CJCE, 5e ch., 6 juin 2002, n° C-159/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sapod Audic
Défendeur :
Eco-Emballages (SA)
LA COUR,
1. Par arrêt du 18 avril 2000, parvenu à la Cour le 28 avril suivant, la Cour de cassation a posé, en vertu de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 1er et 10 de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L. 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L. 81, p. 75, ci-après la "directive 83-189"), de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75- 442-CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L. 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91-156-CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L. 78, p. 32, ci-après la "directive 75-442"), ainsi que de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE).
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Sapod Audic (ci-après "Sapod") à la société Eco-Emballages SA (ci-après "Eco-Emballages") au sujet de la contribution réclamée par Eco-Emballages à Sapod au titre d'un contrat par lequel Sapod a déclaré adhérer, en vue de satisfaire à certaines obligations légales, au système visant à l'élimination des déchets mis en place par Eco- Emballages.
La réglementation communautaire
3. L'article 1er de la directive 83/189 prévoit :
"Au sens de la présente directive, on entend par :
1°) 'spécification technique', la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d'emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage [...] ;
[...]
5°) 'règle technique', les spécifications techniques, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un Etat membre ou dans une partie importante de cet Etat, à l'exception de celles fixées par les autorités locales;
6°) 'projet de règle technique', le texte d'une spécification technique, y compris des dispositions administratives, élaboré avec l'intention de l'établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique, et se trouvant à un stade de préparation qui permet encore de lui apporter des amendements substantiels;
7°) 'produit', tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole."
4. Les articles 8 et 9 de la directive 83-189 imposent aux Etats membres, d'une part, de communiquer à la Commission les projets de règles techniques relevant du champ d'application de cette directive, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit, et, d'autre part, de reporter de plusieurs mois l'adoption de ces projets afin de donner à la Commission la possibilité de vérifier s'ils sont compatibles avec le droit communautaire ou de proposer une directive sur la question.
5. L'article 10 de la directive 83-189 précise que "[l]es articles 8 et 9 ne sont pas applicables lorsque les Etats membres s'acquittent de leurs obligations découlant des directives et des règlements communautaires".
6. L'article 3 de la directive 75-442 dispose :
"1°) Les Etats membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir :
a) en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité, notamment par :
[...]
b) en deuxième lieu :
- la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaires
ou
- l'utilisation des déchets comme source d'énergie.
2°) Sauf dans les cas auxquels s'applique la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques [...], les Etats membres informent la Commission des mesures qu'ils envisagent de prendre pour atteindre les objectifs fixés au paragraphe 1. La Commission informe les autres Etats membres et le comité visé à l'article 18 de ces mesures."
7. L'article 8 de la directive 75-442 prévoit que :
"Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets :
- les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B
ou
- en assure lui-même la valorisation ou l'élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive."
La réglementation française
8. Les articles 4 à 6 du décret n° 92-377, du 1er avril 1992, portant application pour les déchets résultant de l'abandon des emballages de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux (JORF du 3 avril 1992, p. 5003), disposent :
"Article 4
Tout producteur, tout importateur [...] est tenu de contribuer ou de pourvoir à l'élimination de l'ensemble de ses déchets d'emballage [...].
A cet effet, il identifie les emballages qu'il fait prendre en charge par un organisme ou une entreprise titulaire de l'agrément défini à l'article 6 ci-dessous, selon des modalités qu'ils déterminent comme il est dit à l'article 5 ci-dessous. Il récupère les autres emballages dans les conditions prévues à l'article 10 ci-dessous.
Article 5
Les personnes visées à l'article 4 ci-dessus qui recourent, pour l'élimination de leurs emballages usagés, aux services d'un organisme ou d'une entreprise agréé passent avec celui-ci un contrat qui précise notamment la nature de l'identification desdits emballages, le volume prévisionnel des déchets à reprendre annuellement ainsi que la contribution due à cet organisme ou à cette entreprise ; ces contrats sont, sur ces points, conformes aux clauses du cahier des charges prévu à l'article 6 ci-dessous.
Article 6
Tout organisme ou entreprise qui a pour objet de prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 4 et 5, les emballages usagés de ses cocontractants est agréé pour une durée maximale de six ans renouvelable, par décision conjointe du ministre chargé de l'environnement, du ministre chargé de l'économie, du ministre chargé de l'industrie, du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé des collectivités locales.
Cet organisme ou cette entreprise doit, à l'appui de sa demande d'agrément, justifier de ses capacités techniques et financières à mener à bonne fin les opérations requises pour l'élimination des emballages usagés et indiquer les conditions dans lesquelles il prévoit de satisfaire aux clauses du cahier des charges dont cet agrément sera assorti. [...]
[...]
[Ce cahier des charges] mentionne les prescriptions techniques auxquelles devront satisfaire, pour chaque filière de matériaux, les emballages usagés lorsque l'organisme ou l'entreprise agréé passera, pour l'élimination de ces déchets, des accords avec les fabricants d'emballages ou de matériaux d'emballage.
[...]"
9. Selon l'article 10 du même décret, les personnes visées à l'article 4 de celui-ci peuvent choisir de pourvoir elles-mêmes à l'élimination des déchets résultant de l'abandon des emballages qu'elles utilisent. Dans ce cas, elles doivent "[s]oit établir un dispositif de consignation de leurs emballages signalé de manière apparente sur ceux-ci" [article 10, sous a)], "[s]oit organiser, pour le dépôt de ces emballages, des emplacements spécifiquement destinés à cet effet après avoir fait approuver par arrêté conjoint du ministre chargé de l'environnement, du ministre chargé de l'industrie et du ministre chargé de l'agriculture les modalités de contrôle du système d'élimination qui leur permettent de mesurer la proportion des emballages éliminés par rapport aux emballages commercialisés" [article 10, sous b)].
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10. Eco-Emballages est une société de droit privé créée en 1992. Elle a notamment pour objet l'organisation de systèmes visant à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, et plus particulièrement à la prise en charge des emballages d'entreprises soumis aux obligations résultant de la loi n° 75-633, du 15 juillet 1975, relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux (JORF du 16 juillet 1975, p. 7279), modifiée (ci- après la "loi n° 75-633"), et de ses décrets d'application.
11. Eco-Emballages a reçu, par arrêté interministériel du 12 novembre 1992, l'agrément prévu à l'article 6 du décret n° 92-377 pour assurer la prise en charge des déchets résultant de l'abandon des emballages usagés de produits consommés ou utilisés par les ménages, pour lesquels des producteurs ou des importateurs ont contracté avec elle.
12. Sapod est une entreprise française qui commercialise des volailles sous emballage en plastique.
13. Le 16 septembre 1993, Sapod a signé avec Eco-Emballages un contrat d'adhésion. Aux termes de ce contrat, Sapod déclarait adhérer, en vue de satisfaire aux obligations mises à sa charge par le décret n° 92-377, au système visant à l'élimination des déchets mis en place par Eco- Emballages.
14. Par le contrat souscrit, Eco-Emballages concédait à Sapod le droit d'utilisation non exclusif du logo Point vert, ledit logo devant être apposé sur les emballages des produits de Sapod selon des modalités définies dans une annexe au contrat.
15. Le contrat prévoyait le versement d'une contribution annuelle. Sapod a réglé les premières contributions sans difficulté. Elle a ensuite cessé de payer la contribution prévue et, le contrat s'étant renouvelé, elle était redevable, au 30 septembre 1996, d'une somme de 60 791 FRF.
16. Eco-Emballages a alors assigné Sapod en référé devant le Tribunal de commerce de Paris (France), qui, par ordonnance du 14 février 1997, a condamné Sapod à verser à Eco- Emballages, à titre provisionnel, la somme indiquée au point précédent, majorée des intérêts au taux légal. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 janvier 1998.
17. Dans le cadre de cette procédure, Sapod a notamment fait valoir, d'une part, que le décret n° 92-377 constituait une règle technique, au sens de la directive 83-189, qui n'avait pas été notifiée à la Commission et était dès lors inopposable aux tiers et, d'autre part, que l'obligation d'adhésion à un système agréé tel que celui mis en place par Eco-Emballages constituait une mesure d'effet équivalent incompatible avec l'article 30 du traité.
18. Sapod ayant formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1°) L'article 1er de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, tant dans sa rédaction applicable antérieurement que postérieurement à la directive 94-10-CE [du Parlement européen et] du Conseil, du 23 mars 1994, portant deuxième modification substantielle de la directive 83-189-CEE, doit-il être interprété en ce sens que constituent une règle technique les dispositions du décret n° 92-377 du 1er avril 1992 dans la mesure notamment où ces dispositions permettent au producteur de ne pas recourir au système agréé de la société Eco-Emballages s'il pourvoit lui-même à l'élimination des déchets résultant de l'abandon des emballages qu'il utilise ?
2°) L'article 10 de la directive 83-189-CEE, tant dans sa rédaction antérieure que dans sa rédaction postérieure à la directive modificative 94-10-CE, du 23 mars 1994, et l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442-CEE, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, dans sa rédaction résultant de la directive modificative 91-156-CEE, du 18 mars 1991, doivent-ils être interprétés en ce sens que le gouvernement français était tenu de notifier à la Commission les dispositions du décret du 1er avril 1992 et, dans l'affirmative, que le défaut de notification peut être invoqué par un particulier pour voir déclarer ces dispositions inopposables?
3°) L'article 28 (ex-article 30) du traité instituant la Communauté européenne doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle prévue par le décret du 1er avril 1992 obligeant l'importateur de produits en provenance d'autres Etats membres et destinés à la consommation des ménages à recourir à des emballages respectant certaines prescriptions techniques et à apposer sur ces emballages un 'logo' certifiant l'adhésion à un système agréé de récupération des déchets d'emballages, dans la mesure où cette réglementation, indistinctement applicable, ne serait pas proportionnée à l'exigence impérative tenant à la protection de l'environnement ?"
Observations liminaires
19. A titre liminaire, il convient de relever, en premier lieu, que, par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi sollicite l'interprétation de la directive 83-189 dans sa rédaction applicable tant antérieurement que postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive 94-10-CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 mars 1994, portant deuxième modification substantielle de la directive 83-189 (JO L. 100, p. 30).
20. A cet égard, il y a lieu de constater, d'une part, que, à supposer que les dispositions concernées du décret n° 92-377 constituent des règles techniques, il aurait fallu procéder à leur notification sous forme de projet en vertu de la directive 83-189, dans sa version résultant de la directive 88-182, et, d'autre part, que les modifications apportées par la directive 94-10 aux dispositions pertinentes en l'espèce sont de nature substantielle et ne se limitent donc pas à clarifier les notions figurant dans la directive 83-189 (voir notamment, en ce sens, arrêts du 3 juin 1999, Colim, C-33-97, Rec. p. I-3175, points 25 et 26, et du 12 octobre 2000, Snellers, C-314-98, Rec. p. I-8633, points 31 à 33).
21. Dans ces conditions, ainsi que le relève M. l'avocat général aux points 30 et 31 de ses conclusions, lesdites questions doivent être examinées au regard de la directive 83.189, dans sa version modifiée par la directive 88-182, mais sans prendre en compte la directive 94-10.
22. En second lieu, en ce qui concerne les première et deuxième questions, il convient de préciser que, ainsi qu'il ressort des motifs de l'arrêt de renvoi, les dispositions du décret n° 92-377 dont la juridiction de renvoi se demande si la directive 83-189 s'applique à elles sont l'article 4, second alinéa - en tant qu'il comporte une obligation pour le producteur d'identifier les emballages qu'il fait prendre en charge par un organisme ou une entreprise agréé en vue de leur élimination - et l'article 6, quatrième alinéa - en tant qu'il comporte une obligation pour ledit organisme ou ladite entreprise agréé d'assurer que les emballages usagés satisfont à des prescriptions techniques.
Sur la première question
23. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si des dispositions nationales telles que les articles 4, second alinéa, et 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377 constituent une règle technique au sens de la directive 83-189, dans la mesure notamment où ces dispositions permettent aux producteurs de ne pas recourir à un système agréé d'élimination de leurs emballages usagés, tel celui mis en place par Eco- Emballages, s'ils pourvoient eux-mêmes à l'élimination des déchets résultant de l'abandon des emballages qu'ils utilisent.
24. Quant à la question spécifique posée par la juridiction de renvoi de savoir si la circonstance que les producteurs ne sont pas tenus de se conformer aux obligations que comportent de telles dispositions nationales, s'ils décident de pourvoir eux-mêmes à l'élimination de leurs déchets, est de nature à mettre en cause le caractère obligatoire, au sens de l'article 1er, point 5, de la directive 83-189, desdites dispositions, cette question doit recevoir une réponse négative.
25. En effet, ainsi que l'a relevé la Commission, le seul choix qui est laissé aux producteurs par le décret n° 92-377, notamment par son article 4, premier alinéa, est celui de faire prendre en charge leurs déchets d'emballages en vue de leur élimination par des organismes ou des entreprises agréés ou de pourvoir eux-mêmes à leur élimination. Toutefois, si le producteur opte, comme dans l'affaire au principal, pour le régime de la prise en charge par un organisme ou une entreprise agréé, une série de dispositions, dont les articles 4, second alinéa, et 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377, deviennent obligatoirement applicables. Dès lors, ces dispositions ont un caractère obligatoire au sens de l'article 1er, point 5, de la directive 83-189.
26. Il y a lieu d'examiner ensuite si des dispositions nationales telles que celles en cause au principal peuvent être qualifiées de spécifications techniques au sens de l'article 1er, point 1, de la directive 83-189.
27. En ce qui concerne, d'une part, l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, Sapod fait valoir que cette disposition doit être qualifiée de spécification technique puisqu'elle comporte une obligation de faire figurer des symboles sur l'emballage des produits. Eco-Emballages soutient en revanche que ladite disposition ne constitue pas une spécification technique puisqu'elle n'impose pas une obligation de marquage ou d'étiquetage. La Commission partage cette conclusion et relève, à cet égard, qu'il n'apparaît pas que le décret n° 92-377 impose un symbole, un marquage ou un étiquetage spécifique. Le gouvernement français fait également valoir que la disposition en cause ne peut être qualifiée de spécification technique puisqu'elle fait partie d'un ensemble de modalités relatives à une prestation de services et non à un produit en tant que tel.
28. A cet égard, il convient de constater que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, eu égard à son libellé et à son contexte, ainsi qu'aux éléments du dossier fournis à la Cour, ne semble pas imposer par lui-même, aux fins de l'identification des emballages qu'il prévoit, l'apposition d'un signe sur le produit ou son emballage.
29. Cette analyse paraît être confirmée par l'article 5 du décret n° 92-377 dans la mesure où cette disposition prévoit que la nature de l'identification est précisée dans les contrats entre les organismes ou les entreprises agréés et les producteurs. Il ressort en effet du dossier, et notamment des réponses à une question écrite posée par la Cour, que ce n'est que dans ces contrats, tel celui passé entre Sapod et Eco-Emballages, que l'obligation générale d'identification, édictée à l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, a été concrétisée en une obligation particulière de marquage, moyennant l'apposition du logo Point vert, le cahier des charges sur le fondement duquel Eco-Emballages a été agréée étant muet sur ce point.
30. Ainsi, l'obligation d'identification des emballages prévue à l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans la mesure où elle ne semble pas entraîner une obligation de marquage ou d'étiquetage de ces emballages, ne paraît pas nécessairement se référer au produit ou à son emballage en tant que tels. Interprétée de la sorte, cette disposition ne fixe dès lors pas les caractéristiques requises d'un produit au sens de l'article 1er, point 1, de la directive 83-189 et, partant, ne saurait être qualifiée de spécification technique (voir, notamment, arrêt du 8 mars 2001, Van der Burg, C-278-99, Rec. p. I-2015, point 20).
31. Toutefois, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la répartition des compétences prévues à l'article 234 CE, c'est à la juridiction de renvoi qu'il incombe d'interpréter le droit national, en l'occurrence l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377.
32. Il convient dès lors d'envisager également l'hypothèse où, eu égard à l'ensemble des éléments de fait et de droit dont elle a connaissance, la juridiction de renvoi arriverait à la conclusion que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 doit être interprété en ce sens qu'il impose aux producteurs une obligation de marquage ou d'étiquetage, bien qu'il ne précise pas quel signe doit être apposé.
33. Dans cette hypothèse, force serait de constater qu'il s'agit effectivement d'une spécification technique au sens de la directive 83-189 et donc, l'obligation étant imposée par décret pour la commercialisation de produits dans des emballages sur tout le territoire national, d'une règle technique.
34. En effet, bien que les modalités du marquage ou de l'étiquetage restent à préciser, le marquage ou l'étiquetage serait en soi alors obligatoire, y compris pour les produits importés (voir, notamment, arrêt du 20 mars 1997, Bic Benelux, C-13-96, Rec. p. I-1753, point 23). De plus, eu égard à l'objectif de la directive 83-189, à savoir la protection de la libre circulation des marchandises par un contrôle préventif (voir, notamment, arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C-194-94, Rec. p. I-2201, points 40 et 48), un tel contrôle conformément à la procédure prévue par ladite directive serait indiqué et possible.
35. D'autre part, quant à la question de savoir si l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92- 377 peut être qualifié de spécification technique au sens de l'article 1er, point 1, de la directive 83-189, il convient de constater, comme le fait M. l'avocat général aux points 56 et 57 de ses conclusions, qu'il découle du libellé de cette disposition ainsi que des autres éléments du dossier soumis à la Cour, notamment des réponses à une question écrite posée par la Cour, que c'est sur les organismes ou entreprises chargés de la collecte des déchets d'emballages que cette disposition fait peser une obligation et qu'elle est consacrée aux prescriptions techniques minimales auxquelles doivent répondre les déchets d'emballages pour qu'ils puissent être admis dans les filières de traitement.
36. Force est de constater que le dossier soumis à la Cour ne contient pas d'indications que l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377 serait susceptible d'être interprété comme comportant, pour les producteurs et les importateurs dont les produits sont commercialisés dans des emballages, une obligation de veiller à ce que ces emballages répondent à certaines prescriptions techniques.
37. Il s'ensuit que ladite disposition est une règle autre que celles qui, dans un litige tel que celui au principal, sont susceptibles d'être appliquées aux producteurs dont les produits sont commercialisés dans des emballages (voir, notamment, arrêt du 16 juin 1998, Lemmens, C- 226-97, Rec. p. I-3711, point 34).
38. En conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner si l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377 peut, dans un litige tel que celui au principal, être qualifié de spécification technique au sens de la directive 83-189.
39. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question qu'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 ne pourrait constituer une règle technique au sens de la directive 83-189 qu'au cas où le juge national déciderait qu'elle doit être interprétée comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage.
Sur la deuxième question
40. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi sollicite à la fois l'interprétation de la directive 83-189 et celle de la directive 75-442. Il convient d'examiner successivement ces deux directives.
Concernant la directive 83-189
41. A titre liminaire, il convient de relever que, eu égard à la réponse apportée à la première question, la deuxième question, en tant qu'elle a trait à la directive 83-189, ne concerne que l'hypothèse où la juridiction de renvoi interpréterait l'article 4, second alinéa, du décret n° 92- 377 en ce sens qu'il comporte une obligation de marquage ou d'étiquetage, de sorte que, ainsi qu'il est relevé au point 33 du présent arrêt, ladite disposition devrait être qualifiée de règle technique au sens de la directive 83-189.
Sur l'exonération de la notification des règles techniques à la Commission
42. En premier lieu, dans l'hypothèse où une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 devrait être qualifiée de règle technique au sens de la directive 83-189, la juridiction de renvoi demande en substance si, en vertu de l'article 10 de la même directive, une telle disposition n'est pas néanmoins exemptée de la notification à la Commission prévue à l'article 8 de ladite directive au motif que, en l'adoptant, l'Etat membre concerné s'est acquitté d'une obligation découlant de directives ou de règlements communautaires, notamment de la directive 75-442.
43. Selon Eco-Emballages et les Gouvernements français et néerlandais, le décret n° 92-377 aurait été pris afin de transposer la directive 75-442 ou de l'appliquer, ou pour satisfaire aux objectifs de cette directive, et bénéficierait donc de l'exemption de notification prévue à l'article 10 de la directive 83-189.
44. Ce point de vue ne saurait être retenu. Comme l'a relevé la Commission, cette question doit recevoir une réponse négative dès lors que, bien que le décret n° 92-377 vise dans son préambule la directive 75-442, celle-ci ne définit qu'un cadre général, laissant une marge de manœuvre importante aux Etats membres (voir notamment, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Unilever, C-443-98, Rec. p. I-7535, point 29). Il convient en effet de constater que cette directive ne contient pas de dispositions comportant des obligations spécifiques pour les Etats membres dont l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 serait la transposition.
45. Il convient d'ajouter que, comme, à l'époque de l'adoption du décret n° 92-377, la directive 94-62-CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d'emballages (JO L. 365, p. 10), n'avait pas encore été adoptée, elle ne saurait être prise en compte dans l'examen de l'applicabilité en l'espèce de l'article 10 de la directive 83-189.
46. Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la deuxième question, en tant qu'elle concerne la directive 83-189, que l'article 10 de cette directive doit être interprété en ce sens que, à supposer qu'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 doive être comprise comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage, cette disposition n'est pas exemptée de la notification imposée par l'article 8 de la directive 83-189.
Sur l'opposabilité des règles techniques non notifiées à la Commission
47. En second lieu, dans l'hypothèse où une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 devrait être qualifiée de règle technique qui, contrairement à ce qu'impose la directive 83-189, n'a pas été notifiée et eu égard à la circonstance que, dans cette hypothèse, cette disposition ne serait pas exemptée de notification en vertu de l'article 10 de la même directive, ainsi qu'il a été relevé au point 46 du présent arrêt, la juridiction de renvoi demande si le défaut de notification prévue par ladite directive peut être invoqué par un particulier dans un litige tel que celui au principal pour voir déclarer cette disposition inopposable.
48. Selon Sapod, il résulte notamment de l'arrêt CIA Security International, précité, qu'il incombe au juge national de refuser d'appliquer une règle technique qui n'a pas été notifiée conformément à la directive 83-189. La Commission soutient que cette question est sans objet dès lors qu'il doit être répondu à la première question que la réglementation nationale en cause au principal ne peut être qualifiée de règle technique.
49. A cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, conformément à une jurisprudence constante, la directive 83-189 doit être interprétée en ce sens que la méconnaissance de l'obligation de notification prévue à son article 8 constitue un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l'inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu'elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers (voir, notamment, arrêts précités CIA Security International, points 48 et 54, et Lemmens, point 33).
50. En second lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l'inapplicabilité d'une règle technique qui n'a pas été notifiée conformément à l'article 8 de la directive 83-189 peut être invoquée dans un litige opposant des particuliers au sujet, notamment, de droits et d'obligations d'ordre contractuel (voir, notamment, arrêt Unilever, précité, point 49).
51. Il s'ensuit que, au cas où la juridiction de renvoi interpréterait l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 en ce sens qu'il comporte une obligation de marquage ou d'étiquetage et, partant, qu'il constitue une règle technique au sens de la directive 83-189, il lui incomberait de refuser d'appliquer cette disposition dans le litige au principal.
52. Il y a toutefois lieu de relever que la question de savoir quelles conclusions doivent être tirées dans l'affaire au principal de l'inapplicabilité de l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, quant à l'étendue de la sanction prévue à cet effet par le droit national applicable, telle la nullité ou l'inopposabilité du contrat conclu entre Sapod et Eco-Emballages, est régie par le droit national, notamment pour ce qui concerne les règles et principes du droit des contrats limitant ou modulant une telle sanction afin de rendre son étendue proportionnée aux particularités du vice constaté. Toutefois, lesdits règles et principes ne peuvent être moins favorables que ceux concernant des réclamations semblables de nature interne (principe d'équivalence) et ne peuvent être aménagés de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33-76, Rec. p. 1989, point 5, et du 22 février 2001, Camarotto et Vignone, C-52-99 et C-53-99, Rec. p. I-1395, point 21).
53. Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question, en tant qu'elle concerne la directive 83-189, qu'un particulier peut invoquer le défaut de notification conformément à l'article 8 de ladite directive d'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans l'hypothèse où cette dernière disposition devrait être interprétée comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage. Il incombe alors au juge national de refuser d'appliquer cette disposition, étant précisé que la question de savoir quelles conclusions doivent être tirées de l'inapplicabilité de ladite disposition nationale quant à l'étendue de la sanction prévue par le droit national applicable, telle la nullité ou l'inopposabilité d'un contrat, est régie par le droit national. Cette conclusion est toutefois soumise à la condition que les règles de droit national applicables ne soient pas moins favorables que celles applicables à des réclamations semblables de nature interne et ne soient pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire.
Concernant la directive 75-442
Sur l'obligation d'informer la Commission des mesures envisagées
54. En premier lieu, dans l'hypothèse où la directive 83-189 ne s'appliquerait pas aux dispositions nationales en cause au principal, la juridiction de renvoi demande si l'Etat membre concerné doit informer la Commission de l'adoption de ces dispositions en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442.
55. Sapod et la Commission font valoir que les autorités françaises étaient tenues d'informer la Commission du projet de telles dispositions nationales.
56. À cet égard, force est de constater qu'il ressort clairement tant de la nature des règles édictées par le décret n° 92-377 que de son préambule que les autorités françaises devaient informer la Commission du projet des dispositions nationales en cause au cas où la directive 83-189 ne serait pas applicable.
57. Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première partie de la deuxième question, en tant qu'elle concerne la directive 75-442, que, dans l'hypothèse où la directive 83-189 ne s'appliquerait pas aux dispositions du décret n° 92-377, l'Etat membre concerné devait, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442, informer la Commission du projet de telles dispositions nationales.
Sur l'opposabilité des mesures adoptées sans avoir informé la Commission
58. En second lieu, dans l'hypothèse où c'est en violation de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442 qu'un Etat membre n'aurait pas informé la Commission qu'il envisageait de prendre des dispositions nationales telles que celles en cause au principal, la juridiction de renvoi demande si ce défaut d'information peut être invoqué par un particulier pour voir déclarer ces dispositions inopposables.
59. Selon Sapod, Eco-Emballages, le gouvernement néerlandais et la Commission, il convient de répondre à cette question par la négative en application de la jurisprudence de la Cour, notamment de l'arrêt du 13 juillet 1989, Enichem Base e.a. (380-87, Rec. p. 2491).
60. À cet égard, il convient de constater que, notamment aux points 20 à 23 de l'arrêt Enichem Base e.a., précité, la Cour a constaté que ni le libellé ni le but de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442, dans sa version initiale, ne permettent de considérer que le non-respect de l'obligation de communication préalable incombant aux Etats membres en vertu de cette disposition entraîne à lui seul l'illégalité des réglementations nationales ainsi adoptées dans la mesure où ladite disposition se borne à imposer aux Etats membres une obligation de communication des projets de réglementation qu'elle vise sans fixer de procédure de contrôle communautaire de ces projets et sans subordonner la mise en vigueur des réglementations envisagées à l'accord ou à la non-opposition de la Commission (voir, également, arrêt CIA Security International, précité, point 49).
61. Au vu de ces considérations, la Cour a conclu, au point 24 de l'arrêt Enichem Base e.a., précité, que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442, dans sa version initiale, doit être interprété en ce sens qu'il ne confère aux particuliers aucun droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin d'obtenir l'annulation ou l'inapplication d'une réglementation nationale relevant du domaine d'application de cette disposition, au motif que cette réglementation aurait été adoptée sans avoir été communiquée au préalable à la Commission.
62. S'il est vrai que, depuis le prononcé de l'arrêt Enichem Base e.a., précité, l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442 a été modifié par la directive 91-156 et que désormais, aux termes de cette disposition, après communication à la Commission des mesures que l'Etat membre envisage de prendre, celle-ci en informe les autres Etats membres et le comité visé à l'article 18 de la directive 75-442, force est de constater que ladite modification n'affecte nullement la substance du raisonnement suivi par cet arrêt, rappelé au point 60 du présent arrêt, ni, dès lors, les conclusions auxquelles la Cour est arrivée dans l'arrêt Enichem Base e.a., précité, reproduites au point précédent du présent arrêt.
63 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question, en tant qu'elle concerne la directive 75-442, que l'article 3, paragraphe 2, de cette directive doit être interprété en ce sens qu'il ne confère aux particuliers aucun droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin d'obtenir l'annulation ou l'inapplication d'une réglementation nationale relevant du domaine d'application de cette disposition, au motif que cette réglementation aurait été adoptée sans avoir été communiquée au préalable à la Commission.
Sur la troisième question
64. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 30 du traité s'oppose à des dispositions nationales telles que l'article 4, second alinéa, et l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377, dans la mesure où ces dispositions, indistinctement applicables, ne seraient pas proportionnées à l'exigence impérative tenant à la protection de l'environnement.
65. Selon Sapod, l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 doit être qualifié d'entrave interdite par l'article 30 du traité. À cet égard, Sapod fait valoir, en substance, qu'Eco- Emballages bénéficie d'un monopole absolu dans le domaine de l'élimination des emballages plastiques, qu'un producteur étranger qui veut vendre en France ses produits commercialisés dans des emballages est obligé de fabriquer ou d'acheter des emballages d'un type agréé par Eco-Emballages et comportant le signe distinctif de cette société, à savoir le logo Point vert, ce qui entraîne pour lui des frais supplémentaires importants et rend difficile l'importation de ses produits en France, et, finalement, que ce régime n'est ni souple ni efficace.
66. Se fondant, notamment, sur les arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit "Cassis de Dijon" (120-78, Rec. p. 649); du 20 septembre 1988, Commission/Danemark (302-86, Rec. p. 4607), et du 14 juillet 1998, Aher-Waggon (C-389-96, Rec. p. I-4473), Eco-Emballages ainsi que les gouvernements allemand et néerlandais soutiennent que, si la réglementation nationale en cause au principal relève de l'article 30 du traité, elle est justifiée au titre des exigences impératives relatives à la protection de l'environnement.
67. Le gouvernement français et la Commission considèrent que la réglementation nationale en cause au principal ne relève pas de l'article 30 du traité.
68. A cet égard, il convient de constater, à titre liminaire, d'une part, que, eu égard aux réponses apportées aux première et deuxième questions, il n'est pas nécessaire de répondre à la troisième question, en tant qu'elle concerne l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi interpréterait cette disposition comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage. En effet, dans cette hypothèse, ladite disposition ne serait pas opposable aux particuliers, ainsi qu'il a été constaté aux points 49 à 51 du présent arrêt.
69. D'autre part, si, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, aux regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour, la Cour a également indiqué que, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d'examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n'est possible que lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation du droit communautaire sollicitée n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 2000, Idéal tourisme, C-36-99, Rec. p. I- 6049, point 20 ; du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379-98, Rec. p. I-2099, point 39 ; du 17 mai 2001, TNT Traco, C-340-99, Rec. p. I-4109, point 31, et du 6 décembre 2001, Clean Car Autoservice, C-472-99, non encore publié au Recueil, point 14).
70. Ainsi qu'il a déjà été relevé au point 36 du présent arrêt, aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet d'affirmer que l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92-377 comporte une obligation pour les producteurs de produits commercialisés dans des emballages et destinés à la consommation des ménages ou pour les importateurs de tels produits en provenance d'autres Etats membres de recourir à des emballages respectant certaines prescriptions techniques. Dans la mesure où la troisième question porte sur la compatibilité d'une telle obligation avec l'article 30 du traité, force est de constater que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à cette question, en tant qu'elle concerne l'article 6, quatrième alinéa, du décret n° 92- 377.
71. Dès lors, il y a lieu de répondre à la troisième question uniquement en tant qu'elle vise à savoir si l'article 30 du traité s'oppose à une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 et seulement dans l'hypothèse où cette disposition devrait être interprétée comme ne comportant pas une obligation de marquage ou d'étiquetage mais comme se limitant à imposer une obligation générale d'identifier les emballages pris en charge par une entreprise agréée aux fins de leur élimination.
72. A cet égard, il convient de constater que, à supposer qu'une telle interprétation de ladite disposition nationale doive être retenue, l'obligation qu'elle comporte ne se réfère pas comme telle au produit ou à son emballage et, dès lors, ne concerne pas en soi une règle relative aux conditions auxquelles doivent répondre des marchandises, telles que celles qui concernent notamment leur étiquetage ou leur conditionnement (voir, notamment, arrêt du 5 avril 2001, Bellamy et English Shop Wholesale, C-123-00, Rec. p. I-2795, point 18).
73. En revanche, dans une telle hypothèse, l'obligation générale d'identifier les emballages au sens de ladite disposition nationale est susceptible d'être qualifiée de modalité de vente. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions définies à ce titre par la jurisprudence de la Cour sont réunies pour exclure une telle obligation du champ d'application de l'article 30 du traité, à savoir que la disposition en cause s'applique à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et qu'elle affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres Etats membres (voir, notamment, arrêts du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, C-267-91 et C-268-91, Rec. p. I-6097, point 16, et du 13 janvier 2000, TK-Heimdienst, C-254-98, Rec. p. I-151, point 23).
74. Il y a lieu, enfin, de constater que, si la nature de l'obligation générale d'identifier les emballages prévue à l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 a été concrétisée en une obligation de marquage à la charge de Sapod, consistant dans l'apposition du logo Point vert, cette dernière obligation résulte d'un contrat privé passé entre les parties au principal. Une telle disposition contractuelle ne peut pas être qualifiée d'entrave au sens de l'article 30 du traité puisqu'elle n'est pas édictée par un Etat membre mais convenue entre particuliers (voir notamment, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5, et Colim, précité, point 36).
75. Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question qu'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi l'interpréterait comme ne comportant pas une obligation de marquage ou d'étiquetage mais comme se limitant à imposer une obligation générale d'identifier les emballages pris en charge par une entreprise agréée aux fins de leur élimination, est susceptible d'être qualifiée de modalité de vente. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions définies à ce titre par la jurisprudence de la Cour sont réunies pour exclure une telle obligation du champ d'application de l'article 30 du traité, à savoir que la disposition en cause s'applique à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et qu'elle affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres Etats membres.
es
Sur les dépens
76. Les frais exposés par les gouvernements français, allemand et néerlandais ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par la Cour de cassation, par arrêt du 18 avril 2000, dit pour droit:
1°) Une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, du 1er avril 1992, portant application pour les déchets résultant de l'abandon des emballages de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, ne pourrait constituer une règle technique au sens de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988, qu'au cas où le juge national déciderait qu'elle doit être interprétée comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage.
2°) L'article 10 de la directive 83-189, telle que modifiée par la directive 88-182, doit être interprété en ce sens que, à supposer qu'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377 doive être comprise comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage, cette disposition n'est pas exemptée de la notification imposée par l'article 8 de la directive 83-189.
3°) Un particulier peut invoquer le défaut de notification conformément à l'article 8 de la directive 83-189 d'une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans l'hypothèse où cette dernière disposition devrait être interprétée comme comportant une obligation de marquage ou d'étiquetage. Il incombe alors au juge national de refuser d'appliquer cette disposition, étant précisé que la question de savoir quelles conclusions doivent être tirées de l'inapplicabilité de ladite disposition nationale quant à l'étendue de la sanction prévue par le droit national applicable, telle la nullité ou l'inopposabilité d'un contrat, est régie par le droit national. Cette conclusion est toutefois soumise à la condition que les règles de droit national applicables ne soient pas moins favorables que celles applicables à des réclamations semblables de nature interne et ne soient pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire.
4°) Dans l'hypothèse où la directive 83-189 ne s'appliquerait pas aux dispositions du décret n° 92-377, l'Etat membre concerné devait, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442-CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91-156-CEE du Conseil, du 18 mars 1991, informer la Commission du projet de telles dispositions nationales.
5°) L'article 3, paragraphe 2, de la directive 75-442 doit être interprété en ce sens qu'il ne confère aux particuliers aucun droit qu'ils pourraient faire valoir devant les juridictions nationales, afin d'obtenir l'annulation ou l'inapplication d'une réglementation nationale relevant du domaine d'application de cette disposition, au motif que cette réglementation aurait été adoptée sans avoir été communiquée au préalable à la Commission.
6°) Une disposition nationale telle que l'article 4, second alinéa, du décret n° 92-377, dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi l'interpréterait comme ne comportant pas une obligation de marquage ou d'étiquetage mais comme se limitant à imposer une obligation générale d'identifier les emballages pris en charge par une entreprise agréée aux fins de leur élimination, est susceptible d'être qualifiée de modalité de vente. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions définies à ce titre par la jurisprudence de la Cour sont réunies pour exclure une telle obligation du champ d'application de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE), à savoir que la disposition en cause s'applique à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et qu'elle affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres Etats membres.