le bon de commande, d'une année modèle 1990 pour un véhicule vendu dès le 24 mai 1989, mensonge renforcé par le report illusoire de la formalité d'établissement de la carte grise/par la société Jean-Charles Automobiles à une date postérieure au 1er juillet 1989.

Il soutient que ces éléments caractérisent le dol dont il a été victime où établissent l'erreur sur un élément déterminant du véhicule et qu'ainsi il y a lieu de constater la nullité de la vente par application des articles 1116 et 1110 du Code civil.

M. Guellati invoque en outre les multiples défaillances de la voiture vendue, faiblesses qui se sont manifestées quinze jours seulement après sa livraison et qui sont restées persistantes, pour il subsidiairement, sa non conformité à ce qui était normalement attendu par un acquéreur de ce modèle.

Il conclut au constat de la nullité pour dol, subsidiairement erreur, de la vente du 24 mai 1989 ou plus subsidiairement au prononcé de la résolution de cette vente et sollicite condamnation de la société Jean-Charles Automobiles à restitution de la somme de 238 259 F abondée des intérêts au taux légal à compter du 9 mai 1990 avec capitalisation de ceux-ci. Enfin M. Guellati réclame une somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Cela exposé

Considérant que M. Guellati invoque un dol commis par la société Jean-Charles Automobiles pour l'amener à acquérir le véhicule vendu et subsidiairement l'erreur sur un élément déterminant de ce véhicule ;

Considérant qu'il résulte des documents produits notamment d'une attestation non contestée délivrée par M. Soustre qui accompagnait M. Guellati lors de l'acquisition du véhicule litigieux, que celui-ci a été présenté à l'intimé dès le 24 mai 1989, pour le déterminer à l'acquérir, comme étant d'une "année modèle 1990" et par là, particulièrement avantageux pour sa catégorie ;

Considérant que cet élément a été repris, sans équivoque, par le concessionnaire sur le bon de commande signe a cette date, soit le 24 mai 1989 alors qu'il ne pouvait ignorer que pour une livraison immédiate d'un véhicule par ailleurs reconnu disponible, la date même de commande et de mise à disposition interdisaient toute possibilité de voir le véhicule remis affecté de l'année modèle 1990 pourtant garantie tant verbalement que par les mentions portées au bon de commande ;

Considérant qu'il apparaît aussi que postérieurement le concessionnaire qui est resté, selon l'usage, chargé des formalités administratives (recueil de la carte grise du véhicule) a retardé celles-ci jusqu'aux premiers jours de juillet 1989 alors qu'il savait,pour l'avoir déclaré dès la fin mai à la banque de crédit général motors dont les courriers en attestent, que le véhicule avait été livré depuis fin mai 1989, la première échéance de remboursement du prêt étant d'ailleurs fixée au 30 juin 1989 soit dès avant la date de première mise en circulation telle que portée sur la carte grise (6 juillet 1989) ;

Considérant que pour ces motifs les manœuvres dolosives destinées à surprendre M. Guellati en vue de lui faire souscrire un engagement qu'il n'aurait pas pris si elles n~ avaient pas existé sont établies ;

Considérant au surplus et s'il en était besoin que les manœuvres déployées ont, à tout le i, eu pour effet d'induire M. Guellati en erreur sur une qualité substantielle pourtant promise, à savoir le millésime 1990 du véhicule, qualité substantielle dont le concessionnaire, professionnel averti savait qu'elle ne pouvait être effective compte tenu de la date de la vente intervenue le 24 mai 1989 et non postérieurement au 1er juillet de cette même année ;

Considérant qu'il convient pour ces motifs et en application des dispositions des articles 1116 et 1110 du Code civil de constater la nullité du contrat conclu le 24 mai 1989 et d'ordonner restitution par la société Jean-Charles Automobiles de la somme de 238 259 F abondée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1990 date de la demande ;

Considérant que les intérêts sont échus et dus depuis plus d'une année entière au 30 septembre 1992 date des conclusions d'anatocisme auxquelles il y a lieu de faire droit en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution de sommes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR Confirmant partiellement la décision déférée, Substitue à son dispositif le dispositif suivant, Constate la nullité de la vente du 24 mai 1989 par la société Jean-Charles Automobiles à M. Guellati du véhicule automobile Opel Senator immatriculé 295 HKF 75, Condamne la société Jean-Charles Automobiles à payer à M. Guellati, à titre de restitution la somme de 238 259 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1990, Dit que les intérêts échus et dus depuis plus d'une année entière au 30 septembre 1992 se capitaliseront à cette date pour porter eux-mêmes intérêts au taux légal, Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Jean-Charles Automobiles aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.